En cours au Siège de l'ONU

ENV/DEV/565

LE FINANCEMENT DE SYSTEMES D’ENERGIE ET DES TRANSPORTS DURABLES AU CENTRE DES DISCUSSIONS DE LA COMMISSION DU DEVELOPPEMENT DURABLE

18/04/2001
Communiqué de presse
ENV/DEV/565


Commission du développement durable

7e séance – après-midi


LE FINANCEMENT DE SYSTEMES D’ENERGIE ET DES TRANSPORTS DURABLES AU CENTRE

DES DISCUSSIONS DE LA COMMISSION DU DEVELOPPEMENT DURABLE


La Commission du développement durable a ouvert, cet après-midi, sa réunion de haut niveau en tenant une table ronde sur le financement de l’énergie et des transports aux fins du développement durable.  Animée par M. Nitin Desaï, le Secrétaire général adjoint aux affaires économiques et sociales, la discussion a rassemblé des personnalités des institutions financières, des gouvernements et du secteur privé.  Ensemble ils ont fait le point de la situation actuelle tant en matière d’énergie que de transports et ont identifié les défis qui se posent pour l’avenir et les solutions possibles.  Pour cela, ils étaient guidés par trois séries de questions. 


La première d’entre elles a porté sur les possibilités de financement offertes par les institutions financières pour soutenir le développement de systèmes d’énergie et de transports compatibles avec le développement durable.  A ce sujet, le Vice-Président de la Banque mondiale a indiqué que son institution est passée d’une ère de financement de projets isolés à celle du financement de programmes, ce qui rend à la fois plus étroite et plus intégrée la collaboration avec les pays “clients”.  Désormais, les attentes des pays portent plus sur l’entretien que sur la construction des infrastructures, ainsi que sur l’accès accru aux services modernes pour les populations les plus pauvres.  Même pour ces nouveaux domaines d’intervention, la Banque mondiale insiste sur la redevabilité, l’entretien et la durabilité des programmes mis en oeuvre.  De son côté, le Directeur exécutif du Fonds pour l’environnement mondial a expliqué comment le mécanisme de financement des besoins des pays en développement en matière d’environnement mis sur pied par le Fonds fait office de garant et permet d’attirer des investissements plus importants.  Troisième expert à intervenir sur cette question, le Directeur d’une banque du Bangladesh a fait part des initiatives de son établissement pour fournir de l’électricité à partir de l’énergie solaire aux régions les plus démunies et les plus isolées du pays.  Le système de microcrédit développé à cet effet a aussi permis aux populations d’accéder aux technologies de l’information et constitue un pas important vers l’élimination de la pauvreté.  Toutefois, il a insisté sur le fait qu’il convient encore de réduire le prix de revient des énergies renouvelables pour que les personnes les plus pauvres en bénéficient à grande échelle.


Se penchant ensuite sur les obstacles que rencontrent les gouvernements lorsqu’ils essaient d’obtenir des financements, la Commission a entendu la Ministre de l'énergie et du développement minier de l'Ouganda qui a fait observer que le financement de l'infrastructure est particulièrement difficile dans les pays où le secteur des transports n'est pas encore libéralisé.  Son pays n’a, par exemple, pas reçu d’aide des institutions financières internationales, parce que


(à suivre – 1a)

les conditions que ces dernières imposaient étaient trop strictes.  Quant aux investisseurs privés, ils hésitent à investir dans les nouvelles sources d'énergie à cause des coûts associés à l’implantation et des incertitudes en matière de résultats.  Le Gouverneur de Djakarta (Indonésie) et le Ministre de l’environnement de la République tchèque, ont, quant à eux, souligné le fardeau économique que représente la congestion des transports dans les grandes villes des pays en développement et en transition.  Pour eux, une infrastructure de transports adéquate devrait être financée par une combinaison de fonds publics et privés, et les institutions financières internationales et les gouvernements devraient coordonner leurs méthodes d'évaluation financière afin qu'elles coïncident.


