LA CONFERENCE SUR LE COMMERCE ILLICITE DES ARMES LEGERES DOIT ABOUTIR A L’ADOPTION D’UN PROGRAMME D’ACTION EFFICACE RESPECTANT SON MANDAT
Communiqué de presse CD/242 |
Conférence des Nations Unies
sur le commerce illicite des
armes légères sous tous ses aspects
1ère séance - matin
LA CONFERENCE SUR LE COMMERCE ILLICITE DES ARMES LEGERES DOIT ABOUTIR A L’ADOPTION D’UN PROGRAMME D’ACTION EFFICACE RESPECTANT SON MANDAT
La Conférence de Nations Unies sur le commerce illicite des armes légères sous tous ses aspects s’est ouverte ce matin au Siège. M. Camillo Reyes, de la Colombie, a été élu par acclamation Président de la Conférence.
Prenant la parole au nom du Secrétaire général des Nations Unies, Mme Louise Fréchette, Vice-Secrétaire générale de l’Organisation, a déclaré que 500 millions d’armes légères et de petit calibre circulent en ce moment dans le monde. Si la vaste majorité de ces armes est entre les mains de forces de police ou d’armées gouvernementales et de particuliers respectueux de la loi, un grand nombre d’entre elles sont cependant la propriété de forces irrégulières et de criminels et de terroristes, a relevé Mme Fréchette. Des millions d’armes, reliquat de la guerre froide, sont utilisées dans les conflits en Afghanistan, en Amérique centrale et en Afrique occidentale. Depuis 1990, les armes légères ont causé la mort de
4 millions de personnes, dont une majorité de femmes et d’enfants. Au vu de leur impact, les armes légères pourraient, a dit Mme Louise Fréchette en citant
M. Kofi Annan, “être assimilées à des armes de destruction massive”. Les Nations Unies estiment, a-t-elle dit, que trois domaines doivent faire l’objet d’actions efficaces en vue de réduire le nombre d’armes en circulation et de prévenir leur dangereuse accumulation à l’avenir. Ces domaines sont ceux de la réglementation, de la coopération internationale et des mesures pratiques de désarmement.
Intervenant au nom de l’Union européenne, M. Louis Michel, Vice-Premier Ministre et Ministre des affaires étrangères de la Belgique, a estimé que la Conférence devait aboutir à l’adoption de mesures concrètes de lutte contre la prolifération des armes légères. L’Union européenne demande que le programme d’action reflète des engagements politiques et des principes d’action pouvant mener à des solutions concrètes, a-t-il dit. Se prononçant en faveur de mesures contraignantes qui seules à ses yeux pourraient mettre fin à la situation actuelle, le représentant du Mexique, à l’instar de nombreuses délégations, a souhaité l’adoption d’un instrument juridiquement contraignant qui donnerait le droit de vendre des armes à des négociants reconnus dont la seule clientèle serait les gouvernements des Etats Membres.
De son côté, le Sous-Secrétaire d’Etat pour le contrôle des armements et les affaires de sécurité internationale des Etats-Unis, M. John Bolton, a rappelé que le deuxième amendement de la Constitution de son pays protège le droit des individus à posséder et à porter des armes. C’est le commerce illicite d’armes de type militaire que cette Conférence doit discuter, a-t-il insisté. Après voir rappelé que le transfert de tout article militaire d’origine américaine est soumis
à des procédures extrêmement rigoureuses dans le cadre de lois nationales et d’arrangements internationaux, le représentant américain a dit que son pays soutient le Registre des armes classiques des Nations Unies et les mesures du projet de programme d’action de la Conférence qui sont en faveur du renforcement des contrôles d’importation et d’exportation, de la retenue en matière de vente d’armes vers des régions en conflit, du respect des embargos de l’ONU, de la mise en place de mesures de régulation des activités de vente et de courtage en armements, et de la destruction des stocks accumulés.
Mais, a-t-il poursuivi, les Etats-Unis ne soutiendront pas certains aspects du projet de programme d’action, et notamment ceux qui viseraient à restreindre le commerce et la fabrication légaux d’armes légères. Aussi ont-ils demandé que soit modifié le langage de certains paragraphes du projet de programme d’action. Le principe de la légitimité du commerce légal, doit être reconnu, a estimé le représentant, qui s’est aussi opposé à la promotion d’activités de plaidoyer contre la possession d’armes légères menées par des organisations internationales ou par des ONG, spécialement quand les vues qui sont développées vont à l’encontre des positions des Etats Membres. La Conférence doit se limiter au mandat qui lui est donné par la résolution la convoquant, et ne pas chercher à aller au - delà, a dit M. Bolton en déclarant que sa délégation était contre toute conférence de suivi et d’examen de la mise en oeuvre des recommandations qui seront contenues dans le document final.
