LA DELEGATION DE LA REPUBLIQUE DOMINICAINE PRESENTE AU COMITE DES DROITS DE L’HOMME LES PROGRES ACCOMPLIS DANS SON PAYS
Communiqué de presse DH/299 |
Comité des droits de l'homme
Soixante et onzième session
1906e séance - matin
LA DELEGATION DE LA REPUBLIQUE DOMINICAINE PRESENTE AU COMITE DES DROITS DE L’HOMME LES PROGRES ACCOMPLIS DANS SON PAYS
Les experts du Comité regrettent les lacunes du rapport présenté
Le Comité des droits de l’homme a reçu, ce matin, une délégation de la République dominicaine venue présenter les mesures qui ont été prises dans ce pays pour assurer la réalisation des droits civils et politiques. Mme Rhadys Abreu de Polanco, Chef de la délégation, a fait part au Comité de l’adoption, en 1994, d’une nouvelle constitution consacrant les droits que défend le Pacte international des droits civils et politiques. Après l’avoir abolie en 1924, la République dominicaine s’apprête en outre à ratifier le Protocole facultatif relatif à l’abolition de la peine de mort. Pour sa part, le Directeur adjoint du service juridique de la police nationale, M. Francisco Garcia Lara, a annoncé une réforme des services de police qui aboutira notamment à la restructuration des tribunaux policiers afin d’y intégrer des représentants d’autres instances et notamment du bureau du Procureur de la République. Il a défendu le maintien de ces juridictions et souligné la sévérité des condamnations qu’elles prononcent.
Le Comité des droits de l’homme a reconnu les efforts déployés par la République dominicaine pour améliorer ses institutions et chercher à créer un système démocratique, seul moyen de faire respecter les droits de l’homme dans un pays soumis à un régime autoritaire pendant une trentaine d’années. Les experts ont cependant estimé que ce quatrième rapport périodique, rédigé par le gouvernement précédent, laisse beaucoup à désirer par son manque de précision sur les problèmes graves qui existent en République dominicaine et qui sont liés à l’existence de tribunaux policiers; aux anomalies du système judiciaire; au taux très élevé de criminalité; ainsi qu’à l’égalité entre les sexes. Ils ont regretté que ces lacunes ne permettent pas au Comité de se forger un avis sur l’application du Pacte en République dominicaine. Les experts se sont également inquiétés de la situation des Haïtiens vivant en République dominicaine.
Evoquant le droit de toute personne à ce que sa cause soit entendue équitablement par un tribunal impartial, un expert a déclaré que son réflexe de citoyen est de trouver douteux le fait que les policiers soient jugés par des tribunaux spéciaux. Rappelant que 229 personnes ont été tuées par des policiers en service, ce qui est une violation du droit à la vie, l’ensemble des experts s’est dit perplexe face à cette volonté de maintenir des tribunaux spéciaux pour les forces de police. Ils ont demandé si, saisi des mêmes affaires, les tribunaux civils, juridictions dont les juges sont réputés indépendants et impartiaux, auraient prononcé les mêmes peines, ou si leur condamnation aurait été plus sévère. Les conditions d’incarcération représentent également un problème majeur car, ont estimé les experts, elles semblent constituer en elles-mêmes une combinaison de l’ensemble des traitements dégradants.
Le Comité des droits de l’homme poursuivra, cet après-midi à partir de 15 heures, son examen du rapport de la République dominicaine.
