LE CONSEIL SE DÉCLARE DISPOSÉ À ENVISAGER UN RENFORCEMENT ÉVENTUEL DE LA MISSION DE L’ONU SOUS RÉSERVE DE PROGRÈS DANS LE PROCESSUS DE PAIX EN RDC
Communiqué de presse CS/2168 |
Conseil de sécurité
4348e et 4349e séances–
matin et après-midi
LE CONSEIL SE DÉCLARE DISPOSÉ À ENVISAGER UN RENFORCEMENT ÉVENTUEL DE LA MISSION DE L’ONU SOUS RÉSERVE DE PROGRÈS DANS LE PROCESSUS DE PAIX EN RDC
Le Représentant permanent de la République démocratique du Congo
propose une augmentation des effectifs de la MONUC de 5 537 à 20 000 hommes
Le Conseil de sécurité a cet après-midi rappelé sa détermination à soutenir l’application intégrale de l’Accord de cessez-le-feu de Lusaka et s’est déclaré disposé à envisager, sous réserve des progrès qui devront être faits par les parties, un éventuel renforcement de la Mission de l’Organisation des Nations Unies en République démocratique du Congo (MONUC) si elle entre dans sa troisième phase. Ces dispositions qui sont contenues dans une Déclaration présidentielle rendue publique par le Président du Conseil de sécurité, M. Wang Yingfan (Chine), au nom des membres du Conseil, portent en outre sur une demande faite à toutes les parties d’accélérer la mise au point définitive et la mise en application de plans généraux pour le retrait en bon ordre de toutes les troupes étrangères hors de la RDC et pour le désarmement, la démobilisation, la réintégration, le rapatriement et la réinstallation de tous les groupes armés (DDRRR).
Les membres du Conseil prennent note, de l’invitation qu’a adressée à la MONUC le Président de la RDC qui lui propose de se rendre dans les camps où des membres des groupes armés auraient été cantonnés par les Forces armées congolaises (FAC). Ils soulignent qu’il importe que la MONUC prête son assistance au processus de DDRRR. Ils estiment, en revanche, qu’il est inacceptable que plus d’un an après l’adoption de sa résolution 1304 (2000) dans laquelle il a exigé la démilitarisation complète de Kisangani, le Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD) ne se soit toujours pas conformé à sa demande. Les membres du Conseil notent, par conséquent, que si celui-ci continue de se soustraire aux obligations qui lui incombe, il pourrait en résulter des conséquences dans l’avenir.
En ce qui concerne les préoccupations sécuritaires des Etats de la région, les membres du Conseil se félicitent des réunions de haut niveau qui se sont tenues récemment entre les Présidents de la RDC, du Rwanda et de l’Ouganda et encourage de nouveau ces derniers à poursuivre le dialogue afin de trouver des solutions aux dites préoccupations. Les membres du Conseil réaffirment aussi leur ferme soutien au dialogue intercongolais et aux efforts déployés sur le terrain par le Facilitateur et son équipe.
La Déclaration présidentielle au Conseil fait suite aux présentations faites devant le Conseil sur la situation en RDC. Le Secrétaire général de l’ONU,
M. Kofi Annan a que le processus de paix bien qu’encourageant n’est pas encore arrivé à un stade irréversible. Le point de non-retour dans le processus de paix ne pourra intervenir que lorsque seront effectifs le processus de DDRRR, la démilitarisation de la ville de Kisangani et de ses alentours, le retrait de toutes les troupes étrangères, le rétablissement de la libre circulation sur le fleuve Congo et le dialogue intercongolais, a estimé le Représentant spécial du Secrétaire général en RDC et Chef de la MONUC, M. Kamel Morjane à qui les membres du Conseil ont rendu un hommage appuyé à la suite de sa décision de quitter la Mission pour réintégrer le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR).
La lenteur du processus de DDRRR a paru d’autant plus inquiétant, aux yeux des membres du Conseil de sécurité, qu’une partie de la RDC semble être en proie à une recrudescence des combats. A cet égard, l’Union européenne, par la voix de son Président, la Belgique, a annoncé la décision du Conseil des ministres européens des affaires étrangères de charger le Représentant spécial de l’Union de contacter le Secrétaire général de l’ONU pour désigner une institution pilote pour la conception et la mise en œuvre d’un plan. En matière de DDRRR comme de retraits des troupes étrangères, le représentant permanent de la RDC a estimé que la réalisation par la MONUC des objectifs fixés exige que ses effectifs soient portés à 20 000 hommes. Ayant également pris note de la décision de l’ancien Président du Botswana, Facilitateur du dialogue intercongolais, de reporter au 20 août 2001 l’ouverture formelle du dialogue, de nombreux intervenants ont souhaité que ce dialogue se tienne, "sans ingérence extérieure", à Kisangani qui, selon l'Union européenne, doit devenir la ville symbole de la réconciliation nationale.
Outre les intervenants déjà cités, les représentants des pays suivants ont pris la parole: France, Tunisie, Bangladesh, Mali, Colombie, Irlande, Maurice, Fédération de Russie, Etats-Unis, Norvège, Jamaïque, Ukraine, Royaume-Uni et Chine ainsi que ceux du Rwanda, de la Namibie et du Zimbabwe.
LA SITUATION CONCERNANT LA RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO
Déclarations
M. KOFI ANNAN, Secrétaire général des Nations Unies, a estimé que le Conseil de sécurité se réunit à un moment important pour ce qui est du déroulement du processus de paix en République démocratique du Congo (RDC). Aujourd’hui, a-t-il dit, le cessez-le-feu est respecté malgré certaines allégations de violations sur lesquelles enquête la Mission de l’Organisation des Nations Unies en République démocratique du Congo (MONUC), la plupart des forces se sont retirées conformément au Plan de désengagement d’Harare et les relations entre la MONUC et le Gouvernement restent positives. Le Secrétaire général a aussi rappelé qu’il a tenu une réunion constructive avec les Présidents Kabila et Kagamé, en marge du récent Sommet de l’OUA. Il s’est ainsi félicité que les deux Présidents aient renouvelé leur engagement en faveur du dialogue et de la coopération, la mise en place de mesures de rétablissement de confiance et la prévention des incitations négatives.
