RD/924

THABO MBEKI DEMANDE AUX PARTICIPANTS A LA CONFERENCE MONDIALE CONTRE LE RACISME DE S’UNIR POUR LUTTER CONTRE LES CONSEQUENCES DE L’ESCLAVAGE, DU COLONIALISME ET DU RACISME

31/08/2001
Communiqué de presse
RD/924


THABO MBEKI DEMANDE AUX PARTICIPANTS A LA CONFERENCE MONDIALE CONTRE LE RACISME DE S’UNIR POUR LUTTER CONTRE LES CONSEQUENCES DE L’ESCLAVAGE, DU COLONIALISME ET DU RACISME


On trouvera ci-après le texte du discours prononcé ce jour par le Président de l’Afrique du Sud, M. Thabo Mbeki, à l’ouverture de la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée :


Au nom du peuple sud-africain et de notre gouvernement, j’ai le privilège de vous accueillir à cette conférence mondiale, qui fera date, et qui a le pouvoir et la responsabilité de transmettre un message d’espoir à des milliards de personnes sur toute la surface du globe.


Nous sommes réunis par la volonté d’agir de telle façon que chacun puisse vivre dans la dignité. Nous sommes réunis par un objectif : que nul ne subisse plus ni affronts ni insultes parce que sa race, sa couleur, sa nationalité ou son origine inspirent du mépris à certains.


Ensemble, nous sommes résolus à garantir à chacun, en toute équité, la jouissance des droits de l’homme dans des conditions d’égalité, de même que la pleine réalisation de ses droits et la possibilité de décider de son avenir propre comme de celui de son pays.


Voilà qui signifie bien sûr que le droit à un État propre ne devrait être dénié à personne, que personne ne devrait se voir transformé en réfugié permanent, privé du droit comme de la possibilité de se bâtir une patrie qui soit véritablement son foyer.


C’est d’une seule voix que nous affirmons, j’en ai la certitude, qu’aucune culture, aucune langue, aucune tradition d’un peuple quel qu’il soit n’est inférieure à celle d’un autre, qu’aucune ne mérite d’être méprisée, tournée en ridicule ou détruite. Et, de fait, nous affirmons fermement que tous les peuples et toutes les nations ont droit à une identité et à une fierté nationale, et doivent respecter celles des autres.


Nous sommes réunis ici, à Durban, parce que nous avons compris que la pauvreté n’est pas un état naturel mais une atteinte directe à la dignité humaine de tous ceux qui, condamnés aux privations, se voient obligés de mendier, voler ou se prostituer et, également, de ceux qui sombrent dans l’abus de stupéfiants pour atténuer la douleur de la faim ou du désespoir.


Conscients de ce problème et estimant que la pauvreté n’est pas un fait naturel mais un produit de la société humaine, nous, les représentants de cette société, avons pris la résolution de combattre et de vaincre ensemble la pauvreté et le sous-développement.


Nous sommes parvenus à ce que certains considèrent comme un nouvel âge de raison, parce que nous savons que la société humaine d’aujourd’hui possède à la fois le savoir et les moyens de venir à bout de ces maux. La question est maintenant de savoir ce qu’il faut faire pour tirer parti de ces vastes ressources intellectuelles et matérielles afin que, partout, la pauvreté soit reléguée au passé.


La décision commune de nous réunir nous a été inspirée par le constat que nombre de nos contemporains se font humilier et insulter parce qu’ils n’ont pas la peau blanche. Leurs cultures et traditions sont méprisées, qualifiées de sauvages et primitives, leur identité est niée. Parce qu’ils ne sont pas blancs, ces hommes et ces femmes vivent dans la misère. D’eux, il est dit qu’ils sont humains mais noirs, alors que les autres sont humains et blancs.


Pour ceux qui doivent supporter la douleur de ce monde bien réel, il semble que le refrain des chanteurs de blues ait raison de clamer que « si tu es blanc, tout va bien, si tu es brun, passe encore; mais si tu es noir, pauvre de toi, passe ton chemin ».


