LES EXPERTS INTERROGENT L’OUZBEKISTAN SUR LE POIDS DE LA TRADITION PATRIARCALE DANS L’ELIMINATION DE LA DISCRIMINATION A L’EGARD DES FEMMES
Communiqué de presse FEM/1125 |
Comité sur l'élimination de
toutes les formes de discrimination
à l'égard des femmes
500e et 501e séances - matin et après-midi
LES EXPERTS INTERROGENT L’OUZBEKISTAN SUR LE POIDS DE LA TRADITION PATRIARCALE DANS L’ELIMINATION DE LA DISCRIMINATION A L’EGARD DES FEMMES
Les experts du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) ont examiné aujourd’hui le premier rapport présenté par l’Ouzbékistan en application de l’article 18 de la Convention pour l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes à laquelle il a adhéré, sans réserve, le 19 juillet 1995.
Lors de sa présentation du rapport, le Chef du Centre national pour les droits de l'homme de la République d'Ouzbékistan, a dépeint son pays comme l’héritier de civilisations anciennes, d’époques où Tachkent et Samarcande abritaient déjà philosophes et penseurs renommés. Il a fait valoir les réalisations de son pays qui, depuis son indépendance en 1991, a édifié une démocratie ouverte et tolérante et s’est doté d’une Constitution reprenant les normes du droit international, une démocratie qui a pu maintenir la stabilité et la sécurité dans les années de transition qui ont suivi l’indépendance, conditions préalables, selon lui, à la réalisation des droits des citoyens et parmi ceux-ci les femmes, à l’égalité. La stabilité régionale est également indispensable, a-t-il déclaré, en précisant par ailleurs que le gouvernement ouzbek avait proclamé la priorité de l’économie sur la politique et l’importance d’une politique sociale forte qui protège les plus démunis.
Le chef de la délégation ouzbèke a présenté les récentes évolutions en matière de promotion des droits de la femme de son pays tout en indiquant qu’il ne s’agissait que d’une étape préliminaire dans la réalisation des droits et des libertés des femmes et que son pays étudiait actuellement la ratification du Protocole facultatif.
Les membres du Comité ont souhaité avoir des éclaircissements sur le poids de la tradition patriarcale dans la mise en oeuvre des mesures en faveur des femmes. Ils ont mis en garde l’Ouzbékistan contre la discrimination passive et indirecte liée à la persistance des stéréotypes dans les mentalités. Certaines expertes se sont félicitées du rétablissement des quotas dans les fonctions électives, insistant sur le fait qu’il était important d’atteindre une masse critique dans la représentation des femmes dans les organes de décision si l’on voulait que les questions concernant les femmes progressent. Il a également été demandé des précisions sur le rôle respectif et les interactions des différents organismes chargés de promouvoir l’égalité des femmes: Comité des femmes, Conseil national des femmes, Bureau pour l’égalité des sexes.
Le Comité entendra les réponses de l’Ouzbékistan le mardi 30 janvier à partir de 15 heures. Il se réunira à nouveau demain à 10h30 pour examiner les second, troisième et quatrième rapports périodiques de la Jamaïque.
RAPPORT INITIAL DE L’OUZBEKISTAN
Rapport (CEDAW/C/UZB/1)
La République d'Ouzbékistan a accédé à l'indépendance le 1er septembre 1991. Son territoire englobe la République de Karakalpakstan, 12 régions, sa capitale Tachkent, 121 villes et 163 districts ruraux. Au début de 1999, la population atteignait 24,2 millions d'habitants, dont 62,2% en zone rurale.
A la fin de 1998 le nombre de chômeurs calculé sur la base de la population économiquement active atteignait 40 100 personnes. L'espérance de vie moyenne était en 1998 de 72,7 ans pour les femmes et de 68,1 ans pour les hommes.
La Constitution garantit la protection des droits civils et politiques. Réglementant les droits de l'homme et les libertés fondamentales, la Loi fondamentale se fonde sur les principes du primat du droit international, de la justice sociale, de l'égalité de tous les citoyens et de la responsabilité réciproque du citoyen et de l'État. Outre les organes supérieurs du pouvoir de l'État, l'Oliy Majlis (Parlement), le Président de la République, le Conseil des ministres, les ministères et les départements, divers organes de l'administration locale sont chargés sur place de résoudre les problèmes sociaux aux niveaux de la région, du district ou de la commune: les Conseils des députés du peuple et les Khokims. Le khokim, organe administratif traditionnel en Asie centrale, d’origine très ancienne, est fondé sur le principe de la responsabilité personnelle et peut traiter les problèmes courants et répondre aux besoins de la population.