Les délégations dont les noms suivent ont aussi pris la parole ce matin: Colombie, Mozambique, Pays-Bas, République islamique d’Iran, Japon, Espagne, Brésil, Qatar et Andorre. Le Président de l’Assemblée générale, M. Harri Holkeri, a adressé des remarques de bienvenue aux délégations en début de séance.
La Conférence poursuivra son débat général cet après-midi à 15 heures.
Allocution du Président de l’Assemblée générale
M. HARRI HOLKERI, Président de l'Assemblée générale : La communauté internationale se réunit aujourd'hui pour trouver une réponse à la menace que constitue pour la stabilité et la sécurité internationales le commerce illicite des armes légères et de petit calibre. La tenue de cette Conférence traduit notre prise de conscience de cette sérieuse menace et s'inscrit dans le prolongement du Sommet du millénaire au cours duquel les chefs d'Etat et de gouvernement ont pris l'engagement de mettre fin au commerce illicite des armes légères et de petit calibre en rendant notamment les transferts plus transparents et en soutenant des initiatives régionales de désarmement. Il est temps aujourd'hui de mettre en oeuvre les engagements pris lors du Sommet du millénaire et il est important de souligner que les efforts conjoints des Nations Unies, des gouvernements et de la société civile ont placé la question des armes légères au coeur des préoccupations de la communauté internationale.
Après l’appel du Secrétaire général en 1995, les Nations Unies ont établi clairement que la prolifération des armes légères et de petit calibre tue plus de 500 000 personnes chaque année, qu’il s’agisse de morts dans les conflits armés, dans les guerres civiles ou liées à la violence. Cette prolifération compromet les opérations de maintien de la paix et menace les travailleurs humanitaires. Elle sape le développement économique et social de nombreux Etats et est à l’origine de l'exode de millions de personnes. La communauté internationale a pris conscience de la nécessité de lutter efficacement contre ce fléau et cette Conférence est l'occasion de se mettre d'accord sur un programme d'action efficace. Ce programme d'action doit contenir des engagements et des mesures fermes et sans ambiguïté, ainsi qu'un mécanisme de suivi de la mise en oeuvre des décisions qui seront prises.
Allocution de la Vice-Secrétaire générale des Nations Unies
Mme LOUISE FRECHETTE, Vice-Secrétaire générale des Nations Unies :
500 millions d’armes légères au moins circulent à travers le monde. Si la vaste majorité de ces armements est entre les mains des forces de police, des armées gouvernementales et de particuliers respectueux de la loi, un grand nombre d’entre elles sont aussi la propriété de forces irrégulières, de criminels, et de terroristes. Des millions d’armes, reliquats de la guerre froide, sont utilisées dans les conflits en Afghanistan, en Amérique centrale et en Afrique occidentale et centrale. Armes de prédilection dans 46 des 49 conflits qui ont éclaté depuis 1990, les armes légères ont causé la mort d’environ 4 millions de personnes, dont environ 90% de civils et 80% de femmes et d’enfants. D’après la Banque interaméricaine de développement, le montant des pertes directes et indirectes causées par la violence liée à ces armes varie entre 140 et 170 milliards de dollars par an, rien qu’en Amérique latine. Comme l’a dit le Secrétaire général dans son Rapport du millénaire, les armes légères “pourraient être assimilées à des armes de destruction massive”. Le secret qui voile le commerce des armes légères rend difficile toute estimation monétaire de ce commerce. Mais d’après l’enquête menée récemment, ce marché représente environ 1 milliard de dollars par an. Dans certains endroits, on peut se procurer un fusil d’assaut AK-47 pour
15 dollars ou contre un sac de graines. Les armes légères sont aussi liées au trafic de drogues et au blanchiment d’argent. Leur prolifération sape l’autorité de gouvernements légitimes, mais souvent faibles, et porte atteinte au droit humanitaire international. Elles rendent aussi le maintien de la paix plus difficile.
