En cours au Siège de l'ONU

AG/SHC/555

EN VUE D'ENRAYER LES MIGRATIONS ILLEGALES, CERTAINS ETATS PRENNENT DES MESURES AU DETRIMENT DES REFUGIES ET DEMANDEURS D'ASILE

19/11/2001
Communiqué de presse
AG/SHC/555


Troisième Commission

44e séance – après-midi


EN VUE D'ENRAYER LES MIGRATIONS ILLEGALES, CERTAINS ETATS PRENNENT

DES MESURES AU DETRIMENT DES REFUGIES ET DEMANDEURS D'ASILE


Pour protéger les demandeurs d'asile et les réfugiés, il faudrait que la communauté internationale trouve le moyen de gérer convenablement les migrations, d'enrayer les migrations illégales et d'harmoniser ses législations permettant d'identifier les vrais réfugiés.  C'est ce qu'ont reconnu les délégations, dans le cadre du débat général de la Troisième Commission (Affaires sociales, culturelles et humanitaires) sur les questions relatives aux réfugiés, aux rapatriés et aux personnes déplacées. 


En effet, dans le contexte actuel, il apparaît souvent difficile de distinguer les réfugiés et les demandeurs d'asile des simples migrants économiques.  Ainsi, on observe dans certains pays que les inquiétudes provoquées par le trafic d'êtres humains et l'admission illégale ont poussé à l'adoption de mesures de contrôle plus strictes visant à empêcher l'immigration clandestine.  Pourtant, comme l'a montré le représentant de l'Organisation internationale pour les migrations, en prenant l'exemple de l'Afghanistan, l’afflux des réfugiés s’explique aussi bien par la faim que par la répression et la violence.  C'est pourquoi il est impératif de renforcer la coopération interinstitutions et d’allouer aux organismes, qui s'occupent de ces questions, les ressources nécessaires pour qu'ils puissent assister ces populations sur place et proposer de véritables programmes de retour dans leurs foyers, de réintégration ou de réinstallation dans des pays tiers.  A ce propos, le représentant du Brésil a fait savoir que son pays était disposé, dans la mesure de ses moyens, à accueillir des réfugiés afghans. 


Plusieurs délégations, dont le Canada et la République de Corée, ont estimé qu'il fallait s'attaquer aux causes profondes des migrations en s'attachant, notamment, à la prévention des conflits et à l'éradication de la pauvreté, mais aussi à réduire les demandes de main d’œuvre clandestine dans certains pays de destination.  En effet, comme tous s'accordent à le reconnaître, le problème posé par l'augmentation du trafic d'êtres humains coûte cher aux pays de destination et les incite à durcir leurs procédures d'accueil.  Partant, les consultations mondiales pour la protection internationale ont permis la création d'un Groupe spécial conjoint du Haut Commissariat pour les réfugiés et de l'Organisation internationale pour les migrations chargé de cette question qui aura pour tâche, entre autres, d'aider les États à établir leurs politiques et programmes en matière d'asile et de migration. 


(à suivre – 1a)

Les représentants des pays suivants ont pris part aux débats : République fédérale de Yougoslavie, République de Corée, Brésil, Nouvelle-Zélande, Croatie et Canada.  Un représentant de l'Organisation internationale des migrations a fait une déclaration.


La Commission reprendra son débat général sur ce point, demain matin, mardi 20 novembre à 10 heures.  Elle sera également saisie de plusieurs projets de résolution. 



Suite du débat général


M. ALEKSANDER TASIC (République fédérale de Yougoslavie)a rappelé que depuis dix ans, son pays était confronté au plus grave problème de réfugiés de toute l'Europe.  Aujourd'hui, 391 531 réfugiés et 74 849 personnes touchées par la guerre, ainsi que 250 000 personnes déplacées en provenance du Kosovo et de Metohija se trouvent toujours en République fédérale de Yougoslavie.  En outre, 10 000 réfugiés sont arrivés récemment à la suite des récents développements en ex-République yougoslave de Macédoine.  La plupart de ces réfugiés vivent en République serbe, avec leur famille ou chez des amis.  Seuls 10 % d'entre eux sont logés dans les 400 centres d'accueil du pays.  Pour faire face à ce problème, le Gouvernement a adopté une Stratégie nationale qui prévoit des mesures d'intégration.  À cet égard, le représentant a mis l'accent sur les problèmes spécifiques posés par l'intégration des réfugiés, notamment leur logement, l'emploi et les troubles sociaux, et a indiqué que son pays dont l'économie est en transition ne pouvait y faire face seul.  S'agissant des programmes de rapatriement, en collaboration avec le Haut Commissariat pour les réfugiés (HCR), la Bosnie-Herzégovine et la Croatie, il a expliqué que leurs résultats étaient loin d'être satisfaisants.  Au cours des cinq dernières années, environ seulement 57 000 réfugiés sont rentrés en Croatie.  Parmi les obstacles qui s’opposent à leur retour, il a identifié la peur, l'insécurité, les lois discriminatoires, et la perte des droits de propriétés. 


