En cours au Siège de l'ONU

SG/SM/7802

LE SECRETAIRE GENERAL PLAIDE EN FAVEUR DE LA TENUE DE NOUVELLES NEGOCIATIONS COMMERCIALES VERITABLEMENT CONSACREES AU DEVELOPPEMENT

14/05/2001
Communiqué de presse
SG/SM/7802


                                                            DEV/2311


LE SECRETAIRE GENERAL PLAIDE EN FAVEUR DE LA TENUE DE NOUVELLES NEGOCIATIONS COMMERCIALES VERITABLEMENT CONSACREES AU DEVELOPPEMENT


On trouvera ci-après le texte de l’allocution prononcée, aujourd’hui à Bruxelles, par le Secrétaire général, M. Kofi Annan, à l’ouverture de la réunion spéciale intitulée : «Vaincre la pauvreté pour parvenir à un développement durable: l’action de la communauté internationale» :


C’est pour moi un honneur de présider cette Réunion spéciale, qui prélude à la Troisième Conférence des Nations Unies sur les pays les moins avancés. C’est là une entrée en matière aussi originale que prometteuse, puisqu’elle donnera aux Chefs d’État et de Gouvernement des pays les moins avancés (PMA) l’occasion de discuter des problèmes avec lesquels ils sont aux prises, non seulement avec les gouvernements des pays donateurs et les représentants des institutions internationales, mais aussi avec des personnalités du monde des affaires et des membres de la société civile.


Une telle formule préfigure les partenariats stratégiques qu’il nous faudra absolument instaurer si nous voulons venir à bout de la pauvreté et assurer un développement durable.


Je voudrais, si vous le permettez, axer mon intervention sur quelques observations très simples.


La pauvreté est rarement un choix. Qui voudrait en effet vivre la main tendue et dépendre de la charité d’autrui ?  D’une manière générale, les déshérités de la planète savent qu’ils sont parfaitement capables de subvenir eux-mêmes à leurs besoins. Et ils ne demanderaient pas mieux de le faire si on leur donnait la possibilité d’être compétitifs, de rivaliser avec les autres à armes égales.


Cela est vrai pour les individus, mais aussi pour les entreprises et les pays.


Chaque État, quel qu’il soit, devrait être en mesure de mobiliser ses propres ressources mais aussi d’attirer les investissements étrangers.


Cette capacité dépend en premier lieu de la qualité de la gouvernance.  Pour être capable de soutenir la concurrence sur les marchés mondiaux, les gouvernements doivent faire en sorte que leurs populations – et j’entends les femmes aussi bien que les hommes – jouissent des avantages qui découlent de l’instruction, de l’état de droit et de l’existence d’institutions efficaces et transparentes; il faut que les peuples puissent compter sur des gouvernants responsables et respectueux des droits de l’homme, tout en ayant voix au chapitre dans les décisions qui les concernent directement.


Les pays en développement, et même les plus pauvres d’entre eux, ne sont donc pas totalement impuissants. Bon nombre d’entre eux ont d’ailleurs déjà accompli des progrès remarquables sur la voie de la démocratie et de la bonne gouvernance économique.


Mais ils sont pris dans un cercle vicieux : leurs ressources propres étant des plus limitées, ils sont encore plus tributaires que d’autres pays des investissements étrangers. Or, ils n’en attirent que très peu, et ce, en raison de la pauvreté de la population, de l’instabilité politique et de l’exiguïté de leur marché national. Et, comme ils sont incapables d’attirer les investisseurs, leur population continue à se débattre dans la pauvreté.


On voit donc que, plus les pays sont pauvres et plus leur marché national est exigu, plus ils ont besoin d’exporter pour sortir du cercle vicieux. C’est la raison pour laquelle, plus que n’importe quel autre groupe d’États, les pays les moins avancés doivent pouvoir opérer sur des marchés ouverts, sur lesquels leurs produits peuvent entrer en concurrence avec d’autres.


Les pays les plus nantis ont, pour leur part, tout intérêt à ouvrir leurs marchés aux produits provenant des PMA.  Leurs consommateurs auraient ainsi à leur disposition un plus large éventail de produits à des prix plus avantageux, et leurs entreprises ne pourraient que bénéficier d’une concurrence plus forte. De plus, en donnant aux pauvres des pays pauvres la possibilité de gagner décemment leur vie, ils contribueraient à l’instauration d’un ordre mondial plus équitable et plus stable.


