PNUE/45

NOUVELLES INFORMATIONS SUR LES MENACES FRAPPANT LES TORTUES MARINES EN AFRIQUE

07/08/2001
Communiqué de presse
PNUE/45


NOUVELLES INFORMATIONS SUR LES MENACES FRAPPANT LES TORTUES MARINES EN AFRIQUE


(Publié tel que transmis par le PNUE)


Nairobi/Bonn, le 7 août 2001 (PNUE) -- Il faut d'urgence agir sur le plan international pour conserver les tortues marines de l'Afrique de l'Ouest; en effet, des études montrent que la région possède des aires alimentaires et des sites de nidification qui comptent parmi les plus importants au monde, mais dont beaucoup sont menacés.


Cet appel est lancé par des responsables de la Convention sur les Espèces Migratrices (CMS) qui a commandé le tout premier rapport global sur les tortues marines de la côte atlantique de l'Afrique. 


Ce traité international, lié au Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE), vise à conserver les espèces migratrices nombreuses et diverses que compte notre planète.


Pour Klaus Töpfer, Directeur exécutif du PNUE, "Les résultats de ce rapport devraient nous pousser tous à redoubler d'efforts pour protéger la tortue marine de la côte atlantique de l'Afrique.  Dans l'Atlantique Ouest et le Pacifique, les populations de tortues marines ont énormément diminué au cours des dernières années.  De ce fait, les données recueillies sur l'Afrique de l'Ouest sont doublement remarquables, étant donné l'importance désormais incontestable de la région, au niveau mondial, pour la tortue marine".


Ce rapport révèle que les longues plages du sud du Gabon abritent le plus grand nombre de tortues luths au monde, dépassant même la Guyane française en Amérique du Sud.


Une population de tortues caouannes, qui pourrait être la plus importante de l'Atlantique, vient également d'être découverte sur Boa Vista, une des îles de l'archipel du Cap Vert.


La Mauritanie pour sa part, qui possède de grandes étendues d'herbiers sous-marins, est considérée comme ayant les aires alimentaires les plus importantes pour les tortues vertes d'Afrique de l'Ouest.


Les tortues olivâtres, de moins en moins nombreuses en Amérique du Sud, nidifient, depuis la Guinée Bissau jusqu'en Angola, précise ce nouveau rapport.


Selon Douglas Hykle, Secrétaire exécutif adjoint du secrétariat de la CMS, "L'Afrique est l'une des dernières terres vierges en matière de recherche et de conservation de la tortue marine. Ce rapport nous donne pour la première fois une vue d'ensemble de l'importance de la côte atlantique pour les tortues marines,  tout en soulignant les menaces réelles qui pèsent sur la survie des six espèces étudiées. Il est clair que des mesures doivent d'urgence être prises aux niveaux international, régional et national en vue de sauvegarder ces animaux aquatiques extraordinaires et d'assurer la reproduction pour les générations futures".


"L'utilisation traditionnelle de la tortue marine comme moyen de subsistance est autorisée, mais un grand nombre de tortues sont systématiquement massacrées pour leur viande et leurs oeufs sont vendus pour être consommés, et ce à un rythme intenable. Nombreuses sont les tortues qui meurent après s'être prises dans des filets de pêche.  D'autres sont tuées pour leurs carapaces, qui sont utilisées comme ornements ou pour faire des colifichets  pour les touristes.  Il semble même exister un commerce de carapaces de tortues aussi bien à l'intérieur de certains  pays qu'entre des pays de la région, souvent à l'encontre des lois commerciales internationales sur les espèces menacées de disparition. Ce phénomène ne se limite pas à l'Afrique. Les tortues marines sont des espèces très migratrices.  Le suivi par satellite et d'autres données montrent que les tortues marines que l'on trouve le long de la côte atlantique de l'Afrique viennent de très loin, parfois d'Amérique du Sud ou du Nord, pour se nourrir ou se reproduire".


Le rapport, intitulé "Biogéographie et conservation des tortues marines de la côte atlantique de l'Afrique», a été rédigé et compilé par Jacques Fretey, un chercheur de renom international sur la tortue marine et expert du Comité français de l'UICN -- l'Union mondiale pour la conservation de la nature.