Rapport de la République dominicaine(CCPR/C/DOM/99/4)
Ce quatrième rapport périodique, présenté en septembre 2000, détaille l’application du Pacte international des droits civils et politiques en République dominicaine. Il indique qu'en vertu de la Constitution de 1994, le Président de la République n'est pas rééligible et que le Président et le Vice-Président sont élus par la voie démocratique, au suffrage universel. La participation en toute égalité aux affaires publiques, le droit de voter et d'être élu ainsi que l'accès, dans des conditions d'égalité, aux fonctions publiques du pays sont garantis par la Constitution. Le précédent chef de l’Etat, M. Joaquín Balaguer, avait rempli six mandats présidentiels consécutifs, de 1966 à 1994. Le Congrès est composé de deux chambres dont les membres sont élus tous les quatre ans, lors d'élections distinctes. En 1996, M. Leonel Fernández Reyna, représentant du Parti de la libération dominicaine, a été élu Président de la République. A la date où le rapport a été rédigé, le parti d'opposition - le Parti révolutionnaire dominicain -, dominait le Sénat dont il occupe 24 sièges sur 30, et avait la majorité à la Chambre basse, avec 73 sièges sur 149.
Un pouvoir judiciaire indépendant du pouvoir exécutif, représenté par la Cour suprême de justice, est en place depuis 1997. Les magistrats sont désignés par la Cour suprême de justice à l'issue de concours, auxquels peuvent assister le public et la presse. La Cour suprême de justice actuelle est composée de 16 magistrats qui ont été nommés par le Conseil national de la magistrature comprenant le Président de la République, le Président du Sénat et un sénateur désigné par ses pairs et appartenant à un parti différent de celui du Président du Sénat, le Président de la Chambre des députés et un député également désigné par ses pairs et appartenant à un parti différent de celui du parti auquel appartient le Président de la Chambre des députés, le Président de la Cour suprême de justice, ainsi qu’un magistrat de la Cour suprême de justice désigné par les membres de la Cour. La désignation des membres de la Cour suprême de justice par le Conseil de la magistrature a été intégralement retransmise par la télévision.
La Constitution de la République, amendée en 1994, prévoit que les traités internationaux ratifiés par l'Etat prennent force de loi après avoir été adoptés par le Congrès. Sont compétents en matière de droits de l'homme le pouvoir judiciaire, le bureau du Procureur général, désigné par le Président de la République, le Secrétariat d'Etat au travail, le Secrétariat d'Etat aux relations extérieures, le Secrétariat à la santé publique et le Secrétariat à l'éducation, la Direction générale de la promotion de la femme, la Direction générale de la promotion des jeunes et la Direction générale des migrations. Le Secrétariat d'Etat des relations extérieures comprend une division spécialement chargée de veiller à l'application des droits fondamentaux. Il existe plusieurs organisations non gouvernementales qui se consacrent à la défense des droits de l'homme, avec lesquelles le Bureau des affaires se rapportant aux droits de l'homme du ministère des affaires étrangères tient régulièrement des réunions de travail afin d'harmoniser les plans d'action de chacun. Le rapport ajoute qu’en droit dominicain, tout être humain est considéré comme une personne, c'est-à-dire comme un sujet de droits et d'obligations.”
Le principe d'égalité est consacré par la Constitution, qui dispose en son article 100 que "La République dominicaine condamne toute attribution de privilèges et toute situation tendant à menacer l'égalité de tous les Dominicains, parmi lesquels il ne doit exister d'autres différences que celles qui sont dues à leurs mérites ou à leurs capacités et, en conséquence, aucune autorité de la République ne peut délivrer de titre de noblesse ni accorder de distinctions héréditaires". En outre, "nul ne peut être contraint de faire ce que la loi n'ordonne pas ni empêché de faire ce qu'elle n'interdit pas". Selon le rapport, “la loi est la même pour tous : elle ne peut imposer que ce qui est juste et utile pour la collectivité et ne peut interdire que ce qui lui est préjudiciable". En vertu de la Constitution, "la justice est administrée gratuitement sur tout le territoire de la République". Par ailleurs, la peine de mort a été abolie en 1924.
