OUTIL MAJEUR DES OPERATIONS DE MAINTIEN DE LA PAIX ET DE RECONSTRUCTION POST-CONFLIT, L’AIDE HUMANITAIRE DOIT ETRE RENFORCEE ET RATIONALISEE
Communiqué de presse CS/2286 |
Conseil de sécurité
4507ème séance – matin
OUTIL MAJEUR DES OPERATIONS DE MAINTIEN DE LA PAIX ET DE RECONSTRUCTION POST-CONFLIT, L’AIDE HUMANITAIRE DOIT ETRE RENFORCEE ET RATIONALISEE
Sous la présidence de M. Sergey Lavrov (Fédération de Russie), le Conseil de sécurité a entendu, dans le cadre de l'examen de la question de l'aide alimentaire dans le contexte du règlement des conflits, en Afghanistan et dans d'autres régions en crise, un exposé de Mme Catherine Bertini, Directrice exécutive du Programme alimentaire mondial (PAM).
Dans son exposé au Conseil, Mme Bertini, dont le mandat à la tête du PAM s'achève bientôt, a estimé que la communauté internationale avait en grande partie relevé avec succès le défi qu'elle s'était fixé, il y a une dizaine d’années, de mettre fin aux grandes famines dont souffrait encore il n'y a pas très longtemps certaines régions de la planète, victimes de conflits ou de catastrophes naturelles. Malgré les succès enregistrés, a-t-elle prévenu, les efforts de lutte contre la malnutrition et la faim doivent se poursuivre. A ce sujet, si le PAM, qui est devenu la plus grande institution humanitaire mondiale, a reçu l'année dernière 1,7 milliard de dollars de donations d'aide alimentaire qui lui ont permis de venir en aide à 3,8 millions de personnes victimes de guerres, des sécheresses et de la pauvreté, il aurait eu besoin de beaucoup plus de ressources pour répondre aux besoins des 5,5 millions de personnes en danger qu'avait permis d'identifier une étude de vulnérabilité menée par le système des Nations Unies. Pour faire face aux besoins actuels d'aide alimentaire qui s’élèvent à 554 millions de tonnes métriques, le PAM lance un appel pour des contributions d’un montant de 285 millions de dollars.
Dans son intervention, le représentant des Etats-Unis a précisé que son pays, qui maintiendra son soutien au PAM après le départ de Mme Bertini, a versé plus de 15 milliards de dollars sous forme de donations alimentaires et de ressources financières à cette institution depuis le début des années 1990. Sensibles aux appels lancés par le PAM et y contribuant régulièrement, les Etats-Unis lancent un appel aux autres donateurs pour qu’ils répondent généreusement au dernier appel d’urgence lancé par le PAM et le Bureau de la coordination des affaires humanitaires, a-t-il dit.
En Afghanistan, comme dans d'autres régions en crise, l'aide alimentaire est nécessaire à la prévention des famines, a indiqué Mme Bertini. L'aide alimentaire contribue au redressement des sociétés sinistrées par les guerres et les catastrophes naturelles, a-t-elle dit en précisant que cette aide pouvait, par exemple, servir de moyen d'encouragement aux enfants pour qu'ils reprennent le chemin des écoles après une période de guerre civile. Quand elle est versée aux filles et aux femmes, l’aide peut être une incitation pour qu'elles participent à des sessions d'apprentissage et d'études qui leur permettent ensuite de se lancer dans la création de petites entreprises, comme cela s'est fait en Afghanistan où la majorité des boulangeries de Kaboul et de Mazaar-e-Sharif sont aujourd'hui confiées à des femmes. L'aide, a déclaré Mme Bertini au Conseil, contribue à la restauration de la vie civile et au maintien de la paix en servant de rétribution aux ex-combattants démobilisés et recrutés pour des travaux de reconstruction. Elle est aussi un moyen de compréhension des sensibilités et de promotion du dialogue, a-t-elle estimé, en citant le cas des programmes menés par le PAM en République populaire démocratique de Corée, où l'institution nourrit plus de 6 millions d'enfants de moins de 16 ans.