Voilà des propos qui peuvent paraître durs et excessifs, mais je suis issu d’un peuple qui a connu l’amère expérience de l’esclavage, du colonialisme et du racisme; d’un peuple qui sait ce que c’est d’être victime d’un racisme et d’une discrimination raciale forcenés; d’un peuple dont les femmes ont dû porter le fardeau supplémentaire de l’oppression et de la discrimination fondées sur le sexe.


Cette expérience, dont nous ne parviendrons sans doute à surmonter les séquelles que dans très longtemps encore, nous a rendus conscients aussi de ce qui peut être réalisé lorsque les peuples du monde s’unissent pour refuser qu’un être humain souffre de la main d’un autre à cause de sa race, de sa couleur, de sa nationalité ou de son origine.


En vous accueillant en Afrique du Sud, nous accueillons les compagnons de lutte qui s’étaient joints à nous pour combattre et éradiquer le crime contre l’humanité qu’est l’apartheid.


Ce m’est donc un grand privilège de vous dire à nouveau, à vous qui êtes réunis dans mon pays et qui représentez les nations du monde, l’immense gratitude des millions de Sud-Africains que vous n’avez pas abandonnés lorsque se commettait ce crime contre l’humanité.


Mes compatriotes sont convaincus que si vous meniez cette lutte de longue haleine, c’est parce que vous étiez opposés au racisme, à la discrimination raciale, à la xénophobie et à l’intolérance qui y est associée, où qu’ils se manifestent dans le monde. S’ils ont accueilli favorablement votre décision de convoquer ici la Conférence mondiale, c’est parce qu’ils y voient la preuve que vous faites fond sur notre participation active à un mouvement mondial résolu à poursuivre la lutte jusqu’à ce que le racisme ne permette plus de définir la place de quiconque dans la société et dans le monde. S’ils se sont réjouis de votre


venue, c’est parce que celle-ci leur offre l’occasion de réaffirmer devant vous qu’à nos yeux, l’esclavage, le colonialisme et le racisme sont fondamentalement répugnants, de s’engager auprès des peuples du monde à ne pas trahir l’amitié et la solidarité qui vous avaient conduits à lutter contre l’apartheid et, partant, de se joindre à vous dans le dur combat pour l’élimination de ce vestige de l’esclavage, du colonialisme et du racisme.


Ceux qui, partout dans le monde, sont définis par les chanteurs de blues comme noirs et bruns attendent beaucoup de cette importante Conférence mondiale. Ils pensent qu’elle aura pour effet de susciter, dans leur pays et à travers le monde, à tous les niveaux, un élan uni et soutenu qui les aidera à mettre fin aux souffrances qu’ils endurent parce que leur peau est brune ou noire.


Ils entretiennent cet espoir parce que leur souffrance est véritable et qu’elle est immense. Et pourtant, ils peuvent voir que d’autres hommes, aussi humains qu’eux, mènent des vies confortables qui, à coup sûr, s’amélioreront encore quels que soient leurs problèmes.


Prisonniers de la pauvreté, craignant l’avenir parce qu’ils savent que demain sera pire encore qu’aujourd’hui, contraints dans leurs rapports avec les autres de se comporter comme si certains étaient inférieurs et d’autres supérieurs, ne fût-ce que pour pouvoir se nourrir, ils sont légion à quitter leur terre d’affliction, essayant par tous les moyens de gagner des pays qui semblent pouvoir leur offrir une vie d’espoir.


Alors que nous nous dressons contre le racisme d’apartheid, notre humanité commune nous enjoint de nous unir aussi pour mettre fin aux conséquences de l’esclavage, du colonialisme et du racisme qui, à ce jour, continuent d’accabler des milliards de personnes dont la peau est brune ou noire.


