LE CONSEIL ÉCONOMIQUE ET SOCIAL TIENT UNE RÉUNION-DÉBAT SUR L'AIDE HUMANITAIRE D'URGENCE AUX GROUPES AYANT DES BESOINS SPÉCIAUX
Communiqué de presse ECOSOC/G/5962 |
LE CONSEIL ÉCONOMIQUE ET SOCIAL TIENT UNE RÉUNION-DÉBAT SUR L'AIDE HUMANITAIRE D'URGENCE AUX GROUPES AYANT DES BESOINS SPÉCIAUX
Avec la participation de la Directrice exécutive
de l'UNICEF et du Haut Commissaire pour les réfugiés
Genève, 12 juillet -- Le Conseil économique et social a tenu, cet après-midi, une réunion-débat sur l'aide humanitaire d'urgence aux groupes ayant des besoins spéciaux.
Organisée dans le cadre de l'examen des questions relatives aux affaires humanitaires, la réunion-débat était dirigée par Carol Bellamy, Directrice exécutive du Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF). Des déclarations liminaires ont été faites par le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), la Coordinatrice adjointe des secours humanitaires du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA), le Coordonnateur résident des Nations Unies pour l'Afghanistan et un représentant du Comité international de la Croix-Rouge.
Dans sa déclaration d'ouverture, Mme Bellamy a souligné que les questions concernant l'implication des enfants dans les conflits armés, la protection des civils en période de conflit armé et la protection des femmes font maintenant partie de l'ordre du jour international en matière de paix et de sécurité. Elle a également attiré l'attention sur la nécessité pour les secours d'urgence de prendre en compte la problématique du sida.
M. Ruud Lubbers, Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, a présenté les activités du Haut-Commissariat en Afrique, et plus particulièrement en Guinée, soulignant l'importance de trouver des solutions à long terme au problème des réfugiés et des personnes déplacées.
M. Jean-Michel Tauxe, Directeur des opérations du Comité international de la Croix-Rouge, a attiré l'attention du Conseil sur la situation qui prévaut actuellement en Afghanistan et en Afrique de l'Ouest, et a mis l'accent sur les programmes spécifiquement destinés aux femmes et aux enfants mis en œuvre dans ces deux régions par le CICR.
M. Michael Sackett, Coordonnateur résident des Nations Unies pour l'Afghanistan, a relevé l'importance qu'il y avait à maintenir une présence des organismes internationaux en Afghanistan malgré les pressions subies par les autorités sur le terrain.
Au cours de l'échange de vues qui a suivi, les représentants des pays suivants ont fait des déclarations: Afghanistan, Iraq, États-Unis, Pays-Bas, Belgique (au nom de l'Union européenne), Canada, Pakistan, Royaume-Uni, Suède, Italie, Afrique du Sud, Guinée, Japon, Burkina Faso. Mme Carolyn McAskie, Coordinatrice adjointe des secours en cas de catastrophe (OCHA) et un représentant de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) sont également intervenus. La majorité des interventions ont porté sur les situations qui prévalent en Afghanistan et dans plusieurs pays d'Afrique de l'Ouest.
Demain matin, à 10 heures, le Conseil reprendra son débat général sur l'assistance économique spéciale, l'aide humanitaire et les secours en cas de catastrophe.
