PRÉSENTATION DES DERNIERS RÉSULTATS SCIENTIFIQUES SUR LES RESSOURCES MINÉRALES OCÉANIQUES
Communiqué de presse SEA/1751 |
SEA/1751
8 août 2002
PRÉSENTATION DES DERNIERS RÉSULTATS SCIENTIFIQUES SUR
LES RESSOURCES MINÉRALES OCÉANIQUES
KINGSTON, 7 août, L’Autorité Internationale des Fonds Marins -- Un séminaire organisé aujourd’hui à Kingston par l’Autorité internationale des fonds marins a été consacrée prioritairement à des présentations, faites par d'éminents spécialistes en la matière, sur les sulfures polymétalliques et les encroûtements cobaltifères, ressources minérales récemment découvertes sur les fonds océaniques.
Organisée à l'intention des délégations qui participent à la présente session de l'Autorité, ces présentations avaient pour objectif de leur fournir des informations techniques, comme étape préalable aux travaux du Conseil de l’Autorité la semaine prochaine.
Au cours de la journée, à tour de rôle, trois géologues et un biologiste ont pris la parole. Les géologues ont fait état des riches concentrations de dépôts, notamment de cobalt et autres ressources minérales rares. Ils ont expliqué que l'exploration minière est susceptible d'être entrepris tout d'abord dans les eaux moins profondes à l'intérieur des zones économiques des États côtiers. Le biologiste, pour sa part, a souligné la présence de la faune exotique vivant dans les eaux thermales riches en sulfures, source potentielle de nouvelles applications médicales et industrielles.
Un autre orateur a rendu compte de l'Atelier organisé par l'Autorité la semaine dernière à Kingston lors duquel ont été proposé des recherche sur l'impact des activités minières sur l'environnement marin.
Présentations sur les ressources minérales nouvellement reconnues
M. Peter A. Rona, professeur de sciences géologiques, côtières et marines à l’Institut des sciences marines et côtières, Université Rutgers, New Jersey, a signalé que des concentrations d’or, d’argent, de cuivre, de zinc et de plomb se trouvaient dans d’énormes monts marins de dépôts de sulfures polymétalliques. La plupart de ces sites se trouvent sur les rides Est-Pacifique, Sud-Est Pacifique et Nord-Est Pacifique à des profondeurs allant jusqu’à 3 700 mètres. Au moins 50 sites actifs contenant dépôts riches en cobalt étaient connus dans des zones correspondant à 5 pour cent des fonds marins.
Selon ce scientifique, des sulfures polymétalliques sur le fonds marins ont attiré récemment l’attention de l’industrie minière à cause des concentrations élevées de minéraux et de métaux précieux. Les dépôts massifs de sulfures polymétalliques allant jusqu’à 100 millions de tonnes étaient présents dans diverses configurations tectoniques du plancher marin, y compris les dorsales médio-océaniqes, les zones d’affaissement au niveau de l’arc interne et les monts marins.
M. Rona a noté que l’exploitation marine des dépôts de sulfures semblaient faisable au cours de cette décennie pour les raisons suivantes : 1) ils contiennent des niveaux élevés de métaux noble et d’or ; 2) les sites se trouvaient souvent à l’intérieur des eaux territoriales d’un État côtier ; et 3) les sites se trouvaient souvent dans des eaux peu profondes, bien que la technologie permette l’exploitation dans des eaux plus profondes.
Selon M. Rona, le Gouvernement de la Papouasie Nouvelle Guinée avait octroyé, en 1997, les deux premiers permis pour l’exploitation basée en Australie. Ces permis visaient une zone d’environ 5 000 mètres du Bassin Manus et comprenaient les Bois de Vienne (Bassin Manus Central) et le site PACMANUS (Bassin Manus de l’Est) sur la côte ouest de Nouvelle Irlande.
Pour ce qui est des encroûtements ferromanganèsifères riches en cobalt, il a expliqué que ceux-ci étaient formés sur le plancher marin sur les côtés des monts sous-marins, les dorsales et les plateaux, où les courants ont empêché la sédimentation des roches depuis des millions d’années. Présents à des profondeurs pouvant atteindre 3 000 mètres, les encroûtements potentiels constituaient d’importantes sources non seulement de cobalt, mais aussi de titane, de cerium, de nickel, de platine et d’autres métaux.
