En cours au Siège de l'ONU

CS/2399

LE DIRECTEUR EXECUTIF DU PAM EXPOSE AU CONSEIL LES CAUSES EXOGENES ET ENDOGENES DE LA CRISE ALIMENTAIRE EN AFRIQUE

03/12/2002
Communiqué de presse
CS/2399


Conseil de sécurité                                        CS/2399

4652e séance – après-midi                                    3 décembre 2002


LE DIRECTEUR EXECUTIF DU PAM EXPOSE AU CONSEIL LES CAUSES EXOGENES

ET ENDOGENES DE LA CRISE ALIMENTAIRE EN AFRIQUE


La question de la menace à la paix et à la sécurité que représente la crise alimentaire en Afrique a fait l'objet d'une réflexion qu'a menée, cet après-midi, le Conseil de sécurité avec le Directeur exécutif du Programme alimentaire mondial (PAM).  Placé depuis huit mois, à la tête «de la plus grande institution humanitaire du monde», M. James Morris a souligné que le PAM a fourni, l'année dernière, une aide alimentaire à 80 millions de personnes dont 60% en Afrique.  Avant d'insister sur les défis accrus qu'a eu à relever son Programme au cours de la dernière décennie, le Directeur exécutif a tenu à énumérer les causes externes et internes des situations actuelles d'urgence alimentaire.  Il a ainsi mis l'accent sur la faillite des systèmes économiques; la violence politique et ethnique, le VIH/sida et les changements climatiques.  Au titre des solutions, M. Morris a d’abord plaidé pour la mise en place d’un système de financement plus stable et plus sûr de l’aide humanitaire.  Mettant l'accent sur la «situation non viable» qui voit les Etats-Unis fournir à eux seuls 62% de l’aide dans le monde, il a proposé un élargissement urgent et substantiel de la base des donateurs. 


Comme solution, le Directeur exécutif du PAM a aussi recommandé l'augmentation des investissements dans l'agriculture en appelant les donateurs à cibler davantage le secteur agricole.  Il a, par ailleurs, défendu la libéralisation du secteur privé, l'accroissement des investissements dans les programmes de nutrition, d’éducation et de distribution des repas à l’école, et la mise en place d'un nouvel environnement commercial susceptible de mettre fin à la marginalisation des fermiers africains victimes de la politique des subventions à l’exportation pratiquée dans les pays développés.  L'intervention du Directeur exécutif du PAM a été suivie d'un dialogue avec les délégations du Royaume-Uni, de Maurice, de Singapour, des Etats-Unis, de l’Irlande, de la Bulgarie, du Cameroun, de la Guinée, de la Syrie et de la Fédération de Russie.


Dans ce cadre, ont été évoqués les questions des mécanismes de contrôle de l'acheminement de l’aide alimentaire et de la coordination des activités du PAM et des autres institutions de l’ONU.  De nombreuses interventions ont également porté sur la faculté du PAM à contribuer au développement durable des pays notamment par le lancement de projets susceptibles d'être autogérés et de contribuer ainsi à la prévention des crises alimentaires.  La question de l’impact sur la santé et l’environnement des organismes génétiquement modifiés (OGM) a été particulièrement commentée à la lumière de la polémique qu’elle a fait naître en Afrique australe.  D’autre part, les «politiques néfastes» du Zimbabwe ont été particulièrement critiquées notamment sa politisation de l’aide humanitaire, son régime d’importation des produits alimentaires ou encore ses mécanismes de distribution de l’aide alimentaire. 


LA CRISE ALIMENTAIRE EN AFRIQUE: UNE MENACE A LA PAIX ET A LA SECURITE


Déclarations


M. JAMES MORRIS, Directeur exécutif du Programme alimentaire mondial, a indiqué que la mission du Programme alimentaire mondial (PAM) est de nourrir les plus affamés.  M. Morris, qui occupe ce poste depuis 8 mois, a affirmé que jamais la situation n’avait été aussi difficile.  Le PAM intervient sur tous les fronts, de l’Afghanistan au Zimbabwe, de la Corée du Nord à l’Ethiopie.  Cela dit, 60% de l’activité du PAM est centrée sur l’Afrique, où la situation est rendue encore plus difficile par les conditions climatiques, les mauvaises conditions de santé et les désordres civils.  Il a précisé que les revenus du PAM provenaient de contributions volontaires, 90% des ressources proviennent même de dix entités dont la Communauté européenne.  M. Morris a demandé le soutien de la communauté internationale notamment en ce qui concerne les interventions en Afrique australe.  Les 14 millions de personnes qui y vivent sont en risque très sérieux de famine, car des problèmes météorologiques se sont ajoutés aux ravages du VIH/sida.  Il y a onze millions d’orphelins dans l’Afrique au sud du Sahara, dont 4 millions dans les six pays de l’Afrique australe.  A cela, s’ajoutent des problèmes de gouvernance.