L’ONU estime que trois domaines pourraient faire l’objet de mesures pour réduire le nombre d’armes en circulation et pour prévenir leur accumulation à l’avenir. Le premier de ces domaines est celui de la loi et de la réglementation, le deuxième celui de la coopération internationale, et le troisième celui des mesures pratiques de désarmement. Concernant le premier domaine, bien qu’il existe des normes internationales dans le domaine de la non-prolifération nucléaire, des armes chimiques et biologiques et des mines antipersonnel, nous ne disposons pas de normes contraignantes visant l’élimination du trafic illicite d’armes légères. Au mois de mars dernier, les négociateurs ont arrêté le texte d’un protocole à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée. Ce texte prévoit des normes internationalement reconnues pour le traçage des armes à feu et le contrôle de leur importation et de leur exportation. Quant à la coopération internationale, qui est l’objet du deuxième domaine que nous mentionnons, l’Organisation de l’unité africaine a élaboré une stratégie à l’échelle du continent pour s’attaquer au problème des armes légères, et les pays d’Afrique de l’Ouest ont adopté un moratoire sur l’importation, l’exportation et la fabrication des armes légères. Quand à l’Amérique latine, elle a adopté une Convention interaméricaine contre la fabrication, et le trafic illicites d’armes à feu, de munitions et d’explosifs et autres matériaux. Cette Convention est entrée en vigueur. Des mesures de même nature ont été étudiées ou prises dans d’autres régions du monde. Des institutions comme Interpol et l’Organisation mondiale des douanes peuvent aider à lutter contre le commerce illicite des armes légères et l’apport des groupes de la société civile est indispensable. Le Département des affaires de désarmement a également un rôle essentiel à jouer. Concernant le troisième domaine, qui est celui du désarmement, la collecte et la destruction d’armes font partie intégrante de bon nombre d’opérations de maintien de la paix. Les programmes prévoient des mesures d’incitation non monétaires en échange de la remise volontaire d’armes, et ils ont de grandes chances d’aboutir. En convoquant la présente Conférence, les Etats Membres ont donné à la grande dévastation causée par les armes légères la grande attention qu’elle mérite. Vous devrez faire la distinction entre le trafic licite d’armes et le trafic illicite. Vous devrez tenir compte de la souveraineté nationale, de la responsabilité qu’ont les Etats d’assurer la sécurité et de leur droit à la légitime défense, qui est consacré par l’Article 51 de la Charte.
Déclaration du Président
M. CAMILO REYES RODRIGUEZ, Président de la Conférence sur le commerce illicite des armes légères sous tous ses aspects : Je suis convaincu que la problématique relative au commerce illicite des armes légères a un impact important sur des aspects essentiels du développement et du progrès de nos sociétés. Les armes légères aggravent le niveau de violence et l’intensité des conflits, affectent la santé, l’éducation, l’environnement, la propriété et la liberté, et constituent un danger aux droits et aux institutions démocratiques. Cette Conférence a pour objectif de permettre le traçage et d’établir et de renforcer des politiques qui, en dépit de leur apparence abstraite, renforceront la sécurité et la survie même de nos populations. Je suis honoré d’avoir été élu Président de cette Conférence et je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour favoriser la prévention, le contrôle et l’élimination du commerce illicite des armes légères. A cet égard, le programme d’action, résultat du processus préparatoire, ainsi que l’engagement, la flexibilité et la volonté politique des délégations seront essentiels.
Débat général
M. GUSTAVO BELL LEMUS, Vice-Président et Ministre de la défense de la Colombie : De par sa nature clandestine, le commerce des armes légères constitue un véritable frein à la recherche de solutions pacifiques aux conflits et augmente la puissance de feu de ceux qui cherchent à ruiner la stabilité politique de certains pays. En Colombie, la lutte contre le trafic illicite est une priorité gouvernementale et le Gouvernement a déjà démantelé nombre de groupes de trafiquants appartenant généralement à un réseau mondial, mais les armes confisquées ne représentent qu’une partie infime du total. L’impact des armes légères, qui ne requièrent que des technologies simples, ne dépend pas seulement de leurs caractéristiques ou de leur nombre mais également des répercussions de ce commerce sur les relations internationales. Et face à un problème d’envergure mondiale, le principe en œuvre doit être celui de la responsabilité partagée et de la coopération internationale. Il arrive que l’autorité des Etats soit fragilisée quand, en dépit des dispositions juridiques leur octroyant le monopole de la force, les armes sont introduites illégalement sur leur territoire. En Amérique latine, la Convention interaméricaine contre la fabrication et le trafic illicite d’armes à feu témoigne de l’engagement et de la volonté politique d’un grand nombre de pays, mais il est regrettable que la menace que constitue le trafic illicite d’armes n’ait pas encore généré de réaction mondiale et concertée. En conclusion, il est vivement souhaitable que les divergences soient surmontées afin d’arriver à un programme d’action commun et assorti d’un mécanisme de suivi efficace, afin que la prolifération de petites armes ne se transforme pas en obstacle au développement.
