CONFERENCE DE PRESSE DU REPRESENTANT DE LA FRANCE, M. JEAN-DAVID LEVITTE, A LA VEILLE DE LA MISSION DU CONSEIL DE SECURITE DANS LA REGION DES GRANDS LACS
Communiqué de presse CONFERENCE DE PRESSE 26 AVRIL |
Le 26 avril 2002
CONFERENCE DE PRESSE DU REPRESENTANT DE LA FRANCE, M. JEAN-DAVID LEVITTE, A LA VEILLE DE LA MISSION DU CONSEIL DE SECURITE DANS LA REGION DES GRANDS LACS
M. Jean-David Levitte (France), qui dirigera à partir de demain samedi 27 avril et jusqu'au 7 mai la troisième mission du Conseil de sécurité dans la région des Grands Lacs, s'est déclaré «plutôt optimiste» car il y a, selon lui, une vraie volonté de paix dans la région.
Il a souligné qu'il était important que le Conseil maintienne cette mission malgré la situation au Proche-Orient: il nous faut montrer à nos partenaires africains que la crise au Proche-Orient ne nous fait pas oublier les autres sujets inscrits à l'ordre du jour du Conseil, a-t-il fait valoir, expliquant qu'un avion loué en Afrique du Sud permettrait à la délégation de rentrer à tout moment si nécessaire. La crise dans les Grands Lacs, a-t-il rappelé, a causé la mort d'environ trois millions de personnes en trois ans dont 200 000 directement à cause des combats et les autres en raison de l'effondrement des structures économiques et de santé.
Cette mission conduira successivement les membres du Conseil en Afrique du Sud, au Zimbabwe, en République démocratique du Congo, à Kinshasa et à Kisangani, en Angola, en Ouganda, en Tanzanie, au Burundi et au Rwanda. Elle s'entretiendra avec les acteurs de la crise, autorités et groupes rebelles, ainsi qu'avec la société civile congolaise et les représentants de la Mission d'Observation des Nations Unies au Congo (MONUC). A Pretoria, un rendez-vous est prévu avec l'Ambassadeur Kassem qui dirige le Comité d'experts sur le pillage des ressources naturelles du Congo, un des moteurs du conflit, a souligné M. Levitte.
Le représentant a rappelé que nous sommes au lendemain de la signature de l'Accord de Sun City, résultat de mois d'efforts sous l'égide du facilitateur,
M. Ketumire Masire et grâce au soutien du président sud-africain M. Thabo Mbeki: des progrès importants ont été accomplis, trente-sept textes adoptés à l'unanimité par les participants sur l'avenir politique du pays. A la fin, l'Accord n'a pu rassembler la totalité des participants mais 80 % d'entre eux, dont le Président Joseph Kabila, l'ont signé ainsi que M. Jean-Pierre Bemba. Cet accord prévoit un partage du pouvoir: M. Kabila reste Président, M. Bemba deviendra Premier ministre tandis que le RCD-Goma (non signataire) assumerait la présidence de l'Assemblée et le ministère de la défense. Au RCD-Goma et aux autres mouvements, qui ne sont pas parties à l'accord, M. Levitte a l'intention de délivrer le message suivant: bâtissez sur les acquis de Sun City, socle sur lequel les autres progrès pourront être enregistrés. Il est important que chacun fasse un pas vers l'autre et c'est ce que nous dirons à tous ceux que nous verrons, a-t-il insisté.
Toutefois, le représentant a souligné que le Conseil de sécurité n'avait pas à rentrer dans les détails des mécanismes. L'Accord de paix de Lusaka, a-t-il rappelé, confie à l'Organisation de l'Unité Africaine (OUA) et aux Congolais eux-mêmes le soin de l'avenir politique du pays. Le Conseil, quant à lui, est chargé du volet militaire donc de la paix et de la sécurité. Il s'agit donc, a-t-il prévenu, de traiter de deux éléments qui sont actuellement en panne: le désarmement des groupes armés rwandais présents en RDC et le retrait total des troupes étrangères de RCD.