Les principaux organes spécialisés chargés des questions relatives à la protection des droits de l'homme sont : la Cour constitutionnelle, créée en 1992, le Représentant de l'Oliy Majlis pour les droits de l'homme (médiateur), la Commission de surveillance des libertés et des droits constitutionnels des citoyens auprès du médiateur de l'Oliy Majlis pour les droits de l'homme,
l'Organe de surveillance de la législation en vigueur auprès de l'Oliy Majlis,
le Ministère de la justice, le Centre national de la République d'Ouzbékistan
pour les droits de l'homme.
Conformément à la loi du 24 avril 1997, élaborée avec le concours du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), le représentant de l'Oliy Majlis de la République d'Ouzbékistan pour les droits de l'homme est chargé d'exercer le contrôle du Parlement sur l'application des lois relatives aux droits de l'homme, de sa propre initiative et sur la demande des citoyens dont les droits ont été violés. De 1996 à 1998, le médiateur a contrôlé notamment l'application de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes.
Le médiateur est investi de pouvoirs de contrôle parlementaire en vue d'assurer l'égalité des droits à la protection légale. Les femmes bénéficient de conditions égales lorsqu'elles s'adressent au médiateur, qui reçoit chaque jour les citoyens gratuitement, sans aucune restriction, et les aide à recouvrer leurs droits. Elles représentent plus de 60% du total des personnes qui présentent des réclamations. L'analyse des activités du médiateur montre que beaucoup de femmes qui s'adressent à lui ne travaillent pas pour cause de maladie, de congédiement injustifié ou pour des raisons familiales.
L'organe de surveillance de la législation en vigueur auprès de l'Oliy Majlis est un organisme de recherche scientifique créé conformément à l'arrêté
du Parlement du 3 décembre 1996. A l'initiative du Comité des femmes de la République d'Ouzbékistan, il a analysé la législation en vigueur en accordant une importance particulière aux articles directement liés à la protection juridique des femmes. Ce travail a donné lieu à l'édition d'un manuel intitulé "État de la législation en vigueur", qui rassemble les documents fondamentaux concernant la vie des femmes sous tous ses aspects.
Conformément à l'article 24 de la Constitution de la République d'Ouzbékistan, le droit à la vie est un droit inaliénable de chaque être humain. L'atteinte à la vie est un crime excessivement grave. En vertu de la législation pénale, la peine de mort ne peut être prononcée contre une femme ou un mineur de 18 ans auteur d'un crime.
Conformément à l'article 18 de la Constitution, tous les citoyens de la République d'Ouzbékistan jouissent de libertés et de droits égaux et sont égaux devant la loi sans distinction de sexe, de race, de nationalité, de langue, de religion, d'origine sociale, de convictions ou de statut personnel ou social.
La Constitution reconnaît l'égalité des droits des femmes et interdit toute discrimination fondée sur le sexe. La législation du travail offre aux femmes des conditions égales pour exercer leur droit au travail et elle garantit leur protection. En vertu de l'article 37 de la Constitution et de l'article 6 du Code du travail aucune restriction fondée sur le sexe ne peut être admise en ce qui concerne les relations de travail. Les personnes faisant l'objet à ce titre de mesures discriminatoires peuvent s'adresser au tribunal selon les modalités en vigueur pour obtenir réparation du dommage moral et matériel subi.
En outre, il leur est accordé dans le domaine du travail des garanties supplémentaires liées à leurs tâches familiales: garanties concernant l'embauche (ou le congédiement) des femmes enceintes ou des femmes ayant des enfants, interdiction du travail des femmes dans des conditions défavorables, octroi d'un congé de maternité (grossesse et accouchement), d'un congé postnatal pour soins donnés aux enfants, d'un jour de congé supplémentaire, octroi d'autres congés, etc.