Personne n’a jamais choisi d’être réduit en esclavage, d’être colonisé, d’être opprimé du fait de sa race. Le passé a voulu que ces crimes soient commis par des êtres humains, contre d’autres êtres humains. Il est certain que la dynamique de notre époque nous impose de faire tout ce qui est en notre pouvoir pour libérer ceux qui, aujourd’hui encore, souffrent du racisme, de la xénophobie et de l’intolérance qui y est associée parce que leurs ancêtres ont été asservis, colonisés et soumis à l’oppression raciale.


Il ne fait aucun doute que la Conférence mondiale à laquelle nous prenons part aujourd’hui affirmera que les ghettos noirs et bruns de pauvreté, de désespoir et de déchéance humaine doivent disparaître dans tous les pays, tant au Nord qu’au Sud.


La Conférence mondiale devra indiquer les mesures pratiques à prendre pour que cet appel fasse naître un monde nouveau, un monde tel que tous les êtres humains puissent jouir véritablement du droit inaliénable à la dignité humaine.


La légitimité des gouvernements procède en grande partie de leur engagement à servir le peuple. Notre propre expérience nous enseigne que ces hommes que nous servons souffrent toujours lorsque souffre un autre homme, fût-il le citoyen d’un autre pays.


Pour nos peuples, la solidarité humaine n’est pas un concept importé. Pour eux, la Conférence mondiale doit faire savoir que les peuples du monde sont inspirés par un nouvel internationalisme affirmant que nous sommes résolus à nous unir dans l’action en vue de réparer l’immense préjudice causé à l’humanité.


La Conférence doit leur donner la certitude qu’en tant que gouvernements, organisations non gouvernementales, pays et peuples, nous sommes maintenant prêts à consacrer nos esprits, nos connaissances et nos ressources à la création d’un nouveau monde exempt de racisme, de discrimination raciale et de xénophobie, et délivré de l’intolérance qui y est associée.


La Conférence doit transmettre un message d’espoir aux peuples du monde. Elle doit leur démontrer qu’ensemble, nous sommes résolus à travailler d’arrache-pied pour que la paix règne partout dans notre univers, pour que partout soit possible le développement plein et entier de tous les êtres humains dans un contexte de liberté et de sécurité.


Le Moyen-Orient réclame depuis trop longtemps une paix juste, stable et permanente. Les populations de Palestine, comme celles d’Israël et celles du reste du monde, ont elles aussi le droit de rechercher un développement plein et entier dans un contexte de liberté et de sécurité.


Notre propre continent, l’Afrique, mérite la paix autant que tout autre, afin d’arracher les populations à la mort et à la destruction et de nous donner, à nous aussi, la possibilité de nous épanouir dans un contexte de liberté et de sécurité. Pour nous Africains, c’est seulement ainsi que seront créées les conditions nécessaires pour mettre fin aux survivances de l’esclavage, du colonialisme et du racisme, notre lot quotidien.


Tout récemment, nous avons dit adieu à un siècle qui avait infligé de terribles souffrances à des millions de nos semblables. Ce siècle a infligé un terrible holocauste au peuple juif. Il a fait subir un génocide terrifiant au peuple du Rwanda. Il a produit des régimes criminels dirigés par des hommes rendus fous par leur asservissement à des idéologies antihumaines de supériorité raciale.


Et pourtant il nous a donné le pacte mondial qu’est la Déclaration universelle des droits de l’homme. Il a offert à l’humanité tout entière la possibilité d’acquérir le savoir et les moyens d’accomplir la haute mission définie dans ce document.


Nous nous sommes réunis à Durban pour nous engager en ce sens et, ensemble, décider des mesures que nous prendrons pour nous assurer que ce qui doit être fait sera fait.


Je m’autorise à vous souhaiter une fois encore la bienvenue dans ce pays que vous avez aidé à libérer du racisme d’apartheid, en espérant que la célébration de cette victoire fera de la Conférence mondiale une étape décisive dans la lutte que nous menons afin de faire du XXIe siècle celui qui aura rendu à chacun sa dignité d’être humain


*   ***   *

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.