Notre hôte d’aujourd’hui, l’Union européenne, semble l’avoir compris. En adoptant l’Initiative « Tout sauf les armes », sans attendre de concessions réciproque des pays les moins avancés, les États membres de l’Union européenne ont fait un pas dans la bonne direction, même si certains produits ne bénéficieront de cette initiative que dans un avenir relativement lointain.


J’espère vivement que d’autres géants économiques de la planète adopteront bientôt des initiatives analogues et qu’ils seront encore plus prompts à les appliquer.  Après tout, il n’y a pas si longtemps -- c’était en septembre dernier -- ils se sont engagés, dans la Déclaration du millénaire, à adopter, de préférence avant la tenue de la Conférence qui nous réunit ici, une politique d’admission en franchise et hors quota pour la quasi-totalité des produits exportés par les pays les moins avancés.


Dans l’état actuel des choses, les exportations des PMA sont encore en butte à de redoutables obstacles : dans le secteur agricole, les droits de douane sont en moyenne supérieurs à 40% et, pour certains produits, ils atteignent et dépassent 300%.


Il y a aussi les obstacles non tarifaires : je ne pense pas seulement aux quotas, mais aussi aux barrières techniques, qui restreignent le volume des importations en réglementant la qualité des produits ou leur étiquetage, ainsi qu’à la réglementation en matière de normes de santé et de sécurité.


Toutes ces réglementations visent ostensiblement à protéger les consommateurs et à leur permettre d’acheter en connaissance de cause. Je ne prétends pas qu’elles soient inutiles. Mais il arrive que leur complexité touche à l’absurde.


Laissez-moi vous donner un exemple. Selon une étude de la Banque mondiale, la réglementation européenne en matière d’aflatoxines représente pour l’Afrique, en termes d’exportations perdues de céréales, de fruits secs et d’oléagineux, un manque à gagner de quelque 670 millions de dollars par an.


Et avec quels résultats ?  Cette réglementation permet, au mieux, de sauver la vie d’un citoyen de l’Union européenne tous les deux ans. Comprenez-moi bien.  Je serais le dernier à sous-estimer la valeur de ne serait-ce qu’une vie humaine. Mais l’enjeu est autrement plus important pour l’Afrique :  la possibilité d’exporter ces produits, c’est en effet, pour un grand nombre d’Africains, une chance d’échapper à une mort prématurée, causée par la malnutrition ou les maladies endémiques.


Je suis convaincu qu’il est possible de ramener cette réglementation à de plus justes proportions et de trouver un équilibre plus raisonnable entre les besoins des uns et des autres.


Je pense que le meilleur espoir des PMA, et du monde en développement en général, réside dans la tenue d’une nouvelle série de négociations commerciales multilatérales, qui serait véritablement consacrée au développement.


Cette nouvelle série de négociations devrait viser l’élimination de toutes les barrières commerciales, douanières et autres, qui pénalisent les produits agricoles, les textiles et les autres produits présentant un intérêt particulier pour les PMA. Elles devraient aussi être l’occasion  d’évaluer les progrès accomplis dans l’application des accords conclus lors de la série de négociations précédente, à savoir les négociations d’Uruguay.


Les pays en développement se sont en effet aperçus qu’ils n’avaient pas autant bénéficié des négociations d’Uruguay que les pays développés.


Bon nombre d’entre eux, de même que certaines organisations non gouvernementales, considèrent qu’il n’y a pas lieu d’entamer une nouvelle série de négociations avant d’avoir réévalué les résultats de la série précédente. Si leurs objections ne sont pas infondées, je pense néanmoins que l’on aurait tort d’écarter la tenue d’une nouvelle série de négociations commerciales, car ce serait précisément l’occasion de réévaluer la situation et de procéder aux ajustements nécessaires. J’engage donc tous les gouvernements à se prononcer en faveur de la tenue d’une nouvelle série de négociations commerciales dans les meilleurs délais.


Jusqu’ici, j’ai insisté sur les échanges et l’accès aux marchés, parce que je suis persuadé qu’à moins de développer leur capacité commerciale, les PMA ne parviendront pas à attirer les investissements dont ils ont besoin et leur économie sera vouée à stagner.