M. LOUIS MICHEL, Vice-Premier Ministre et Ministre des affaires étrangères de la Belgique (au nom de l'Union européenne et des Etats associés) : Plus de
500 millions d'armes légères et de petit calibre sont actuellement en circulation dans le monde et dans les conflits armés, 8 victimes sur 10 sont des civils, dont la plupart sont des femmes et des enfants. Dans les régions de conflit, l'accès aux armes légères et de petit calibre offert aux jeunes, voire aux enfants, contribue gravement à la déstabilisation de la société civile. Les armes légères et de petit calibre constituent principalement une menace pour les civils impliqués malgré eux dans les hostilités ou pris directement pour cible au mépris des principes humanitaires et elles représentent également une menace pour les forces de maintien de la paix ainsi que pour les membres des organisations non gouvernementales présents sur le terrain.
Consciente des problèmes causés par cette accumulation déstabilisatrice, l'Union européenne a adopté plusieurs mesures spécifiques parmi lesquelles un programme pour la prévention et la lutte contre le trafic illicite des armes conventionnelles (1997), un code de conduite européen en matière d'exportations d'armes (1998), une action commune sur la contribution de l'Union européenne pour combattre l'accumulation déstabilisatrice et la prolifération des armes légères et de petit calibre (1998) et enfin une résolution du Conseil européen sur les armes légères et de petit calibre dans le cadre des programmes de l'UE en matière d'aide d'urgence et de développement (1999). L'Union a pris part activement à l'élaboration du document de l'OSCE sur les armes légères et de petit calibre qui
représente un pas important pour traiter du problème dans la zone d'action de l'OSCE mais constitue aussi une contribution significative dans la préparation de la Conférence des Nations Unies. Nous nous réjouissons de l'adoption par l'Assemblée générale du Protocole sur les armes à feu qui, lorsqu'il entrera en vigueur, constituera un moyen efficace de lutter contre la production et le trafic illicite des armes à feu et contribuera à l'effort commun de lutte contre le crime organisé.
Cette Conférence a été chargée de traiter du commerce illicite des armes légères et de petit calibre sous tous ses aspects et, dès lors, nous nous devons d'examiner les aspects légaux directement liés à ce commerce illicite. Nous avons besoin de mesures visant à la fois la prévention des trafics et la réduction du nombre d'armes mises en circulation. Nous pensons fermement que la Conférence représente une occasion unique de se mettre d'accord sur des mesures concrètes pour lutter contre les effets néfastes dus à la prolifération illicite des armes légères et de petit calibre. L'Union européenne estime que le programme d'action doit aller au-delà d'une simple énumération des problèmes liés à l'accumulation déstabilisatrice et à la prolifération des armes légères et de petit calibre et nous devons avoir pour objectif d'atteindre un accord sur des engagements politiques, des principes d'action et des solutions concrètes. Pour nous, il est essentiel de pouvoir arriver à des résultats concrets dans les domaines clés tels que la mise en vigueur de contrôles à l'exportation et de principes à l'exportation, la mise en place d'un instrument international sur le marquage et le traçage ainsi que sur le courtage. Il importe également de créer un mécanisme de gestion des stocks et de gestion des surplus de production et de destruction, de mettre en place des programmes de désarmement, de démobilisation et de réintégration des ex-combattants, d'assistance dans la mise en oeuvre des mesures adoptées et enfin de prévoir un mécanisme de suivi de la conférence.
M. ALMERINO MANHENJE, Ministre de l’intérieur et Ministre délégué pour les affaires de défense et de sécurité du Mozambique : La prolifération et l’usage illicites d’armes à feu au Mozambique sont étroitement liés à l’histoire de notre pays, qui est caractérisée par de longues années de conflits armés qui ont causé la destruction de l’économie et du tissu social du Mozambique. A l’issue de l’Accord général de paix mis en oeuvre grâce à la Mission de maintien de la paix de l’ONU au Mozambique, un processus de collecte et de destruction d’armes en provenance des zones de conflits armés a été initié. Cette opération s’est avérée pertinente en démontrant qu’un processus de paix devait inclure une forte composante de désarmement, de démobilisation et de réintégration des ex-combattants. A la fin du mandat de la Mission de l’ONU, nous nous sommes cependant rendus compte qu’il y avait un accroissement de la circulation d’armes à feu et de la détention illégale d’armes à feu par des citoyens. En vue de réduire le niveau et le potentiel de violence, le gouvernement du Mozambique a défini comme une priorité l’identification et la saisie des caches d’armes et leur destruction. Depuis 1995, à travers l’opération “Rachel”, nous avons ainsi détruit 533 caches d’armes et mis hors de service 654 tonnes d’armes et de munitions.
