En cours au Siège de l'ONU

L/2981

LA CPI MET FIN A LA VISION CYNIQUE SELON LAQUELLE “UN MORT, C’EST TRAGIQUE; UN MILLION DE MORTS, C’EST UNE STATISTIQUE”, DECLARE KOFI ANNAN

19/04/2002
Communiqué de presse
L/2981


Commission préparatoire de

la Cour pénale internationale

37ème séance – matin


LA CPI MET FIN A LA VISION CYNIQUE SELON LAQUELLE “UN MORT, C’EST TRAGIQUE; UN MILLION DE MORTS, C’EST UNE STATISTIQUE”, DECLARE KOFI ANNAN


En clôture de session de la Commission préparatoire, la France et l’Autriche annoncent

 le versement de 471 000 et 73 000 euros au Fonds de l'Assemblée des Etats Parties


Réunie sous la présidence de M. Philippe Kirsch (Canada), la Commission préparatoire de la Cour pénale internationale (CPI) a clos les travaux de sa neuvième session, après avoir entendu le Secrétaire général, M. Kofi Annan, qui a déclaré que l’aphorisme stalinien selon lequel “un mort, c’est tragique; un million de morts, c’est une statistique”, était une vision cynique du monde à laquelle mettait fin la Cour pénale internationale.


La Commission préparatoire a procédé à un bilan des travaux de sa session en donnant la parole aux Coordonnateurs des Groupes de travail chargés des questions relatives au Fonds d’affectation spéciale pour les victimes; aux principes régissant l’accord de siège; aux questions financières; aux documents préparatoires de l’Assemblée des Etats Parties; à la rémunération des juges, procureur et greffier de la Cour; au crime d’agression, et aux travaux du Sous-Comité de dialogue avec le pays hôte pour le début du fonctionnement de la CPI.  La Commission a adopté les recommandations contenues dans les rapports des Groupes de travail qui ont pu les finaliser, ainsi que celles présentées par son Rapporteur.


Avant de clore la session, M. Philippe Kirsch a annoncé que la Commission préparatoire entamera les travaux de sa prochaine et dernière session, au Siège des Nations Unies à New York, le 1er juillet prochain, jour de l’entrée en vigueur du Statut de Rome.  Cette session qui se poursuivra jusqu’au 16 juillet devra, a dit M. Kirsch, finaliser l’examen des points qui restent en suspens en vue d’adresser à l’Assemblée des Etats Parties tous les documents et textes nécessaires au début du fonctionnement de la Cour.  Répondant aux appels lancés par le Coordonnateur du Groupe de travail sur le premier exercice budgétaire de la Cour et sur le Fonds d’affectation spéciale de l’Assemblée des Etats Parties, les délégations de la France et de l’Autriche ont annoncé des contributions respectives de 471 000 et 73 000 euros au Fonds, tandis que l’Allemagne précisait que la sienne, annoncée en début de semaine, s’élèverait à 750 000 euros.


Déclaration du Secrétaire général


Prenant la parole devant la Commission préparatoire de la CPI à sa séance de clôture, M. KOFI ANNAN; Secrétaire général des Nations Unies, a rappelé que les juges du Tribunal militaire international de Nuremberg sont arrivés, il y a plus d’un demi-siècle, à la conclusion que "les crimes contre le droit international sont commis par des êtres humains, et non par quelque entité abstraite, et que c'est seulement en punissant les individus qui commettent ces crimes que les obligations du droit international peuvent être remplies.  "Mais, a dit M. Kofi Annan, il a fallu attendre longtemps pour que l'humanité agisse sur ces conclusions et crée un tribunal pénal international permanent.