M. Morris a plaidé pour une ouverture des économies et des investissements dans le secteur de l’agriculture, car là réside la clé de l’autonomie alimentaire des pays.  Dans la région de la corne de l’Afrique, l’Ethiopie, l’Erythrée et le Soudan dépendent entièrement de la pluie pour leurs récoltes et le manque de précipitations cette année fait que la situation est aujourd’hui critique.  Si la situation se prolonge, a ajouté M. Morris, 15 millions de personnes seront menacées par la faim.  Le Sahel a également connu des problèmes de sécheresse, de même que l’Afrique de l’Ouest.  Au total, 38 à 40 millions de personnes sont en danger de famine en Afrique.  Le budget du PAM pour ce continent est de 1,4 milliard de dollars, a-t-il rappelé.  Il estime que les problèmes météorologiques sont beaucoup plus graves qu’autrefois.  Pour améliorer cette situation, plusieurs choses sont à faire, a repris M. Morris: avant tout un meilleur soutien au PAM, bien sûr, ce qui passe par un plus grand nombre de pays contributeurs.  Le soutien du secteur privé est important de même qu’une éducation à la nutrition.  Dans le monde, 800 millions de personnes ont faim, dont 300 millions d’enfants, et le PAM fournit un repas à chaque enfant scolarisé.  Pour 19 cents par jour, la vie d’un enfant est profondément améliorée, a-t-il insisté.  M. Morris s’est rendu en Corée du Nord la semaine dernière où le PAM nourrit 6,4 millions de personnes, ce programme devant toutefois être réduit par manque de fonds.  L’objectif du PAM est de nourrir des personnes qui ont faim, et M. Morris a déploré ne pas avoir de listes de bénéficiaires du Programme dans ce pays.  Le PAM est la principale institution internationale dans ce pays avec 110 personnes.  Le Directeur exécutif a fait part de sa préoccupation au sujet du risque qu’il y a pour le PAM de ne plus pouvoir, dès avril prochain, intervenir en Corée du Nord, fautes de moyens.  Il a rappelé l’importance d’une bonne alimentation pour les très jeunes enfants.


Avant de poser la première série de questions, M. ADAM THOMSON (Royaume-Uni) a d'abord tenu à remercier le PAM pour les efforts déployés pour surmonter les difficultés auxquelles il est confronté.  Nous devons, a-t-il dit, veiller à réaliser l'objectif visant à ce que 80% du budget du PAM soient, de nouveau, consacrés au développement.  Le représentant a reconnu le lien entre la paix et la sécurité, d'une part, et la sécurité alimentaire, d'autre part.  Posant la première question, il a voulu savoir si le PAM dispose de mécanismes suffisants pour contrôler l'acheminement de son aide?  Quels sont, a-t-il aussi demandé, les mécanismes de coordination avec les autres institutions et, en particulier, quel est le niveau de coordination entre le PAM et le Département des opérations de maintien de la paix?  S'agissant de l'Afrique australe, le représentant a voulu connaître le sentiment du PAM sur les causes de la crise alimentaire.  Dans quelle mesure est-elle causée par la sécheresse et dans quelle mesure est-elle aggravée par des politiques nationales?


Le PAM peut-il mettre à la disposition des Etats Membres des stratégies visant à augmenter les investissements dans le secteur agricole? a demandé, à son tour, M. JAGDISH KOONJUL (Maurice), représentant d'une région victime d'une sécheresse grave.  Quelles sont les stratégies du PAM pour répondre aux besoins de l'Afrique australe? a-t-il par ailleurs demandé avant d'en venir à la question des organismes génétiquement modifiés (OGM).  Rappelant l'inquiétude des pays qui reçoivent une aide alimentaire comprenant des OGM, le représentant a voulu en savoir davantage sur la sûreté de ces produits et sur les résultats de la recherche scientifique concernant les effets à long terme des OGM sur la population et l'environnement.  En attendant, le représentant a lancé un appel aux donateurs pour qu'ils se gardent d'envoyer des OGM en Afrique australe.


A son tour, Mme CHRISTINE LEE (Singapour) est revenue sur les politiques nationales qui pourraient être à l'origine des crises alimentaires.  Dans le contexte du mandat double du PAM -développement et urgence-, a-t-elle demandé, serait-il possible que le Programme mette au point des projets susceptibles d'être autodirigés et de contribuer ainsi à la prévention des crises alimentaires?  La représentante a aussi évoqué la question des surplus agricoles dans les pays du Nord, situation paradoxale par rapport aux famines connues dans l’hémisphère sud.  Le PAM a-t-il des suggestions pour remédier à cette situation, a-t-elle voulu savoir. 