Les dirigeants de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) ont adopté, au niveau régional, la Déclaration sur les armes à feu, munitions et matériaux associés, à travers laquelle ils expriment leur volonté politique et celle de la SADC de mettre fin au trafic illicite d’armes légères. Au mois prochain, cette Déclaration sera suivie de l’entrée en vigueur d’un Protocole régional créant des directives de coopération et jetant les bases de la mise en oeuvre d’un Plan d’action au niveau régional. Au niveau continental, la Déclaration de Bamako reflète le point de vue commun de l’Afrique sur le commerce et l’usage illicites des armes légères. La Déclaration de Bamako définit la vision de l’Afrique sur la manière d’éradiquer la prolifération illicite des armes légères, y compris une série de recommandations pour son application aux niveaux national, régional et continental. La nature complexe de la prolifération illicite des armes légères et la multiplicité des intérêts et celle des situations qui prévalent dans les différents pays et continents demandent beaucoup de doigté et de diplomatie pour arriver à un document final satisfaisant. Nous demandons aux Etats Membres de faire les efforts nécessaires pour que nous arrivions à un programme d’action réaliste, pragmatique et applicable. Notre délégation pense que la proposition contenue dans le document L.4 Rev.1 est équilibrée, et nous espérons la voir adoptée sans amendements majeurs. En vue de nous assurer une mise en oeuvre réussie du programme d’action, nous devons mettre l’accent sur les initiatives nationales et régionales, car elles ont un impact important sur les communautés affectées. A cet égard, le Mozambique a l’intention de convoquer des séminaires nationaux en vue de faire connaître les résultats de la Conférence actuelle et de sensibiliser la société sur le phénomène de la violence et de l’utilisation illicite des armes à feu. Nous pensons aussi que la création d’un mécanisme de mise en oeuvre efficace du programme et de suivi par l’ONU est importante en vue de faire des évaluations permettant de vérifier les succès obtenus et de faire face aux échecs éventuels.
M. JOZIAS VAN AARTSEN, Ministre des affaires étrangères des Pays-Bas : Ambition, telle doit être la caractéristique de notre programme d’action multilatéral qui doit viser à contrôler les mécanismes qui président à la dissémination incontrôlée des armes. Notre objectif est de contrôler le commerce illicite des armes, mais cet objectif restera vain tant que le commerce légal des armes ne sera pas lui aussi soumis à davantage de contrôles. Le commerce légal des armes doit être rendu plus transparent, en améliorant le traçage et l’enregistrement des armes légères, en établissant un règlement plus strict des exportations et en imposant des règles aux courtiers. Ces mesures doivent figurer dans le programme d’action. Il est également nécessaire de gérer de façon responsable les stocks d’armes, et de détruire les surplus et les armes détenues illégalement. A cet égard, le Programme mis en œuvre au Cambodge où les civils ont rendu leurs armes en échange d’écoles et d’hôpitaux, peut servir d’exemple. C’est pourquoi le programme d’action qui sera adopté par cette Conférence doit intégrer la lutte contre le commerce illicite des armes légères dans des questions plus vastes liées au développement. Il est également souhaitable que les citoyens prennent conscience de la menace que constitue le commerce illicite des armes légères, notamment dans les pays où les systèmes politiques et économiques sont faibles. Cette Conférence doit être un succès et se conclure par un programme d’Action; elle doit également prévoir des procédures de suivi et de contrôle des objectifs du programme d’action, tel une conférence de suivi tous les deux ans. Dans ce processus, il est nécessaire que tous les acteurs participent, et notamment les organisations non gouvernementales qui jouissent d’une réelle expertise en la matière.
M. KAMAL KHARRAZI, Ministre des affaires étrangères de la République islamique d'Iran : A l'heure où le concept de sécurité connaît de profonds changements, cette Conférence traduit la volonté des Nations Unies de prévenir les conflits en apportant des solutions aux menaces qui pèsent sur certaines régions. Au cours de la dernière décennie, plus de 500 millions d'armes légères et de petit calibre ont circulé dans le monde et le commerce illicite de ce type d’armes en particulier a eu un effet dévastateur sur les sociétés. Le problème des armes légères est multidimensionnel et a des conséquences sociales, sécuritaires et économiques sur les politiques élaborées tant au niveau national que régional ou mondial. Nous pensons également que ce problème est étroitement lié au trafic des drogues et, au plan géographique, l'Iran se trouve à l’avant-garde de la lutte contre les narcotiques dans la région. Selon les statistiques des Nations Unies, 10 millions d'armes légères et de petit calibre sont concentrées en Afghanistan et cette question est suffisamment préoccupante pour que des mesures soient prises à l'échelle régionale. Nous attendons beaucoup de cette Conférence en termes de lutte contre les trafics d'armes et de drogues et contre le terrorisme.