Jeudi dernier, dix instruments de ratification du Statut de Rome ont été simultanément déposés et d'un seul coup, nous avons franchi le seuil des 60 ratifications requises pour l'entrée en vigueur du Statut.  Cette journée a vraiment été historique, a dit le Secrétaire général.  Nous devons rendre hommage à tous ceux qui, depuis l'époque de la Société des Nations, ont gardé vivante l'idée de la Cour pénale internationale et aussi à ceux qui, après 1989, l'ont ravivée au moment où une conception des relations internationales basées sur le règne du droit a commencé à paraître possible.  Cependant, il faut noter avec tristesse que la vague de multilatéralisme et de coopération internationale qui a fortement déferlé au cours des premiers mois de la période de l’après guerre froide a, depuis quelque peu, reflué.  Les années 1990 ont durement remis au grand jour la nécessité d'une cour pénale internationale, avec les crimes commis en ex-Yougoslavie et au Rwanda, qui ont amené le Conseil de sécurité à créer deux tribunaux ad hoc sur le modèle de ceux de Nuremberg et de Tokyo.  Les tribunaux pour l'ex-Yougoslavie et le Rwanda ont exploré des domaines jusque-là totalement inconnus en matière de droit pénal international.  Mais à cause des limites temporelles et géographiques qui leur ont été imposées, ils n'ont pas pu échapper aux accusations de sélectivité.  Les critiques qui leur ont été faites ont relancé la demande mondiale pour un tribunal permanent qui ne serait pas limité aux crimes commis durant des conflits particuliers, mais aurait plutôt un rôle général de dissuasion.  Exprimée à la fois par la société civile et les Etats, cette demande a créé une des coalitions les plus efficaces jamais vue, et nous assistons, avec l'entrée en vigueur du Statut de Rome, à un rejet du règne de la force au profit de la règle du droit.


Les pays, qui ont de bons systèmes judiciaires, appliquent la règle du droit, et jugent rapidement et équitablement les criminels n'ont rien à craindre de la Cour pénale internationale, a déclaré M. Kofi Annan.  C'est là où l'état de droit est inexistant, ou quand il échoue, que la Cour interviendra.  Elle sera une incitation aux Etats pour qu'ils améliorent leurs normes juridiques, et au cours des années, je pense que ses règles et procédures deviendront des mesures-étalons de la justice internationale, sur lesquelles les Etats pourront évaluer leurs propres standards.  C'est pourquoi, le travail accompli par la Commission préparatoire au cours de cette session sur les procédures de l'élection et de la rémunération des Juges, du Procureur et du Greffier, qui seront indépendants, justes et impartiaux, est très important.


Certains Etats ont déjà amendé leur Constitution et leur droit pénal et leurs règles de procédure pour les rendre compatibles avec le Statut de Rome, et la société civile se sent de plus en plus encouragée dans de nombreux pays.  Dorénavant, les populations auront davantage tendance à exiger que ceux qui commettent des crimes contre l’humanité ne puissent pas s’abriter derrière l’importance de leur fonction présente ou passée.  J'espère que les résultats impressionnants atteints par cette Commission préparatoire, que l'on voit dans les projets de documents que vous avez préparés, seront adoptés par la première Assemblée des Etats Parties quand elle se tiendra, ici à New York, au début du mois de septembre.  Au moment où aura lieu, au mois de juillet prochain, la dixième et dernière session de la Commission préparatoire, le Statut de Rome sera en vigueur, et vous devrez, en fin de session, avoir tous les accords et documents nécessaires au fonctionnement harmonieux de la Cour, a dit M. Kofi Annan.  J'espère aussi que d'ici cette date, tous les Etats Parties et ceux qui envisagent de le devenir, auront versé leurs contributions au Fonds d'affectation spéciale de la première Assemblée des Etats Parties.  En espérant que d’ici au mois de juillet, le Statut de Rome aura reçu bien plus de 66 ratifications, j'engage vivement les 73 Etats qui ont signé le Statut mais ne l'ont pas encore ratifié, à le faire le plus vite possible.  En fait, a dit M. Kofi Annan, tous les Etats devraient finalement devenir parties à la CPI, la meilleure défense contre le mal étant une Cour au sein de laquelle chaque pays remplit ses obligations.  Il est temps, a conclu le Secrétaire général, de mettre fin à la vision cynique du monde qu’énonçait Staline quand il a dit: «Un seul mort, c’est tragique; un million de morts, c’est une statistique».