Le rétablissement de la paix et de la stabilité dépendront du succès du dialogue intercongolais, a poursuivi le Secrétaire général en saluant les efforts du Facilitateur, M. Ketumile Masire, qui ont conduit à l’adoption de la Déclaration de principes fondamentaux pour les négociations politiques intercongolaises. La troisième phase du déploiement de la MONUC, a encore dit le Secrétaire général, est sur le point d’être lancée. Il a toutefois reconnu combien est encore loin le point où le processus de paix serait irréversible. Citant ainsi des informations recueillies par des ONG, le Secrétaire général a mis l’accent sur la situation «consternante» en matière des droits de l’homme et la situation militaire. Il a, à cet égard, souligné les principaux obstacles que sont les questions du désarmement, de démobilisation, de retour, de rapatriement et de réinstallation (DDRRR) des groupes armés sans lesquelles des progrès dans les autres domaines seront difficiles. Et sur ce point, la détermination constante du Conseil de sécurité sera cruciale, a dit le Secrétaire général.
M. KAMEL MORJANE, Représentant spécial du Secrétaire général pour la République démocratique du Congo et Chef de la Mission de l’Organisation des Nations Unies en République démocratique du Congo (MONUC), a lui aussi estimé que les perspectives de paix en RDC et dans l’ensemble de la région n’ont jamais été aussi grandes. Il a expliqué son optimisme en citant le respect du cessez-le-feu, le redéploiement des forces même s’il reste inachevé, les changements politiques à Kinshasa, les préparatifs du dialogue intercongolais et le déploiement des observateurs de la MONUC. Mais, a-t-il prévenu, la paix n’est pas encore certaine et les obstacles ne manquent pas. Là, M. Morjane a cité les hésitations de certaines parties et la tentation de se complaire dans le statu quo. Il a jugé essentiel que les parties fassent preuve de retenue, de compromis et de responsabilité en s’abstenant de toute action susceptible de contribuer à la détérioration de la situation. Seule la poursuite du dialogue et une coopération effective permettront de venir à bout des réticences et des doutes concernant la volonté réelle et l’engagement de l’autre.
C’est avec satisfaction que M. Morjane a constaté la poursuite du dialogue entre les dirigeants de la région. Ce dialogue doit être encouragé, a-t-il insisté, car la coopération reste le seul moyen de trouver des arrangements viables visant à assurer la coexistence pacifique dans la région en s’attaquant aux facteurs d’instabilité et de violence. La question des groupes armés dont les attaques menacent les efforts de paix, a poursuivi M. Morjane, impose l’urgence d’engager une stratégie visionnaire. La RDC et ses voisins doivent démontrer une volonté politique de concilier les préoccupations de sécurité avec la nécessité d’oeuvrer à la réhabilitation de l’intégrité territoriale et de l’unité de la RDC. Il faut une coopération «sans tergiversations affligeantes» avec la MONUC. Toutes les parties doivent cesser d’assujettir le respect de leurs engagements à des exigences «purement dilatoires». Les parties, a encore dit M. Morjane, doivent faire preuve de bonne foi et se faire confiance en évitant des déclarations excessives et inquiétantes.
La préparation du plan de désarmement des groupes armés (DDRRR) et de celui du retrait des forces étrangères exige une coopération effective avec la MONUC et la Commission militaire mixte. Dans ce cadre, M. Morjane s’est félicité du plan de retrait partiel de l’Ouganda et de la décision de la Namibie de procéder au retrait de ses troupes dans les prochains mois. Le désarmement, le retrait des troupes, la démilitarisation de Kisangani et la liberté de navigation sur le fleuve sont les objectifs de la MONUC, a conclu M. Morjane en ajoutant que c’est seulement quand cela et le dialogue intercongolais auront eu lieu que le point de non retour pourrait être atteint dans le processus de paix. Les anciens belligérants auront à mettre sur pied un projet commun que la communauté internationale doit appuyer et faire des ressources naturelles un objet non pas de guerre mais de coopération.
M. JEAN-DAVID LEVITTE (France) a mis l'accent sur la tristesse suscitée par le départ de Kamel Morjane. Il a été, a-t-il dit, un exceptionnel Représentant spécial qui a consacré ces vingt derniers mois à faire avancer la paix au Congo avec un exceptionnel courage, un dévouement de tous les jours, un sens politique hors du commun, une inlassable volonté. Il a été un exemple pour nous tous et donné au peuple congolais la plus belle démonstration de l'action des Nations Unies. M. Levitte a fait le point sur les évolutions positives qui se sont produites en RDC: maintien du cessez-le feu, début de mise en oeuvre de l'Accord de Lusaka et quasi-achèvement du désengagement. Il a insisté sur le fait que le dialogue intercongolais en cours de préparation devrait se tenir de préférence sur le sol congolais. Il a également attiré l'attention sur la "grave" question de l'exploitation des ressources naturelles qui, a-t-il déclaré, a fait l'objet d'une prise de conscience croissante de la part de la communauté internationale depuis la publication du rapport du Groupe d'experts des Nations Unies sur la question et qui apparaît désormais comme étant un facteur important du conflit dans la région.
Si la crise en RDC ou dans la région a connu des évolutions positives qui ouvrent de véritables fenêtres d'opportunité, a-t-il fait remarquer, le processus n'a pas atteint le point de non-retour. Face à cette situation incertaine, le Conseil de sécurité doit avoir une vision claire de ce qui reste à accomplir. Nous encourageons notamment les belligérants à faire progresser la confiance entre les parties. Il est également impératif que la MONUC puisse effectuer son nécessaire travail de vérification. Le Conseil ne pourra accepter que son personnel soit soumis à des pressions ou des menaces et il est déterminé à réagir avec la plus grande fermeté à cet égard.
La démilitarisation de Kisangani, décidée par le Conseil il y a plus d'un an, a valeur de symbole et le RDC-Goma doit s'y conformer, a-t-il déclaré par ailleurs. Il a insisté pour que le processus DDRRR soit mis en oeuvre chaque fois que cela est possible et a demandé que la communauté des donateurs apporte tout son soutien à l'action de la MONUC dans ce domaine.
M. NOUREDDINE MEJDOUB (Tunisie) a estimé que l’évaluation de la situation en RDC indique des progrès notables. Il a toutefois noté la fragilité de ces progrès en rappelant que la Mission du Conseil de sécurité avait déjà conclu à la nécessité de tout mettre en œuvre pour préserver la dynamique de paix. Le représentant a tenu à souligner la responsabilité première des parties et leur a rappelé les engagements qu’elles ont pris en vertu des différents accords sur le désengagement et le redéploiement des forces. Le représentant a aussi réitéré son appel aux parties pour qu’elles finalisent les plans de retrait de toutes les forces étrangères et DDRRR. Il a tout particulièrement appelé le Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD) à faire les efforts nécessaires et à coopérer pleinement avec la MONUC. Il a insisté sur la nécessité de démilitariser la ville de Kisangani. Si la consolidation des progrès incombe aux parties, l’ONU et le Conseil, a souligné le représentant, ont un rôle à jouer en aidant ces dernières à aller de l’avant et en continuant de soutenir les efforts de la MONUC.