Concernant les moyens trouvés par le secteur de l’industrie pour aider le financement des systèmes de développement durable, troisième centre d’intérêt de la table ronde, le Président de la compagnie pétrolière Shell, a expliqué que pour le secteur privé, il existe, en termes de financement, trois types de projets : ceux qui peuvent directement être financés par les actionnaires, ceux qui nécessitent des prêts et ceux qui sont très difficiles à financer.  Les énergies renouvelables font partie de ce dernier type, même si dans certaines circonstances, il en existe, comme l’énergie éolienne, qui sont d’ores et déjà très concurrentielles.  La plus grande difficulté est d’assurer le financement initial des projets et il semble que la meilleure option soit le microcrédit, qui n’est que du ressort des grandes sociétés industrielles.  Il faut comprendre que certains projets n’ont aucun intérêt commercial.  Pour sa part, le Directeur régional du constructeur automobile Scania a exposé les divers services financiers que propose sa société, qui vont des prêts aux crédits-bails et aux contrats de louage.  Mais Scania ne porte pas seulement son attention sur le financement, mais aussi sur les circonstances plus larges de l’achat, comme par exemple le réseau de transport dans lequel le véhicule va s’intégrer.  Des services d’entretien et une formation aux techniques d’entretien moins polluantes sont aussi proposés aux clients.


Chacun de ces points a donné lieu à un dialogue entre les experts et les Etats Membres, au cours duquel l'accent a été particulièrement mis sur la décentralisation en matière d'énergie durable.  Les intervenants ont jugé en effet que si l’on veut que l'introduction des énergies renouvelables donne de bons résultats, il ne faut pas qu'elle soit cantonnée aux partenaires du domaine de l'environnement.  La prise en compte des problèmes spécifiques des pays en développement a aussi été mise en avant.  Sur ce point, la création de miniréseaux d’énergie a été jugée comme une solution prometteuse.  L’accès des zones rurales à l’énergie comme aux transports a aussi été présenté comme l’une des clefs de l’élimination de la pauvreté.  Nombreux ont aussi été ceux à insister sur le rôle de l'éducation des populations.  De manière générale, les intervenants ont mis en garde contre la tendance à transformer les financements en « subventions »  en faveur des pauvres, alors qu’on ferait mieux d’encourager leur capacité, pourtant bien réelle, à générer des revenus


Demain, à partir de 10 heures 30, débutera le débat général de la Réunion de haut niveau.


REUNION DE HAUT NIVEAU : TABLE RONDE SUR LE FINANCEMENT DE L’ENERGIE ET DES TRANSPORTS AUX FINS DU DEVELOPPEMENT DURABLE


Déclaration liminaire


      M. NITIN DESAI, Secrétaire général adjoint aux affaires économiques et sociales, qui officiera en qualité d’animateur de la discussion, a indiqué que l’objectif de la table ronde était d’entendre l’opinion des spécialistes de haut niveau des trois principaux secteurs concernés, à savoir les institutions financières, les gouvernements et le secteur privé.  L’enjeu est aussi de faire le point de la situation actuelle et surtout d’envisager sous quel jour se présente l’avenir.


Présentation par les responsables des institutions financières


      M. IAN JOHNSON, Vice-Président de la Banque mondiale, et responsable des questions du développement écologiquement et socialement durable, a rappelé que la plupart des prêts octroyés par la Banque mondiale portent depuis longtemps sur l’énergie et les transports.  Au fil du temps, les stratégies pour ces secteurs ont évolué.  On passe de plus en plus de projets purs et simples à des programmes.  Aussi, la collaboration est-elle plus étroite et plus vaste avec les pays “clients”.  Le résultat est qu’il y a eu un déplacement stratégique des investissements de la Banque mondiale dans le secteur de l’énergie, qui s’est surtout traduit par un déclin des prêts et par un accent mis sur l’intervention en amont.  On a assisté aussi à une baisse de la demande des pays qui se tournent davantage vers le secteur privé pour répondre à leurs besoins en énergie.  Maintenant, la Banque met l’accent sur l’accès accru aux services modernes pour les populations les plus pauvres.  Elle met également l’accent sur la garantie d’un choix plus large pour les consommateurs.