Pour ce qui est des conditions de détention, le rapport précise que la population carcérale s'élève à 11 000 personnes environ, dont 76 % sont en détention préventive. Leurs droits sont protégés et garantis par la Direction générale des prisons relevant de la Procurature générale de la République. Les détenus en prévention doivent être séparés des condamnés et placés dans des locaux distincts. Par ailleurs, la peine de travaux forcés a été remplacée par la peine de réclusion. La Constitution reconnaît le droit au recours en habeas corpus à toute personne détenue illégalement. Néanmoins, la loi dispose que même si le placement en détention est illégal, le juge peut, en présence d’indices de culpabilité, décider que l'intéressé doit rester en prison. Le rapport ajoute que les juges ne prennent connaissance des demandes d'habeas corpus que plusieurs semaines, voire plusieurs mois après qu'elles ont été reçues; et les renvois des demandes devant les instances supérieures prennent plus d'une semaine. Toute personne privée de liberté par une autorité policière ou militaire a le droit de communiquer avec les membres de sa famille. La violation de ce droit par un représentant de l'autorité policière, militaire ou judiciaire est punie d'un emprisonnement correctionnel de trois mois à deux ans assorti de la destitution, sans préjudice des dommages et intérêts éventuels. Quant aux contrevenants à l’interdiction de la torture et des traitements dégradants, ils encourent une suspension de leurs fonctions sans salaire, pour une période pouvant aller jusqu'à 30 jours, sans préjudice d'une action pénale. En outre, tout fonctionnaire des services administratifs ou judiciaires, officier de police, commandant ou agent de la force publique qui, abusant de son autorité, viole le domicile d'un citoyen en y pénétrant dans les cas non prévus par la loi et sans observer les procédures prescrites par celle-ci, est passible d'un emprisonnement correctionnel de six jours à un an, et d'une amende de 10 à 100 pesos.
En ce qui concerne les aspects liés à la parité des sexes, le rapport souligne que l’égalité des hommes et des femmes est garantie par les dispositions de la Constitution, de la loi électorale, et notamment par les dispositions de la loi sur la réforme agraire, de la loi sur l'éducation et de la législation du travail. La Constitution dispose que la femme mariée a la pleine capacité civile et le Code civil instaure un régime d'administration en commun des biens entre les conjoints. Selon le Bureau national de statistique, le nombre de femmes chefs de famille s'élève à 534 850 sur une population de plus de 7 millions. En ce qui concerne la famille, l'Etat reconnaît le mariage comme le fondement légal de la famille. Les conjoints ont les mêmes droits et les mêmes devoirs en matière de
garde, d'entretien, d'éducation et de tutelle. En 1998, le taux de divorce était de 28,7 %. Pour ce qui est de la situation générale dans le pays, le rapport indique que “le rapport général de masculinité” enregistré lors du recensement de 1993 était de 95 hommes pour 100 femmes; il était de 90 hommes pour 100 femmes en zone urbaine et de 102 en zone rurale. Le pourcentage de la population masculine est de 48,6 %.
Dans le cadre de l'incorporation des instruments internationaux à l'ordre juridique interne, la République dominicaine a promulgué une loi fixant un quota de 25 % des charges électives réservé aux femmes. Ainsi, 5 des 16 magistrats de la Cour suprême de justice sont des femmes. Au Sénat, elles occupent 2 sièges sur 30 et à la Chambre des députés 25 sièges sur 149; 6 femmes sont secrétaires d'Etat, désignées par l'exécutif, et elles occupent 60 % des postes des affaires étrangères de la République. Une loi visant à lutter contre la violence au sein de la famille a été adoptée en 1997. Une Commission nationale de prévention et de lutte contre la violence au sein de la famille a été créée. Enfin, la loi No 60-93 prévoit la création de prisons modèles exclusivement pour femmes sur tout le territoire national.
La situation des enfants est régie par le Code des mineurs du 22 avril 1994. Le Code du travail de 1992 interdit notamment le travail des mineurs de moins de 14 ans et prévoit des dispositions en faveur du mineur, et il dispose que les mineurs de moins de 18 ans ne peuvent pas travailler de nuit, pendant plus de 12 heures consécutives, la période de travail étant fixée par le Secrétariat d'Etat au travail et ne pouvant commencer après 20 h 30. Il prescrit qu'aucune mineure de moins de 18 ans ne peut être employée comme messagère dans la distribution ou la livraison de marchandises ou de courrier; ni être employée dans des débits de boissons alcoolisées.