Les femmes ouzbèkes possèdent un niveau d'éducation élevé: plus de 50% des femmes spécialistes ont reçu une formation supérieure ou moyenne. Des conditions appropriées ont été créées pour assurer la formation professionnelle permanente des femmes et pour améliorer leur qualification. Il a été créé divers organismes nationaux spécialisés chargés de protéger les droits et les libertés des femmes et notamment le Comité des femmes de l'Ouzbékistan, organisation sociale créée le 26 février 1991 à la deuxième réunion plénière du Conseil des femmes. Personne morale enregistrée auprès du Ministère de la justice, c'est l'une des plus importantes organisations de femmes. Elle s'occupe de l'évolution de la législation relative aux femmes dans les secteurs sociaux, professionnels et dans de nombreux autres secteurs, à savoir: la fourniture aux femmes d'un soutien social et professionnel pendant la période de transition vers l'économie de marché, la représentation complète dans l'égalité des droits à l'intérieur des structures du pouvoir et dans la prise de décisions à tous les niveaux,
l’élargissement de leur participation aux transformations démocratiques de la société, l’accroissement du rôle des femmes dans l'économie, l’amélioration de leur situation sur le marché du travail et de l'emploi, la garantie d'un accès égal à l'éducation et au perfectionnement, le renforcement des mécanismes de défense des droits des femmes, l’amélioration de leur compétence fonctionnelle et juridique, la planification familiale, le renforcement des liens avec les organisations internationales qui s'occupent de questions féminines, etc.
Des divisions locales du Comité des femmes sont créées dans les diverses régions pour rapprocher les services d'assistance juridique de la population.
Le Comité a créé en 1996 un groupe de centres de crise comme le centre "Sabr" à Samarkand. Il a par ailleurs été créé auprès du Conseil des ministres de la République un Secrétariat à la protection sociale de la famille, de la maternité et de l'enfance et des secrétariats correspondants fonctionnant sur le terrain.
L'année 1999 a été proclamée par décret présidentiel "Année de la femme". Avec l'ordonnance No 73 du 18 février 1999, le Conseil des ministres a adopté un programme national de mesures pour 1999 destiné à prendre en compte et à défendre les intérêts des femmes.
Le 3 mars 1999 a été adopté un programme national d'action (1998-2000) visant à améliorer la situation des femmes et à accroître leur rôle dans la société.
Présentation par l'Etat partie
M. AKMAL SAIDOV, Chef du Centre national de la République d'Ouzbékistan pour les droits de l'homme, Président du Comité parlementaire pour les institutions démocratiques, les institutions gouvernementales et l’autogestion des citoyens,
a mis en avant les prises de position du Président de la République ouzbèke,
M. Islam Karimov, qui considère que l’amélioration du statut de la femme est une priorité. Dès l'accession à l’indépendance en 1991, l’Ouzbékistan a ratifié plusieurs instruments internationaux en faveur des femmes dont la Convention pour l’élimination de toutes les formes de discrimination, le 6 mai 95. Il a regretté que le rapport initial de son pays n’ait pas été présenté dans les délais et a précisé qu’il avait fallu d’abord que le Gouvernement mette place ses structures internes.
L’Ouzbékistan a rejoint l’ONU le 2 mars 92, a-t-il rappelé. Depuis les temps les plus anciens, on connaît les villes de Tachkent, Samarkande, Riva. Elles se caractérisent par des ensembles architecturaux extraordinaires où se rencontraient philosophes, penseurs, architectes. L’Ouzbékistan est fier de cet héritage et vénère ses penseurs et philosophes. Depuis l’indépendance, s’est construite en Ouzbékistan une société indépendante, ouverte, dotée d’un fort filet de garanties sociales. Sa Constitution a été examinée par des experts internationaux et garantit toutes les libertés publiques. M. Saidov a indiqué que son pays était fier d’avoir réussi à maintenir la stabilité civile pendant les années qui ont suivi l’indépendance et a mis en avant ses ressources importantes
en métaux rares et produits énergétiques. Le Gouvernement a proclamé la priorité de l’économie sur la politique, la «déidéologisation», et l’importance d’une politique sociale forte qui protège les plus démunis, a-t-il fait valoir. Le passage à l’économie de marché doit se faire de façon progressive; pour mettre en place l’égalité entre les sexes, il est d’abord indispensable d’assurer la stabilité et la sécurité intérieures, mais aussi mondiales et régionales en particulier en Asie centrale.
Pour garantir l’égalité juridique et de facto des femmes, nous disposons d’abord des bases législatives constituées par la Constitution, les codes et les lois, a indiqué M. Saidov. L’adoption de la Convention a eu une grande influence sur la législation. Il a précisé que le terme discrimination n’était pas défini dans la législation mais qu’il était largement utilisé dans la pratique législative en vigueur. Il a indiqué également que son pays étudiait actuellement la possibilité d’adhérer au Protocole facultatif.
