TROIS EXPERTS PRESENTENT LES PERSPECTIVES CONCERNANT LES RESSOURCES MINERALES DANS LES FONDS MARINS PROFONDS
Communiqué de presse MER/1741 |
Convention des Nations Unies
sur le droit de la mer
68ème séance - matin
TROIS EXPERTS PRESENTENT LES PERSPECTIVES CONCERNANT LES RESSOURCES MINERALES DANS LES FONDS MARINS PROFONDS
Les perspectives concernant les ressources minérales dans les fonds marins profonds ont fait l'objet ce matin d'une réunion d'information animée par l'Autorité internationale des fonds marins dans le cadre de la douzième Réunion des États parties à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer. En effet, comme l'a souligné M. Satya N. Nandan, Secrétaire général de l'Autorité, cette série d'exposés, présentée par trois experts, avait pour objectif de fournir quelques informations aux délégations dans la perspective de l'adoption d'un code minier sur l'exploitation des croûtes cobaltifères et des sulfures polymétalliques comme cela a déjà été fait pour les nodules polymétalliques. Il a précisé qu'il s'agissait dans un premier temps de localiser ces minerais, d'identifier leur profondeur et de mettre au point des systèmes d'exploitation et d'extraction préservant notamment les écosystèmes des fonds marins.
Expliquant que les recherches avaient été limitées à ce jour à 5% de la surface des fonds marins, le premier expert, M. Peter Rona, de l'Université de Rutgers (Etats-Unis), a expliqué que l'érosion des continents entraînait une décomposition et une sédimentation qui s'accumule dans les fonds marins constituant des sulfures polymétalliques, c'est-à-dire contenant plusieurs minerais tels que du manganèse, du cuivre, du zinc, de l'argent et parfois de l'or. Il a également expliqué que ce processus était dû au fait que, avec le temps, des gisements ont constitué une chaîne volcanique submergée, la roche constituant une nouvelle croûte terrestre, qui s'ouvre et se referme sur les bassins océaniques et provoquent l'accumulation de nouvelles ressources minérales et organiques. M. Rona a donné l'exemple de la situation en mer Rouge où l'Afrique se détache de l'Arabie saoudite. Il a ajouté que cette fracture est à l’origine de la formation de gisements en ressources polymétalliques dans des régions où les eaux sont les plus chaudes, notamment vers La Mecque, formation qui se fait à des kilomètres de profondeur dans les océans. Ces gisements sont spectaculairement riches en sulfures, en cuivre et en argent a précisé M. Rona, rappelant que les premières explorations en mer Rouge ont été faites à l'aide d'un piston hydraulique en 1979.
Cette technologie a permis de faire des premiers tests et des prélèvements dans les fonds marins et d'évaluer leur teneur en différents métaux. Par la suite, a-t-il poursuivi, de nouvelles techniques basées sur la lumière et le son ont été utilisées pour explorer les fonds marins, et ces explorations ont été concentrées dans des régions d'eaux chaudes, au large des côtes africaines et dans la zone pacifique américaine. Il a été établi que les sources d'eau chaude libéraient des ressources minérales, notamment des sulfures polymétalliques riches en zinc, argent, cuivre, et parfois en or. Plus récemment, les chercheurs ont
utilisé des submersibles équipés d'instruments permettant de prélever des échantillons dans le fond des océans, à 4 000 mètres de profondeur. Suite à ces recherches, les scientifiques ont notamment conclu que le cobalt des fonds marins pourrait couvrir 25% des besoins mondiaux annuels mais que son extraction est très difficile a dit M. Rona. Par ailleurs, il faut également tenir compte des aspects juridiques, financiers et environnementaux de l'exploitation de ces ressources car ces fonds marins constituent des écosystèmes précieux.