A ce titre, la République islamique d'Iran considère que des mesures pratiques doivent être prises, en particulier concernant le contrôle de la production des armes légères et de petit calibre, le marquage et le traçage ainsi que le stockage qui doit être réglementé afin d'éviter que ces armes ne soient volées. Par ailleurs, nous attachons également une importance aux questions de courtage qui représente un aspect essentiel du commerce illicite des armes légères et de petit calibre. Afin de mettre en oeuvre des mesures efficaces de lutte contre ce commerce illicite, il importe qu'une coordination internationale soit privilégiée, associant notamment Interpol. Les pays en développement qui sont particulièrement affectés par ces problèmes doivent être davantage aidés dans la mise en oeuvre de programmes de contrôle nationaux et de désarmement et de réhabilitation. En conclusion, je tiens à vous dire que seule une volonté politique résolue au cours de cette Conférence peut aider à sauver des milliers de vies civiles.
M. JOHN BOLTON, Sous-Secrétaire d’Etat pour le contrôle des armements et les affaires de sécurité internationale des Etats-Unis : Le deuxième amendement de la Constitution des Etats-Unis protège le droit des individus à posséder et à porter des armes. Notre pays pense que l’usage responsable des armes à feu est un aspect légitime de sa vie nationale. C’est le commerce illicite d’armes de type militaire que nous sommes venus discuter ici et qui devrait être le principal objet de nos soucis. Le transfert de tout article militaire d’origine américaine est soumis à des procédures extrêmement rigoureuses dans le cadre de la Loi sur le contrôle des exportations d’armes et dans celui de la Régulation des échanges internationaux d’armements. Des armes en provenance des Etats-Unis ne peuvent être retransférées sans l’approbation tacite de notre Gouvernement. Au cours des 5 dernières années, les Etats-Unis ont procédé à des milliers de contrôles concernant les utilisateurs finaux des armements exportés, et ils ont interdit l’exportation, par les ports américains de cargaisons illégales d’armes, tout en mettant fin dans le même temps à tout transfert d’armes vers 5 pays qui s’étaient avérés incapables de respecter la réglementation américaine en matière de gestion de matériaux de défense américains. Conscient qu’il est de notre intérêt de mettre fin au commerce illicite d‘armes légères, les Etats-Unis ont promu et
soutenu des initiatives internationales comme l’Accord de Wassenaar et le Registre des armes classiques des Nations Unies. Nous sommes fiers de notre bilan en matière de contrôle, et nous soutenons les mesures du projet de Programme d’action qui sont en faveur du renforcement des contrôles d’importation et d’exportation, de la retenue en matière de vente d’armes vers des régions en conflit, du respect des embargos de l’ONU, de la mise en place de mesures de régulation des activités de vente et de courtage en armements et de la destruction des stocks accumulés.
Mais nous ne soutiendrons pas certains aspects du projet de programme d’action. Nous ne pouvons soutenir les mesures qui viseraient à restreindre le commerce et la fabrication légaux d’armes légères. Chaque Etat Membre a le droit de fabriquer et exporter des armes en vue d’assurer sa défense nationale. Déclarer que toute fabrication et exportation d’armes est “part du problème” est faux et contre-productif, et nous demandons que soit modifié le langage du paragraphe 4 de la Section II du projet de programme d’action. Le principe de la légitimité du commerce légal, et de la fabrication et de la possession d’armes légères doit être reconnu. Nous ne soutenons pas non plus la promotion d’activités de plaidoyer contre la possession d’armes légères par des organisations internationales ou par des ONG, spécialement quand les vues qui sont énoncées vont à l’encontre des positions des Etats Membres. Nous refusons aussi de soutenir les mesures qui viseraient à interdire la possession d’armes légères par des civils. Ce genre de démarche va bien au - delà du mandat de cette Conférence. Nous sommes d’accord avec le Groupe d’experts gouvernementaux quand il dit que ce domaine relève de la souveraineté des Etats. Aussi demandons - nous la modification du paragraphe 20 de la Section II du projet de document. Les Etats-Unis refusent aussi que le transfert d’armes légères ne puisse avoir lieu qu’entre Gouvernements. Ce genre de proposition mettrait fin à l’aide que l’on peut apporter à une communauté où un groupe opprimé par un gouvernement génocidaire. Nous estimons toute tentative de mettre fin à ce genre d’assistance malvenue. Enfin, les Etats-Unis ne soutiendront pas l’institutionnalisation d’une conférence d’examen des résultats de la présente Conférence. Ce genre de démarche, qu’évoque la Section IV du projet de document final, ne ferait que bureaucratiser ce processus.