Le secteur des transports a lui aussi connu une évolution, a poursuivi

M. Johnson.  Il ne s’agit plus seulement de construire des infrastructures mais aussi de les entretenir.  C’est davantage à cette fin que les prêts sont utilisés.  Globalement dans le secteur des transports, les besoins en importations ont diminué mais on s’attend à ce que le transport rural durable et les infrastructures nécessaires connaissent une forte croissance.  C’est dans ce domaine que la Banque va être désormais plus active.  La Banque mondiale réfléchit non seulement aux possibilités de prêts mais aussi à la fourniture de biens d’équipement en collaboration avec le secteur privé.  Ce faisant, elle insiste beaucoup sur la redevabilité, l’entretien et la durabilité des projets et programmes mis en oeuvre.  Une dernière tendance évoquée par M. Johnson est le fait que la Banque suit de plus en plus les demandes des pays, qui ainsi déterminent la direction prise par cette institution.


      M. MOHAMMED El-ASHRY, Directeur exécutif du Global Environment Facility – Fonds pour l’environnement mondial (FEM), a expliqué que le FEM est un mécanisme de financement des besoins des pays en développement en matière d’environnement.  Il dispose de 2,5 milliards de dollars pour des périodes de 4 ans.  Malgré la modestie de ses ressources, le FEM contribue à la mise en place d’instruments et de stratégies novateurs favorables à l’environnement.  Il participe ainsi à plus de 155 projets d’air propre de part le monde.  Au plan du financement, le FEM fonctionne de la manière suivante : il apporte une première série de ressources destinéespermettant à de créer des fonds commerciaux qui visentpermettent de réduire les risques financiers pour les autres investisseurs.  C’est ainsi qu’avec une mise de départ de 125 millions de dollars, le FEM a permis d’obtenir plus de 500 millions de dollars.  Dans la mesure où ces fonds sont rentables, ils montrentpermettent de démontrer aux investisseurs ce qu’il est possible de faire et d’attirer des ressources futures.  Un autre programme mis en place par le FEM a pour objectifpermet de payer les installations et équipements nécessaires pour la fabrication d’électricité à partir de l’énergie solaire en Indonésie.  Dans 10 autres pays, le FEM a développé des projets visant à accroître la demande tout en réduisant les coûts.  Il s’efforce aussi de surmonter les obstacles que le financement local des mesures positives pour l’environnement rencontre souvent.

      M. MOHAMMED YUNUS, Directeur de la Grameen Bank à Dhaka (Bangladesh) a rappelé en premier lieu que le développement durable devrait toujours être examiné en fonction de trois critères fondamentaux, à savoir la viabilité de l’environnement, la rentabilité économique et le bien-être social.  Forte de ce principe, la banque qu’il dirige à investi au Bang laldesh plus de 3 milliards de dollars directement destinés au bien-être de la population.  Un des projets les plus importants a porté sur la fourniture d’électricité pui sque 75% de la population du Bangladesh n’a pas accès au réseau électrique, alors même que la mondialisation s’accélère chaque jour un peu plus.  De l’avis de M. Yunus, les technologies de l’information offrent une occasion sans précédent d’éliminer la pauvreté.  Il a cité en exemple le fait que l’on peut maintenant, grâce à la technologie cellulaire, fournir des services de téléphone dans les villages les plus reculés.  Dans ces cas, l’énergie est fournie par des panneaux solaires.  Le micro-crédit peut permettre de diffuser les technologies de l’information aux pauvres.  Il existe une très grande synergie possible entre les micro-crédits et les énergies renouvelables.  C’est pourquoi, la Bbanque Grameen a créé une société indépendante spécialisée dans l’énergie renouvelable qu’elle vend aux populations rurales.  L’énergie solaire revient à 5 dollars par watt à l’heure actuelle, et il faudrait absolument réduire encore ce prix.  Le système de micro-crédit permettrait alors de diffuser ce système de production d’énergie sur des territoires bien plus vastes.  Il en va de même pour l’énergie éolienne, a également expliqué M. Yunus, ajoutant que si l’on arrive à réduire la vitesse minimale du vent nécessaire, on pourra satisfaire les besoins de nombreux foyers dans de nombreux pays. 