Se montrant préoccupé par la recrudescence de la violence dans l’Est de la RDC, le représentant a noté avec satisfaction que les Présidents Kabila et Kagamé se sont récemment rencontrés. Il a souligné la nécessité d’un suivi urgent et de la conjugaison des efforts de tous les acteurs. Le processus de DDRRR est un élément fondamental de la réalisation de la paix dans la sous-région, a insisté le représentant en arguant qu’aujourd’hui une occasion se présente et qu’il faut donner à la MONUC les moyens nécessaires pour jouer son rôle. Venant au dialogue intercongolais, il a espéré son lancement dans les meilleurs délais pour permettre aux Congolais de se pencher sur l’avenir de leur pays sans ingérence extérieure. Poursuivant sur la situation humanitaire, il a appelé à une aide massive de la communauté internationale. Abordant aussi la question de l’exploitation illégale des ressources naturelles de la RDC, il a rappelé l’importance qu’il y a à ce que cesse cette exploitation en appelant toutes le parties à coopérer avec le Groupe d’experts. Il a aussi pour conclure souligné la nécessité de soutenir le redressement économique de la RDC pour monter à la population congolaise les dividendes de la paix.
M. ANWARUL KARIM CHOWDHURY (Bangladesh) a déclaré que les efforts déployés en République démocratique du Congo (RDC) ne l'ont pas été en vain. Les parties ont démontré leur attachement à l'Accord de Lusaka et elles ont signé le Plan de désengagement de Kampala et les sous-plans d'Harare, tandis que le cessez-le-feu continue d'être respecté depuis plusieurs mois. Les dirigeants ont eu des rencontres bilatérales et ont pu discuter, et les problèmes de base qui se posaient au dialogue intercongolais ont été résolus. Cependant, a dit
M. Chowdhury, des difficultés demeurent, et trois facteurs clefs doivent être pris en compte pour faire avancer le processus. Le premier concerne le désengagement et le retrait des troupes. A cet égard, le mouvement rebelle RCD n'a pas encore respecté les termes de la résolution 1304 du Conseil de sécurité, qui lui demande de se retirer de Kisangani. La démilitarisation de cette ville pourrait permettre sa reconstruction et la réhabilitation de ses habitants. Kisangani pourrait être
choisie pour accueillir le Dialogue intercongolais. S'agissant toujours de la question du désengagement, le mouvement rebelle Front de libération du Congo (FLC) n'a pas encore fait preuve de compréhension vis- à- vis du processus engagé, et n'a toujours pas permis au gouvernement de reprendre en mains l'administration de la province de l'Equateur, comme le prévoit le Plan de désengagement de Kampala.
Le deuxième facteur à prendre en compte a trait au dialogue intercongolais, a dit M. Chowdhury. Ce dialogue doit avoir lieu le plus rapidement possible. Nous notons que le Facilitateur du dialogue a dû reporter la tenue de la conférence préparatoire au 20 août, pour des raisons apparemment techniques, et nous espérons que des dispositions sont prises pour qu’il n’y ait pas un autre délai. Le dialogue doit être ouvert, représentatif, inclusif et sans ingérence extérieure, et doit faire participer la société civile congolaise. Le troisième facteur dont la prise en compte nous paraît importante, est celui de l'expansion de la Mission des Nations Unies en République démocratique du Congo (MONUC). Nous devons considérer de renforcer la MONUC lors de la prochaine étape du processus de paix en respectant l'engagement pris par le Conseil de donner à la Mission les moyens d'assurer ses tâches. Il est nécessaire de démontrer que la présence du Conseil en RDC est crédible, déterminée et engagée, pour que les parties prennent au sérieux la capacité et la volonté de l'ONU. Ce qui a eu lieu en Sierra Leone doit servir de leçon. L'ancien Secrétaire général de l'OUA, Salim Ahmed Salim a vigoureusement souligné le besoin d'une expansion de la MONUC. Nous nous demandons, compte tenu de la situation sur le terrain, si le Conseil peut continuer à dire que la "MONUC ne peut pas assurer la sécurité des civils", et nous soutenons les initiatives prises par le Secrétaire général dans le suivi des résolutions 1265 et 1296, y compris à travers une coopération et une planification conjointes et renforcées entre le Bureau du Coordonnateur des affaires humanitaires et le Département des opérations de maintien de la paix. Nous estimons que la troisième phase de la MONUC ne doit pas être retardée par le Conseil, et que l'ONU doit se préparer à la lancer.
M. SEKOU KASSE (Mali) a exhorté le Front de libération du Congo (FLC) à se conformer à ses propres engagements et à faire preuve de compréhension en ce qui concerne l'administration civile des localités évacuées. Il a également estimé qu'il était impératif de faire progresser le retrait total des forces étrangères en RDC et le processus DDRRR pour instaurer une paix durable et définitive dans le pays. S'agissant de la démilitarisation de la ville de Kisangani, a-t-il déclaré, le Conseil de sécurité devrait envisager les mesures qui s'imposent pour mettre fin à cette situation inacceptable et dangereuse. Nous demandons le renforcement de la MONUC à Kisangani par l'envoi de deux bataillons supplémentaires. Nous devons, a-t-il insisté, nous préparer à l'élargissement de la MONUC tant demandé parle Comité politique de l'Accord de Lusaka. Nous réitérons l'appel lancé à la communauté des donateurs pour que les projets à impact rapide puissent être mis en place afin d’améliorer le quotidien de milliers de Congolais qui n'ont que trop souffert des affres d’une guerre qui, après tout, n'est pas la leur.
M. ALFONSO VALDIVIESO (Colombie), notant que le conflit semble «concentrer ses capacités destructrices» dans les provinces orientales de la RDC, a souligné la nécessité de procéder, dans les plus brefs délais, à la démilitarisation de la ville de Kisangani et de ses alentours et au rétablissement de la liberté complète de navigation sur le fleuve Congo. Il a, à cet égard, souhaité des informations sur la création de la commission sur le bassin du fleuve Congo. Le représentant a poursuivi en condamnant, avec la plus grande vigueur, les violations des droits de l’homme dans l’Est de la RDC. Il a appelé toutes les parties à s’abstenir de fournir un appui aux groupes armés et à donner à la MONUC toutes les données sur leur nombre et leurs actions. Il s’agit là, a insisté le représentant, de la première étape du processus de DDRRR. Il a aussi demandé des informations sur le degré de coopération des différentes parties au conflit avant de conclure sur la situation humanitaire. A ce propos, il a estimé que des contributions financières de la part de la communauté internationale et la facilitation de l’accès dans les régions concernées constituent les éléments fondamentaux d’une amélioration de la situation.