Mais si l’accès aux marchés est une condition nécessaire, ce n’est certes pas une condition suffisante, tant s’en faut.


Pour pouvoir exporter leurs produits et devenir ainsi plus prospères, les PMA ont besoin de technologie, en particulier de technologie de l’information. Ils doivent parallèlement développer leur infrastructure physique, sociale et institutionnelle.


Les pays les moins avancés doivent par ailleurs surmonter d’effroyables handicaps. Dans bon nombre d’entre eux, les contraintes environnementales s’aggravent, à mesure qu’une population toujours plus nombreuse se dispute des superficies cultivables de plus en plus réduites.


Déjà aux prises avec une crise sanitaire chronique qui affaiblit et décime leur population, beaucoup de PMA doivent en outre faire face à un fléau encore plus menaçant : le VIH/sida.


Dans la plupart des pays d’Afrique, l’épidémie de sida représente bien plus qu’une crise sanitaire. Le sida y est non seulement la première cause de mortalité, mais aussi le principal obstacle au développement.  Et plusieurs pays d’Asie risquent de connaître bientôt le même sort.


La lutte contre le sida est devenue ma priorité personnelle. J’espère qu’à la fin du mois prochain, lorsque l’Assemblée générale consacrera une Session extraordinaire au VIH/sida, nous saurons nous mettre d’accord sur une stratégie mondiale et constituer un trésor de guerre pour combattre ce fléau.


Beaucoup de PMA sont en proie au conflit. Il faut les aider à régler leurs différends et à remettre sur pied leur économie.


Et beaucoup sont encore écrasés par la dette. On s’accorde désormais à penser qu’il faut les décharger de ce fardeau, mais les pays riches n’ont toujours pas pris les mesures nécessaires pour le faire. Même les pays les plus démunis, qui devraient pourtant voir leur dette annulée au titre du Programme en faveur des pays pauvres très endettés, consacrent encore davantage de ressources au service de la dette qu’aux soins de santé.


Des efforts supplémentaires s’imposent : il faut en faire plus, aller plus loin et agir plus vite. Il faut aussi utiliser à cette fin de l’argent neuf, et non ponctionner les budgets de l’aide au développement.


Ce point est important car, et ce sera ma dernière observation, l’aide publique au développement est à l’heure actuelle largement insuffisante.


Il y a déjà un certain temps, les pays développés se sont engagés, du moins sur le papier, à consacrer 0, 7% de leur produit national brut à l’aide au développement. Or, bien rares sont les gouvernements qui honorent cet engagement : la moyenne générale des pays développés n’atteint guère que 0, 2% du PNB.  Bien plus, pendant les années 90, décennie de prospérité sans précédent dans la plupart des pays industrialisés, l’aide publique au développement a diminué, et ce sont les PMA qui ont le plus pâti de cette baisse.


S’ils ne prennent pas le seuil de 0, 7% plus au sérieux, comment les gouvernements des pays développés pourraient-ils honorer les engagements qu’ils ont pris l’année dernière lors du Sommet du millénaire ? Je rappelle qu’ils se sont notamment engagés à réduire de moitié le nombre de ceux qui vivent dans une extrême pauvreté et à enrayer l’épidémie du sida d’ici à 2005, ainsi qu’à tenir compte des besoins particuliers des PMA.


J’exhorte donc tous les pays développés à affecter, comme ils s’y sont engagés, 0, 7% de leur PNB à l’aide publique au développement et à consacrer aux PMA au moins 0, 15% de leur PNB, comme ils ont promis de le faire lors de la dernière conférence sur les pays les moins avancés, qui s’est tenue à Paris il y a 10 ans.


En effet, si les bonnes paroles ne sont pas suivies d’actes, à quoi bon organiser des conférences de ce type ?


Comme vous le savez,  la conférence qui nous réunit aujourd’hui doit adopter un programme d’action assorti d’un mécanisme de contrôle. Sachons le mettre en œuvre de façon que, contrairement à celles qui l’ont précédée, la conférence de Bruxelles marque un véritable changement dans le quotidien des plus pauvres parmi les pauvres.


Je vous remercie et donne à présent la parole au Président de la Conférence, Son Excellence M. Persson, Premier Ministre de la Suède.  


*   ***   *

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.