AFR/418

UN COMITE D’EXPERTS INDEPENDANT CONSEILLE A L’ONU DE SOUTENIR L’INITIATIVE DE DEVELOPPEMENT MISE AU POINT PAR L’AFRIQUE ELLE-MEME

 

 

 

 

 

 

 

                                                            AFR/418

                                                            PI/1424

                                                            11 juin 2002

 

 

UN COMITE D’EXPERTS INDEPENDANT CONSEILLE A L’ONU DE SOUTENIR L’INITIATIVE DE DEVELOPPEMENT MISE AU POINT PAR L’AFRIQUE ELLE-MEME

 

 

NEW YORK, 11 juin 2002 – Au terme d’une nouvelle décennie de « résultats économiques insuffisants » en Afrique, un comité d’experts indépendant a demandé aujourd’hui à l’ONU d’apporter tout son soutien à la nouvelle stratégie mise au point par les dirigeants africains, le Nouveau Partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD).

 

Les membres du comité ont constaté que les récents accords internationaux visant à promouvoir la paix et le développement n’avaient dans l’ensemble pas donné les résultats escomptés. Aujourd’hui, le nombre d’Africains vivant dans la pauvreté est supérieur de 80 millions à ce qu’il était au début des années 1990. Lorsque l’Assemblée générale des Nations Unis se réunira en septembre pour évaluer les progrès de l’Afrique et l’appui à apporter au continent à l’avenir, au lieu de négocier un autre pacte international, l’ONU et la communauté internationale devraient soutenir « l’initiative de développement mise au point par l’Afrique elle-même ».

 

Composé de douze éminents experts, nommés par le Secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan, et présidés par l’ancien Ministre des finances du Ghana, Kwesi Botchwey, le comité a constaté que la démocratie avait remarquablement progressé en Afrique au cours des dernières années mais que la réduction importante de l’aide au développement, l’accueil défavorable réservé aux exportations africains sur les marchés, les conflits destructeurs et le manque de gouvernance avaient considérablement nui à l’amélioration générale de la situation.

 

Dans ces conditions, les objectifs de base du Nouvel ordre du jour des Nations Unies pour le développement de l’Afrique dans les années 90, adopté en décembre 1991 par l’Assemblée générale et maintenant révolu, n’ont pu être atteints. Pour que le NEPAD et d’autres initiatives obtiennent de meilleurs résultats à l’avenir, les membres du comité ont estimé qu’il fallait que les pays riches augmentent leur aide au développement, réduisent davantage la dette et ouvrent leurs marchés aux exportations africaines. L’ONU elle-même devra intensifier et mieux coordonner l’appui qu’elle apporte à l’Afrique. Et les gouvernements africains doivent redoubler d’efforts afin de mettre fin aux conflits de l’Afrique et de démocratiser plus avant leurs sociétés.

 

 

 

(à suivre)


Une décennie décevante

 

Croissance économique

 

Pour instaurer les conditions économiques minimales nécessaires au développement et à la réduction de la pauvreté en Afrique, le Nouvel ordre du jour des Nations Unies avait fixé comme objectif un taux de croissance annuel moyen d’au moins 6 % dans les dix ans qui suivraient son adoption par l’Assemblée générale en décembre 1991. Pourtant, pendant toute cette période, la croissance économique de l’Afrique n’a été que de 3 % en moyenne par an, taux que le comité a qualifié de « très décevant ».

 

Aide au développement

 

Pour atteindre cet objectif d’une croissance de 6 %, les auteurs du Nouvel ordre du jour estimaient que les pays donateurs devraient accorder au moins 30 milliards de dollars d’aide publique au développement (APD) nette en 1992. En outre, le montant de l’APD devrait augmenter de 4 % en moyenne par an. En réalité, l’aide accordée à l’Afrique est passée de 28,6 milliards de dollars en 1990 à 16,4 milliards en 2000, soit une diminution de 43 %.

 

Dette

 

Les efforts entrepris en matière de réduction de la dette ont également été de portée limitée. Sur les 33 pays africains susceptibles de profiter de l’Initiative des pays pauvres très endettés (PPTE) lancée en 1996 par la Banque mondiale et le Fonds monétaire international, en décembre 2001, seuls 10 avaient bénéficié d’une véritable suspension des paiements dus au titre du service de la dette et, en avril 2002, seuls quatre de ces 10 pays avaient eu droit à une annulation d’une proportion importante de leur dette.