M. RICHARD RYAN (Irlande) a fait observer que la situation n'était pas parvenue à un point de non-retour même si elle avait connu des améliorations notables, soulignant qu'il était de la responsabilité du Conseil de maintenir les acquis et de faire progresser le processus de paix. Les préoccupations qui subsistent sont liées à la nature inégale des progrès, a-t-il indiqué, insistant sur le fait que la démilitarisation devait se poursuivre et que le RCD-Goma devait se retirer de Kisangani, que les parties devaient respecter les droits de l'homme et que tout le soutien nécessaire devait être apporté à M. Masire dans ses efforts pour lancer le dialogue intercongolais.
M. Ryan a jugé décevant que des obstacles aient été mis à l'installation d'un coordinateur humanitaire. Il a fait valoir que la relance de la vie nationale exigera tolérance et réconciliation mais que la justice était également nécessaire; les rapports des ONG à cet égard sont atterrants, a-t-il indiqué. Il faut que les groupes respectent les droits de l'homme et les organismes humanitaires et que ceux qui ont commis des crimes de guerre ou des méfaits soient tenus responsables.
M. JADISH KOONJUL (Maurice) a mis en garde le Conseil de sécurité contre tout sentiment de complaisance en arguant que le processus de paix reste fragile. Il a donc souligné l’importance du dialogue intercongolais avant de se montrer préoccupé par la recrudescence de la violence dans les deux Kivu et par les actions des groupes armés. Il a appelé à une accélération du processus de DDRRR et souligné l’importance des réunions bilatérales entre les dirigeants de la région. La réticence continue du RCD pour ce qui est de la démilitarisation de Kisangani et la manière dont il harcèle les membres de la MONUC sont inacceptables, a aussi argué le représentant. Le représentant a fait part de son sentiment, qu’à la veille de la troisième phase de la MONUC, les effectifs prévus semblent insuffisants. Il a encore tenu à ajouter que le processus de DDRRR ne saurait, à lui seul, suffire pour rétablir la paix dans la région. Il faut, a-t-il dit, appuyer la reconstruction économique du pays.
M. KISHORE MAHBUBANI (Singapour) a estimé que les perspectives de paix n'avaient jamais été aussi bonnes qu'aujourd'hui et que l'une des raisons en était l'action de l'Ambassadeur Kamel Morjane. Il a déclaré avoir constaté personnellement que la simple présence des Nations Unies et celle de l'Ambassadeur avaient laissé une trace dans la chimie de la région. Il ne faut pas faire machine arrière et pour cela il faut continuer à suivre ce qui s'y passe, a-t-il fait valoir. Kisangani et ses environs doivent être démilitarisés immédiatement et sans plus d'atermoiements ; le RCD-Goma doit se retirer. Il faut s'assurer que toutes les parties comprennent bien quelle est leur responsabilité notamment à l'égard de l'ordre public, les parties au conflit d'une part, l'ONU d'autre part. La décision que nous prendrons en ce qui concerne la troisième étape sera à cet égard un signal de notre implication.
Un autre défi consiste à assurer une paix durable, a poursuivi le représentant. Nous appuyons à cet égard le dialogue intercongolais. Nous estimons également qu'il faut commencer à préparer une conférence internationale sur les Grands Lacs. Nous nous demandons enfin s'il n'est pas temps d'envoyer une Mission interinstitutions du type de celle qui s’est rendue en Afrique de l'Ouest et nous souhaitons avoir l'avis des autres membres du Conseil à cet égard.
M. ANDREY GRANOVSKY (Fédération de Russie) s’est dit préoccupé par le retard enregistré par le MLC dans le retrait de ses forces et ses tentatives de subordonner ses obligations à des exigences politiques. Dans ce cadre, le représentant a salué les réunions bilatérales entre les dirigeants de la région qui, selon lui, aideront, en particulier, à la mise en œuvre du processus important de DDRRR. Il a aussi, à cet égard, appuyé la tenue de consultations avec les dirigeants des institutions financières internationales. A long terme, le succès du processus de paix dépendra du règlement des questions ethniques et de démocratisation, a insisté le représentant. Il s’est montré préoccupé par le refus du RCD de démilitariser Kisangani. Selon lui, la situation est arrivée à un point qui exige du Conseil qu’il envisage des mesures complémentaires. Une première mesure, a-t-il dit, consisterait à limiter les visas octroyés aux dirigeants du RCD; la Fédération de Russie étant disposée à discuter d’autres mesures. Concluant, le représentant a souligné que le facteur décisif dans le processus de paix est que les parties manifestent elles-mêmes la volonté politique de trouver un règlement pacifique au conflit. Il a lancé un appel afin que ces parties réalisent de bonne foi les engagements pris en vertu de l’Accord de Lusaka.
M. JAMES CUNNINGHAM (Etats-Unis) a rendu hommage à l’excellent travail accompli par la MONUC sous la direction de M. Kamel Morjane dans la recherche d’une paix en République démocratique du Congo (RDC). Sa délégation souscrira à la déclaration que prononcera le Président du Conseil de sécurité à l’issue de cette réunion. Rappelant que la démilitarisation de Kisangani était une exigence du Conseil, il a souligné qu'il n'acceptait ni les arguments des responsables du RCD selon lequel la présence militaire à Kisangani est nécessaire pour assurer le respect des droits de l’homme, ni ceux du RCD-Goma. Toutefois, la délégation des Etats-Unis reconnaît et accepte que la démilitarisation de Kisangani exige le renforcement des contingents de la MONUC. Malgré tout ce qui est dit sur le processus de DDRRR, les progrès ne sont pas suffisants, a fait observer
M. Cunningham. Il a souligné l’importance de faire participer des représentants de la communauté humanitaire des Nations Unies afin que l’accent soit mis sur l’aspect humanitaire dans les activités de réinstallation.
Le représentant a déclaré que tant que les ex-FAR et les Interahamwe sont armés par le Gouvernement congolais et leurs alliés, il ne sera pas possible de réaliser le processus de DDRRR. L’absence de progrès dans ce processus explique pourquoi on n’est pas parvenu à de plus grands progrès dans la recherche de la paix dans la région. Les Etats-Unis sont également préoccupés par le refus du Gouvernement de la RDC d’accueillir sur son territoire un nouveau coordonnateur humanitaire des Nations Unies. M. Cunningham l’a prié instamment de revenir sur sa décision, soulignant que l’absence d’un tel coordonnateur sur le terrain porterait préjudice au peuple congolais.