Il s'inspire des observations et des études de nombreux experts, dont certaines datent d'un siècle, pour dresser un bilan global de la situation et des sites connus de nidification des tortues caouannes (Caretta caretta), vertes  (Chelonia mydas), luths (Dermochelys coriacea), carets (Eretmochelys imbricata), Kemp ou Ridley de l'Atlantique (Lepidochelys kempii) et olivâtres (Lepidochelys olivacea) dans chaque Etat de l'aire de répartition depuis le Maroc jusqu'à l'Afrique du Sud.


Points saillants du rapport par pays


Cap Vert


Sur les îles de Boa Vista et de Sal, au Cap Vert, un large cheptel reproducteur de tortues carets, « lequel pourrait s'avérer l'un des plus importants de l'Atlantique », a été découvert récemment. Luis Felipe Lopez, un chercheur de l'Université des Canaries, à Las Palmas, qui a étudié cette découverte remarquable, a indiqué : "Nous avons constaté que la population de tortues du Cap Vert est la troisième au monde après celles de l'île Massirah à Oman et des Etats-Unis.  Dans l'Atlantique, c'est la deuxième en nombre, après les Etats-Unis.  D'après notre première estimation, on peut trouver au Cap Vert près de 2 000 femelles, dont 70% dans l'île de Boa Vista".


Le rapport révèle que la chasse à la tortue dans ce pays date peut-être de 1479, lorsque l'explorateur français Eustache de la Fosse a annoncé que la lèpre était traitée localement par un régime alimentaire de viande de tortue et en

frottant les endroits affectés avec du sang de tortue. Louis XI, qui se croyait atteint de la lèpre, a envoyé son représentant aux îles du Cap Vert  pour se renseigner sur cette "cure" dont il avait entendu parler.


La chasse continue encore aujourd'hui, comme l'indique un témoin oculaire cité dans le rapport : «Le long d'une trentaine de kilomètres de plages de sable, plus de 40 tortues caouannes ont été trouvées, dont la plupart avaient des os ou le crane fracturés, de toute évidence, par des hommes.  Les tortues marines sont régulièrement tuées pendant la ponte".


Mauritanie


Il existe deux parcs nationaux très importants : le Banc d'Arguin et la Baie du Lévrier. La "zone marine" du Banc d'Arguin « comprend de remarquables herbiers ayant certainement une grande importance régionale ouest-africaine pour l'alimentation » de la tortue verte.


Guinée Bissau


Selon le rapport, la Guinée Bissau est l'une des zones les plus riches de toute la région en tortues marines, mais "les captures, en mer ou à terre, et le braconnage des nids menacent les différentes classes d'âges".


Ghana


Au Ghana, la législation sur la faune est « très structurée »,  mais les textes devant protéger les tortues marines sont certainement à réviser et à faire appliquer. "De nombreuses femelles sont tuées et les nids sont braconnés. Les porcs domestiques et les chiens errants sont une menace pour les nids, de même que le vol de sable pour la construction", ajoute le rapport.


Toutefois, le rapport fait observer que des gardes ont été formés pour assurer un suivi des sites de ponte, et que des solutions sont recherchées pour protéger les nids des prédateurs.


Bénin


Au Bénin, on peut trouver des tortues vertes, olivâtres et luths en nidification.  Mais le rapport révèle avec inquiétude que "malheureusement les femelles à terre sont systématiquement tuées et les nids braconnés. La vente des produits des tortues, en particulier des carapaces aux touristes, est fréquente ».   La graisse des tortues luths est également convertie en une huile réputée posséder des propriétés médicinales.


On espère qu'un projet de marquage, financé par BIOTOPIC, une fondation néerlandaise, permettra d'aboutir rapidement à la mise en place d'un plan d'action national.


Guinée équatoriale et Gabon


Ces deux pays se partagent la Baie de Corisco, qui possède des herbiers exceptionnels.  Avec les herbiers mauritaniens et angolais, il s'agit des principales aires alimentaires de la région pour les tortues vertes. Les plages de nidification au sud de Bioko en Guinée équatoriale sont aussi de première importance au niveau régional pour cette espèce.


D'après le rapport une étude interfrontalière et un accord sur la faune entre les deux pays s'imposent pour mettre fin à l'exploitation des tortues vertes par la population locale Benga.