Revenant sur l'impact des politiques gouvernementales sur la sécurité alimentaire, M. RICHARD WILLIAMSON (Etats-Unis) a mis en exergue le potentiel des biotechnologies.  Le représentant s'est dit préoccupé de ce que les efforts d'assistance en Afrique australe aient été compromis par la confusion qui règne sur la biotechnologie et les OGM.  Le maïs offert par les Etats-Unis, a-t-il insisté, est le même que celui que consomment quotidiennement des millions d'Américains.  Le rejet de cette aide ne peut qu'aggraver les conséquences de la famine en Afrique australe, a regretté le représentant en exprimant la disposition de son pays à faire mieux comprendre les faits et les données scientifiques.  Des consultations, a-t-il annoncé, sont d'ailleurs en cours pour conclure un accord sur l'importation des produits biotechnologiques.  Insistant sur la question, le représentant s'est dit préoccupé par le fait que la crise alimentaire en Afrique australe ait servi de prétexte pour entamer un débat sur la biotechnologie.  Cette technologie, a-t-il affirmé, ne pose aucun problème de sûreté alimentaire et son impact sur l'environnement est insignifiant. 


Les politiques néfastes notamment au Zimbabwe n'ont fait qu'aggraver les conséquences de la sécheresse, a poursuivi le représentant en dénonçant le fait que le Gouvernement du Zimbabwe ait préféré stocker la majeure partie de l'aide américaine parce ce qu'elle contient des produits dérivés de la biotechnologie.  Le représentant a aussi critiqué la politique de redistribution des terres du Zimbabwe qui, a-t-il dit, a réduit la production agricole de 70% en deux ans.  En 2001 et 2002, a-t-il indiqué, le Zimbabwe a eu le taux le plus bas de développement en Afrique.  Le représentant s'est également dit inquiet du fait que le Gouvernement zimbabwéen utilise les aliments comme outils politiques en interdisant l'accès aux membres de l'opposition politique.  Les Etats-Unis, a dit le représentant, ne peuvent accepter la politisation de l'aide alimentaire et demandent au Secrétaire général et à la communauté internationale d'étudier la question.  Concluant sur ses questions, le représentant a voulu connaître l'impact sur la sécurité alimentaire des politiques nationales d'importation de produits alimentaires, des mécanismes de distribution de l'aide alimentaire et du vol et de la corruption.


M. GERARD CORR (Irlande) a remercié M. Morris pour son exposé qui a mis en avant la gravité de la crise alimentaire en Afrique.  Selon lui, l’urgence est d’abord humanitaire, car 40 millions de personnes menacées par la famine, voilà une situation inacceptable.  Elle est aussi dangereuse pour la paix, a-t-il ajouté, et pose la question de la volonté politique des pays développés.  Il a souligné que l’Union européenne avait considérablement augmenté son aide.  Mais des questions demeurent, notamment en ce qui concernent les investissements nécessaires pour donner aux pays une autonomie alimentaire.  Il s’est dit préoccupé au sujet de la fertilité des sols en Afrique et a demandé si les programmes de prêts aux agriculteurs étaient efficaces ou non.  Enfin, le représentant a fait observer que certains pays privaient leur population de certains produits alimentaires pour favoriser l’exportation.


M. ZLATI KATZARSKI (Bulgarie) est revenu sur l’exposé de M. Morris et a apporté le soutien de son pays à la campagne en cours sur la famine en Afrique.  Le Conseil de sécurité doit agir sur le long terme, a-t-il ajouté, pour éviter une catastrophe alimentaire et prévenir les suivantes.  Pour cela, il ne faut pas que l’attention des donateurs soit détournée des problèmes majeurs.  De même, les pays développés doivent s’engager à assurer un suivi à leur aide.  Le représentant de la Bulgarie a également mis l’accent sur la responsabilité des pays récipiendaires. 


M. IAY TIDJANI (Cameroun) s’est félicité de la présence du Directeur exécutif du PAM au Conseil de sécurité, car cela permet de mieux prendre conscience de la gravité de la crise alimentaire en Afrique.  Selon le représentant, les désordres civils et les conditions météorologiques sont les deux principales causes de la situation en Afrique australe.  Le représentant a salué la démarche du PAM qui consiste à respecter les habitudes alimentaires des pays dans lesquels il intervient.  A M. Morris, il a posé la question de savoir ce qu’il fallait faire pour réduire la dépendance du Programme vis-à-vis du petit nombre de contributeurs; il a en même temps lancé un appel à la communauté internationale pour élargir le nombre de pays contributeurs au PAM.