Il a déclaré que, pour restaurer la paix dans la région, toutes les forces étrangères doivent se retirer de la République démocratique du Congo. Il a ajouté que le dialogue intercongolais doit pouvoir déboucher sur la formation du premier gouvernement responsable. Les activités de certains gouvernements de la région avec des acteurs non-étatiques doivent également prendre fin. La Conférence sur la bonne gouvernance dans la région des Grands Lacs est peut-être nécessaire. C’est peut-être le moment de tenir compte de cette proposition.
M. OLE PETER KOLBY (Norvège) a insisté sur le fait que la seule solution viable au conflit en RDC est le règlement politique. Il s’est donc félicité des signes positifs intervenus récemment tout en se montrant préoccupé par la lenteur qui caractérise encore le respect des engagements pris et par la situation humanitaire dans le pays. Il s’est particulièrement montré préoccupé par la lenteur du processus de DDRRR et par celui du désengagement des troupes gouvernementales comme des troupes rebelles. A cet égard, il a appelé à la démilitarisation complète de la ville de Kisangani et à propos du processus de DDRRR, estimé que la MONUC ne pourra y jouer un rôle qu’avec la coopération des parties. Toujours en ce qui concerne le processus de DDRRR, le représentant a appuyé les appels en vue d’un déploiement rapide de spécialistes des droits de l’homme et des droits de l’enfant.
La viabilité du processus de paix dépend de l’engagement des parties concernées, a-t-il poursuivi en insistant sur les potentialités du dialogue intercongolais. Le succès de ce dialogue dépendra beaucoup de son accessibilité et de sa transparence, a souligné le représentant avant de dénoncer les intimidations dont sont victimes des membres de la société civile voulant participer au dialogue. Il a également exhorté la communauté internationale à fournir l’appui financier pour appuyer les différentes initiatives liées à l’organisation du dialogue avant de conclure sur la question de l’impunité et de dire qu’il ne peut y avoir réconciliation sans justice et responsabilité. Le représentant a appelé à la mise en place de mécanismes pour traduire en justice les auteurs présumés de crimes graves.
Mme PATRICIA DURRANT (Jamaïque) a souligné le chemin parcouru en un an tout en reconnaissant que le processus de paix demeurait fragile. Elle s'est prononcée en faveur de la co-localisation de la CMM et de la MONUC, nécessaire, a-t-elle indiqué, à une meilleure coordination. Le programme de DDRRR constitue peut-être le processus le plus important, a-t-elle poursuivi, estimant qu'il fallait saisir l'invitation récente du Gouvernement de la RDC d'effectuer une évaluation des trois mille et quelques membres des forces dites négatives. Elle a estimé qu'il y avait lieu de se préoccuper des informations récentes selon lesquelles certains groupes armés se seraient récemment renforcés et il était procédé à l'enrôlement de civils et d'enfants. Elle a demandé à ce que soit mis fin à l'impunité des crimes humanitaires et que cesse par ailleurs l'exploitation des ressources humanitaires. Elle s'est félicitée de la décision de l'Ouganda de lancer une enquête sur ce problème et a souhaité que celle-ci soit réalisée dans la plus grande transparence. Elle a demandé au RCD-Goma qu'il exerce son influence pour que soit procédée à la démilitarisation de Kisangani. Elle a également lancé un appel pour que les femmes soient associées au processus de paix. Elle s'est également prononcé en faveur de la tenue d'une Conférence sur la région des Grands Lacs et a appuyé la suggestion émise par Singapour visant à créer une Mission interinstitutions.
M. VOLODYMYR KROKHMAL (Ukraine) a demandé aux parties au conflit de préserver à tout prix des conditions propices au rétablissement de la paix et d’assurer la coopération avec la MONUC. Seule la pleine application des engagements permettra d’avancer dans le processus de paix, a dit le représentant en soulignant la disposition du Conseil à aider les parties dans leurs efforts. Les retards dans le plan de désengagement et de redéploiement suscitent des préoccupations, a fait remarquer le représentant tout en se montrant également préoccupé par la lenteur du processus de DDRRR. La démilitarisation de Kisangani est une question clef, a-t-il poursuivi en jugeant indispensable que le RCD continue d’être dans la ville un an après l’adoption de la résolution 1304. Il a conclu en encourageant les Congolais à s’acheminer vers le dialogue intercongolais pour mettre au point le cadre constitutionnel du pays.
M. ALISTAIR HARRISON (Royaume-Uni) a estimé qu'une ouverture se présentait en RDC, même si le RCD n'avait pas encore démilitarisé Kisangani et d'autres problèmes subsistaient. Faire avancer le processus de paix exige des efforts réguliers et constants de toutes les parties, a-t-il fait observer. En ce qui concerne le programme DDRRR, nous devons tous nous mettre au travail, a-t-il déclaré, les parties devant fournir des informations et la MONUC une assistance pratique en fonction de ses capacités et dans le cadre de son mandat. Il s'est félicité des réunions récentes qui se sont tenues entre les dirigeants de la région, notamment celles entre les Présidents Kabila et Kagamé.
Le Royaume-Uni appuie sans réserve le dialogue intercongolais qui seul peut fournir la base de la paix et de la stabilité dans la région, a indiqué
M. Harrison. Nous demandons à toutes les parties de collaborer sans réserve avec le facilitateur, M. Ketumile Masire. Il a enfin lancé un appel en faveur d'une assistance humanitaire destinée à remédier d'une situation qui est peut-être, a-t-il dit, une des pires au monde et a regretté, à cet égard, le rejet du coordonnateur humanitaire par le Gouvernement congolais.
M. WANG YINGFAN (Chine) a déclaré que le Conseil de sécurité devrait saisir l'opportunité qui s'offre de faire avancer la paix en RDC et de faire progresser le processus étape par étape et de manière soigneusement planifiée. Premièrement, a dit le représentant, les plans de désarmement, de démobilisation, de réintégration, de rapatriement et de réinstallation (DDRRR) des groupes armés, devraient être mis en oeuvre de manière effective. Trois mesures cruciales peuvent permettre la réalisation de ces objectifs. Il s'agit des progrès à accomplir dans la tenue du dialogue intercongolais en vue de ramener la confiance entre les parties congolaises au conflit; de l'arrêt de toute assistance militaire et de toute fourniture d'armes aux groupes armés par les pays concernés, qui devraient respecter les engagements qu'ils ont pris en signant l'Accord de cessez-le-feu de Lusaka. A cet égard, la MONUC devrait exercer une surveillance effective du processus de DDRRR des groupes armés en renforçant sa coopération avec la Commission militaire mixte. Enfin, la communauté internationale devrait fournir, en temps opportun, une assistance financière et économique à la RDC pour faire du programme de DDRRR une part intégrale du processus de paix.