Résumé des travaux et interventions des délégations


La Commission a ensuite entendu les rapports des Coordonnateurs des groupes de travail en commençant par celui de Mme Gaile Ramoutar (Trinité-et-Tobago), qui a parlé du Fonds d’affectation pour les victimes, sur lequel les délégations ont tenu des consultations “encourageantes” qui se poursuivront au mois de juillet.  Le Coordonnateur du Groupe de travail sur les principes l’accord de siège,  M. Zsolt Hetesy (Hongrie), a dit que ce Groupe avait mené à terme l’examen des questions qui lui avaient été confiées.  Il a rappelé qu’une fois établi, le projet d’accord de siège serait soumis à l’Assemblée des Etats Parties pour examen.  Le Groupe s’est efforcé de respecter les relations particulières qui devront exister entre le pays hôte et la CPI, et des solutions ont pu être trouvées à tous les problèmes relatifs aux séjours, visas, privilèges et immunités.  Concernant les questions financières et les règles y afférant, la Commission a entendu le rapport présenté par M. Christian Much (Allemagne).


Concernant les documents préparatoires à l’Assemblée des Etats Parties, la Commission a entendu M. Saied Mirzaiee (République islamique d’Iran) qui a dit que le Groupe de travail allait soumettre à la Commission un projet de résolution relatif au secrétariat de l’Assemblée des Etats Parties.  Aux termes de ce projet de résolution, le Groupe recommande que le secrétariat de l’Assemblée des Etats Parties soit confié au Secrétariat de l’ONU.  Concernant l’ordre du jour de la réunion des Etats Parties, le Groupe en a renvoyé la discussion à la prochaine session de la Commission préparatoire au mois de juillet.  Sur la question du projet de budget pour le premier exercice de la Cour, la Commission a entendu le rapport de M. Valentin Zellweger (Suisse) qui a annoncé que le Groupe de travail avait achevé la lecture de la première partie du projet de budget, qui pourra

cependant être modifiée en fonction des changements qui seront apportés à la deuxième partie lors de la dixième session de la Commission préparatoire.  Concernant le problème de la participation de la CPI à la Caisse commune des pensions de l’ONU, le Groupe de travail propose que le Président de la Commission préparatoire adresse une lettre à la Caisse lui demandant d’inscrire cette question à l’ordre du jour de la réunion du Comité mixte qui se tiendra en juillet.  S’agissant du Fonds d’affectation spéciale en faveur de la tenue de l’Assemblée des Etats Parties, les 2,8 millions de dollars nécessaires ne sont pas encore atteints, et le Groupe de travail demande à la Commission de demander au Secrétaire général d’adresser une lettre aux Etats Parties pour qu’ils honorent leur contribution avant le 30 mai 2002.  Le Groupe de travail espère terminer l’examen du budget de la première année au cours de la prochaine session en vue de permettre à l’Assemblée des Etats Parties de l’adopter.


Le Groupe de travail sur la rémunération des juges, a dit son Coordonnateur, M. John Holmes (Canada), a essentiellement examiné comment il pourrait adapter les modèles des tribunaux de l’ex-Yougoslavie et du Rwanda.  Il reste des points à discuter pour ce qui concerne les juges qui ne serviront pas à plein temps au sein de la CPI.  Mme Silvia Fernandez de Gurmendi (Argentine) a ensuite fait rapport à la Commission des travaux du Groupe de travail sur le crime d’agression.  Le Groupe a notamment poursuivi le débat sur la définition de ce crime, notamment les aspects liés à la responsabilité pénale individuelle.  Une version révisée du document de travail sera présentée à la prochaine session de la Commission.  Le document préparé par le Secrétariat sur l’analyse historique du fait d’agression a été jugé excellent et d’un grand apport aux travaux du Groupe, a dit Mme Fernandez de Gurmendi qui, en tant que Présidente du Sous-Comité de dialogue avec le pays hôte de la CPI, a ensuite proposé qu’un groupe-pilote soit rapidement créé pour faciliter le début du fonctionnement de la CPI.  Le mandat de ce groupe-pilote et sa composition, qui devra être équilibrée, devront faire l’objet de consultations que nous espérons brèves.  Pour ce qui est du fonctionnement de ce groupe-pilote, nous avions pressenti un soutien de l’Union européenne et de la Fondation Mc Arthur.  D’autres organismes sont venus, depuis lundi dernier, s’ajouter à ces deux entités, a dit Mme Fernandez de Gurmendi.