Une cassette vidéo à l’appui, filmée à partir du "Nautile", un submersible français conçu pour aller à 6 000 mètres de profondeur, le second expert, M. Peter Herzig, de l'Université des mines et de la technologie de Freiberg (Allemagne), a fait une présentation sur les dépôts de sulfures polymétalliques dans les fonds marins. Il a rappelé notamment qu'en 1979, une fumée noire s'échappant de cheminées volcaniques sous-marines avait été découverte près de la côte du Mexique à 2 500 mètres de profondeur. Cette fumée noire résulte de réactions chimiques sous l'effet de la chaleur et contient par exemple du chlore mais aussi du sulfure de divers métaux, de plomb, de l'or et de l'argent. Il s'agit d'un système très actif, une sorte d'usine située au fond de la mer. L'emplacement de ces gisements est très dispersé a-t-il précisé et on en retrouve dans l'océan Atlantique, dans l'océan Indien, dans le Pacifique de même que dans la zone antarctique. Au milieu des océans, les gisements sont de nature différente de ceux qui se situent à proximité des continents, a déclaré M. Herzig, soulignant qu’on y trouve du cobalt alors que près des continents, il y a davantage de plomb et d'arsenic.
Ces gisements peuvent répondre à la moitié des besoins en zinc dans le monde a-t-il poursuivi et ils contiennent des éléments utilisés en technologies de pointe, notamment l'indium, dont on se sert en informatique et dont la demande est élevée, et dont 60% provient actuellement de deux gisements terrestres. Concernant les méthodes utilisées, il a précisé que plusieurs procédés avaient été mis au point après 1979, incluant notamment des navires de recherche équipés de systèmes permettant d'établir des relevés cartographiques des fonds marins. C'est un procédé très avancé a observé M. Herzig, avant de mentionner d’autres procédés, notamment des systèmes d'observation vidéo remorqués par un navire, des systèmes téléguidés pour prélever des échantillons et des véhicules télécommandés envoyés sur les fonds marins. 200 gisements de sulfure polymétalliques ont été ainsi découverts, dont 35 sont actuellement actifs. Leur composition chimique est riche en or et en argent, surtout pour les échantillons prélevés à la surface. Il a ajouté que dans les failles, il y avait des boues de sulfure, du zinc, du cuivre, de l'argent. Dans les surfaces exploitées à ce jour, on a relevé environ 50 000 kilos d'or. En mer Rouge et au large du Canada, le chercheur a fait état de zones très riches en métaux, notamment en cuivre. En Papouasie-Nouvelle-Guinée, nous avons trouvé des gisements d’or à concentration très forte d'une valeur moyenne de 26g/tonne de sulfure, a-t-il ajouté, avant de dire qu’il faudrait recourir à une exploration plus systématique des gisements. Les sites possibles actuellement connus se situent dans les Zones Economiques Exclusives (ZEE) a-t-il observé, soulignant que seuls deux sites se trouvent dans les eaux internationales. Cela s'explique par le fait que la plupart des recherches ont été faites jusqu'à présent dans les ZEE.
Cependant, l’exploration et l’exploitation de ces ressources doit répondre à des impératifs de préservation des écosystèmes des fonds marins comme l’avait souligné M. Rona dans son intervention. C’est pourquoi M. Kim Juniper, de l'Université du Québec à Montréal (Canada), a abordé successivement dans son exposé les questions relatives à la biologie de ces écosystèmes, à la biodiversité, aux ressources génétiques uniques présentes dans cet environnement, de même qu'à l'impact environnemental des exploitations minières. Concernant le premier point, l'intervenant a rappelé que les écosystèmes des sites des fonds marins ne tirent pas leur énergie du soleil mais des volcans. 60% de la planète est couverte d'eau et les créatures des fonds marins se nourrissent des débris qui tombent de la surface. Ces créatures sont mesurées en nombre d'unités par centaines de kilomètres carrés et sont très peu nombreuses en raison de la rareté des ressources. La situation est en revanche très différente près des cheminées d'eaux chaudes où existe une biomasse toute nouvelle avec des centaines, voire des milliers de créatures par mètre carré, a poursuivi M. Juniper car les sulfures polymétalliques donnent alors de l'énergie à ces créatures et leur permettent de vivre du fait de la chimiosynthèse. Depuis 25 ans que nous menons ces études, a dit M. Juniper, nous avons identifié jusqu'à 500 espèces animales différentes, dont 90% ne se retrouvent nulle part ailleurs sur la planète. Pour ce qui est des ressources génétiques, a poursuivi le chercheur, on trouve des vers tubes qui sont porteurs d’une forme particulière d'hémoglobine, présentant ainsi un intérêt pour les recherches sur le sang artificiel, notamment en Europe. Les enzymes extrêmes constituent quant à eux une autre ressource génétique qui intéresse de nombreux laboratoires dans le monde qui entendent les utiliser pour établir par exemple les empreintes ADN, pour la production de cyclodextrine, substance utilisée pour stabiliser la partie active de certains médicaments et le goût de certains aliments cuits à haute température.