La démilitarisation de la ville de Kisangani devrait se faire le plus vite possible, et la délégation chinoise apporte son soutien à la proposition d'expansion de la MONUC dans cette ville. Nous recommandons, a dit M. Yingfan, que la MONUC multiplie ses contacts avec le RCD-Goma pour l'inciter à mettre en oeuvre la résolution 1304 du Conseil, et nous soutenons la tenue du dialogue intercongolais, sur le sol congolais, à un moment approprié et hors de toute interférence étrangère. La troisième phase de la MONUC représentant une étape cruciale initiée par les Nations Unies en vue de promouvoir et consolider une paix durable en RDC et dans la région des Grands lacs, les Etats Membres et le Secrétariat devraient se tenir prêts à assurer que les ressources humaines et matérielles nécessaires seront rapidement disponibles, une fois la décision de déploiement prise. A l'heure actuelle, la Chine estime que la reconstruction économique et le développement sont indispensables à une paix durable. La navigation sur le fleuve Congo et la réalisation rapide des petits projets proposés par la mission du Conseil dans la région des Grands lacs devraient garanties.
M. ILEKA ATOKI (République démocratique du Congo) a souligné le fait que les relations entre son Gouvernement et les Nations Unies se sont remarquablement améliorées, insufflant une nouvelle dynamique à l'action de la Mission des Nations Unies sur le terrain. Il a estimé que globalement le processus de paix initié à Lusaka est sur la bonne voie et qu'il existe une réelle opportunité vers la paix qu'il faut chercher à comptabiliser mais que subsistaient un certain nombre d'obstacles. Il a informé le Conseil de ce que son pays s'est doté depuis le
30 juin 2001 d'une Charte congolaise des droits de l'homme et des peuples où figurent l'abolition de la peine de mort, la démocratie comme mode d'accès au pouvoir, la laïcité de l'Etat ou encore l'égalité des citoyens. Des difficultés subsistent encore dans la partie septentrionale du pays, a-t-il indiqué. La ville de Kisangani n'est toujours pas démilitarisée conformément à la résolution 1304. Pire, des voix s'élèvent pour réclamer le renforcement de l'occupation de cette ville. Plus grave encore, des menaces de sécession et de partition du pays ont proférées. Il est primordial que Kisangani cesse d'être le symbole du martyre de toute une nation et devienne le symbole politique et physique du renouveau.
Pour nous Congolais, l'évocation des préoccupations sécuritaires est un prétexte supplémentaire visant le maintien de l'occupation rwandaise en République démocratique du Congo, a déclaré par ailleurs M. Atoki, soulignant toutefois que ces préoccupations avaient pour origines immédiates le déni de justice à la fois pour les milliers de Rwandais victimes du génocide, de violations de droits de l'homme, de crimes contre l'humanité et pour les millions de Congolais décédés des suites de la guerre d'agression. Il faut absolument s'occuper de la question de l'impunité et traduire en justice les responsables des crimes les plus graves, a-t-il fait valoir. Il a également insisté sur le fait que son pays n'avait pas d'agenda caché au Rwanda et que tous les Rwandais qui le souhaitaient, devaient être autorisés à regagner leurs foyers. Les autres devront chercher une autre terre d'asile, la vocation de mon pays étant désormais de demeurer un pays de transit, a-t-il précisé. La RDC qui ne porte aucune responsabilité dans le génocide rwandais de 1994, ne tolèrera pas que son territoire serve de base de lancement d'opérations visant la déstabilisation des pays voisins avec lesquels elle entend vivre en bonne intelligence. Elle pense qu'il faut rechercher une solution loyale et durable dans un dialogue franc et sincère non seulement dans un cadre bilatéral mais mieux encore, dans le cadre d'une Conférence internationale sur la paix, la sécurité, la démocratie et le développement dans la région des Grands lacs.
Le représentant a fait observer que l'établissement et la consolidation de relations de confiance doivent être renforcée par une crédibilité accrue des Nations Unies et de son Conseil de sécurité. Pour preuve, a-t-il poursuivi, les retombées de la Mission du Conseil dans la région du Conseil, que nous appelons chez nous la mission Levitte, ont été hautement appréciées parla population. Les promesses faites ont été honorées, la réouverture du réseau fluvial est une réalité, la quarantaine de petits projets à impact rapide identifiés par la Mission, connaissent déjà un début d'exécution. Ce sont là des actions palpables qui forcent l'admiration à l'égard des Nations Unies et crédibilise son action. C'est dans le souci de conforter cette crédibilité que mon gouvernement a invité le Conseil à s'assurer qu'aucune des parties ne se méprenne sur sa détermination à mener à bon port le processus de paix. Il l'a interpellé sur trois points : l'absence de volonté d'une des parties de se désengager complètement dans la province de l'Equateur, la non-démilitarisation de Kisangani et le retrait ordonné de toutes les forces étrangères.
M. JEAN DE RUYT (Belgique) a estimé que les efforts diplomatiques de la communauté internationale doivent, à ce stade, se concentrer en priorité sur les aspects suivants: la poursuite du dialogue national, la situation économique du pays et l’aide extérieure, le retrait des troupes étrangères et le processus de DDRRR des groupes armés. De l’ensemble des progrès accomplis dans la mise en œuvre de l’Accord de Lusaka découlent, en effet, le réengagement de la communauté internationale et la reprise graduelle et équilibrée de l’aide à la coopération en RDC, a dit le représentant. C’est pourquoi, a-t-il expliqué, l’Union européenne a décidé la reprise graduelle de l’aide et elle se félicite que les institutions financières internationales s’engagent actuellement dans cette même voie. Il a espéré que d’autres donateurs annonceront également une participation à cet effort. L’Union européenne a réitéré sa disponibilité à engager une aide de
120 millions d’euros en fonction des progrès concrets accomplis dans le cadre du processus de paix et du dialogue intercongolais, a-t-il encore dit.
Le représentant a poursuivi en appelant à la démilitarisation de la ville de Kisangani – ville qui doit devenir le symbole de la réconciliation nationale – et de tout le reste du pays. A cette fin, il importe, a-t-il estimé, de maintenir une pression concertée sur toutes les parties et d’encourager les contacts bilatéraux entre les différents dirigeants de la région. Parlant du processus de DDRRR, M. de Ruyt a estimé que les évolutions récentes font entrevoir la possibilité que la communauté internationale soit mise devant la nécessité de mettre en œuvre un plan de DDRRR. Les besoins doivent être connus le plus rapidement possible afin qu’un programme précis et efficace soit élaboré et que la communauté internationale des donateurs puisse apporter sa contribution. Il a d’ailleurs indiqué que le Conseil des Ministres des affaires étrangères des 15 a chargé le Représentant spécial de l’Union européenne de contacter le Secrétaire général afin qu’il désigne une institution pilote pour la conception et la mise en œuvre d’un plan.