Une plate-forme nationale d’action visant à promouvoir les droits de la femme a été élaborée et une évaluation des mesures de promotion des droits de la femme avait été menée en 1999-2000 de façon à appréhender la situation réelle, a-t-il déclaré. Il a insisté sur le fait que les ONG de femmes étaient devenues une force importante et que la coopération entre le Gouvernement et le secteur non gouvernemental n’avait fait que se développer et avait trouvé récemment son aboutissement dans une série de manifestations qui avaient eu un grand impact.
Le texte de la Convention a, pour la première fois, été traduite dans la langue nationale puis imprimé et diffusé largement dans le pays. Une école des femmes dirigeantes a été créée ainsi qu’une réserve de cadres. Afin de lutter contre les stéréotypes et de parvenir à une prise de conscience, de nombreux séminaires ont été organisés sur des thèmes tels que «les femmes et l'entreprise», «les femmes et le droit», etc. Un bureau sur l’égalité des sexes a été créé en 1997.
Le pays connaÎt une forte progression de l’emploi rendue possible par le dynamisme de la réforme structurelle, a-t-il fait valoir. En 2000, les femmes occupaient 70% des emplois non gouvernementaux. Le nombre des femmes dirigeantes d’entreprises a augmenté ces dernières années de façon significative.
Tout le travail que nous avons fait n’est qu’une étape préliminaire dans la réalisation des droits et des libertés des femmes, a conclu M. Saidov. Nous sommes prêts à participer pleinement au dialogue démocratique avec les nations et avons déjà commencé à rédiger notre deuxième rapport.
Commentaires et questions des experts
Mme CHARLOTTE ABAKA, experte du Ghana, a félicité la délégation ouzbèke pour la qualité de son rapport. Elle a également salué le Gouvernement pour avoir placé les principes de droit international au dessus du droit national et adopté les politiques nationales qui s'ensuivent. Mais elle s'est déclarée préoccupée par le fait que ces principes de droit international n'aient pas encore été vraiment traduits dans la pratique. Mme IVANKA CORTI, experte de l'Italie, a félicité le représentant pour les précisions historiques qu'il a apportées, permettant une meilleure compréhension des institutions actuelles. Elle a fait remarquer que le taux d'alphabétisation des femmes est très élevé et que leur
niveau culturel est excellent. L'experte s'est également félicitée de la volonté politique de l'Ouzbékistan de respecter les principes du droit international, volonté exprimée par l'adoption de nouveaux code de la famille et code civil et par les modifications apportées au Code pénal. Elle a salué la création d'un organe d'experts chargé de surveiller les législations, ainsi que le travail de l'ombudsman qui reçoit les plaintes en cas de violation des droits des femmes. Mme Corti a cependant déploré qu'on ne voit pas encore clairement, au niveau juridique, quelle est la place de la Convention dans le droit national. Elle a également regretté que la Constitution ne contienne pas une définition de la discrimination et a recommandé d'inscrire dans la Constitution la lutte contre la discrimination. En ce qui concerne le travail des Comités des femmes, elle a souhaité qu'ils traitent bien séparément des droits des femmes comme mères et des droits de femmes comme individus. Soulignant que la Convention est le seul instrument de droit international qui fasse de la maternité une valeur sociale, elle a regretté que dans les institutions ouzbèkes les droits de le femme ne soient pas séparés des droits propres à la reproduction. Elle a demandé que l'on accorde davantage d'attention aux femmes en dehors de leur rôle de reproductrice, afin que les femmes puissent jouir de leur liberté pleine en tant qu'individus. Elle a enfin demandé plus de détails sur la situation de facto des femmes, sur la violence au foyer, le trafic des femmes, s'interrogeant également sur les mesures mises en oeuvre pour lutter contre ces phénomènes. Elle a conseillé de réviser les manuels scolaires afin de les débarrasser des stéréotypes.