Le rapport fournit également des détails sur la population haïtienne en République dominicaine, dont le nombre oscille entre 500 000 et un million de personnes. Les estimations officielles du nombre d’Haïtiens (245 737) dans la population d’étrangers sont jugées nettement inférieures à la réalité car, est-il noté, “comme partout dans le monde, quand ils sont en situation irrégulière ils ne répondent pas aux enquêtes de l'Etat”. Les Haïtiens vivent notamment de la coupe de la canne à sucre ou d'autres travaux agricoles. Ils ont accès à tous les services publics tels que les services de santé et d'éducation, au même titre que les Dominicains. Ils jouissent également des mêmes libertés publiques. Il existe d'ailleurs un "Accord sur l'embauche en Haïti et l'entrée en République dominicaine de journaliers saisonniers haïtiens", signé à Port-au-Prince le 14 novembre 1966. Pour chaque récolte annuelle, 10 000 à 20 000 journaliers haïtiens sont engagés officiellement pour la durée de la récolte de la canne à sucre, ce qui leur donne droit à un permis de séjour délivré par la Direction des migrations. Le rapport reconnaît que l’enregistrement des enfants des haïtiens en situation irrégulière auprès de l’état-civil ne se fait pas de manière satisfaisante.
Selon le Code civil, les étrangers se trouvant en République dominicaine ont les mêmes droits civils que ceux qui sont reconnus aux Dominicains en vertu des accords passés avec le pays dont l'étranger est ressortissant. En matière de nationalité, la République dominicaine applique une formule mixte combinant le droit du sol et le droit du sang et prévoyant l'acquisition de la nationalité par le mariage. Ainsi, tout individu né sur le territoire dominicain a droit à la nationalité dominicaine s'il n'a pas droit à une autre nationalité.
Présentation de la délégation de la République dominicaine
Mme RHADYS ABREU DE POLANCO, Chef de la délégation de la République dominicaine et Conseillère des droits de l’homme du Secrétariat d’Etat aux relations extérieures, a fait part de l’adoption d’une nouvelle Constitution dans son pays. Elle a exposé les mécanismes du pouvoir judiciaire en République dominicaine en ajoutant que les dispositions du Pacte font désormais partie des dispositions constitutionnelles. En 2001, une fonction de médiateur habilité à recevoir les plaintes des citoyens ou des étrangers au sujet d’irrégularités de la part des services publics a été créée. Elle permettra une meilleure diffusion des informations sur les droits de l’homme et la participation de tous les citoyens. En outre, la République dominicaine a souscrit à un ensemble d’instruments internationaux dans le domaine des droits de l’homme, y compris en faveur des femmes. La situation en matière d’égalité entre les sexes a beaucoup progressé en République dominicaine.
Evoquant le cas de la disparition de M. Rafael Mojica, la représentante a indiqué que cette disparition fait l’objet d’une enquête. Pour toutes les allégations d’exécutions extrajudiciaires, il a été procédé à une enquête et, le cas échéant, abouti à des poursuites.
Réponses aux questions écrites du Comité
Répondant ensuite aux questions écrites transmises par les experts du Comité, Mme Rhadys Abreu de Polanco a admis que les dispositions du Pacte n’ont jamais été invoquées directement devant les tribunaux. Elle a indiqué qu’une charge de défenseur du peuple a été créée en République dominicaine.
Un autre membre de la délégation a déclaré que les étrangers jouissent des mêmes droits que les Dominicains, peuvent acheter et vendre des immeubles. Pour ce qui a trait aux dispositions du Pacte, on peut dire que les droits humains d’un étranger sont respectés exactement de la même manière que ceux des citoyens dominicains et défendus par les instances compétentes et un état de droit. La loi d’immigration établit les différentes catégories d’immigrants et celles de non immigrants. Les immigrants résident sur le territoire et sont dotés d’un titre de séjour légal. Les non-immigrants sont ceux qui viennent effectuer des travaux saisonniers ou traversent le territoire. Les lois dominicaines permettent, après examen, l’homologation d’une sentence étrangère par les tribunaux nationaux.