Pour l’exécution d’un tel programme, il est probable que le mandat et les effectifs de la MONUC devront être adaptés. Avec le sens de l’urgence nécessaire, l’Union plaidera auprès du Conseil pour qu’il soit veillé rapidement à l’adaptation du mandat du MONUC au cas où cela s’avérerait nécessaire. Pour sa part, l’Union européenne serait certainement un cas des contributeurs importants pour la mise en place d’un tel programme.
M. ANASTASE GASANA (Rwanda) a souhaité éviter toute polémique qui puisse gêner les efforts menés dans le cadre des Nations Unies pour parvenir à une solution à la crise dans la région des Grands lacs. Je sais qu'aujourd'hui même les efforts du Secrétaire général pour favoriser le dialogue entre les Présidents Kagamé et Kabila se poursuivent, a-t-il indiqué. Etant donné que les forces négatives, les auteurs du génocide au Rwanda et leurs sponsors restent un danger, nous pensons que le Conseil de sécurité devrait de s'en préoccuper de telle sorte qu'elles soient mises hors d'état de nuire. Il a assuré le Conseil de sécurité du soutien de son pays dans le cadre des efforts qu'il déploie dans la région.
M. GERHARD THERON (Namibie) s'est félicité de la tenue du cessez-le-feu et, de façon générale, des progrès réalisés par le processus de paix, ce qui permet au Conseil de réfléchir aux stratégies à venir. Il s'est également félicité des progrès accomplis dans le cadre du dialogue intercongolais et a réitéré la proposition de sa délégation de tenir les rencontres à venir sur le sol congolais. Il a indiqué que sa délégation avait noté avec préoccupation que des parties continuaient à s'opposer aux recommandations du Conseil de sécurité et s'est dit particulièrement préoccupé par la situation à Kisangani. Il a lancé un appel au Conseil de sécurité pour qu'il applique les mesures prévues au titre de sa résolution 1304 en vue de d’en faire respecter les dispositions. Il a rappelé que sa délégation souhaitait qu'il soit tenu compte des exigences du processus de paix lors de la réévaluation du mandat de la MONUC.
M. TICHAONA JOSEPH B. JOKONYA (Zimbabwe) a indiqué que les pays de la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC) avaient pris bonne note du fait que le Conseil de sécurité avait posé comme condition au déploiement de la MONUC dans le cadre de la phase II le désengagement. Il a fait observer que, dès que les Nations Unies avaient pris la tête du processus de paix avec le déploiement de la MONUC, le Zimbabwe avait commencé le retrait de ses troupes à la fois des frontières et de la RDC. Il a rappelé que lors de sa déclaration précédente sur la situation en RDC, il avait noté que trois conflits différents mais imbriqués dominaient le paysage dans les Grands lacs: la guerre conventionnelle, la guérilla insurrectionnelle et le nettoyage ethnique. Le premier type de conflit a cessé mais il faut encore mettre fin aux deux autres, a-t-il souligné. Ceux-ci sont à l’origine de la réapparition de la violence dans les deux Kivu, ces dernières semaines. C’est dans les territoires occupés que la MONUC est confrontée au harcèlement et aux obstructions en particulier de la part du RCD. Ma délégation n’a pas pour objectif de répartir les blâmes, cependant j’insiste pour que le Conseil de sécurité fasse pression auprès des signataires de Lusaka pour qu’ils engagent le RCD à inciter leur allié à se conformer aux règles. Nous savons que le RCD n'est qu'un pion. Les forces alliées de la Communauté de développement de l’Afrique australe ont quant à elles fait leur part.
La démilitarisation de Kisangani mérite l’attention du Conseil de sécurité et ma délégation insiste pour que les signataires de l’Accord de Lusaka responsables de la destruction de Kisangani remplissent leurs obligations au titre du cessez-le-feu, a-t-il également déclaré. La MONUC avec l’aide de la Commission militaire mixte, a remarquablement conduit le processus de paix mais ne perdons pas de vue que l'immense superficie du Congo empêche la MONUC de remplir les facettes multiples de ses tâches qui, à un certain niveau, impliquent l’identification, le désarmement et la réhabilitation des membres des groupes non-signataires de l’accord de cessez-le-feu de Lusaka. Si la MONUC a des difficultés avec un acteur non-étatique mais signataire de l’Accord comme le RCD, qu’en sera-t-il avec les autres éléments non-signataires de cet accord ? J’insiste auprès du Conseil de sécurité pour qu’il révise à la hausse le niveau des troupes de la MONUC de façon à lui permettre d’accomplir sa tâche monumentale. Il faut vraiment que la bonne volonté dont la communauté a fait preuve auprès du Congo se poursuive. Il a conclu en rendant hommage à un grand fils de l'Afrique, l'ambassadeur Morjane.
Reprenant la parole, le Représentant spécial pour la République démocratique du Congo, M. KAMEL MORJANE, a remercié le Conseil de sécurité pour les propos qui ont été tenus à son sujet qu'il a estimé certainement exagérés par l'amitié et davantage mérités par ses collègues qu'à lui-même. Aux questions concernant le déroulement de l'initiative de la Commission conjointe du bassin du Congo,
M. Morjane a indiqué qu'en ce qui concerne la liberté de mouvement de tous les véhicules de la MONUC - qu'ils soient terrestres, aériens ou fluviaux -, aucun arrangement n'était nécessaire avec les parties si ce n'est de les informer. Au plan humanitaire, a-t-il précisé, le libre accès de tous les organismes humanitaires devrait se concrétiser avec le départ du «Bateau pour la paix» qui quittera Kinshasa pour la province de l'Equateur. Nous espérons que le Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD) laissera partir un deuxième bateau pour Kisangani. Nous avons proposé un projet de réglementation de la navigation sur le fleuve Congo et espérons obtenir un accord qui ferait de la liberté de navigation sur ce fleuve une réalité. M. Morjane a remercié l'Uruguay pour la mise en place d'une unité fluviale et a souhaité qu'une seconde unité puisse également être mise en place.