Dialogue


Alors qu’on lui demandait d’indiquer les conséquences de la réduction des prêts de la Banque Mondiale en matière de production d’énergie, le Vice-Président de la Banque mondiale a répondu que son institution a l'intention de collaborer étroitement avec le FEM s’agissant des énergies de substitution.


Présentation des responsables gouvernementaux


M. SUTIYOSO, Gouverneur de Djakarta (Indonésie), a commencé par expliquer que la zone urbaine de Djakarta et ses environnements, Jabotabek, comptent 20 millions d'habitants.  A l'intérieur de la région fortement centralisée qu'est Jabotabek, l'organisation de Djkarta est également très centralisée.  La partie centrale de la capitale s'étend sur environ 15 kilomètres carrés dans lesquels sont basés environ 30% des employeurs de la ville.  Les personnes travaillant à Djakarta doivent donc passer de plus en plus de temps dans les transports pour atteindre le centre de la ville. 


La congestion des transports représente un fardeau économique car l'allongement du temps passé dans le transport combiné au coût de l'entretien des véhicules entraînent une baisse de la productivité.  En 1996, une étude des temps de transport sur la congestion de la circulation automobile a indiqué que la congestion à Djakarta coûte chaque année 900 millions de dollars à l'économie indonésienne.  De 1982 à 1997, les ressources allouées aux transports publics ont augmenté mais l'utilisation des transports en commun a chuté de 57% à 50% et celle des moyens de transport privés est passée de 43% à 50%. 


Poursuivant, M. Sutiyoso a souligné l'importance d'une infrastructure de transports adéquate pour les pays en développement.  Ces projets sont financés par une combinaison de fonds publics et privés.  A Djakarta, ces investissements sont généralement injectés dans les secteurs des routes et des transports ferroviaires de banlieue.  Depuis la crise de 1997, le financement du secteur des transports n'a pu se poursuivre au même rythme.  Le représentant a ajouté que, pour une ville comme Djakarta, le développement ne concerne pas uniquement une augmentation de la taille mais aussi de la croissance et de la richesse, accompagnées d'une demande de même ampleur pour des services de grande qualité.  Soit cette croissance n'aura pas lieu, soit elle interviendra sans la planification ou l'intégration nécessaire, ce qui nuira à l'interaction entre les différentes fonctions urbaines.


Le représentant a indiqué qu'un système de métro est une partie fondamentale du plan de structure, qui se trouve actuellement dans sa première phase.  Il faudra toutefois mettre en place des politiques renforçant le rôle des pouvoirs publics.  Au cours des 20 prochaines années, environ 9 milliards de dollars seront nécessaires pour remplir les objectifs en matière d'infrastructure des transports. 


Mme SYDA BBUMBA, Ministre de l'énergie et du développement minier de l'Ouganda, a déclaré que le financement de l'infrastructure est difficile dans les pays où le secteur des transports n'est pas encore libéralisé.  En Ouganda, la Banque mondiale et les autres institutions financières internationales n'ont pu, à cause de leurs conditionnalités, fournir les financements nécessaires à l'installation de ces infrastructures.  La Ministre de l'énergie a signalé que les pays en développement ont un accès moindre aux financements de la Banque mondiale qui est pourtant le principal bailleur de fonds en matière d'infrastructures lourdes.  Illustrant les difficultés que doivent surmonter les pays en développement pour obtenir des fonds, la Ministre a expliqué que les fournisseurs de crédit hésitent à investir dans les nouvelles sources d'énergie à cause des coûts associés à leur implantation et des incertitudes quant à leurs résultats.  Les conditions du microfinancement sont également restrictives et exigent notamment que les bénéficiaires possèdent un compte en banque "actif" depuis au moins un an.  Mme Bbumba a estimé que, pour réduire la pression sur la biomasse et la déforestation, les bailleurs de fonds devraient mettre l'accent sur l'accès à l'énergie des zones rurales. 