Mme AYSE FERIDE ACAR, experte de la Turquie, a félicité l'engagement les autorités politiques de leur en engagement faveur de la mise en oeuvre de la Convention et de l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes. Elle a salué la lutte du Président contre les forces rétrogrades du pays, faisant valoir qu'il importe aujourd'hui de trouver un équilibre critique entre le respect des cultures et des traditions et l'affirmation de l'égalité des sexes. L'experte a demandé que la législation ouzbèke soit alignée sur les principes de base de Convention, notamment en ce qui concerne la définition de la discrimination. Elle a par ailleurs déclaré que la discrimination s'exerce surtout par des biais indirects et qu'on ne doit pas justifier ce type de discrimination avec des arguments liés à la religion ou à la tradition. Elle a en conclusion salué l'engagement et le courage des femmes ouzbèkes, et notamment le travail des ONG de femmes.
M. GORAN MELANDER, expert de Suède, a demandé quel est, dans le droit ouzbek, le statut d'un traité international après ratification et quel est alors le statut de la CEDAW en Ouzbékistan. Il a également posé une question sur les réfugiés et la situation dans les camps de réfugiés, s'interrogeant sur leur liberté de déplacement. Il est en effet inquiétant que la liberté de déplacement, dans la Constitution ouzbèke, soit réservée aux seuls citoyens, a-t-il fait remarquer. Mme FRANCES LIVINGSTONE RADAY, experte d'Israël, a fait remarquer les divergences qui existent entre, d'une part, la reconnaissance et l'application des principes d'égalité entre les sexes et, d'autre part, les indicateurs sociaux sur les femmes, notamment sur le chômage, les taux de natalité et le taux de suicide
très élevés. Ce sont des indicateurs inquiétants et on se demande ce que font les institutions créées pour promouvoir l'égalité des sexes, a déclaré Mme Livingstone Raday. En ce qui concerne la violence à l'égard des femmes, l'experte a fait observer que les données montrent que le nombre de poursuites pour causes de viol décline, alors même que la lutte contre ces formes de violence fait l'objet de politiques publiques. Elle a enfin demandé quelle sont les peines appliquées dans les cas de violence à l'égard des femmes et réclamé des données sur ce type de violence.
Mme HANNA BEATE SCHÖPP-SCHILLING, experte de l'Allemagne, s'exprimant sur l'article 2, a réitéré la nécessité de reconceptualiser les politiques en faveur des femmes, faisant valoir que certaines normes doivent faire l'objet d'un réexamen afin de donner l'égalité aux hommes et aux femmes. Elle a demandé si une évaluation complète et approfondie des lois existantes avait eu lieu afin d'éradiquer le discrimination. L'experte a également regretté que la discrimination ne soit pas définie dans la Constitution et a demandé si elle l'était dans le Code du travail et dans le Code de la Famille. Elle a demandé si on envisageait de rédiger une loi d'égalité des chances, incluant la discrimination intentionnelle et de fait, et qui pourrait également inclure les dispositions de l'article 4.1. de la Convention. En ce qui concerne le rôle de l'ombudsman, elle a demandé si son mandat fait mention de la sexospécifité et combien de plaintes il a reçues. Elle s'est également interrogée sur les pouvoirs exacts de cet ombudsman: se contente-t-il de donner des conseils ou peut-il rendre la justice?
Mme SAVITRI GOONESEKERE, experte du Sri Lanka, a souligné les excellentes initiatives prises par l’Ouzbékistan avec notamment le processus d’évaluation des mesures de promotion de la femme qu’il a mis en place. Elle a fait observer que le pays disposait d’un arsenal législatif très complet en matière d’égalité des citoyens et a demandé pourquoi, dans ces conditions, les plaintes privées étaient exclues de la cour constitutionnelle. Elle a souhaité avoir des précisions sur ce qu’il advenait de ces plaintes privées. Elle a demandé également des informations sur le fonctionnement des khokims, si les femmes y participaient et quel était leur rôle dans le règlement des plaintes. Elle a par ailleurs souhaité avoir des précisions sur la place du droit international, dans le système ouzbek.
Mme MARIA YOLANDA FERRER GOMEZ, experte de Cuba, se référant à l’article 3, a souhaité avoir des précisions sur les différents organismes de promotion de la femme. Est-ce que le Comité des femmes est une ONG ou une entité gouvernementale? Quel est son financement, sa composition, ses compétences? Est-ce que les services qu’il offre sont gratuits? Combien de femmes en ont bénéficié? Quels sont les sujets couverts? Vous mentionnez par ailleurs le Conseil national des femmes, a-t-elle poursuivi. Est-il rattaché à un ministère? Qu’en est-il de son financement? Vous nous avez annoncé la création du Bureau pour l’égalité des sexes. Quelles sont ces fonctions et quelles sont les relations de toutes ces organisations? L'experte a également souhaité connaître les résultats du Plan d’action 1999-2000 et disposer de précisions sur les mesures prises en faveur des femmes pauvres.