En ce qui concerne le processus de DDRRR, a-t-il indiqué, la MONUC a préparé un document de base en concertation avec tous ceux qui sont impliqués dans cette opération qui est liée notamment au départ des troupes rwandaises. La Banque mondiale a notamment donné son accord pour jouer un rôle dans ce processus. Nous souhaitons que les parties concernées soient en mesure de communiquer des informations complémentaires sur la composition des groupes armées. Le Général Diallo s’est entretenu avec le Président Kabila qui a confirmé que, dans les prochains jours, la MONUC sera autorisée à visiter deux camps de réfugiés. Répondant à une question sur le respect de résolution 1341 relative aux enfants soldats, il a répondu qu'il restait malheureusement beaucoup à faire à cet égard. Il faudra certainement pousser davantage les parties, et je dis bien toutes les parties, à ce sujet, a-t-il déclaré. Dans le domaine des violations du cessez-le-feu, la MONUC dispose d'une liste de plaintes provenant de toutes les parties, dont le RCD, qu’il vient de soumettre à la Commission militaire mixte (CMM). Il n’a pas été possible de vérifier toutes ces plaintes car la plupart d'entre elles concernent des cas qui se sont produits dans des secteurs occupés par des parties non-signataires de l’Accord de cessez-le-feu de Lusaka et où la sécurité n'y est pas garantie. M. Morjane a conclu en signalant les tensions qui ont éclaté hier entre les communautés Hema et Lendu à Nyenze, ce qui, a-t-il dit, illustre bien la fragilité du processus de paix en cours.
Déclaration du Président du Conseil de sécurité
Le Conseil de sécurité prend note avec satisfaction des progrès réalisés jusqu’à présent dans le processus de paix en République démocratique du Congo.
Le Conseil de sécurité appelle toutes les parties au conflit à remplir leurs engagements, à appliquer intégralement l’Accord de cessez-le-feu de Lusaka (S/1999/815) et à mener à bien le désengagement et le redéploiement de leurs forces conformément au plan de Kampala et aux sous-plans d’Harare, dont la Mission de l’Organisation des Nations Unies en République démocratique du Congo (MONUC) assurera la vérification.
Le Conseil de sécurité estime qu’il est inacceptable que plus d’un an après l’adoption de sa résolution 1304 (2000), dans laquelle il a exigé la démilitarisation complète de Kisangani, une demande qu’il a réitérée dans sa résolution 1355 (2001), le Rassemblement congolais pour la démocratie ne se soit toujours pas conformé à sa demande. Le Conseil de sécurité appelle le Rassemblement congolais pour la démocratie à s’acquitter intégralement et immédiatement des obligations qui lui incombent en vertu de la résolution 1304, et note que si celui-ci continue de s’y soustraire, il pourrait en résulter des conséquences dans l’avenir.
Le Conseil de sécurité rappelle à toutes les parties qu’elles sont tenues de coopérer sans réserve avec la MONUC; il leur rappelle aussi les obligations qui leur incombent en ce qui concerne la sécurité des populations civiles en vertu de la Quatrième Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre, en date du 12 août 1949. Le Conseil invite instamment les parties intéressées à conclure rapidement leur enquête sur le meurtre de six membres du personnel du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) dans l’est de la RDC, à communiquer leurs conclusions au CICR et à traduire les auteurs en justice.
Le Conseil de sécurité appelle toutes les parties à faciliter l’effort humanitaire de l’Organisation des Nations Unies et des organisations non gouvernementales et à y apporter leur soutien. Il souligne l’importance de l’action du Coordonnateur des Nations Unies pour l’assistance humanitaire.
Le Conseil de sécurité appelle de nouveau à la cessation de l’exploitation illégale des ressources naturelles de la République démocratique du Congo. À cet égard, il appelle toutes les parties à coopérer sans réserve avec le groupe d’experts et, attendant avec intérêt la publication de l’additif au rapport du groupe, se déclare de nouveau disposé à étudier les mesures qu’il conviendra de prendre pour mettre fin à cette exploitation.
Le Conseil de sécurité demande de nouveau à toutes les parties d’accélérer la mise au point définitive et la mise en application de plans généraux pour le retrait en bon ordre de toutes les troupes étrangères hors de la République démocratique du Congo et pour le désarmement, la démobilisation, la réintégration, le rapatriement et la réinstallation de tous les groupes armés visés au chapitre 9.1 de l’annexe A de l’Accord de cessez-le-feu de Lusaka.
Le Conseil de sécurité se déclare vivement préoccupé par les activités des groupes armés dans l’est du pays. Il prend note avec intérêt de l’invitation qu’a adressée à la MONUC le Président de la RDC, qui lui propose de se rendre dans les camps où des membres des groupes armés auraient été cantonnés par les Forces armées congolaises, et souligne qu’il importe que la MONUC, dans les limites de ses moyens, prête son assistance afin que ces groupes armés soient rapidement désarmés, démobilisés, réintégrés, rapatriés et réinstallés, à titre volontaire, conformément à l’autorisation qu’il lui a donnée dans sa résolution 1355 (2001). Le Conseil prie à cet égard la communauté des donateurs, en particulier la Banque mondiale et l’Union européenne, d’apporter dès que possible à la MONUC des contributions financières et des contributions en nature afin de lui permettre de s’acquitter de cette mission.
Le Conseil de sécurité réaffirme son ferme soutien au dialogue intercongolais et aux efforts déployés sur le terrain par le Facilitateur et son équipe. Il insiste sur l’importance d’un dialogue ouvert, représentatif et sans exclusive, exempt de toute ingérence extérieure, ouvert à la participation de la société civile et propre à conduire à un règlement sur la base d’un consensus. Il appelle les parties congolaises à l’Accord de cessez-le-feu de Lusaka à coopérer pleinement avec le Facilitateur afin de lui permettre de conduire le processus avec célérité et d’une manière constructive. Il exprime l’espoir que le dialogue pourra être tenu sur le sol congolais en respectant le choix qui sera celui des parties congolaises. Il encourage les donateurs à continuer d’apporter leur soutien à la mission du Facilitateur.
Le Conseil de sécurité se félicite des réunions de haut niveau qui se sont tenues récemment entre les Présidents de la République démocratique du Congo, du Rwanda et de l’Ouganda et encourage de nouveau ces derniers à poursuivre le dialogue afin de trouver des solutions à des préoccupations qui leur sont communes en matière de sécurité, conformément à l’Accord de cessez-le-feu de Lusaka.
Le Conseil de sécurité rappelle qu’il est déterminé à soutenir l’application intégrale de l’Accord de cessez-le-feu de Lusaka. Il réaffirme que l’application de l’Accord incombe au premier chef aux parties. Le Conseil les engage a faire preuve de la volonté politique nécessaire en coopérant entre elles ainsi qu’avec la MONUC pour réaliser cet objectif. Il se déclare disposé à envisager, sous réserve des progrès qui devront être faits par les parties et des recommandations du Secrétaire général, un éventuel renforcement de la MONUC si la mission entre dans sa troisième phase et à cette date.
Le Conseil de sécurité félicite le Représentant spécial du Secrétaire général, M. l’Ambassadeur Kamel Morjane, pour son travail exceptionnel et pour la contribution inestimable qu’il a apportée au processus de paix en République démocratique du Congo.
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