En ce qui concerne l’égalité entre les sexes et le principe de non-discrimination, MME ANABELLA DE CASTRO, Ministre des droits de l’homme, a notamment signalé l’élection d’une femme à la vice-présidence, tout en reconnaissant que peu de femmes occupent des postes importants dans l’armée.
Revenant sur l’affaire Mojica, le chef de la délégation a indiqué qu’une enquête est en cours. Elle a ajouté que des restes humains ont été trouvés en mer sans pouvoir être identifiés. En outre, le père de la victime est décédé entre-temps.
Bien que la peine de mort ait été abolie dès 1924, le Congrès procède actuellement à l’examen du Protocole facultatif sur l’abolition de la peine de mort.
M. FRANCISCO GARCIA LARA, Directeur adjoint du Département juridique de la police nationale, a expliqué que de 1999 à avril 2000, 229 cas de personnes ayant violé la loi et perdu la vie dans ces circonstances ont été enregistrés. Ils ont tous fait l’objet d’une enquête et il a été déterminé qu’ils relevaient pour la plupart des tribunaux de police. Lorsqu’un membre de la police dominicaine commet une infraction à la loi pénale en dehors de ses fonctions, il est suspendu de ses fonctions et traduit devant un tribunal ordinaire. Depuis trois ans, des bureaux du Procureur de la République ont été ouverts dans les commissariats. Les infractions commises par un policier dans l’exercice de ses fonctions relèvent des tribunaux de police.
Pour ce qui est des mesures prises pour rendre plus sévère la réglementation concernant l’emploi d’armes à feu par la police, le représentant a expliqué qu’un service d’inspection interne de la police nationale a été mis en place afin de créer une culture d’intégrité élevée. Elle a pour but de sanctionner les infractions commises par des policiers. Les hautes instances de la police sont en train de réformer les structures de la police dominicaine et le Gouvernement a soumis récemment un projet de réforme du texte de loi qui avait institué la police en 1936. Ce processus prévoit une réforme et une restructuration des tribunaux de police, qui sont actuellement collégiaux, afin qu’ils comprennent des représentants du bureau du Procureur de la République. Le représentant a estimé que ces tribunaux doivent être réformés et non pas supprimés. Bien qu’on les accuse d’être injustes, ils ont condamné des policiers à des peines très lourdes. Ainsi, un policier jugé responsable de la mort d’un commerçant a été condamné à dix ans de prison.
M. Garcia Lara a indiqué que le Président de la République a la direction de la police nationale. Celle-ci est dirigée par un officier de carrière appelé jusqu’ici chef de la police nationale. En plus de la direction des plans et des opérations, ce fonctionnaire est aussi chargé de la direction juridique et de la direction des ressources humaines. Suivant un programme de réforme en cours, le fonctionnement de la police sera contrôlé par un conseil supérieur composé notamment du Procureur de la République et du chef de la police.
M. JULIO CESAR CASTANOS GUZMAN, Magistrat au Conseil électoral et lieutenant-colonel, a indiqué qu’il n’y avait pas de problèmes particuliers en ce qui concerne le nombre de personnes détenues. La législation dominicaine prévoit l’amnistie, a-t-il fait observer, rappelant que la dernière loi d’amnistie a été prise en 1978 mais qu’il existe aussi des amnisties périodiques prises par décret, trois fois par an. Les prisons se vident à cette occasion des prisonniers qui ont eu une conduite exemplaire. L’habeas corpus permet aussi de libérer ceux qui sont détenus injustement. Il existe aussi la grâce présidentielle ainsi que la liberté conditionnelle pour les détenus qui se sont acquitté de la moitié de leur peine. Enfin, est prévue également la révision pénale qui permet de réouvrir le dossier si de nouveaux éléments sont apparus.