Un témoin oculaire, cité dans le rapport, explique : «Depuis de nombreuses générations, la chasse à la tortue fait partie intégrante du mode de vie des habitants de la Baie de Corisco.  Néanmoins, ces derniers temps, la tortue a cessé d'être une source de protéines pour la population locale et est devenue un produit commercial très quotté et fort demandé dans les villes, surtout à Libreville et à Bata. Bien que quelques tortues soient capturées accidentellement dans des filets de pêche à mailles fines, la plupart sont chassées avec des filets spéciaux, des harpons ou des fusils sous-marins.  Autour de la Baie de Corisco, une cinquantaine de pêcheurs se consacrent exclusivement à la capture des tortues marines".


Le rapport souligne également que le cheptel  reproducteur de luths « est le deuxième, voire le premier au monde actuellement", tout en précisant que « les femelles sont systématiquement tuées sur les plages et les nids sont braconnés".


Des fonds sont nécessaires pour le gardiennage et un financement international pour surveiller les sites de nidification des tortues luths est également indispensable. Des travaux analogues devraient également être entrepris pour les tortues vertes, olivâtres et carets au Gabon.


Sao Tomé-et-Principe


L'Ile de Sao Tomé possède, la plus grande variété de tortues marines de toute la région : tortues vertes, olivâtres, carets et luths mâles et femelles et juveniles se côtoient dans ses eaux côtières.  L'espèce pond également sur les plages de Sao Tomé.


Le projet «Tato», financé par l'Union européenne, a considérablement contribué à la réduction de la consommation de viande et d'oeufs de tortue, mais il lui faut disposer d'un financement de long terme pour rester viable.  Des produits de substitution commencent à remplacer ceux en écaille de tortue.


Le rapport présente une série de recommandations en vue de sauvegarder et de protéger cinq des six espèces étudiées sur la côte atlantique de l'Afrique.


Tortue caouanne


Les priorités de conservation pour cette espèce devraient être les sites de nidification  au Cap Vert et des tortues non adultes dans les eaux qui entourent les Azores, l'Archipel de Madeire, les Iles Canaries et le Cap Vert.


Tortues vertes


Les tortues vertes grandissent et se développent dans les eaux nord-ouest africaine, guinéennes, et dans le centre-sud de l'Océan atlantique. Il faudrait accorder une attention particulière à ces zones qui sont souvent menacées par la pollution due à l'urbanisation.

En Mauritanie, au Sénégal, en Guinée équatoriale et dans la Baie de Corisco, il faut d'urgence cartographier les herbiers sous-marins et dresser un bilan de leur état de santé.


« Ces aires alimentaires d'importance internationale devraient impérativement être incluses dans des réserves marines nationales ou transfrontalières».


Tortue olivâtre


«Etant donné la raréfaction alarmante des tortues olivâtres dans l'Atlantique Ouest, tous les sites de ponte africains devraient être jugés prioritaires, une attention particulière étant accordée aux plages de l'archipel des  Bijagos, de Sierra Leone, de la Côte d'Ivoire, du Ghana, du sud du Cameroun, de Sao Tomé, de Bioko, d'Angola, et peut-être du Gabon», fait observer le rapport.


Tortue caret


Une nouvelle législation plus draconienne et des contrôles douaniers plus efficaces sont nécessaires au Cap Vert ainsi qu'à Sao Tomé-et-Principe pour lutter contre l'industrie des objets en écaille de tortue.  Les pays qui n'ont pas ratifié la Convention sur les espèces migratrices et la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction sont priés de le faire d'urgence.


«La priorité pour la conservation de l'espèce est l'Ile de Bioko en Guinée équatoriale et sur  Sao Tomé et Principe,  où cette espèce semble pondre régulièrement », indique le rapport.


Tortue luth


«Vu la chute spectaculaire des populations de l'espèce dans l'Océan Pacifique, une des principales priorités doit évidemment être le Gabon et le Congo».  Le rapport recommande la création d'un parc marin transfrontalier Mayumba/Conkouati, doté d'équipes de lutte contre le braconnage.


Pour de plus amples informations, veuillez contacter: Nick Nuttall, Chargé de l'information au PNUE à Nairobi, Tél : 254-2-623084 Cellulaire: 254 (0) 733 632755 Courrier électronique: nick.nuttall@unep.org ou Douglas Hykle Secrétaire exécutif adjoint au PNUE/CMS à Bonn (Allemagne) Tél: 49 228 815 2401 Télécopieur: 49 228 815 2449 Courrier électronique: cms@cms.unep.de


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