Pour ce qui est de l'impact environnemental, a poursuivi M. Juniper, il faut savoir qu'en exploitant un site, nous entraînons une perte d'habitat pour ces créatures dans les fonds marins, et les zones voisines peuvent aussi être touchées directement du fait du brassage consécutif au forage. Beaucoup d'organismes vivent en effet en filtrant l'eau, ce qui pose problème si celle-ci devient trop chargée en particules et il y a également un risque que les espèces voisines ne viennent pas "recoloniser" ces espaces une fois l'exploitation achevée.
Sur les sites inactifs, il faut aussi tenir compte de la faune et des écosystèmes et beaucoup d'études restent à faire, a-t-il dit, expliquant que certaines initiatives sont en cours pour créer des zones protégées dans ces sites hydrothermiques, notamment sur la côte Ouest et les eaux territoriales du Canada où une zone-pilote a été mise en place en 1998. Cette zone s'étend seulement sur 84 km carrés, mais elle contient quatre champs hydrothermiques très importants a précisé le chercheur.
Un échange de vues a eu lieu ensuite avec les délégations au cours duquel le représentant du Sénégal a souhaité savoir comment il serait possible d'impulser la recherche scientifique marine, malgré la faiblesse des ressources financières et des technologies développées. Il a également demandé quelle serait à ce jour la surface économiquement exploitable et viable, et combien d'années nous séparent de l'exploitation viable des fonds marins. Le nombre de sites économiquement
exploitables est encore très limité a répondu M. Juniper, regrettant que les
équipements manquent puisqu’à ce jour, il n'existe qu'un seul navire de forage scientifique. Pour ce qui est de l'exploitation économique des fonds marins, M. Herzig a précisé que deux sites ont été identifiés à ce jour, l'un étant situé dans les eaux territoriales de la Papouasie-Nouvelle-Guinée et qui produit actuellement 60 kilos d'or par jour. M. Rona a quant à lui regretté la disproportion entre les ressources allouées, dans les budgets nationaux, à l'exploration spatiale, ce au détriment de l'exploration des océans.
La Réunion a aussi entendu une déclaration du Directeur de l’Institut ecclésiastique des marins
La Réunion des Etats parties poursuivra ses travaux cet après-midi, à partir de 15 heures.
Déclaration
M. DOUGLAS B. STEVENSON, Directeur de l'Institut ecclésiastique des marins, a indiqué qu’une protection doit être garantie aux hommes et aux femmes travaillant dans les mers. Le droit maritime coutumier, les conventions internationales et les lois nationales consacrent le devoir de porter secours aux personnes en détresse sur mer. L'Institut ecclésiastique des marins souhaite qu'aucun Etat ne prenne de mesures qui décourageraient un navire de porter secours, comme par exemple les contraintes financières déraisonnables sur des navires qui se portent au secours de personnes en détresse.
Une industrie de la pêche fragmentée associée à un manque de volonté politique a abouti à un nombre très faible, sinon nul, de règles relatives à la sécurité sur les navires de pêche. Les intérêts des pêcheries ne sont pas bien représentés dans les réunions et le débat sur la sécurité dérive vers les allocations de ressources. Au même moment, des hommes et des femmes continuent d’être mutilés et tués à des taux alarmants. Il est grand temps pour la communauté des nations de dire «c’est assez». Il a exhorté les Etats à faire preuve au moins de la même volonté politique pour la protection des êtres humains sur les navires de pêche que pour celle des stocks de poissons chevauchants. La Convention contient un régime complet régissant les océans. Pour qu’elle soit efficace, il faut que tous les Etats qui utilisent l’océan adoptent ces règles qu’elle établit. Les Etats qui ne sont pas parties à la Convention devraient être encouragés à la ratifier et à l'appliquer. Lorsque la Convention n’aborde pas un besoin particulier, les Etats parties devraient utiliser le cadre de la Convention pour développer des domaines spécifiques du droit de la mer. Dans les situations où la Convention est inappropriée, les Etats devraient envisager de développer des modèles cohérents de législation nationale.
* *** *