“Les Pays-Bas tiennent vivement à remercier le Secrétaire général pour l’appui constant qu’il a apporté à la création de la CPI et à une ratification universelle de son Statut”, a dit le représentant des Pays-Bas.  En tant que pays hôte, nous espérons que le Secrétaire général restera engagé dans le processus de la CPI.  En fin de compte, a dit le représentant, l’accord de siège résultera de négociations entre la Cour et le pays hôte.


“Le Groupe des Etats arabes se réjouit que le Statut de Rome soit en vigueur et que l’humanité ait ainsi décidé de mettre fin à l’impunité”, a dit le représentant du Soudan.  Le crime d’agression est le crime à l’origine des autres crimes de guerre et de celui de génocide.  La responsabilité pénale des auteurs de ces crimes doit être clairement reconnue et nous nous félicitons que la Coordonnatrice du Groupe de travail sur le crime d’agression ait décidé d’ouvrir des consultations avec tous les pays pour parvenir à la définition la plus juste de ce crime.  Le Groupe des Etats arabes souhaite que la dernière session de la Commission soit en priorité dévolue au débat sur le crime d’agression.


La France contribuera au fonds pour un montant de 471.000 euros, a déclaré le représentant de la France.  Cette somme, déductible de sa contribution au budget du premier exercice de la CPI, représente aussi la quote-part que la France devait y verser.  L’Autriche versera pour sa part 73 000 euros au Fonds d’affectation spéciale, a annoncé sa représentante.  Précisant le montant du versement de son pays, qui avait annoncé lundi dernier qu’il verserait 23% des 2,8 millions de dollars requis pour le Fonds, le représentant de l’Allemagne a dit que cette contribution s’élèverait à 750 000 euros.  Prenant la parole en fin de séance, le représentant du Canada a annoncé que son pays allait organiser du 13 au 15 juin prochain à Montréal une conférence internationale intersession de soutien au démarrage de la CPI réunissant des juristes en provenance de toutes les régions du monde, notamment des pays d’Afrique et du monde francophone.  Cette conférence entre dans la perspective de la création d’un barreau international de juristes et d’avocats dont les activités seraient liées à celles de la CPI. 


En début de réunion, la Commission avait élu, sur nomination du Groupe africain, M. Enver Daniels, Chef de la délégation de l’Afrique du Sud, au poste de Vice-Président en remplacement de M. Medard Rwelamira, lui aussi d’Afrique du Sud.


La Commission préparatoire de la Cour pénale internationale, a rappelé son Président dans ses remarques de clôture, a été créée en 1998 par la Conférence Rome avec pour mandat de conclure une série d’accords pratiques et d’élaborer les documents nécessaires au fonctionnement de la Cour, notamment dans sa période initiale d’activités.  La Commission a aujourd’hui mené à bien la plupart des tâches spécifiques qui lui avaient été confiées par la Résolution F de la Conférence Rome, a estimé M. Philippe Kirsch.  S’il faut donner crédit aux Etats, à leurs gouvernements et à la société civile d’avoir permis la rapide entrée en vigueur du Statut de Rome, il faut aussi reconnaître le rôle important qu’a joué la Commission préparatoire dans la clarification et la conduite à terme de questions importantes qui n’avaient pu être réglées lors de la Conférence de Rome.


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