Sur la question des dépassements de la durée de la garde à vue, le délégué a fait valoir que de nombreux officiers de police judiciaire se plaignaient de ce que le délai de 48 heures ne soit pas suffisant pour mener une enquête fouillée. Nous sommes en train d’améliorer les choses, a-t-il déclaré, et il est certain que, parfois, les enquêtes prennent plus de temps mais la durée de la garde à vue est généralement inférieure à 48 heures ; il y a également eu un changement dans la culture de l’enquête; désormais, on enquête avant de procéder à l’arrestation d’une personne. On se base également beaucoup moins sur les témoignages et les confessions, et on cherche plutôt à établir des preuves.
Il a mis en avant la «véritable révolution judiciaire» qui a été lancée en 1997, aboutissant à des procédures plus rapides gérées par un personnel beaucoup plus compétent et efficace. Les magistrats, a-t-il indiqué, sont tenus par des délais précis de 60 jours pour clore un dossier même si ce délai peut être étendu dans le cas d’affaires particulièrement lourdes. Il y avait auparavant des milliers d’affaires en instance alors que, depuis trois ans, la Cour suprême est à jour. Le délégué a indiqué que la Direction générale des prisons tient désormais un registre des entrées et des sorties des détenus et dispose ainsi d’informations très complètes sur chaque détenu et les raisons de sa mise en détention. Il a fait valoir que des améliorations significatives avaient eu lieu et que la communauté internationale avait reconnu que la République dominicaine s’acheminait vers un véritable respect des droits de l'homme et était en train de devenir un véritable Etat de droit.
Sur la question de la délinquance juvénile, le représentant a argué de la culture matérialiste actuelle qui venait s’ajouter aux autres facteurs pour influer de façon négative sur les jeunes. Nous avons créé des centres d’accueil pour ces adolescents que nous ne voulons pas emprisonner avec des adultes, a-t-il précisé. Nous avons un programme prévoyant l’accueil d’enfants des rues, d’enfants qui travaillent dans la rue et dont nous voulons faire des individus à part entière. Il reste encore beaucoup à faire, a-t-il reconnu.
Sur les mécanismes mis en place en application du Protocole facultatif,
Mme Abreu de Polanco a indiqué que les mécanismes chargés de recevoir des plaintes étaient en place en République dominicaine et qu’ils n’avaient reçu jusqu’à ce jour qu’une seule plainte.
Questions et commentaires formulés par les experts
Un premier expert a reconnu les efforts déployés par la République dominicaine pour améliorer ses institutions et chercher à créer un système démocratique, seul moyen de faire respecter les droits de l’homme. C’est très important dans un pays où existait le régime autoritaire de Trujillo Molina, Président pendant une trentaine d’années. La réforme du cadre juridique avec la mise en place de la nouvelle Constitution, constitue un véritable progrès, a-t-il observé. Il s’est dit conscient de ce que les objectifs en matière de droits et de libertés fondamentales sont suivis par le Président Hippolito Mejilla nouvellement élu. Il a toutefois regretté que le rapport présenté soit insuffisant, tout en reconnaissant qu’il avait été rédigé par le gouvernement précédent. Il a demandé des précisions sur les problèmes découlant de l’entrée massive d’Haïtiens en République dominicaine et notamment le nombre d’inspecteurs chargés de contrôler les conditions de travail des 500 000 Haïtiens présents en République dominicaine, sachant qu’ils étaient 17 à l’époque du dernier rapport, un nombre très faible, a-t-il fait observer. Il a également demandé à avoir des précisions sur l’évolution des enquêtes portant sur l’assassinat de journalistes et sur l’assassinat ou la disparition de professeurs. Il a déclaré ne pas avoir été convaincu par la présentation faite par le représentant de la police sur le rôle des tribunaux de police. Est-ce qu’ils respectent les dispositions du Pacte? Il a dit ne pas bien comprendre pourquoi les policiers ne peuvent pas être jugés par des tribunaux ordinaires.