M. Levitte a fait valoir que depuis la première mission de ce type en 2000, sous l'égide de M. Richard Holbrooke (Etats-Unis), le Conseil de sécurité a bâti un véritable partenariat avec tous les acteurs et que le dialogue ne s'était jamais arrêté: ils viennent à nous, ou nous, à eux, a-t-il souligné. Ceci traduit la capacité du Conseil à aider les instances régionales et les Africains eux-mêmes dans leur démarche de recherche de la paix: le Conseil accompagne cette volonté de régler la crise, il est prêt à aller plus loin à condition que les protagonistes soient eux aussi disposés à aller plus loin M. Levitte a évoqué des propositions spécifiques qui seraient faites au cours du voyage mais a souhaité en conserver la primeur aux chefs d'Etat de la région.
Nous allons également, a-t-il ajouté, parler du pillage de la RDC à tous nos interlocuteurs et leur dire qu'il faut que cela cesse. La mission a aussi l'intention d'évoquer la situation des droits de l'homme et le respect du droit humanitaire: M. Levitte a indiqué à cet égard que le Conseil avait préparé sa mission en rencontrant hier jeudi les organisations non gouvernementales Oxfam International, Amnesty International et Human Rights Watch, qui lui ont livré des informations sur la situation dans la région. Mercredi, une séance similaire les avait réunis avec les institutions des Nations Unies sur place, notamment OCHA, le Bureau de la coordination des affaires humanitaires.
Evoquant plus précisément la situation au Burundi, le représentant a rappelé que l'an dernier elle était jugée très inquiétante mais que depuis des progrès avaient été accomplis et que la transition était en place, qui associe Hutus et Tutsis au sein du Gouvernement. La mission va donc lancer un appel pressant aux groupes armés, qu'elle rencontrera en Afrique du Sud, pour qu'ils rejoignent ce processus et déposent les armes. Nous le ferons, a-t-il précisé, avec l'aide du Vice-Président sud-africain Zuma et du Ministre gabonais des affaires étrangères, car cette "coconsolidation" joue un rôle décisif. Il a rendu hommage au rôle de l'ancien Président Nelson Mandela, sans qui ce processus n'existerait pas. Il a salué le choix courageux de l'Afrique du Sud qui a envoyé des troupes sur place pour protéger les personnalités politiques de retour d'exil.
Au plan économique, le représentant a estimé qu'il fallait que ceux qui ont fait le choix de la paix en perçoivent les dividendes immédiatement, il faut leur montrer que l'économie repart. Pour ce faire, l'an dernier, des petits projets à impact rapide ont été lancés. Mais nous aurons sans doute au retour un message à adresser au Fonds monétaire international, à la Banque mondiale et aux donateurs, a-t-il prévenu. Soulignant que le Conseil ne choisissait pas ses partenaires, qu'il n'y avait pour lui ni bons ni méchants, il a exprimé sa disposition à relancer le projet de conférence internationale si le retrait complet des troupes étrangères se confirmait. La paix dans les Grands Lacs doit être accompagnée d'une intégration et d'une coopération économiques régionales.
En réponse aux questions, M. Levitte a fait valoir que l'esprit de dialogue présidait à la mission, qu'il ne s'agissait pas de brandir des sanctions mais que des incitations positives pouvaient apporter des résultats. Il y a une vraie dynamique de paix dans la région, elle est lancée et il n'est pas trop tard pour prendre le train en marche, a-t-il estimé. Interrogé sur le versement d'éventuels dédommagements, en raison du pillage des ressources naturelles congolaises,
M. Levitte a répondu qu'aucun acteur n'avait mentionné cette perspective jusqu'à présent; ceci pourrait être envisagé ultérieurement si les Congolais le souhaitent et quand les experts ont remis leurs conclusions.
Au plan économique, il a indiqué que des discussions étaient en cours actuellement entre le FMI, la RDC et l'Union européenne: pour la première fois depuis des années, a-t-il insisté, la RDC a un vrai budget, approuvé par le FMI. Quant à la forme que l'aide pourra prendre, il a désigné deux axes: d'une part les projets à impacts rapides déjà évoqués, de l'autre la reconstruction des infrastructures - ponts, routes, voies ferrées…- ainsi que les structures de l'Etat. Il s'agit là d'un immense chantier qui suppose d'abord un pays réunifié, a-t-il dit. Quant au Burundi, il a rappelé que lors d'une conférence de donateurs à Paris, ceux-ci avaient promis de dégager 400 millions de dollars pour aider ce pays à se reconstruire mais il y a maintenant urgence de débourser cette somme et le message, a-t-il ajouté, devra être "repassé" au FMI et à la Banque mondiale.
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