M. MAMADY TRAORE (Guinée) a salué les efforts déployés par M. Morris depuis son arrivée à la tête du PAM.  La famine en Afrique s’est aggravée à cause de mauvaises conditions météorologiques.  L’ampleur de ces crises exige une réponse urgente, a-t-il estimé, et il a demandé à la communauté internationale d’intervenir au plus vite.  Il a rappelé que l’Assemblée générale s’était saisie de la question de la famine en Afrique australe le 21 novembre et a indiqué que l’aide humanitaire apportée par les Nations Unies devait aller dans le sens du développement durable.  La sécurité des travailleurs humanitaires doit également faire l’objet d’une attention particulière.  Le représentant a aussi demandé à M. Morris si les attributions d’aide se feront sur le plan régional ou national et quels rôles auront les femmes dans la distribution de ces aides.


M. MILAD ATIEH (République arabe syrienne) s'est montré préoccupé par la réduction de 25% des contributions versées au PAM.  Commentant les propos de son Directeur exécutif, il a appuyé ses recommandations concernant l'augmentation des investissements dans le secteur agricole et dans les programmes de distribution des repas à l'école.  Il a d'ailleurs voulu savoir, à cet égard, si des programmes de sensibilisation des enfants, et en particulier, des fillettes, sont lancés par le PAM en appui à ses programmes de cantines scolaires. 


A son tour, M. EVGENY STANISLAVOV (Fédération de Russie) a estimé que le règlement de la crise alimentaire en Afrique est un problème complexe qui inclut les questions de la paix, du développement durable, de la prévention des catastrophes naturelles ou encore de stabilité des marchés.  Comment, outre la fourniture d'aide alimentaire, le PAM peut-il apporter une contribution supplémentaire pour résoudre les autres problèmes de l'Afrique.  Mettant l'accent sur les besoins de coordination de l'aide humanitaire, le représentant a souligné le rôle du Conseil économique et social en la matière.


Répondant à cette première série de questions, le Directeur exécutif du PAM a d'abord expliqué comment l'aide alimentaire était acheminée.  Il a ainsi fait part des mécanismes de contrôle mis en place par le PAM et s'est félicité du niveau de coopération avec les autres institutions des Nations Unies.  Il a d’autre part exhorté les pays donateurs à investir d’avantage dans les infrastructures, les technologies et la recherche.  S'attardant sur la question des OGM, il s’est déclaré convaincu que ces produits connaîtront une augmentation exponentielle.  Ce qu'il faudrait, a-t-il dit, et c’est d’ailleurs ce que le PAM fait, c'est de certifier la sûreté des produits pour les populations concernées.  De plus avec la FAO, des critères sont définis qui sont présentés aux pays auxquels il revient de prendre la décision finale.  Pour le PAM, les OGM ne posent aucun problème de sûreté et de santé, a-t-il dit, en écho aux propos du représentant américain.


Venant à la question de la durabilité, de l'autonomie et du paradoxe des excédents alimentaires, il a souligné que d'anciens pays bénéficiaires, comme la Chine, sont aujourd'hui devenus des donateurs.  Partant, les pays d'Afrique doivent pouvoir être capables de produire et d'exporter et les politiques commerciales, au niveau international, devraient les y encourager.  Répondant à une autre question du représentant des Etats-Unis, il a reconnu que le vol, la mauvaise gouvernance et la corruption menacent de toute évidence la sécurité alimentaire d'un pays.  


A propos de l'appui au développement à long terme qui fait partie du mandat du PAM, le Directeur exécutif a souligné qu'un investissement dans l'aide d'urgence à court terme peut se transformer en un investissement à long terme rentable.  Nous avons voulu investir dans le secteur agricole en Zambie, a-t-il dit en regrettant que l'appui à ce type d'investissements soit bien moindre que celui aux situations d'urgence.  Nous avons manqué là une chance de planifier les choses, a encore regretté le Directeur exécutif. 


Comment réduire la dépendance à un nombre réduit de donateurs?  Le Directeur exécutif a compté 16 grands donateurs en se fixant comme objectif de faire en sorte pour que, tous les ans, chaque Membre de l'ONU apporte une contribution même symbolique au PAM.  Revenant sur la question de l'alimentation à l'école, il a estimé que la meilleure façon de se rapprocher des objectifs de développement du millénaire est de nourrir les 300 millions qui ont faim et qui ne vont pas à l'école.  En l’occurrence, un investissement minime pourrait apporter beaucoup.  Quant à la solution de grands problèmes de l'Afrique, évoqués par le représentant de la Russie, le Directeur exécutif a attiré l'attention sur la coopération entre le PAM et les autres institutions de l'ONU dont l'UNICEF. 


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