De nombreux rapports extérieurs indiquent que la torture est une pratique généralisée par la police et dans les prisons, a-t-il par ailleurs fait remarquer. Quelles mesures ont été prises à cet égard? La situation dans les prisons est un des problèmes majeurs puisque les informations dont nous disposons indiquent que les conditions dans les prisons, notamment l’entassement dans des cellules sans eau et sans lumière, constituent en elles-mêmes des traitements dégradants. Il a également demandé si les expulsions des Haïtiens se poursuivaient, quel était la politique du nouveau gouvernement à cet égard et si les dispositions juridiques mentionnées au rapport étaient appliquées.
Une experte s’est elle aussi dite déçue par le manque d’informations dans le rapport. Elle a souhaité savoir si la phrase du rapport indiquant que le Pacte a force de loi signifie qu’il est prédominant et applicable directement et si les juges sont suffisamment formés pour l’appliquer. Elle a souhaité également avoir des informations sur l’égalité des chances dont jouissent les femmes dominicaines. Selon les chiffres fournis par la délégation, a-t-elle fait observer, 229 personnes sont mortes à la suite d’incidents avec la police ce qui est un chiffre énorme. Comment se fait-il que la République dominicaine n’ait pas pu mettre en œuvre des mesures de prévention de l’abus de la force? a-t-elle interrogé. Qu’est-ce qui justifie le maintien d’un tribunal spécial pour la police où siègent des policiers? Pour créer des tribunaux spéciaux, il faut avoir de très bonnes bases vis-à-vis du droit international pour les justifier, a-t-elle souligné.
D’autres experts ont estimé que ce quatrième rapport périodique laisse beaucoup à désirer par son manque de précision sur les problèmes graves qui existent en République dominicaine, à savoir l’existence de tribunaux policiers et les dysfonctionnements du système judiciaire; le fort taux de criminalité et les crimes commis par la police; et l’égalité entre les sexes. Ils ont ajouté que ce rapport ne remplit pas l’obligation incombant aux Etats parties en vertu de l’article 40 du Pacte de présenter un rapport suffisamment complet pour que le Comité puisse faire son analyse. Or les lacunes de ce rapport sont telles qu’il est impossible au Comité de se forger un avis sur l’application du Pacte en République dominicaine. Ainsi, a rappelé un expert, il n’est pas suffisant d’affirmer qu’il n’existe aucune discrimination en République dominicaine, il faut également fournir des détails étayant cette affirmation.
En ce qui concerne le cadre constitutionnel et juridique de l’application du Pacte, il a été demandé d’indiquer le service du Gouvernement dominicain qui prend note des observations que lui transmet le Comité et le mécanisme qui les traite ensuite. En ce qui concerne le statut d’immigrant ou de non-immigrant, un expert n’a pas compris pourquoi des étrangers présents depuis plusieurs années, parfois des générations, dans le pays ne bénéficient pas de mesures régularisant leur situation.
Evoquant le droit de toute personne à ce que sa cause soit entendue équitablement par un tribunal impartial, un expert a déclaré que son réflexe de citoyen est de trouver douteux le fait que les policiers soient jugés par des tribunaux spéciaux. Rappelant que 229 personnes ont été tuées par des policiers en service, ce qui est une violation du droit à la vie, un autre expert s’est dit perplexe face à cette volonté de maintenir des tribunaux spéciaux pour les forces de police. Il a demandé si, saisi des mêmes affaires, les tribunaux civils, juridictions dont les juges sont réputés indépendants et impartiaux, auraient prononcé les mêmes peines, ou si leur condamnation aurait été plus sévère. Il a regretté le peu d’empressement à rendre des comptes qui semble prévaloir au sein des forces de police. Un expert s’est demandé si la République dominicaine a l’intention d’assurer l’impartialité et la transparence des enquêtes sur les violations des droits de l’homme par des membres de la police. Il a souhaité savoir s’il est envisagé de créer un mécanisme indépendant et impartial chargé de vérifier si les droits de l’homme sont réellement respectés.