Mme SJAMSIAH ACHMAD, experte de l’Indonésie, s’est dite préoccupée par la façon dont les femmes sont traitées sur le plan de l’égalité vis-à-vis de la maternité. Elle a estimé qu’il fallait éliminer la discrimination dans ce domaine, positionner l’homme et la femme sur un pied d’égalité à cet égard en retenant la notion de parent. Elle a recommandé la mise en oeuvre de nombreuses autres études fournissant des mesures qualitatives.
Mme ABAKA a souhaité avoir des précisions sur la façon dont la mondialisation affectait la situation des femmes en Ouzbékistan. Nous savons, et c’est ressorti lors de la Session extraordinaire de Beijing + 5, que ses effets sont très différents dans les pays en transition et en développement, a-t-elle fait valoir. Mme SCHÖPP-SCHILLING s’est déclarée satisfaite de constater que des quotas avaient été rétablis dans certains organes législatifs et a souhaité disposer de données chiffrées sur cette représentation des femmes. Nous savons que la discrimination passive et indirecte et les traditions patriarcales freinent énormément le processus de promotion de l’égalité, a-t-elle observé. C’est pour cela qu’il faut prendre des mesures gouvernementales pour y parvenir. Elle a demandé des précisions sur le mode de scrutin.
Mme MAVIVI MYAKAYAKA-MANZINI, experte de l'Afrique du Sud, s'est interrogée sur la compositions du Secrétariat à la protection sociale de la famille, de la maternité et de l'enfance. Elle a également demandé quels sont ses liens avec le Comité des Femmes. Elle s'est enfin étonnée de ce que la responsabilité du développement moral de la famille repose exclusivement sur les femmes. Mme MARIA REGINA TAVARES DA SILVA, experte du Portugal, s'exprimant sur l'article 3, a demandé des précisions sur les mandats du Comité des femmes, d'une part, et du Secrétariat à la protection sociale de la famille, d'autre part. Elle a souhaité avoir des détails sur les programmes mentionnés dans le rapport et s'est interrogée sur l'implication de la société civile et des ONG dans la mise en oeuvre de ces programmes.
Mme GOONESEKERE a posé des questions relatives à la violence à l'égard des femmes: quelle est la définition du crime de viol? Faut-il prouver qu'il y a eu violence ou intimidation? Le viol dans le mariage est-il possible? Y a-t-il des poursuites dans les cas de violence au foyer? Sachant que la loi sur le divorce prévoit que le divorce peut être reporté jusqu'à six mois, cette loi n'oblige-t-elle pas les femmes à supporter les abus de leurs maris? Quelle est la politique sur l'inceste? Quelles sont les causes de suicide? Quel est le rôle des tribunaux locaux dans la lutte contre la violence à l'égard des femmes? Existe-t-il des programmes d'éducation aux droits de l'homme?
Mme HEISOO SHIN, experte de la République de Corée, a demandé quel est l'organisme national qui s'occupe des femmes et de l'égalité des sexes. Est-ce le Secrétariat à la protection sociale de la famille? Mais le programme d'action du Secrétariat ne couvre pas l'ensemble des domaines de la protection des femmes, a fait remarquer l'experte. Elle a demandé quel est le rôle de l'ombudsman et quel type de plaintes il reçoit. Elle s'est également interrogée sur les relations entre le Centre national pour les droits de l'homme, l'ombudsman et le Secrétariat à la protection sociale de la famille. En ce qui concerne les "années-événement" (1998 a été l'année de la famille, 1999 celle de la maternité, 2000 celle de la mère et de l'enfant), l'experte a déclaré que ces programmes sont très abstraits et demandé s'ils comportent des mesures politiques spécifiques. Elle a enfin mis
en garde contre le fait que ces programmes mettent l'intérêt des familles avant l'intérêt des femmes. Mme FERRER GOMEZ a demandé quelles sont les réalisations des années 1999-2000 en ce qui concerne la mise en oeuvre du Programme d'action de Beijing. Elle a relevé que les stéréotypes consistant à faire de la femme une mère de famille avaient été présents à plusieurs reprises dans la présentation de la délégation. Ainsi, on ne conçoit jamais le travail des femmes comme une possibilité de se réaliser mais comme un ajout au budget de la famille, a fait observer l'experte. Elle a par ailleurs déploré que les femmes se trouvent dans les postes les moins valorisés dans l'industrie et dans l'agriculture et regretté le maintien de coutumes telles que la dot et la polygamie. Les médias contribuent à renforcer les stéréotypes, a-t-elle ajouté, et il est nécessaire de faire un travail à ce sujet dans ce secteur où de plus les employés sont majoritairement des femmes.