M. MILOS KUZVART, Ministre de l'environnement de la République tchèque, a noté les changements subis par les systèmes d'énergie et de transport dans de nombreux pays d'Europe centrale et orientale.  Il a estimé que ces secteurs devraient aujourd'hui avoir une orientation plus durable.  Le Ministre a souligné l'importance de la capacité de chaque pays à mettre en place des systèmes de transports durables.  Il a suggéré la mise en place de projets de transports en commun et l'utilisation de réseaux bien intégrés.  En outre, le renforcement de l'infrastructure réservée aux piétons et aux cyclistes peut contribuer à réduire la pollution et installer des systèmes de transport durables.  Il faut également étudier la possibilité de combiner divers modes de transport, sans oublier les objectifs fixés en matière d'environnement.  Le représentant a également recommandé d'internaliser les coûts des transports et de coordonner l'agrandissement des villes avec celui des infrastructures de transport.  Des comparaisons entre différentes variantes peuvent également assurer les meilleures conditions de sécurité et de circulation.  Les institutions de financement internationales et les gouvernements devraient coordonner leurs méthodes d'évaluation financière afin qu'elles coïncident, a également estimé le Ministre de l'environnement.


Dialogue


La représentante de l’Autriche a demandé d’expliquer comment on pouvait lier les considérations sur l’environnement aux objectifs de réduction de la pauvreté et aux objectifs de développement, tels que posés par la Déclaration du millénaire et faire ainsi avancer ce processus et changer la situation sur le terrain.   Elle a également fait remarquer que l’exemple pris par M. Yunus en matière d’énergie éolienne et, notamment la nécessité de fabriquer des éoliennes qui fonctionnent avec moins de vent, exige des partenariats très forts.


En réponse, M. YUNUS de la Banque Grameen a expliqué que l’essentiel pour apporter les technologies d’énergie renouvelables aux populations pauvres ce sont les arrangements de financement et les services financiers, par le biais notamment du microcrédit.  On sait d’expérience que ces populations n’ont aucun problème pour rembourser les prêts, le problème n’est donc pas tant la solvabilité que le développement de services financiers.  Pour ce qui est du progrès technologique, l’un des problèmes c’est que l’on n’a pas une planification volontariste dans ce domaine de la part d’une entreprise ou d’un groupe de grandes entreprises, publiques ou privées, qui conduiraient les travaux de recherche et de développement.  Quoi qu’il en soit, il faut insister sur le caractère durable des initiatives et des projets, car faire dépendre les pauvres de services outrageusement subventionnés n’est pas une solution durable.  On oublie trop souvent la capacité des pauvres à générer des revenus. 


Pour sa part, la Ministre de l’Ouganda a expliqué que la fourniture des services de base aux populations rurales pauvres est la priorité de son Gouvernement.  Un fonds spécial pour l’électrification des zones rurales a ainsi été créé.  Le Gouvernement ougandais espère aussi encourager les entités chargées de créer l’énergie renouvelable en fournissant des “subventions intelligentes”


Reprenant la parole, M. JOHNSON a déclaré que l'infrastructure rurale est une condition préalable indispensable pour une réduction de la pauvreté, ne serait-ce que parce qu'elle permet d'acheminer la production locale vers les marchés.  Un autre intervenant a ensuite suggéré d'utiliser les dons et autres financements pour lancer les sources d'énergies nouvelles, qui gagneraient à être combinées avec des sources d'énergie renouvelables telles que le gaz naturel.


Répondant à une question sur le financement des entrepreneurs pauvres,

M. EL-ASHRY a estimé que les institutions gouvernementales devraient également se charger du financement et offrir des prêts subventionnés aux plus pauvres.  Il a expliqué que le microcrédit ne table que sur la capacité de remboursement des emprunteurs et que les taux de remboursement sont excellents, notamment en Chine.