Déclarations liminaires
Mme CAROL BELLAMY, Directrice exécutive du Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF), a rappelé qu'il incombe au Comité permanent interorganisations, en tant que principale instance de coordination, de rassembler les principaux acteurs du secteur humanitaire afin qu'ils réfléchissent à la politique stratégique à suivre et trouvent des solutions aux problèmes opérationnelles impliquant plusieurs institutions. Le Groupe de référence pour l'assistance humanitaire et l'équité entre les sexes, co-présidé par l'UNICEF et le Programme alimentaire mondial (PAM), est un organe subsidiaire du Comité permanent qui est orienté vers des groupes ayant des besoins spéciaux et dont le bon fonctionnement mérite d'être salué. Ces dix dernières années, la nature et l'ampleur des conflits ont changé et la plupart des crises humanitaires sont apparues sous la forme de conflits internes découlant notamment de violations des droits de l'homme. Ces crises - qui font parfois tomber des gouvernements - entraînent l'utilisation d'enfants soldats et donnent lieu à des luttes pour la maîtrise des ressources et des institutions du pouvoir. En Afghanistan, par exemple, la communauté internationale s'est trouvée confrontée au défi consistant à coordonner l'aide humanitaire dans des zones contrôlées par des acteurs non étatiques. En Afrique de l'Ouest, la leçon essentielle à tirer de la situation dans la région est la nécessité d'adopter une approche régionale et d'assurer une coordination de la fourniture de l'assistance humanitaire. Les conflits contemporains requièrent non seulement une solution humanitaire, mais aussi une solution politique, a précisé Mme Bellamy.
La Directrice exécutive de l'UNICEF a par ailleurs souligné que ces dernières années, les questions concernant l'implication des enfants dans les conflits armés, la protection des civils en période de conflit armé et la protection des femmes ont été inscrites à l'ordre du jour international en matière de paix et de sécurité. Des résolutions qui font date ont été adoptées s'agissant de ces questions. En outre, la sécurité du personnel continue d'être une préoccupation prioritaire pour l'ensemble des institutions humanitaires, a poursuivi Mme Bellamy.
Mme Bellamy a par ailleurs souligné que le problème du VIH/sida ne pouvait être abordé efficacement que dans le cadre d'une réponse multisectorielle aux situations d'urgence. Le VIH/sida est un problème qui touche une multitude d'autres questions telles que les déplacements de population, l'accès aux groupes vulnérables, la santé et l'éducation, auxquels s'ajoutent la dimension sexospécifique de la question. Il n'y a donc pas d'alternative à la coopération dans ce domaine. Relevant que les conflits armés favorisent la propagation de l'épidémie de VIH/sida, Mme Bellamy a souligné qu'un nouveau mécanisme, l'Équipe de travail interinstitutions sur le VIH/sida et les enfants dans les conflits armés, a récemment été mis en place afin de promouvoir les efforts de coopération. Il est essentiel que cette équipe travaille en étroite collaboration avec le Comité permanent interorganisations, a ajouté Mme Bellamy. La Directrice exécutive de l'UNICEF a d'autre part insisté sur la nécessité d'examiner de plus près comment lier de façon plus systématique les activités de la communauté humanitaire à celle des personnels chargés de l'action contre les mines antipersonnel.
M. RUUD LUBBERS, Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) a abordé la situation en Afrique, où le HCR joue un rôle particulièrement important. Le Haut Commissaire a rappelé que le travail du HCR n'était pas seulement de répondre aux situations d'urgence mais également de mener des actions à long terme. Les conflits en Afrique sont très nombreux et sont le plus souvent le résultat de luttes internes pour la maîtrise des ressources naturelles. L'Afrique compte un grand nombre de réfugiés mais également des personnes déplacées à l'intérieur des États. M. Lubbers a présenté le travail du HCR en Guinée. L'accès du personnel du HCR aux réfugiés principalement originaires du Libéria et de la Sierra Leone n'y a pas toujours été facile et le HCR a renforcé sa coopération avec les autorités guinéenne pour avoir accès à ces personnes. Les autorités ont toujours été réticentes à cet égard en raison du grand nombre de rebelles sierra-léonais présents sur le territoire guinéen.
M. Lubbers a déclaré que les premières victimes des crises étaient le plus souvent les femmes, de tous âges. Il a rappelé que le rôle du HCR dans les camps de réfugiés n'était pas seulement de fournir un toit et de la nourriture mais également de trouver des solutions durables pour les réfugiés que cela soit l'intégration dans le pays d'asile ou le rapatriement dans leur pays d'origine.