M. MIGUEL MARIN BOSCH, Mexique : La dimension mondiale du commerce illicite des petites armes est évidente et étroitement liée au crime organisé, ainsi qu’à l’intensification et à la prolongation de conflits qui font de nombreuses victimes parmi les populations civiles. Il est alarmant de voir que le nombre de pays et d’entreprises qui fabriquent des petites armes a augmenté significativement dans les dernières années; alors qu’en 1994 on comptait environ 300 fabricants dans
52 pays, selon l’étude réalisée par l’Institut des Nations Unies pour la recherche sur le désarmement, l’UNIDIR, on en compte aujourd’hui 600 dans 95 pays. Afin de réduire la circulation des petites armes aux niveaux national, régional et mondial, il importe que les instruments juridiques régionaux, dont la Convention interaméricaine contre la fabrication et le trafic illicites d’armes à feu, soient complétés par des accords d’envergure mondiale. Les Nations Unies constituent l’enceinte idéale pour la négociation de ces accords, car à la fois l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité se sont saisis du problème. Il est nécessaire que cette Conférence définisse un programme d’action qui combatte de manière efficace la fabrication et le commerce illicite d’armes légères, et que les dispositions de ce programme d’action complètent de façon opportune et renforcent le Protocole contre la fabrication et le trafic illicites d’armes à feu se rapportant à la Convention contre la criminalité transnationale organisée.
Le Mexique est d’avis que la participation des organisations non gouvernementales et de la société civile est indispensable et enrichira les travaux de cette Conférence. Il est également en faveur de la mise en place d’instruments juridiques contraignants qui permettraient seulement aux fabricants et aux commerçants dûment autorisés de fabriquer et de vendre des armes.
M. SEIKEN SUGUIRA, Premier Vice-Ministre des affaires étrangères du Japon : A l'aube du 21ème siècle, il est regrettable que l'on assiste toujours à l'émergence de conflits dans diverses régions du monde et nous devons faire en sorte que les antagonismes religieux et ethniques disparaissent. En raison de la prolifération d'armes légères, de tels antagonismes se transforment rapidement en conflits armés et les armes légères sont à l'origine de la mort d'un demi-million de civils chaque année. 80% des victimes de ces armes de "destruction massive" sont des femmes et des enfants et la prolifération des armes légères fait peser une menace sérieuse sur la stabilité mondiale. Cette Conférence est d'une signification importante et nous devons tout mettre en oeuvre pour assurer son succès, notamment en parvenant à un consensus sur le programme d'action qui sera adopté. Le Japon a toujours été actif dans le contrôle des armes et le désarmement et nous n'autorisons pas l'exportation d'armes tout comme nous réglementons strictement l'usage des armes par les civils. Le Japon a pris des mesures concernant les armes légères depuis 1995 et est notamment à l'origine de la résolution de l'Assemblée générale qui a conduit à la tenue de cette Conférence.
Les armes légères font obstacle au développement économique et social et compromettent les programmes d'assistance humanitaire et de reconstruction post-conflit. Il est important de mettre en oeuvre des programmes "armes contre le développement" comme l'a fait le Japon conjointement avec l'Union européenne au Cambodge. Le principe est de collecter les armes et de mettre en oeuvre des projets de développement d'infrastructures en échange. La communauté internationale devrait s'engager dans ce type d'initiatives afin de pouvoir les étendre à d'autres régions et à d'autres pays. Je voudrais réaffirmer la détermination du Japon de contribuer aux efforts de lutte contre le commerce illicite des armes légères et de petit calibre et rappeler que nous avons déjà contribué à hauteur de 1,87 millions de dollars au Fonds des Nations Unies établi au Département des affaires de désarmement à cette fin. Le Japon est disposé à mettre à la disposition des Nations Unies une enveloppe supplémentaire de 900 000 dollars pour lutter contre les armes légères. Enfin, le Japon est disposé à accueillir une première rencontre de suivi de cette Conférence au début de l'an prochain.