Un intervenant ayant demandé des précisions sur la manière dont la Banque mondiale encourage les Etats à se développer de façon durable et à installer des systèmes de transports durables et respectueux de l'environnement, M. JOHNSON a indiqué que près de la moitié des projets menés par la Banque dans les secteurs de l'énergie et des transports requièrent une évaluation préalable de leur impact sur l'environnement.  La Banque mondiale accorde également une grande importance aux frais d'entretien.  Pour illustrer les différences qui existent entre la Banque mondiale et les banques commerciales, M. Johnson a expliqué que la Banque applique des taux d'intérêt un peu ou très inférieurs à ceux des banques commerciales.  De plus, ces prêts sont offerts à très long terme et tiennent compte des dimensions sociales.


Répondant à une question sur les différences du coût de l’énergie d’un pays à un autre, le Directeur du FEM a expliqué que si la production de l’énergie coûte plus cher dans un pays A que dans un pays B, cela ne veut pas dire que la subvention du FEM sera plus importante pour le pays A.  Les écarts de coût ne sont pas financés par le FEM qui demande aux pays de mobiliser les fonds pour couvrir ces variations.


Le représentant du Brésil a demandé ce qui peut être fait pour que des véhicules dotés des nouvelles technologies respectueuses de l’environnement soient mis sur le marché à des prix équivalents aux véhicules traditionnels.  Sur ce point, le Vice-Président de la Banque mondiale a rappelé que pour chaque type d’investissement qu’elle finance, la Banque exige que les projets satisfassent un certain nombre de critères environnementaux et sociaux.  Le problème majeur qui se pose concerne davantage la manière de stimuler les investissements destinés à la recherche et au développement de nouvelles technologies, ainsi qu’à la réduction de leurs coûts.  De son côté, M. DESAI a fait remarquer qu’il n’y a probablement aucun système de transport collectif au monde qui soit, à l’heure actuelle, rentable du seul point de vue commercial.


Présentation des responsables du secteur privé


      Sir MARK MOODY-STUART, Président de la compagnie pétrolière Royal Dutch/Shell, a expliqué que dans le cadre du prochain sommet de Johannesburg sur le développement durable, il s’est vu confier la tâche d’expliquer ce que le secteur privé et commercial a effectué en matière d’énergie durable.  En fait pour le secteur privé, en matière de financement, il existe essentiellement trois types de projets : ceux qui peuvent directement être financés par les actionnaires, ceux qui nécessitent des prêts et ceux qui sont très difficiles à financer.  Le premier type concerne par exemple les techniques de liquéfaction du gaz naturel ou de gazéification du charbon, ce qui permet d’utiliser ce dernier de manière moins polluante.  Le second type de financement s’adresse à des techniques qui n’ont pas encore totalement la confiance des marchés et, partant, il est nécessaire de recourir à l’emprunt.  Le troisième type de financement concerne plus directement les énergies renouvelables.  Dans ce cas, il convient de faire une distinction entre les énergies renouvelables qui, selon certaines circonstances, sont d’ores et déjà très concurrentielles, comme par exemple l’énergie éolienne dans une zone venteuse, et celles qui visent plus directement la réduction de la pauvreté.  Sur ce dernier point, la plus grande difficulté est d’assurer le financement initial des projets même si, à terme, ils peuvent s’avérer rentables.  La meilleure option est en fait le microcrédit et, à cet égard, les sociétés de la taille de Shell, par exemple, ne sont pas bien adaptées pour fournir ce type de service.  On constate également que les financements de crédits à l’exportation sont plus faciles à obtenir pour des projets concernant le gaz que pour les énergies véritablement renouvelables.  Dans ce domaine, un changement de mentalité est absolument nécessaire.  Il faut aussi comprendre que certains projets n’ont aucun intérêt commercial, a souligné M. Moody-Stuart.  C’est pour soutenir néanmoins ce type d’initiatives que sa compagnie a créé la Fondation Shell, qui consacre des sommes relativement modestes aux entités qui développent ces projets et peuvent à terme devenir des clients de la Shell.