M. JEAN-MICHEL TAUXE, Directeur des opérations au Comité international de la Croix-Rouge (CICR), a attiré l'attention du Conseil sur la situation qui prévaut actuellement en Afghanistan où, contrairement aux précédentes années, les combats n'ont pas cessé durant l'hiver. À l'heure actuelle, les principales zones de conflit armé sont le nord-est (Takhar et Badakshan), le centre-ouest (Ghor et Hazarajat occidental), ainsi que le sud et l'ouest de Mazar, le sud de Herat, ainsi que le sud et le nord de Jalalabad. L'escalade militaire croissante, l'extension des combats à de nouvelles zones, ainsi que l'absence de toute perspective de pourparlers de paix devraient mener à une intensification des combats qui pourraient atteindre un niveau encore plus élevé que l'année passée. Les nouvelles sanctions contre l'Afghanistan ainsi que l'embargo unilatéral contre les armes qui frappe les taliban pourraient bien avoir renforcé les partisans de la ligne dure chez les taliban, les conduisant à une logique de guerre.
Parmi les défis humanitaires qui se posent en Afghanistan, on peut citer la sécheresse durable qui frappe le pays; les combats de plus en plus intenses dans un environnement radicalisé sans aucune perspective de changement positif à court terme; ainsi que les centaines de milliers de personnes nouvellement déplacées à l'intérieur du pays cette année. Le CICR doit en outre déplorer la multiplication des incidents et des menaces imputables aux deux parties dont est victime le personnel humanitaire. L'Afghanistan est actuellement la plus grande opération du CICR, avec 60 experts et 1200 employés nationaux impliqués.
M. Tauxe a par ailleurs attiré l'attention sur la situation en Afrique de l'Ouest en précisant que ces deux dernières semaines, 100 000 personnes ont été déplacées au Nigéria en raison de la violence qui trouve son origine dans des causes politiques, religieuses et ethniques. En Côte d'Ivoire, la partie occidentale du pays est toujours le théâtre de troubles sporadiques entre groupes ethniques, avec en toile de fond le délicat problème de la citoyenneté. En Guinée, en Sierra Leone et au Libéria, les gouvernements, leurs armées et les milices doivent faire face à une coalition de rebelles et la guerre se déplace d'un pays à l'autre, suivant les périodes, a poursuivi M. Tauxe. Il a mis l'accent sur les programmes spécifiquement destinés aux femmes et aux enfants mis en œuvre par le CICR. En Guinée, a-t-il notamment précisé, près de 60% des personnes déplacées internes sont des femmes et des enfants. Au Libéria, ce taux atteint même 70%.
M. MICHAEL SACKETT, Coordonnateur résident des Nations Unies pour l'Afghanistan, a brièvement présenté la situation extrêmement difficile dans laquelle se trouve la population afghane en raison du conflit interne accompagné de conditions climatiques catastrophiques, d'un manque de développement et d'une situation des droits de l'homme épouvantable. Depuis 1992, le conflit a changé de forme et les civils en sont aujourd'hui les principales victimes, et plus particulièrement les femmes et les filles qui sont systématiquement marginalisées par les autorités.
M. Sackett a rappelé que les défis de l'aide humanitaire internationale en Afghanistan étaient énormes. La population afghane est effectivement l'une des plus pauvres du monde et les autorités nationales sont très réticentes, voire hostiles au travail des organisations étrangères. L'aide de la communauté internationale aux Afghans parvient tout de même à atteindre les populations mais des lacunes demeurent, surtout en raison de la politique discriminatoire menée par les autorités afghanes à l'égard des femmes. Le travail à long terme de promotion de l'éducation et de l'agriculture demeure une priorité pour moderniser la société afghane.
Le Coordonnateur résident pour l'Afghanistan a souligné, en conclusion, que la plupart des acteurs humanitaires sur le terrain estiment qu'il est très important de se maintenir dans le pays et de poursuivre l'assistance à la population.