Intervenant sur les modalités de l’aide alimentaire, le représentant du Royaume-Uni a déclaré qu’il ne fallait pas que l’assistance alimentaire crée une dépendance totale des populations envers l’aide étrangère. Les programmes d’aide devraient donc s’accompagner d’incitation à la reprise de la production alimentaire locale, et ils devraient être conçus de manière à ne pas être détournés de leur objectif initial par l’une des parties au conflit. Pour les délégations de la France, de la Syrie et du Cameroun, il est indispensable que la communauté internationale fasse respecter le droit d’accès, garanti par le droit international humanitaire, des organismes d’aide humanitaire aux populations affectées par les conflits. Sur cette question, le représentant de la Syrie a évoqué le cas des populations palestiniennes des territoires occupés qui n’ont pu bénéficier d’assistance alimentaire et humanitaire face aux violences dont elles sont en ce moment victimes.
Après s’être félicitée des succès obtenus, Mme Catherine Bertini a regretté les nombreuses atteintes à la sécurité des travailleurs humanitaires dont 204 ont perdu la vie dans l’exercice de leurs tâches depuis 1992. Il est inacceptable que seulement 15 personnes parmi les auteurs de ces crimes aient à ce jour été arrêtées, et que 188 des meurtres commis contre le personnel humanitaire restent non élucidés, a-t-elle dit en estimant que les récentes décisions prises par l’Assemblée générale sur les besoins budgétaires des Nations Unies, ne semblaient pas accorder la moindre priorité aux besoins de sécurité des personnels de l’ONU et autres travailleurs humanitaires opérant sur le terrain.
Outre les délégations déjà citées, ont pris la parole les membres du Conseil suivants : Singapour, Mexique, Colombie, Norvège, Bulgarie, Guinée, Chine, Maurice, Irlande et Fédération de Russie.
L’AIDE ALIMENTAIRE DANS LE CONTEXTE DU REGLEMENT DES DIFFERENDS : L’AFGHANISTAN ET AUTRES REGIONS EN CRISE
Déclarations
Mme CATHERINE BERTINI, Directrice exécutive du Programme alimentaire mondial (PAM), a déclaré qu’il y a 10 ans les Etats s’étaient engagés à mettre fin à la famine et à la faim et la malnutrition. Nous avons pu mettre fin aux grandes famines du type de celle que l’on a vu en Ethiopie il y a une décennie, a dit
Mme Bertini. Cependant, les pénuries alimentaires dues aux conflits persistent dans de nombreuses régions. L’Afghanistan est le dernier exemple en date de ce que la communauté internationale peut faire en matière d’aide alimentaire, élément fondamental des interventions humanitaires et de la stabilisation dans les régions en crise. Le PAM a reçu l’an dernier plus de 1,7 milliard de dollars sous forme de dons alimentaires. Le PAM est aujourd’hui le premier organisme mondial d’aide humanitaire. L’été dernier, nous avons pu lutter contre les conséquences des sécheresses et de la pauvreté et avons pu faire bénéficier 3,8 millions de personnes de nos programmes de secours. Avant le 11 septembre, nous avions déjà conduit une analyse de vulnérabilité qui nous a montré que 5,5 millions de personnes avaient besoin d’une aide alimentaire d’urgence dans des zones en crise. Au lendemain de cette étude menée par l’ONU, nous avons reçu une aide généreuse des donateurs de 240 millions de dollars qui nous ont permis de livrer 490 000 tonnes métriques d’aide alimentaire. L’expérience nous a montré que cette aide a pu maintes fois prévenir des famines qui auraient été catastrophiques.