M. Peter M. Herzig, Directeur du Département de géologie économique et du Laboratoire de géologie marine appliquée à l’Institut minéralogique de l’Université technique Bergakademie Frieburg en Allemagne, a fait une présentation sur la nature et le potentiel en ressources des dépôts massifs de sulfures polymétalliques sur le plancher marin. Il a indiqué qu’en 1970, des concentrations élevées de métaux de base et de métaux précieux avaient été découvertes dans les dépôts se trouvant au large de la côte de Californie. Cette découverte avait éveillé l’intérêt de l’industrie minière internationale. Depuis lors, quelque 200 sites avaient été découverts dans les océans du monde – notamment sur la côte ouest de l’Amérique du Nord – partout dans l’Océan Pacifique ; plusieurs sites ont également été découverte dans le milieu de l’Atlantique et trois dans l’Océan Indien.
Il a expliqué que les dépôts de sulfures se trouvaient dans deux types de dorsales situés sur des centres d’expansion de l’arc interne sur le plafond marin, à l’endroit où les plaques tectoniques se séparent, permettant du magma chaud situé sous les encroûtements de monter en surface. Des dépôts dans les dorsales de l’arc interne de l’ouest et du Sud-ouest Pacifique diffèrent dans leur composition chimique et minéralogique de ceux des dorsales mi-océaniques autour du globe. Les premiers échantillons prélevés dans les dorsales de l’arc interne s’avéraient contenir des quantités importantes d’or - jusqu’à 30 parties par million (ppm) – plusieurs dorsales de l’arc interne ayant des dépôts de plus de 2 000 ppm d’argent.
Il a informé les participants d’une croisière de recherche au Conical Seamount prévu pour septembre 2002. Cette zone, située dans les eaux territoriales de la Papouasie-Nouvelle-Guinée, détenait le record pour la plus grande concentration d’or jamais trouvée dans un gisement de sulfure, soit 230 ppm. Le Conical Seamount présentait un caractère unique par le fait qu’il n’était pas formé exclusivement par le mélange d’eau de mer thermale et d’eau de mer ambiante, mais plutôt par la réponse à l’entrée directe de fluide magmatique, ayant une grande concentration de métaux. Des avantages de ce site comprennent la présence de gisements d’or importants, un accès direct à l’usine de traitement, ses eaux peu profondes et sa faible teneur en sédiments, ce qui diminuerait les impacts écologiques lors du processus d’extraction.
M. Herzig a précisé les avantages de l’extraction des sulfures sur le plancher marin comme étant le fait que le système entier d’extraction était portable ; aucune infrastructure n’était nécessaire, aucune mine à creuser et les problèmes de drainage des mines d’acide ou d’évacuation des déchets ne se posaient pas. Néanmoins, des informations sur ces dépôts étant limitées, des creusements constants étaient nécessaires afin de déterminer le potentiel des ressources ainsi que leur faisabilité économique.
Lors de son intervention, M. James R. Hein, géologue principal du Geological Survey des États-Unis et Président de la International Marine Minerals Society, a souligné le double intérêt que revêtent les encroûtements cobaltifères: intérêt du point de vue de la recherche et intérêt économique. Comparant les cheminées des évents hydrothemaux et les encroûtements, il a expliqué que si les premières sont capables de se reconstituer en quelques semaines, il en est tout autrement pour les deuxièmes qui, eux nécessitent 10 mille ans pour se reconstituer. L'étude de tels phénomènes se révèlent donc indispensable pour comprendre l'histoire des océans.
D'entrée de jeu M. Hein a souligné que comprendre l'origine et la répartition de ces ressources minérales implique nécessairement l'intégration de toutes les sciences: biologiques, géologiques, environnementales et géochimiques. Il a expliqué que c'est depuis 1978, suite à des évènements au Zaïre avec la montée des prix du cobalt utilisé dans la fabrication de l'acier qu'on a vu un intérêt accru pour cette ressource minérale. Les encroûtements se trouvent sur des substrats rocheux divers et c'est la région du Pacifique central qui en recèle la plus forte concentration.