Aperçu de l'échange de vues
Le représentant de l'Afghanistan a souligné que tout le monde souffre dans son pays et qu'il faut veiller à ce que l'aide humanitaire ne soit pas utilisée à des fins militaires par la milice des taliban présente sur le territoire. En réponse au Directeur des opérations du CICR qui évoquait l'extension récente des zones de conflit en Afghanistan, le représentant afghan a déclaré que la résistance contre le régime moyenâgeux des taliban et les agressions extérieures était légitime et qu'elle devrait s'amplifier car la population afghane n'en peut plus.
Une délégation a attiré l'attention sur la situation des 2,5 millions de réfugiés afghans qui se trouvent au Pakistan et en Iran en soulignant que la communauté internationale devrait s'efforcer de stabiliser la crise en Afghanistan et réfléchir à la manière la plus appropriée d'assurer le rapatriement ultérieur des réfugiés. Ce sont non pas 2,5 millions mais près de 4 millions de réfugiés afghans qui se trouvent dans les pays limitrophes, a corrigé une autre délégation.
Le représentant de la Guinée a indiqué que le nombre de réfugiés dans son pays, qui varie selon les années, s'est constamment situé, au cours de la dernière décennie, entre 100 000 et un million d'individus. Ces réfugiés ont trouvé refuge en Guinée suite aux crises en Sierra Leone et au Libéria. Le Gouvernement guinéen a fait de son mieux pour garder sur son territoire, tout au long d'une décennie de crise, des populations qui représentent environ 10% de sa population totale. La communauté internationale devrait se pencher sur cette situation de crise qui sévit le long des frontières guinéennes du fait des hostilités engagées par le Gouvernement libérien appuyé par les rebelles du RUF. La Guinée n'obligera jamais les réfugiés à rentrer dans leur pays contre leur volonté, mais des efforts doivent être déployés afin de promouvoir des conditions favorables à leur retour.
L'attention du Conseil a par ailleurs été attirée sur l'impact des sanctions imposées à l'Iraq sur les enfants de ce pays.
M. Tauxe, du Comité international de la Croix-Rouge, a souligné qu'en Afghanistan comme ailleurs, le CICR emploie la même méthode qui consiste à dialoguer avec toutes les parties sur le terrain. Des efforts considérables ont en outre été déployés afin que le Croissant Rouge afghan puisse travailler sur tout le territoire, a poursuivi M. Tauxe. D'une manière générale, la «superficie des conflits» sur la planète n'a jamais été aussi grande depuis la seconde guerre mondiale, a souligné le Directeur des opérations du CICR. Il a par ailleurs reconnu que le CICR n'est pas encore correctement équipé, notamment du point de vue médical, pour faire face aux problèmes de violence sexuelle rencontrés sur le terrain.
M. Sackett, Coordonnateur résident en Afghanistan, a notamment insisté sur la nécessité de faire appel aux forces vives que recèlent les communautés locales pour apporter une réponse aux situations de crise.
Mme Carolyn McAskie, Coordonnatrice adjointe des secours en cas de catastrophe, a notamment souligné que le Bureau de la coordination des affaires humanitaires s'efforce de développer ses centres d'information humanitaire dans plusieurs pays d'Afrique de l'Ouest. Elle a également rappelé qu'une unité chargée des personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays a récemment été créée au sein du Bureau. Le Programme alimentaire mondial, pour sa part, insiste pour que les femmes soient associées à la distribution de l'aide alimentaire, a fait observer Mme McAskie.
M. Ruud Lubbers, Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, a notamment estimé que la sécurité du personnel du système des Nations Unies devait être assurée par le biais de prélèvements sur les ressources du budget ordinaire des Nations Unies. Se référant notamment à la situation qui prévaut en Afghanistan, M. Lubbers a précisé que pour venir en aide aux personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays, il convient d'obtenir l'accord du gouvernement concerné. La communauté internationale ne saurait d'une manière générale rester insensible aux causes profondes qui engendrent les flux de réfugiés.
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