M. JAVIER GARRIGUES, Secrétaire général pour les affaires étrangères de l’Espagne : On estime que les petites armes ont été utilisées dans 101 conflits entre 1989 et 1996 et qu’elles ont fait environ 3,2 millions de victimes entre 1990 et 1995. Afin d’éviter plus de décès et de victimes, l’action coordonnée des Etats est requise, dans le cadre de cette Conférence. Pour atteindre ces objectifs, l’Espagne pense que la Conférence devrait aborder le trafic illicite sous tous ces aspects et non pas compartimenter des problèmes qui dans les faits sont intimement liés. Dans cet ordre d’idées, l’Espagne est d’avis que l’établissement de critères régissant les exportations est extrêmement pertinent car cela permettrait de différencier les opérations légales de celles qui ne le sont pas. Le problème du courtage doit également être abordé, et un marquage et un enregistrement fiables des petites armes devraient être obligatoires afin de permettre l’identification de chaque arme.
M. JOSE GREGORI, Ministre de la justice du Brésil : Le Brésil attache une importance capitale à cette Conférence et nous sommes convaincus que nous n'avons pas de temps à perdre face à la menace que constitue le commerce illicite des armes légères et de petit calibre. Au Brésil, le trafic et la prolifération des armes à feu sont étroitement liés á la progression du crime et de la violence dans le pays et le Gouvernement a pris une série de mesures en matière de lutte contre ce phénomène. Le Plan national de sécurité publique adopté en l'an 2000 est un des exemples de réponses apportées aux problèmes de violence au Brésil, tandis que la législation sur le commerce et le port d'armes a été renforcée. Notre Gouvernement a également pris des mesures de destruction d'armes légères et de petit calibre, ces opérations étant menées en collaboration par des organisations gouvernementales et non gouvernementales dans diverses villes du pays.
Il n'y a aucune solution évidente à ce problème et la coopération internationale est très importante. C'est pourquoi le Brésil a pris part à des initiatives au sein du Mercosur notamment pour la mise en oeuvre d'un Registre commun d'acheteurs et de vendeurs d'armes à feu, ainsi qu'au sein de l'Organisation des états américains où notre pays a pris part aux négociations sur la production et le trafic illicites des armes légères. Nous sommes satisfaits de l'issue des négociations de Vienne sur le Protocole contre la fabrication et le trafic illicites d’ armes à feu. Ce Protocole ne peut être isolé d'un contexte plus global d'intervention. A cet effet, le programme d'action qui sera adopté doit être équilibré et consensuel afin de garantir son applicabilité. Nous recommandons notamment la création d'un mécanisme de suivi multilatéral des mesures contenues dans le programme d'action. Nous proposons enfin que le
9 juillet soit retenu comme journée mondiale de la lutte contre le commerce illicite des armes légères et de petit calibre.
M. NASSIR ABDULAZIZ AL-NASSER, Qatar (au nom de la Ligue des Etats arabes) : Les pays arabes ont contribué activement aux travaux préparatoires de cette Conférence et souhaitent réaffirmer qu’il est important que cette Conférence ne traite que du trafic illicite des petites armes et ne dépasse pas son mandat tel que défini par l’Assemblée générale. Deuxièmement, les pays arabes accordent une grande importance au processus de désarmement concernant les armes conventionnelles et les armes nucléaires et réitèrent leur attachement aux priorités fixées dans les autres enceintes de désarmement. En troisième lieu, sachant que de nombreux conflits trouvent leur origine dans les occupations étrangères et dans les situations post-coloniales, les Etats arabes souhaitent que, dans le préambule du programme d’action, référence soit faite aux sources des conflits. Le document final doit également inclure le droit de légitime défense nationale tel que mentionné à l’Article 51 de la Charte ainsi que le droit à l’autodétermination.
M. JULI MINOVES-TRIQUEL, Ministre des affaires étrangères de la Principauté d'Andorre : Les armes légères et de petit calibre ont eu un impact de plus en plus important sur les situations de conflit qui continuent de se développer dans le monde et les chiffres ne peuvent nous laisser indifférents dans la mesure où
500 millions d'armes légères continuent de circuler dans le monde et où elles ont coûté la vie à plus de 4 millions de civils depuis 1990. Il importe donc que le programme d'action qui sera adopté au terme de cette rencontre reflète notre ferme volonté à prendre des mesures à l'échelle nationale, régionale et mondiale.
Ces mesures devront concerner le contrôle et le suivi de la production des armes, le traçage, le marquage ainsi que la coopération internationale en matière de suivi des recommandations et décisions. Nous avons pour notre part déjà financé des initiatives de collecte d'armes en Albanie en 1998 ainsi qu'une exposition organisée conjointement par l'UNICEF et le Département des affaires de désarmement en 1999. Nous pensons enfin que l'éducation à la paix peut être une voie à privilégier dans la lutte contre la prolifération et le commerce illicite des armes légères.
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