Commentant la répartition générale de ces ressources, M. Hein a expliqué que le cobalt se trouve a des profondeurs de 800 à 2200 m et que les encroûtements s'étendent sur 6,35 millions de km2 , soit 1,7 pour cent des fonds océaniques, ce qui correspond à une masse totale de 1 milliard de tonnes. Il a évalué à 50 le nombre de croisières de recherche menées jusqu'à ce jour.
En terminant, M. Hein a précisé que les communautés biologiques sont de nature complexe et qu’elles peuvent varier d'un mont à l'autre. Quant aux stratégies d'exploration, il a souligné le besoin de recourir à des critères régionaux et qu'il serait préférable de commencer par des édifices volcaniques moins profonds que 1 500 mètres et plus vieux que 20 millions d'années et qui ne sont pas couronnés par des atolls ou des récifs de grandes dimensions.
Biologie des sites d'éventsM. S. Kim Juniper, professeur du Département des sciences biologiques de l'Université du Québec à Montréal et chercheur au Centre de recherche en Géochimie et en Géodynamique (GEOTOP), a abordé les effets potentiels des activités minières sur les écosystèmes – communauté biologique des fonds marins qui dépend des eaux riches en sulfures d'hydrogène. Certains organismes risquent d'être tués par les engins d'extraction et les activités risquent de modifier de façon radicale l'habitat naturel des espèces vivant dans ces zones. Il a précisé que 500 espèces animales ont été identifiées dont 90 pour cent se trouvaient uniquement dans ces habitats. Parmi les éléments à considérer dans le choix des sites, il a signalé, entre autres, la portée géographique des espèces touchées et le caractère unique de la réserve génétique.
M. Juniper a insisté sur l’importance de veiller à la préservation des espèces. Seule la constitution de zones protégées pourrait contribuer à prévenir la disparition des espèces.
Recherche sur l’environnement marin
Dans un exposé visant à rendre compte des résultats de l’atelier technique organisé au siège de l’Autorité du 29 juillet au 2 août, M. Alex D. Rogers, principal chercheur en biodiversité au British Antarctic Survey au Royaume-Uni, a proposé quelques projets dans le domaine de la recherche sur l’environnement marin.
M. Rogers a signalé que le travail scientifique mené dans la zone de fracture de Clarion-Clipperton de l’océan du Sud-Pacifique – endroit où se trouve la plus grande concentration de gisements de nodules polymétalliques – jetait de la lumière sur l’impact de l’exploitation des fonds marins, quelles que soient les méthodes utilisées. Néanmoins, des informations plus spécifiques relatives à beaucoup d’aspects de l’environnement marin et à la faune se trouvant sur les fonds marins étaient toujours nécessaires. Il a identifié quatre principaux domaines – tous relatifs à l’impact éventuel de l’extraction minière sur les fonds marins – dans lesquels des recherches pourront être menées.
Le premier projet, qui devra débuter en février prochain, visera la recherche sur la biodiversité et les gammes d’espèces dans les zones riches en nodules, tenant compte toutefois que les connaissances sur les nodules étaient encore très limitées. Certaines scientifiques estiment qu’entre 1 million et 100 millions d’espèces, méconnues de la science, vivaient sur les fonds marins. En l’absence d’autres connaissances, a-t-il ajouté, il serait difficile de prédire lesquelles de ces espèces seraient touchées par l’exploitation. Il a décrit une approche pour l’identification des organismes par l’analyse moléculaire de l’acide désoxyribonucléique (ADN), matériau de base des gènes.
Il a en outre signalé des recherches futures entreprises sur le processus de recolonisation à la suite de perturbations causées par la collecte de nodules sur les fonds marins, ceci dans le but d’examiner la vitesse à laquelle les communautés d’animaux se reconstitueraient ainsi que les moyens et les modes de ce processus. M. Rogers a décrit un engin utilisé sur les fonds marins pour filmer les changements qui surviennent sur une durée assez longue.
Deux autres projets examineraient les effets des déchets causées par l’exploitation sur les communautés pélagiques (nageantes ou flottantes) au-dessus des sites miniers ainsi que la variabilité naturelle des écosystèmes des fonds de mer dans le temps et dans l’espace.
En conclusion, il a souligné l’importance de la collaboration internationale dans la recherche sur les océans.
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