EXPERTS ET ETATS MEMBRES S’INTERROGENT SUR LA MANIERE DE CONCILIER LE NOUVEL ORDRE DU JOUR DE L’ONU POUR LE DEVELOPPEMENT DE L’AFRIQUE ET LE NEPAD
Communiqué de presse AG/1327 |
Comité ad hoc plénier de l’Assemblée
Générale chargé d’effectuer l’examen et
l’évaluation finals de l’application
du nouvel Ordre du jour des
Nations Unies pour le développement
de l’Afrique dans les années 90
1re séance – matin
EXPERTS ET ETATS MEMBRES S’INTERROGENT SUR LA MANIERE DE CONCILIER LE NOUVEL ORDRE DU JOUR DE L’ONU POUR LE DEVELOPPEMENT DE L’AFRIQUE ET LE NEPAD
Le Comité ad hoc chargé de l’examen et de l’évaluation finals de l’application de l’UN-NADAF ouvre sa session de fond de 2002
Réuni ce matin dans le cadre de la première séance de sa session de fond de 2002, le Comité ad hoc plénier chargé de l’examen et de l’évaluation finals du Nouvel ordre du jour des Nations Unies pour le développement de l’Afrique dans les années 90 (UN-NADAF), a examiné le rapport d’«Evaluation indépendante de l’application du Nouvel ordre du jour des Nations Unies pour le développement de l’Afrique»*. Rédigé par un groupe de 12 personnalités éminentes, appuyé par deux experts indépendants de haut niveau désignés par le Secrétaire général, ce rapport a été présenté par le Président du Groupe de personnalités éminentes, M. Kwesi Bothwey, ancien Ministre des finances du Ghana.
Dans son intervention, M. Kwesi Botchwey, a présenté un bilan-critique de la mise en œuvre du UN-NADAF en soulignant les insuffisances et autres manquements qui ont caractérisé la mise en œuvre effective de ce programme, notamment la dégradation des termes de l’échange et la baisse constante des prix des matières premières dont les économies africaines sont extrêmement dépendantes, l’exportation de produits transformés ou semi-transformés ne représentant, selon M. Botchwey, que 18% des échanges africains. Alors que les espoirs fondés sur les «dividendes de la paix» avaient en grande partie justifié le lancement de l’UN-NADAF à la fin de la guerre froide, il est regrettable qu’il n’y ait pas eu de baisse drastique des dépenses militaires dans les pays industrialisés, a fait observer M. Botchwey qui a précisé que, ajoutée au maintien d’un niveau élevé de dépenses militaires, la baisse drastique de l’aide publique au développement (APD) avait réduit à néant les bénéfices que pouvait faire espérer la mise en œuvre de l’Initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE). D’autre part, a relevé l’orateur, bien qu’ils aient contribué à créer un cadre fiscal plus rigoureux dans les pays où ils ont été appliqués, les programmes d’ajustement structurel ont dans le même temps sapé les structures sociales, de santé et d’éducation sans lesquelles les pays africains n’ont aucune chance de promouvoir leur développement. La croissance annuelle de 6% sur laquelle tablait l’UN-NADAF, n’a finalement été que de 3% en moyenne dans l’ensemble des pays d’Afrique, ce qui, joint à la baisse de l’APD et à la rareté des investissements étrangers directs (IED) en Afrique, a causé une régression socioéconomique généralisée du continent. Si on ajoute à tous ces facteurs négatifs la persistance de conflits intra-étatiques ou régionaux, la situation générale du continent africain n’a pas connu d’amélioration, a conclu le Président du Groupe de personnalités imminentes.
Au vu des insuffisances relevées au cours des dix années d’application de l’UN-NADAF, le Groupe de personnalités éminentes, assisté par l’Équipe d’experts indépendants, fait cinq constats et recommandations. Premièrement, le Groupe constate que conflits et développement sont incompatibles et que la mise en place d’un climat de paix est un préalable incontournable à tout effort de développement. Deuxièmement,que la doctrine prônant la libéralisation à outrance, la privatisation et une réforme essentiellement axée sur les lois du marché a montré ses limites, ayant maintes fois abouti à l’inverse des résultats et des effets escomptés. Troisièmement, le Groupe constate et recommande qu’il est nécessaire de respecter les engagements pris en matière d’appui financier, d’aide publique au développement (APD), d’allègement de la dette, et d’accès des produits africains aux marchés. Quatrièmement, il estime qu’il faut mener un plaidoyer sans relâche en faveur du développement de l’Afrique, ce thème devant être maintenu au premier plan des débats et de l’ordre du jour de la communauté internationale; et enfin, cinquièmement, qu’il faut accroître la pertinence et l’efficacité de l’Organisation des Nations Unies, en lui donnant les moyens financiers d’entreprendre des activités en Afrique, mais aussi en améliorant la coopération et la cohérence des décisions et des actions non seulement à l’intérieur du système de l’ONU lui-même, mais aussi aux niveaux national et régional en accélérant la simplification et l’harmonisation des procédures. Le Groupe de personnalités éminentes propose finalement que l’ONU et la communauté internationale soutiennent le Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD), initiative qui émane des dirigeants africains eux-mêmes et qui cherche à s’attaquer aux problèmes du continent selon la vision des Africains, au lieu de chercher à mettre en place un nouveau programme de développement des Nations Unies destiné à l’Afrique. Le Groupe encourage d’autre part le NEPAD à mieux communiquer avec les pays et les publics africains, pour leur expliquer et leur préciser ses objectifs et choix en matière de développement et montrer que son concept marque une véritable rupture avec les modèles qui l’ont précédé et ont été des échecs.