L’expérience montre qu’il est plus souvent souhaitable de fournir une aide sous forme alimentaire, car elle pose moins de problèmes et de difficultés qu’une aide financière. L’un des signes les plus évidents de la fin d’un conflit dans un pays, c’est généralement quand ses écoles sont capables de réouvrir. Ce mouvement peut être encouragé par la distribution d’aide alimentaire aux familles et aux enfants, et en Afghanistan, nous comptons prendre en charge un million d’enfants pour soutenir le retour à une vie normale. L’aide alimentaire peut aussi être un encouragement aux filles et aux femmes pour les inciter à aller à l’école ou pour encourager des femmes enceintes à se rendre régulièrement dans des centres de santé prénatale. Sous une autre forme, l’aide alimentaire peut être utilisée comme une gratification pour des travaux accomplis par les populations. Dans ce cas, elle a valeur de salaire dans des régions en reconstruction et désargentées. Le PAM utilise l’aide alimentaire pour alphabétiser les femmes et leur inculquer des notions de création et de gestion de petites entreprises. Vous avez certainement entendu parler des boulangeries créées, avec notre soutien, par les femmes afghanes. Cependant, dans ce pays comme dans d’autres, le PAM ne veut pas créer de dépendance absolue vis-à-vis de l’aide alimentaire. Notre but est de donner aux gens les moyens de devenir autosuffisants. Le Mozambique est un succès de ce genre de politique, que nous avons aussi appliquée en Amérique centrale, en Ethiopie, en Erythrée et au Timor oriental.
En 1995, a dit Mme Bertini, le PAM a lancé un petit programme en République démocratique populaire de Corée. Dans ce pays, l’aide alimentaire a permis d’ouvrir des canaux de communication et à mieux comprendre les sensibilités locales. Depuis 1997, ce programme est devenu le plus important que nous menons. Nous nourrissons plus de 6 millions d’enfants nord-coréens de moins de 16 ans. Nous pouvons aujourd’hui affirmer sans trop nous tromper que le temps des grandes famines est révolu. Mais nous avons payé un prix élevé pour en arriver là. Après considération des dernières décisions prises par l’Assemblée générale, nous avons l’impression que la sécurité des travailleurs humanitaires n’est pas une priorité de l’Organisation. Personne ne semble beaucoup s’en soucier. Depuis 1992,
seulement 15 personnes ayant commis des crimes contre des travailleurs humanitaires ont été arrêtées, bien que 204 de nos collaborateurs aient perdu la vie. A ce jour, 188 de ces meurtres ne sont toujours pas résolus. Les travailleurs humanitaires ne méritent pas ce manque de considération.
M. JEAN-DAVID LEVITTE (France) a remercié et félicité Mme Bertini pour le travail accompli au cours des dix années passées à la direction du Programme alimentaire mondial (PAM), qu’elle a su transformer par son dynamisme et engagement personnels pour en faire l’une des premières institutions de la famille des Nations Unies. Il s’est dit frappé de constater que le budget annuel de
2 milliards de dollars géré par le PAM est proche de celui géré par la Banque mondiale. La liste des pays dans lesquels le PAM agit recoupe très exactement celle des pays qui préoccupent le Conseil de sécurité, a-t-il noté. Evoquant la sécurité du personnel du Programme, il a assuré que la question était traitée avec détermination par le Conseil. La France soutient pour sa part les deux priorités du PAM, à savoir l’aide d’urgence et l’aide à la reconstruction et au développement. M. Levitte a par ailleurs apporté un soutien sans réserve aux esquisses stratégiques mentionnées par Mme Bertini, de façon notamment à mieux prévenir les crises.
M. YAP ONG HENG (Singapour) a déclaré que le PAM a pu fonctionner en Afghanistan malgré les conditions difficiles qui prévalaient dans ce pays. Si la situation s’est améliorée, beaucoup reste cependant à faire, a dit le représentant. Le Conseil ayant récemment adopté une résolution créant la Mission d’assistance des Nations Unies en Afghanistan (MANUA), Mme Bertini pourrait-elle dire au Conseil comment le PAM peut s’intégrer dans le mandat de cette Mission?
M. MIKHAIL WEHBE (République arabe syrienne) a estimé que rien n’est plus noble que de s’atteler à mettre fin aux souffrances que cause la faim dans de nombreuses régions du monde. La Syrie apprécie l’assistance du PAM à de nombreuses régions du monde affectées par des conflits et des catastrophes naturelles. Le principe de refuser de voir la mort d’un être humain du fait de privations causées par la nature ou la guerre est à la base des actions du PAM, et justifie son intervention dans de nombreux pays, dont la République populaire démocratique de Corée. Mais il existe une région qui souffre de la faim parce que sa population ne peuvent même pas recevoir d’assistance humanitaire, et c’est la Palestine. La Syrie partage le point de la France sur la nécessité de mettre en place une stratégie alimentaire au niveau international qui assurerait l’accès des populations à l’aide.