Mme LIVINGSTONE RADAY, s'exprimant sur l'article 5, relatif aux stéréotypes, a demandé des informations sur les mesures juridiques permettant de faire face aux pressions patriarcales qui pèsent sur les femmes. Par exemple, elle a demandé s'il y avait des sanctions contre la polygamie.
Mme CORTI a déclaré que des mesures concrètes devraient être prises pour lutter contre les stéréotypes et qu'il serait souhaitable de faire participer les ONG à cette réflexion. Elle a également insisté sur l'importance des responsabilités parentales des pères.
Mme SHIN, rappelant que l'article 136 du code pénal de l'Ouzbékistan ne punit les mariages forcés et les enlèvements de femmes que d'une amende, a déclaré que cette sanction était insuffisante. Elle s'est étonnée de ce que le rapport ne fasse état d'aucune statistique sur les mariages forcés et les enlèvements. Elle a par ailleurs souhaité que la définition des crimes de violence domestique précise explicitement que les premières victimes en sont des femmes et des enfants. Si cette précision n'est pas apportée, la criminalité domestique sera mal comprise par le judiciaire, a précisé Mme Shin. Elle s'est interrogée sur la neutralité du rôle des majallahs, médiateurs des conflits familiaux, et a suggéré que ce soit plutôt la police qui soit chargée de ce type de conflits. Elle a en conclusion demandé des statistiques sur la violence domestique et s'il existe des abris pour les victimes.
Mme FENG CUI, experte de la Chine, s'exprimant sur l'article 6 qui traite du trafic des femmes, a demandé des précisions sur certaines dispositions du Code pénal, et notamment sur la gravité des peines en rapport avec les délits. En ce qui concerne les violations des droits de l'homme, l'experte s'est demandée pourquoi le nombre de personnes appartenant au groupe dit "à risque élevé" avait doublé. Enfin elle s'est interrogée sur le rôle de l'unité spéciale, se demandant si sa fonction était de faire respecter la loi. Mme ACHMAD, a demandé un diagramme des institutions qui s'occupent de la promotion de la femme. Elle a souhaité que ce diagramme présente clairement les responsabilités de chaque organe, au niveau exécutif et législatif, ainsi que la mise en oeuvre des programmes et les budgets. En ce qui concerne l'article 7 sur la discrimination dans la vie publique, elle a suggéré que des quotas soient établis dans les entreprises également, et pas seulement dans la fonction publique.
Mme FERRER, a mentionné le décret présidentiel relatif aux quotas et a demandé pourquoi ces quotas ne concernaient que les postes de directeur aux fonctions sociales. Mme FRANÇOISE GASPARD, experte de la France, a regretté que les informations sur la participation des femmes à la vie politique soient lacunaires, de même que les mesures visant à accroître cette participation. Elle a voulu de plus amples informations sur la participation des femmes au niveau local, et déclaré que les quotas devraient être appliqués à tous les niveaux. S'étonnant de ce que les femmes élues soient si rares, elle a demandé si elles sont découragées de s'investir dans des activités partisanes. Elle s'est prononcée fermement en faveur des quotas de femmes dans toutes les positions de prise de décisions, faisant valoir que tant qu'une masse critique de femmes dans les lieux de décision n'est pas atteinte, nombre de questions ne seront pas prises en compte. Elle a conclu en disant que la participation à part égale des femmes et des hommes aux prises de décisions n'est pas une fin en soi, c'est un moyen afin d'aboutir à un traitement plus juste et équilibré de toutes les questions économiques et sociales.
Mme CUI aimerait connaître la proportion de femmes participant aux élections et la proportion de femmes élues ainsi que le pourcentage des femmes élues par rapport à l’ensemble de la population féminine. Elle a demandé également pourquoi les femmes dans l’administration n’occupaient que des postes d’adjointes et si le décret de 1995 prévoyait qu'elles ne peuvent accéder qu’à ce type de poste.