Dans leurs questions aux membres du Groupe de personnalités éminentes et de l’Équipe d’experts indépendants, des délégations d’États Membres ont fait part des doutes qui existent sur la conception et les possibilités réelles de mise en œuvre du NEPAD. Certaines raisons de l’échec des stratégies préconisées par la communauté internationale aux pays africains en matière de développement tiennent au refus des pays donateurs de tenir les engagements pris en matière de financement des programmes, d’APD, d’accès aux marchés, de partage des connaissances et des technologies, et de renforcement des ressources humaines, ont estimé les représentants. La question a été par conséquent posée de savoir ce qui pouvait faire croire que le NEPAD recevra plus d’attention de la part des investisseurs et des pays industrialisés. Sa mise en œuvre étant largement dépendante à la fois de partenariats hypothétiques, mais qui devront être fructueux, avec les investisseurs et le secteur privé, dont il faut noter que les investissements en Afrique depuis le début de la mondialisation se font au compte-gouttes. Il s’agit de convaincre ce secteur privé d’augmenter le niveau de sa participation au développement du continent. Si l’Afrique du Sud, qui est la principale économie du continent africain a du mal à attirer les IED malgré un cadre d’investissement pourtant plus attractif et plus transparent que celui d’autres pays situés dans d’autres régions du monde mais qui, cependant, reçoivent beaucoup plus d’IED, que peuvent espérer les autres pays africains? Et s’agissant des fautes et des attitudes que l’on peut reprocher aux Africains eux-mêmes, quel type d’actions faut-il mener pour initier, par exemple, le rapatriement des avoirs africains déposés à l’étranger et en favoriser l’investissement au profit du développement du continent? D’autre part, se sont demandé certaines délégations, pourquoi a-t-on l’impression que la communauté internationale est réticente à prendre des mesures efficaces et contraignantes sur la levée des secrets et le rapatriement de fonds qui ont été clairement identifiés comme ayant été illégalement détournés des ressources nationales des Etats africains et déposés dans des banques étrangères?
Le coût financier, social et politique des conflits étant un des principaux handicaps à la promotion du développement, la mise en œuvre du NEPAD devra tenir compte des insuffisances qui ont été constatées dans celle de l’UN-NADAF sur cette question. Le règlement des conflits doit faire une place spéciale aux femmes, aux personnes défavorisées et à l’enfance, qui sont les principales victimes des luttes armées, ont estimé les participants aux débats de ce matin.
Rappel
Le Nouvel ordre du jour pour le développement de l’Afrique dans les années 90(UN-NADAF) a été adopté le 18 décembre 1991 par l’Assemblée générale dans sa résolution 46/151. L’UN-NADAF est un instrument par lequel les pays africains et la communauté internationale avaient pris des engagements mutuels. Il fixait comme objectif à atteindre un taux de croissance réel du PNB d’au moins 6% pendant 10 ans, taux qui pouvait être atteint si l’APD atteignait au moins 30 milliards de dollars en 1992 et progressait ensuite de 4% par an en moyenne. Mais au cours de la décennie de mise en œuvre de l’UN-NADF, le taux de croissance des pays africains n’a été que de 3% par an, alors que l’APD à destination de l’Afrique, souvent liée, diminuait pour sa part dramatiquement, passant de 28 milliards de dollars en 1990 à 16 milliards de dollars en 2000, soit une baisse de 43%. Au cours de la même période, les débouchés commerciaux de l’Afrique sont restés très limités et tributaires d’une gamme étroite de produits de base dont les cours ont connu une dégradation continue. La part des produits primaires dans le volume total des exportations africaines atteint 26,6%, le pétrole représentant 54,7% de ces exportations et les produits manufacturés 18,4% seulement.
Le Comité ad hoc plénier chargé de l’examen et de l’évaluation finals du Nouvel ordre du jour des nations Unies pour le développement de l’Afrique dans les années 90 poursuivra ses débats cet après-midi à 15 heures.
* Ce rapport est publié sous la cote A/AC.251/9
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