Mme ROBERTA LAJOUS (Mexique) a souligné la qualité du travail effectué par le Programme alimentaire mondial (PAM) dans plus de 80 pays, rappelant que son pays avait appuyé plusieurs propositions récentes du PAM, dont celles relatives à l’amélioration de la sécurité du personnel. Le Mexique, a-t-elle assuré, accorde une grande importance à l’aide humanitaire fournie par les institutions des Nations Unies, sur la base de la résolution 46/182 de l’Assemblée générale. Cette aide, a-t-elle rappelé, doit s’inscrire dans le plein respect de la souveraineté des Etats et de leurs frontières. Les Etats ont eux la responsabilité primordiale de coordonner et de mettre en oeuvre l’assistance fournie par la communauté internationale. Dans le cas de l’Afghanistan, il est devenu l’exemple de la
capacité de destruction de l’homme mais aussi de l’efficacité du travail coordonné entre les institutions de l'Organisation des Nations Unies et la communauté internationale. D’autant que le terrain était caractérisé par l’insécurité et le manque d’infrastructures.
M. ALFONSO VALDIVIESO (Colombie) a souligné que le PAM restait présent en Afghanistan pour permettre à la population de survivre. Ainsi, souvent, le PAM représente le visage des Nations Unies pour la communauté internationale et pour les populations les plus nécessiteuses, a-t-il indiqué. M. Valdivieso a ensuite fait valoir que le PAM offrait des aliments gratuits pour attirer les enfants dans les écoles et s’est interrogé sur le point de savoir si les distributions de vivres dans les centres urbains allaient encourager l’exode rural. Il a donc demandé à Mme Bertini ce que prévoyait le PAM à long terme. Par ailleurs, le délégué s’est dit conscient des difficultés concernant la sécurité du personnel humanitaire en Afghanistan : plusieurs organismes se sont plaints que la présence de personnels militaires internationaux habillés en civil n’entraîne une confusion et mette en danger les humanitaires : il a demandé à Mme Bertini de faire part de ses observations sur ce point. Il a enfin souhaité connaître les enseignements qu’elle avait tirés de ses contacts avec les acteurs non étatiques pour faciliter l’acheminement de l’aide aux populations en détresse.
M. OLE PETER KOLBY (Norvège) a relevé que le Programme alimentaire mondial (PAM) faisait partie de la machinerie internationale déployée pour faire face aux situations d’urgence. L’aide alimentaire peut être un outil efficace en situation de post-conflit, mais elle peut aussi être vue dans le contexte des besoins fondamentaux comme pouvant éviter les conflits. La Norvège, a-t-il assuré, est favorable à un effort à long terme en Afghanistan, favorisant le redémarrage de l’agriculture et une sécurité alimentaire à long terme. Le PAM et d’autres institutions peuvent y contribuer et ont déjà accompli un travail extraordinaire dans ce pays, mais la population aura sans doute besoin d’aide alimentaire jusqu’à l’été et peut être au-delà. Les investissements de grande échelle dans le secteur alimentaire sont nécessaires de manière urgente, a-t-il insisté en réclamant en tant que Président du Groupe de soutien à l’Afghanistan des financements appropriés.
M. STEWART ELDON (Royaume-Uni) a déclaré que les interventions humanitaires de l’ONU du PAM ont connu un certain renforcement et beaucoup de succès sous le leadership de Mme Bertini. Le rapport qu’elle a fait aujourd’hui au Conseil montre le rôle que peut jouer l’aide alimentaire dans les zones en conflit. Cependant, nous aimerions que les transferts de ressources et de vivres soient examinés au cas par cas et que l’aide versée corresponde réellement aux besoins. L’usage de cette aide est extrêmement sensible et peut avoir des effets négatifs si elle est détournée et utilisée comme une arme par des parties au conflit, a estimé le représentant. L’aide doit être utilisée avec des incitations à la production de ressources alimentaires locales, et son utilisation doit avoir une stratégie de sortie claire. Nous aimerions que le PAM réfléchisse à ces questions avant le lancement des opérations de l’ONU en Afghanistan. Concernant les questions de sécurité du personnel humanitaire, le Royaume-Uni condamne tous les attentats commis contre eux. Cependant, sur le plan financier, a précisé le représentant, le Royaume-Uni a versé de l’argent qui doit être utilisé au niveau du Bureau du Coordonnateur des affaires humanitaires, la sécurité du personnel humanitaire devant recevoir une juste part de ces ressources.