 

Echanges commerciaux

 

Alors que le commerce mondial s’est rapidement développé à l’échelle mondiale au cours de la dernière décennie, les échanges commerciaux de l’Afrique n’ont augmenté que très lentement. Cela est en partie dû au fait que les économies africaines ont continué à dépendre d’un nombre très restreint d’exportations de produits primaires, alors que ce sont principalement les exportations de produits manufacturés qui se sont développées à l’échelle mondiale. Les produits manufacturés ne représentent que 18,4 % des exportations de l’Afrique, contre 54,7 % pour le pétrole et 26,6 % pour les autres produits primaires.

 

Politiques des pouvoirs publics

 

D’après les membres du comité, la libéralisation, la privatisation et les réformes commerciales ont contribué à améliorer légèrement la situation macro-économique en Afrique. Ces réformes ont notamment permis de réduire l’inflation. « Mais, dans l’ensemble, les programmes d’ajustement ont gravement nui aux conditions sociales et n’ont pas réussi à rétablir la croissance. » Rares sont les pays africains qui ont réussi à attirer des investissements, malgré l’instauration


d’un climat plus propice aux investissements. Les investissements étrangers directs (IED) se sont non seulement maintenus à un niveau négligeable, mais ils restent concentrés dans quelques pays, le plus souvent dans  l’industrie pétrolière ou d’autres industries extractives.

 

Facteurs politiques

 

Les membres du comité ont observé que la crise économique du continent a été aggravée par le « despotisme et la corruption », ainsi que par la multiplication des guerres et des troubles civils. En revanche, il est encourageant de constater que de nombreux pays africains ont fait de grands progrès en matière de démocratisation de leurs systèmes politiques pendant les années 1990. La société civile s’est développée dans la plus grande partie du continent, grâce à la croissance des organisations non gouvernementales. La transformation de l’Organisation de l’unité africaine en une nouvelle Union africaine et de nombreuses autres initiatives régionales témoignent de la volonté croissante des pays africains de mieux coordonner et intégrer leurs économies, leurs systèmes de transport et leurs relations politiques.

 

Dimension humaine

 

En ce qui concerne la dimension humaine du développement de l’Afrique, les résultats ont été « mitigés » pendant la durée du Nouvel ordre du jour des Nations Unies :

 

§         Les taux de scolarisation de l’enseignement primaire et secondaire se sont légèrement améliorés par rapport aux années 1980. Mais ils n’ont pas suffi à compenser le recul de la décennie précédente. De plus, « dans les pays ayant des programmes d’ajustement, les pouvoirs publics ont été obligés de considérablement réduire les budgets de l’éducation et l’aide aux familles, qui étaient déjà faibles ».

 

§         Pendant les années 1990 et au début de la décennie actuelle, les systèmes de santé de la plupart des pays africains n’ont pas pu faire face à la progression de grandes maladies, et en particulier du VIH/SIDA. Les pouvoirs publics ont réduit leurs budgets de santé, déjà insuffisants, et la plus grande partie des dépenses de santé est maintenant à la charge des individus et non plus des services publics. Cependant, le comité a noté que, en avril 2001, les pays africains s’étaient engagés à allouer 15 % de leur budget annuel à l’amélioration du secteur de la santé.

 

§         Dans toute l’Afrique, les femmes ont formé des réseaux et des partenariats en vue d’améliorer leur condition et leurs possibilités d’action. En conséquence, les politiques, programmes et procédures administratives et financières commencent à tenir compte de considérations liées à l’égalité des sexes. Cependant, les femmes continuent d’être peu représentées au sein des parlements et autres organes de décision, tandis que, dans de nombreux pays, le taux de scolarisation des filles est nettement inférieur à celui des garçons.


 

Les conditions du succès

 

Après avoir analysé pourquoi l’Afrique a obtenu des résultats mitigés au cours des dix dernières années, le comité a énuméré divers enseignements tirés du passé, qui sont autant de conditions à satisfaire pour réussir à l’avenir. D’ailleurs, un certain nombre de pays africains ont bénéficié d’une paix relative, de politiques judicieuses en matière de développement et d’un soutien international accru, ce qui prouve que le continent n’est nullement voué à l’échec.

 

Paix

 

Comme on a pu le voir dans les années 1990, l’obtention de la paix et de la sécurité doit être « la responsabilité première et la plus grande priorité des pays africains, individuellement et collectivement ». Le comité a loué les mesures prises par l’OUA/Union africaine et l’ONU dans ce sens et a instamment prié la communauté internationale de soutenir les efforts entrepris en faveur de la paix, notamment en réduisant les ventes d’armes à l’Afrique.