M. ROLF HEDBERG, Directeur régional pour les Amériques du constructeur automobile Scania, a expliqué que les produits de sa société, essentiellement des autobus et des véhicules poids lourds, sont très coûteux et c’est pourquoi elle a créé ses propres sociétés financières.  L’objectif est de permettre aux clients potentiels d’investir plus facilement dans les produits et services que Scania propose.  En revanche, rien n’est prévu en matière de capital-risque, car cela ne correspond pas à la philosophie d’une entreprise commerciale de cet ordre.  En fait, les sociétés financières créées par Scania fonctionnent en quelque sorte comme des banques et offrent des prêts, des crédits-bails et des contrats de louage au terme duquel la compagnie récupère le véhicule.  La capacité de financement de Scania est d’environ 2 milliards de dollars, ce qui est bien plus limité qu’une grande banque, mais l’avantage c’est que Scania a une très bonne connaissance de ses clients et de leurs besoins.  Ainsi, elle s’intéresse à tout l’environnement qui entoure l’achat, comme par exemple les systèmes fiscaux en vigueur dans le pays où réside le client, les lois, les raisons de l’achat, ou encore les prix des billets que la compagnie de transport collectif entend pratiquer.  Scania ne se limite pas au financement mais propose également des services d’entretien. 


M. Hedberg a aussi expliqué qu’il y a différentes façons de contribuer au respect de l’environnement sans changer complètement le parc de véhicules.  On peut par exemple simplement changer le moteur, ce qui a été le cas pour tous les autobus à deux étages de Londres permettant à la fois de préserver ce symbole culturel et d’agir en faveur de l’environnement.  Scania s’efforce aussi de former ses clients et de les rendre familiers des techniques d’entretien plus soucieuses de l’environnement.


Dialogue


Le représentant de la Tunisie a déclaré que le financement de l'énergie et des transports dépend des spécificités de chaque pays.  Des institutions telles que la Banque mondiale et le FEM qui ont déjà mis en oeuvre plusieurs projets dans ces domaines disposent d'une expérience qui peut certainement être appliquée dans d'autres pays.  Il a  rappelé la proposition du Président tunisien de créer un Fonds international de solidarité pour l'accès des zones rurales à l'énergie.  Il a ajouté qu'il faut assurer une mise à niveau des différents acteurs institutionnels des pays en développement grâce à une veille technologique.


En ce qui concerne le financement des transports, le Ministre tchèque de l'environnement, a indiqué qu'il faut 25 000 dollars pour construire un kilomètre de voie cyclable alors qu'un tronçon d'autoroute de la même longueur coûte 25 millions de dollars.  Il a ensuite indiqué qu'il existe divers types de voies de transport dans son pays mais que l'on ne construit généralement pas des pistes spécialement pour les bicyclettes.  En matière d'énergie, le ministre a indiqué que le potentiel total des sources d'énergie renouvelables en République tchèque est de 35% de l'énergie utilisée à l'heure actuelle.  L'utilisation des sources d'énergie renouvelable doit être développée car leur taux d'utilisation actuel n'est que de 2%. 


Le Ministre a ensuite indiqué que le principal problème est la distorsion du prix de l'énergie, notamment en raison du gaspillage.  La République tchèque souhaite surtout assurer un accès à l'énergie pour tous et mettre au point de nouvelles approches combinant plus efficacement un meilleur accès et des prix abordables.  En même temps, le financement de l'énergie et des transports durables doit se faire grâce à la coopération des gouvernements, des institutions financières internationales et d'autres sources parafiscales.  En conclusion, il a reconnu que l'expérience tchèque ne s'applique peut-être pas aux pays d'Afrique et d'Extrême-Orient.