M. STEFAN TAFROV (Bulgarie) a exprimé l’admiration et la reconnaissance de son pays à Mme Catherine Bertini pour son travail, notant qu’elle avait su moderniser et réorganiser le Programme alimentaire mondial (PAM). Il a appuyé la nouvelle stratégie de mobilisation des ressources permettant une stratégie à long terme et a émis l’espoir que la tendance à l’accroissement des ressources du Programme se poursuivra. Il a fait valoir la nécessité d’une alerte et d’une réponse rapides, invitant la communauté internationale à améliorer son action pour répondre efficacement aux crises. Lorsque l’aide est fournie à temps, on peut éviter une crise tragique. Les conséquences conjuguées des conflits et de la sécheresse par exemple ne sauraient toutefois être couvertes par une seule organisation, a-t-il poursuivi en faisant référence à l’action du HCR ou de la FAO, ou celle des organisations non gouvernementales. Il a déploré que l’aide ne parvienne pas toujours à ceux qui en ont besoin, appelant le Conseil de sécurité à prendre des mesures, notamment des sanctions ciblées contre ceux qui obstruent la délivrance de l’aide. La Bulgarie appuie les approches nouvelles pour faciliter l’accès aux victimes des conflits armés, a assuré son représentant. Femmes, enfants, réfugiés et personnes déplacées, les populations dépourvues de moyens de subsistance constituent les catégories les plus vulnérables et le Conseil doit axer ses efforts sur le renforcement de leurs capacités.
M. FRANCOIS LONSENY FALL (Guinée) a fait valoir le lien existant entre l’aide alimentaire et le règlement des conflits, tout en regrettant que, faute de temps, ce thème ne soit pas davantage développé dans le débat d’aujourd’hui. L’aide alimentaire est un élément fondamental dans la prévention et le règlement des conflits et dans la consolidation de la paix : c’est un élément efficace de la diplomatie préventive et de la stabilisation des Etats, a-t-il jugé. Le représentant a salué le rôle de l'Organisation des Nations Unies qui a permis de réduire les délais d’assistance et de renforcer les moyens des pays pour faire face aux situations d’urgence. Venant d’Afrique, comme il l’a souligné, le représentant guinéen a rappelé que son pays continuait de recevoir un grand nombre de réfugiés et il a émis quelques remarques : l’aide fournie devrait selon lui tenir compte des habitudes alimentaires des récipiendaires, aussi a-t-il encouragé le PAM à acheter davantage de produits sur les marchés locaux; l’utilisation de personnel local et de services locaux génèreraient des aides spontanées au développement; enfin, il a souligné la nécessité de renforcer la coordination entre les différentes institutions des Nations Unies et a réclamé un accroissement des ressources et une meilleure protection des personnels. Pour le représentant, le meilleur moyen de résoudre les crises est de prévenir les conflits et de consolider la paix. A cette fin, l’aide alimentaire joue un rôle majeur, a-t-il insisté.
M. ZHANG YISHAN (Chine) a estimé que les programmes du PAM avaient été salutaires à de nombreuses régions sortant de conflits ou vivant en situation de conflit. L’intervention du PAM a permis une amélioration des conditions de vie des populations en Afghanistan alors que ce pays était au plus profond de sa crise, a déclaré le représentant qui a ensuite exprimé le soutien de sa délégation aux différentes actions lancées par le PAM en vue de faciliter un retour à la normale en Afghanistan. L’aide alimentaire a clairement joué un rôle de lutte contre la faim et de soutien au redressement social de l’Afghanistan. La Chine exprime sa reconnaissance à Mme Bertini pour l’efficacité qu’elle a donnée aux programmes du PAM qu’elle a aussi renforcé.