 

L’Afrique maître de son développement

 

Autre enseignement tiré des dix dernières années : éviter « une trop forte dépendance vis-à-vis de la libéralisation, de la privatisation et des réformes commerciales ». Les membres du comité estiment que ces méthodes ont des limites et que dans de nombreux cas leur usage excessif a « nui à l’accélération du développement et à l’atténuation de la pauvreté ». Chaque pays africain doit plutôt « établir sa propre stratégie de développement ». Les donateurs et les institutions financières internationales devraient à leur tour « reconnaître dans les faits que l’Afrique est maître de son développement… La démocratie est menacée lorsque des politiques sont imposées de l’extérieur à des gouvernements africains et que leurs institutions démocratiques n’ont pas de véritables choix ».

 

Les engagements des donateurs

 

Les donateurs doivent également s’acquitter de leurs promesses. « Les Africains ont fini par accepter qu’une meilleure gouvernance était une condition indispensable au développement économique », ont observé les membres du comité. « Les donateurs sont également obligés de tenir les promesses qu’ils font en ce qui concerne l’aide financière. » Il s’agit notamment :

 

§         D’accélérer et d’accroître la réduction de la dette, y compris « d’annuler complètement la dette des pays ayant adopté de bonnes politiques et instauré un cadre démocratique »,

 

§         De véritablement permettre aux produits de l’Afrique d’avoir accès aux marchés,

 

§         Et d’augmenter l’aide accordée « sans conditionnalités », sauf celles que les pays eux-mêmes adoptent pour évaluer leurs performances. Les donateurs peuvent poursuivre leurs négociations avec les pays africains en ce qui concerne les politiques économiques de ces derniers, mais devraient donner aux dirigeants de ces pays un « rôle de premier plan » au cours de ces négociations.

 

L’efficacité de l’ONU

 

Le comité a souligné la nécessité d’accroître l’efficacité et l’utilité de l’action menée par l’ONU en Afrique et recommande à cet égard de prendre deux mesures importantes : 1) donner à l’ONU des moyens financiers adéquats lui permettant d’agir en Afrique, en augmentant les contributions versées à l’ensemble de l’Organisation et en procédant à une réallocation des ressources entre les priorités régionales de certains organismes, et 2) obtenir une collaboration plus étroite entre l’ONU et ses différents organismes, notamment à l’échelon des pays. Dans l’ensemble, il convient de renforcer l’action de sensibilisation que mène l’ONU en faveur de l’Afrique et que le comité a saluée. L’harmonisation et la systématisation de la mobilisation de l’ONU en faveur de l’Afrique « devraient relever d’une seule et même autorité dotée des moyens d’action nécessaires ».

 

Le cadre d’action de l’Afrique

 

Alors qu’ils étaient chargés de déterminer si l’ONU devait définir un nouvel ordre du jour ou programme visant à prolonger le Nouvel ordre du jour des années 1990 ou à en assurer le suivi, les membres du comité ont recommandé « au système des Nations Unies d’adopter le Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique, comme cadre de l’action menée en faveur de l’Afrique ». Ils ont toutefois noté que le NEPAD était « encore un processus en cours d’évolution ».Bien que le NEPAD ait été accueilli très favorablement par la communauté internationale, les priorités de ce Nouveau partenariat doivent faire l’objet d’un plus grand consensus, avec la participation intensive des institutions démocratiques et de la société civile africaines. Cela est indispensable si l’on veut marquer « une rupture très nette avec les doctrines qui ont échoué par le passé ».

 

Les membres du comité ont conclu que le NEPAD restait fragile. Il doit se traduire par des politiques nationales ou régionales. Et, surtout, la mise en œuvre de ses objectifs dépend en grande partie de l’aide extérieure. D’après le comité, les donateurs devraient jouer un rôle de partenaire dans le cadre du NEPAD, « en s’engageant de nouveau à veiller à ce que l’Afrique soit maître de son développement et à éviter de revenir aux conditionnalités désuètes qui ont été contre-productives par le passé ».

 

Les principaux pays donateurs mettent déjà au point un mécanisme « d’évaluations mutuelles », afin de mieux suivre leurs propres politiques et pratiques en matière d’aide extérieure. Le comité a recommandé que ces évaluations portent « sur toutes les politiques ayant des répercussions en Afrique, et notamment celles qui sont prises dans le domaine du commerce et de l’agriculture ». Il a également suggéré que les donateurs envisagent de faire participer les pays africains à ces évaluations et « qu’un tel mécanisme d’évaluations mutuelles s’applique également au système des Nations Unies ».

 

Pour de plus amples informations, veuillez contacter : ONU Afrique Relance, Tél. : (1-212) 963-6833 ou (1-212) 963-6857, Fax:  (1-212) 963-4556,

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