Réagissant aux nombreuses informations décrivant des conditions d’incarcération déplorables, plusieurs experts ont estimé qu’elles semblent constituer une violation de l’ensemble de l’article 10 et même de l’article 7 du Pacte et que tous les maux liés à la surpopulation carcérale semblent réunis dans les prisons dominicaines. Ils ont regretté que le pourcentage de détenus en détention préventive soit passé d’environ de 70 % à 80 % et jugé cette évolution inquiétante pour l’avenir. Les experts ont espéré que les délinquants juvéniles ne sont pas incarcérés en compagnie des adultes. Un expert a demandé des précisions sur le fait qu’un juge peut ordonner le maintien en détention préventive même lorsqu’elle est illégale. L’expert s’est également inquiété du rôle que semble jouer l’armée dans les forces de sécurité, notamment dans les prisons. Il a souhaité savoir si ces membres de l’armée restent alors sous la supervision des autorités militaires et quelle juridiction les juge en cas d’infraction. Il faudrait réaliser les dispositions du Pacte de manière plus énergique.
Les experts ont également espéré que la délégation dominicaine leur fournirait des statistiques complètes sur la situation en matière d’égalité entre les sexes et de non-discrimination. Ils se sont interrogés sur la présence des femmes dans l’enseignement supérieur, leur niveau salarial, et leurs conditions de représentation à la fois dans le secteur public et dans le secteur privé.
Un expert s’est rallié à ses collègues qui considèrent que le maintien des tribunaux militaires était sans fondement. Il a également vivement critiqué la pauvreté des informations contenues dans le rapport et a mis en doute la crédibilité de certaines d’entre elles. Un autre expert a interrogé la délégation sur l’existence de tribunaux spéciaux autres que les tribunaux de police. Il a également demandé si ces derniers étaient ouverts au public et de préciser les difficultés subsistant au regard de l’article 40. Pour quelles raisons la République dominicaine a-t-elle présenté un rapport aussi limité? A-t-on vraiment voulu nous informer? s’est interrogé l’expert suivant. Pourquoi des juridictions d’exception? Pourquoi ce privilège de juridiction accordé à certaines personnes? Il a indiqué ne pas bien saisir, faute d’informations, les particularités qui fondent leur existence et les différences existant, en termes de procédures et de garanties entre ces tribunaux d’exception, difficilement justifiables au regard du Pacte, et les tribunaux ordinaires. Il a déclaré n’avoir, de mémoire, jamais rencontré un pays où le taux de détention préventive atteignait 80%; En écoutant
les déclarations sur l’amnistie et la grâce, il a constaté que ces mesures ne visent que les condamnés et non pas les personnes en détention préventive. On a l’impression, à tort ou à raison, que les libertés sont peut-être exposées à un certain nombre d’outrages en République dominicaine et que les étrangers ne sont pas épargnés, a-t-il poursuivi. Il a attiré l’attention sur les très rares informations portant sur la condition des femmes dans le rapport.
Un expert a fait remarquer que la délégation n’avait pas répondu à la question portant sur les mécanismes mis en place pour faciliter l’application des constatations du Comité conformément au Protocole et qu’il n’avait été répondu que très partiellement à la question sur l’affaire Mojica. Il a donc demandé que des réponses précises soient apportées à ces questions. Se référant au paragraphe du rapport consacré à l’habeas corpus, il a souhaité savoir sur quels critères les juges peuvent décider du maintien en détention. Il a également demandé quels étaient les critères et conditions pour créer un syndicat et a plus généralement souhaité avoir des informations sur le droit des travailleurs.
Les tribunaux spéciaux ont à nouveau suscité des questions de la part d’un autre expert qui a notamment souhaité savoir quel était le raisonnement qui avait présidé à la création de ces tribunaux. La police est-elle un organe civil ou fait-elle partie des forces armées?
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