M. KHEMRAJ JINGREE (Maurice) a souligné la contribution extraordinaire de Mme Bertini, car il est important que chacun puisse accéder à l’alimentation dont il a besoin, ce à quoi s’emploie le Programme alimentaire mondial (PAM). Il a également félicité son remplaçant, M. James Morris, à qui il a souhaité plein succès dans ses nouvelles fonctions. Les pénuries alimentaires ne doivent pas être utilisées comme des armes supplémentaires dans les conflits, a-t-il poursuivi. C’est pourquoi, la délégation de Maurice encourage le PAM à continuer d’oeuvrer quand les conflits éclatent, car les chefs de guerre créent des pénuries artificielles pour inciter les populations à la rébellion : dans ce cas de figure, il a demandé à Mme Bertini d’expliquer comment le PAM réagit. Enfin, face aux conflits et aux catastrophes naturelles comme il s’en est produit récemment en Afghanistan, il a félicité le PAM d’avoir livré une aide supplémentaire après le tremblement de terre qui a frappé ce pays et a demandé, à ce propos, des précisions sur le type de coordination qui existe entre le PAM et les autres organismes présents à Kaboul.
M. RICHARD RYAN (Irlande) a rappelé que le Programme alimentaire mondial (PAM) allait fournir de l’aide à plus de 8 millions de personnes en Afghanistan dans les mois qui viennent, saluant les initiatives qu’il a prises et qui vont permettre de mettre en place une véritable stabilité alimentaire. En Afghanistan, le PAM a joué un rôle très important dans le processus engagé et il a contribué au rétablissement de conditions normales de vie dans ce pays, a poursuivi le représentant. Ces deux dernières années, une partie importante du budget humanitaire de l’Irlande a été dirigée vers le PAM, a rappelé M. Ryan estimant que cet organisme sait utiliser les fonds dont il dispose. Aussi, le représentant a assuré que son pays avait l’intention d’accroître encore cette participation.
M. RICHARD W. WILLIAMSON (Etats-Unis) a déclaré que le Gouvernement des Etats-Unis a toujours appuyé le PAM par des contributions qui s’élèvent aujourd’hui à plus de 15 milliards de dollars versés depuis le début des années 1990. Présent à la fois dans des zones de combat et dans les régions où la nature a causé des catastrophes, le PAM est irremplaçable dans les efforts d’aide de la communauté internationale aux affamés, notamment les femmes et les enfants. En Afghanistan, le PAM a joué un rôle crucial de secours aux plus faibles et aux plus démunis. Les conflits ne s’arrêtent pas après la signature des cessez-le-feu. Le problème de la communauté internationale est de trouver des ressources pour satisfaire les besoins qui naissent et deviennent plus visibles en période de reconstruction après-conflit. Concernant l’Afghanistan, nous lançons un appel aux autres donateurs pour qu’ils complètent les ressources dont le PAM a besoin. Les Etats-Unis concentreront leurs efforts dans le domaine agricole, dans l’esprit de la déclaration faite par le Président Bush à Monterrey. Notre gouvernement continuera de soutenir le PAM, qui sera désormais placé sous la direction de
M. James Morris.
Mme CATHERINE MAHOUVE SAME (Cameroun) a rendu hommage à Mme Bertini pour le travail exemplaire accompli au cours de son mandat. Puis elle a rappelé que vingt ans de conflit en Afghanistan faisaient que plus de huit millions d’Afghans, dont 20% d’enfants de moins de cinq ans, avaient besoin de l’aide internationale pour vivre. La crise afghane a également affecté les populations qui n’étaient pas directement touchées par les combats, les services de base s’étant effondrés. Face à l’aggravation de la crise humanitaire, elle s’est félicitée des activités multidimensionnelles du PAM, énumérant les secours d’urgence aux personnes déplacées, l’aide aux citadins pauvres, les boulangeries de femmes qui permettent l’emploi des veuves. Elle a également salué l’activité du PAM en faveur des droits fondamentaux comme le droit de la femme à travailler ou la distribution de pain aux écoliers qui se trouvent ainsi encouragés à fréquenter l’école. La représentante s’est réjouie des efforts du PAM en faveur de la sécurité de son personnel, rendant hommage au personnel humanitaire qui opère dans des conditions difficiles et dangereuses. La représentante a salué l’étroite collaboration entre le PAM, l’UNICEF, le HCR et OCHA, qui développe l’idée de centres humanitaires logistiques des Nations Unies. En conclusion, elle s’est inquiétée de la garantie d’accès de l’assistance humanitaire aux populations vulnérables : rappelant que celle-ci incombe au premier chef aux Etats, elle a lancé un appel aux Etats Membres pour qu’ils respectent les dispositions du droit international humanitaire et contribuent à l’instauration des conditions de sécurité requises pour les populations déplacées et réfugiées.