Mme SCHÖPP-SCHILLING a souhaité savoir également s’il existait des fonds publics destinés au financement de leurs activités. Elle a fait remarquer qu’il y avait eu une aide importante de la part de donateurs internationaux mais que celle-ci ne durera pas éternellement et a demandé si l’Etat était prêt à prendre le relais. Elle a souhaité également avoir des précisions sur l’École de cadres.
Mme GASPARD a demandé des informations sur la représentation des femmes dans le corps diplomatique, notamment à l’étranger. Elle a souhaité que l'Etat partie explique les raisons de la diminution de moitié du nombre des étudiants au cours de la dernière décennie et sur les mesures qui pourraient être prises pour encourager les jeunes filles à poursuivre leurs études supérieures. Mme ACHMAD a souhaité avoir des précisions sur les méthodes utilisées par les fondations destinées à identifier les jeunes de talents. Dans beaucoup de pays, on a constaté qu’il existait des discriminations inhérentes à ce type de démarche.
Mme TAVARES DA SILVA a mis l’accent sur la baisse de la présence des jeunes femmes dans l’enseignement supérieur qu’elle a jugé d’autant plus grave que l’on demande de plus en plus un niveau d’enseignement élevé.
Mme CORTI a fait observer que les principes sur lesquels reposent les politiques d’emploi de l’Etat sont tout à fait conformes à la mise en oeuvre de la Convention. Elle a demandé des informations sur les niveaux de salaires féminins dans les différents secteurs de l’économie, sur les aides mises en place pour les parents uniques, sur les conditions de retraite ainsi que sur les quotas pour les personnes handicapées. Elle a souhaité savoir si le travail à mi-temps pour les femmes ayant des enfants était accessible également aux pères. Elle a fait observer que l’âge légal d’emploi des adolescents, fixé par le Code du travail à 16 ans, ne lui semblait pas conforme aux normes internationales signées par l’Ouzbékistan.
Mme SCHÖPP-SCHILLING, se référant à l'article 11, sur le droit au travail, a noté que les conditions de travail des femmes peuvent également être extrêmement difficiles, notamment dans l'agriculture et les industries légères, secteurs où elles sont traditionnellement très présentes. Elle a demandé des précisions sur le congé de maternité et les congés parentaux. Elle a voulu savoir si l'on envisage une législation anti-discriminatoire sur le travail et le fonctionnement du marché du travail, qui, éventuellement pourrait englober des mesures spécifiques temporaires. Elle a aussi souhaité connaître ce qui est entrepris pour lutter contre les attitudes stéréotypées en matière d'emploi, et notamment en ce concerne la définition des métiers requérant l'utilisation de la force physique et interdits aux femmes. En ce qui concerne les salaires, elle s'est déclarée alarmée par une étude qui montre que 60 % des femmes pensent que leur salaire est trop faible. Le fait d'avoir des salaires moyens inférieurs dans les secteurs où les femmes sont plus nombreuses, comme dans celui des nouvelles industries légères, constitue une discrimination flagrante, a estimé Mme Schöpp-Schilling. Elle a enfin demandé des précisions sur les entrepreneurs-femmes, sur les secteurs dans lesquels elles s'installent en priorité et sur les formations dont elles peuvent bénéficier.
Mme TAVARES DE SILVA a évoqué les garanties et privilèges dont bénéficient les femmes lors de la naissance d'un enfant, et demandé pourquoi ces mesures ne s'appliquent qu'aux femmes. Elle a évoqué le risque que ces mesures ne se retournent contre les femmes, incitant à la discrimination à l'embauche.
Mme ACHMAD a déclaré que les avantages liés à la retraite dont bénéficient les femmes peuvent être utilisés contre elles si les employeurs doivent les financer. En ce qui concerne le travail des femmes, elle a souligné que les femmes ouzbèkes, même celles qui ont fait des études, disent qu'elles travaillent pour assurer le bien-être de la famille, et non pour leur épanouissement personnel. En conséquence, elle a insisté sur la nécessité de développer un partenariat entre les hommes et les femmes quant aux droits et aux responsabilités, notamment en ce qui concerne les travaux ménagers. En conclusion, elle a demandé au Gouvernement de revoir sa politique actuelle et sa base législative, et de passer en revue les politiques et programmes existants pour en éliminer tous les éléments de discrimination.
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