En ce qui concerne le financement de systèmes de transports en commun,

M. JOHNSON a reconnu qu'il est très difficile de réaliser un montage financier permettant un investissement de départ très élevé pour un système de transports en commun dont les effets bénéfiques mettront de nombreuses années à se faire sentir.  Il a indiqué que la Banque mondiale a participé à des projets de revitalisation de systèmes existants mais pas à des projets en créant de nouveaux systèmes.  M. Johnson a ajouté que les ministres des finances ne sont généralement pas prêts à contracter un emprunt auprès de la Banque mondiale pour des projets ayant un très faible rendement initial.  Il est certain que 25 ans plus tard, ces initiatives ont des retombées positives, en particulier sur l'environnement, a-t-il admis.  La Banque mondiale propose des options d'investissement de petite échelle.  Il paraît nécessaire d'examiner de manière plus stratégique ces investissements de grande échelle rentables à long terme car c'est là un secteur où, avec de bons niveaux de financement, on pourrait envisager une nouvelle génération de transports urbains. 


Le représentant des Etats-Unis a comparé les problèmes de rendement à long terme des systèmes de transport en commun à ceux liés à la construction de centrales de traitement des eaux ou d'autres installations publiques.  Pour favoriser le financement de tels projets, les pouvoirs publics américains ont créé un système de bons de l'Etat ou des municipalités qui sont assortis d'avantages fiscaux.  Le représentant a estimé qu'il faut aussi réfléchir aux manières de passer à un système d'autofinancement plutôt que de penser systématiquement aux prêts.


Répondant à ses observations, M. JOHNSON a fait remarquer que les problèmes relatifs aux transports urbains sont d'une toute autre échelle que ceux rencontrés dans le domaine de la distribution de l'eau.  Il a précisé que les avantages des transports de masse ne sont pas toujours pécuniaires et n'apparaissent généralement que très tard, ce qui devrait susciter la recherche de nouvelles solutions. 


Déclaration de clôture


Dans ses remarques de conclusion, M. DESAI a noté que les intervenants ont mis l'accent sur la décentralisation en matière d'énergie durable.  Si nous voulons vraiment que l'introduction des énergies renouvelables donne de bons résultats, il ne faut pas qu'elle soit cantonnée aux partenaires du domaine de l'environnement, a estimé M. Desai en appelant à une action de grande échelle.  Il a ajouté qu'il faut dépasser les approches économiques et plutôt mettre l'accent sur une analyse commerciale.  Il a noté que les initiatives en faveur de systèmes énergétiques durables sont de moins en moins isolées.  M. Desai a cependant souligné les problèmes spécifiques des pays en développement qui exigent parfois de sortir des réseaux classiques d'approvisionnement en énergie et aussi de tenir compte de la fragilité des réseaux existants.  Il a suggéré de combiner différentes sources d'énergie décentralisées pour créer des miniréseaux.


M. Desai a ensuite pris pour exemple le village où il est né, en Inde, et qui a réussi à faire disparaître presque complètement la pauvreté en 50 ans.  Le secret de cette réussite est l'électrification des zones rurales qui a permis de passer à des niveaux de production supérieurs, combinée à la construction de routes qui a également renforcé l'essor économique.  Il ne faut pas négliger le rôle de l'éducation et particulièrement de la formation secondaire, a-t-il ajouté, en estimant que c'est un moyen pour les enfants d'agriculteurs sans terres de se préparer à travailler dans d'autres secteurs. 


M. Desai a suggéré que les débats futurs mettent l'accent sur la question des investissements massifs dont le rendement est à long terme et la complémentarité des financements publics et privés.  Il a estimé qu'il faut éviter de considérer les financements comme une façon de subventionner les pauvres car les projets mis en place dans de telles conditions ne sont pas pris au sérieux.  Il a estimé qu'il faut plutôt étudier les coûts réels et envisager d'autres options.  M. Desai a également appelé les participants à réfléchir à la façon dont on peut procéder aux changements nécessaires pour les systèmes de transports en commun de grande taille.  Il a ajouté que le type de financement envisagé varie selon le type de changement.  Quand on veut introduire une nouvelle  technologie, a-t-il estimé, il faut accepter certains risques commerciaux qui existent dans d'autres types d'investissement.


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