M. SERGEY LAVROV (Fédération de Russie) a noté que l’aide alimentaire aidait à réduire la portée des conflits, de la terreur et de l’extrémisme. En Afghanistan, 9 millions de personnes ont un besoin aigu d’aide alimentaire et la moitié des enfants souffrent de faim chronique. Il faut donc nourrir ces gens tout en garantissant une transition harmonieuse vers la sécurité et le développement. La coordination des acteurs humanitaires sera donc fondamentale et, à cet égard, la nouvelle mission de l’Organisation des Nations Unies, la MINUA jouera un rôle clef. Le représentant russe a relevé la part de plus en plus importante que prend le Conseil de sécurité à la protection des civils, des femmes et des enfants dans les conflits armés et aux aspects humanitaires, qu’il prend en compte désormais dans la planification des opérations de maintien de la paix. Ceci doit s’appliquer concrètement. Il a exprimé son accord sur le fait que l’aide ne peut en aucun cas être utilisée comme outil d’ingérence ou peser sur le sens des conflits. Enfin, il a conclu en soulignant que Mme Bertini a été la première femme à diriger le PAM, qu’elle s’est montrée très énergique à ce poste et a gagné l’admiration de tous.
Répondant aux questions et commentaires formulés par les délégations,
Mme Bertini a expliqué, en ce qui concerne l’Afghanistan que la création de la Mission d’assistance des Nations Unies en Afghanistan (MANUA) est importante pour les acteurs humanitaires et a assuré que ces derniers travaillent tous de façon coordonnée sur le terrain avec le Représentant spécial du Secrétaire général,
M. Lakhdar Brahimi, et les autorités locales, en essayant toujours de veiller à ce que l’aide alimentaire soit dirigée vers ceux qui ont faim. Si nous constatons que ce n’est pas le cas, nous demandons à M. Brahimi de régler le problème, a-t-elle précisé. Mme Bertini a également assuré que l’aide n’est pas seulement distribuée dans les grandes villes mais aussi dans l’ensemble du pays, grâce à l’aide d’un réseau d’une soixantaine d’organisations non gouvernementales, notamment locales. Concernant les militaires en civil, elle a rappelé que ces derniers apportaient une contribution utile aux ONG en termes de génie, citant par exemple les activités de déminage. Elle a toutefois reconnu que les militaires devaient être identifiés comme tels.
Concernant les factions non étatiques, en Afghanistan ou ailleurs, ce problème revient tout le temps, a-t-elle dit et augmente les risques pour le personnel: il faut travailler avec ceux, sans qu’on leur reconnaisse un statut juridique, qui contrôlent les territoires sinon il est impossible de distribuer l’aide alimentaire, a-t-elle fait valoir. La coordination avec les ONG et toutes
les institutions des Nations Unies fonctionne très bien en Afghanistan, a-t-elle également assuré. S’agissant des autres régions, Mme Bertini a répondu à la Syrie que le PAM faisait de son mieux à Gaza mais qu’il est confronté aux mêmes problèmes que tous les autres organismes humanitaires. Répondant à la Guinée sur la question relative à l’achat de produits locaux, elle a fait valoir que le PAM achetait pour près de 200 à 300 millions de dollars sur les marchés locaux chaque année et que la majorité du personnel était recruté sur le terrain. Enfin, elle a affirmé que le PAM faisait de son mieux pour que l’aide aille à ceux qui en ont besoin.
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