Le représentant a ensuite attiré l'attention sur la situation des 250 000 personnes déplacées du Kosovo et de Metohija qui ne peuvent pas rentrer chez elles à cause de la violence et de l'intolérance dont souffrent les populations non albanaises.  Il a expliqué que son pays, en collaboration avec l'OSCE et l'Organisation internationale des migrations, avait contribué à l'inscription de 178 000 personnes déplacées sur les listes électorales en prévision des élections du 17 novembre.  Il a rappelé que la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité réaffirme le droit inaliénable des personnes déplacées à rentrer chez elles et l'obligation de prendre des mesures afin d'assurer leur retour en toute sécurité. 


M. LEE YOUN-SOO (République de Corée) a émis l’espoir que les Etats Membres répondront positivement aux invitations du HCR et fourniront un appui approprié permettant de trouver des solutions durables aux difficultés financières du Haut Commissariat.  Il a par ailleurs salué les efforts du HCR visant à améliorer la préparation aux situations d'urgence, et sa capacité de réaction face à ces situations.  En Afghanistan par exemple, le HCR a immédiatement mis au point un plan d'intervention et réagi de façon efficace, en collaboration avec d'autres institutions spécialisées de l'ONU.  La République de Corée, a poursuivi le représentant, a décidé de se joindre aux efforts de la communauté internationale en offrant une contribution de douze millions de dollars, dont six millions répondent à un appel lancé par les institutions spécialisées des Nations Unies.


Le représentant a ensuite indiqué que la question des réfugiés a beaucoup évolué et qu’elle englobe désormais le droit d'asile et les mouvements massifs de migrants.  Si les tendances ont changé, le travail de base doit néanmoins continuer à fournir une protection internationale et des solutions durables.  Le lancement de consultations mondiales sur la protection internationale vient à point nommé.  Le représentant a espéré que des résultats concrets permettront de tenir compte de la nature particulière du problème des réfugiés et que le mandat du HCR pourra être révisé.  La réunion ministérielle des Etats parties à la Convention sur le statut des réfugiés, en décembre prochain,  donnera par ailleurs à la République de Corée l'occasion de contribuer aux consultations qui se déroulent actuellement.


Le représentant a poursuivi en indiquant que la question de la sécurité des travailleurs humanitaires méritait la plus grande attention.  Les accidents tragiques, qui se sont récemment produits dans ce domaine rappellent que les travailleurs humanitaires sont quotidiennement exposés à des risques très graves.  De telles menaces devraient être considérées comme un sérieux défi à la communauté internationale.  Le représentant a appelé tous les pays à prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité de ces humanitaires, en collaboration avec le HCR.


M. FERNANDO COIMBRA (Brésil) a souligné l'aspect multidimensionnel de la question des réfugiés qui ne saurait être résolue par la seule intervention du HCR.  Il a attiré l'attention sur le rôle des organisations non gouvernementales et gouvernementales et des organisations de réfugiés.  Mettant ensuite l'accent sur les nouveaux défis comme le VIH/sida, il s'est félicité de la perspective offerte par les consultations mondiales sur la protection internationale.  S'agissant de la situation des réfugiés afghans, il a rappelé que le Brésil, dans la mesure de ses moyens, avait invité des réfugiés afghans à s'installer dans le pays.  Ce projet de réinstallation de réfugiés est mené en collaboration avec le HCR, a-t-il précisé. 


Le représentant s'est inquiété du fait que la perception du problème des réfugiés, par le public, était durement affectée par le trafic d'êtres humains et les migrations d’ordre économique.  Il a estimé que dans un tel contexte, il importait tout particulièrement de renforcer le statut des réfugiés et d'établir des processus d'identification clairs.  Il a cité l'exemple de la législation de son pays qui prêtait une attention particulière aux personnes fuyant les violations des droits de l'homme.  En outre, il s'est félicité de la contribution active de la société civile brésilienne.  Il a également fait part de mesures visant à faciliter l'accès des réfugiés au marché du travail et aux services sociaux.  En dernier lieu, il a exhorté la communauté des États Membres à appuyer le HCR et à lui donner les ressources nécessaires pour s'acquitter de son mandat dont dépendent des millions de personnes dans le monde.  


MME SARAH PATERSON (Nouvelle-Zélande) a estimé que la question des réfugiés s'imposait d'autant plus depuis les attentats du 11 septembre dernier aux Etats-Unis.  Ces événements ont en effet attiré l'attention de la communauté internationale sur la situation en Afghanistan et le sort des réfugiés afghans regroupés dans des camps de chaque côté de la frontière, et ailleurs.  La représentante a indiqué que la protection physique de ces personnes, la protection de leurs droits, la fourniture de nourriture et d'autres aspects de l'assistance humanitaire devaient constituer une priorité.  Elle ne doit cependant pas faire oublier la situation tragique dans laquelle se trouvent plus de six millions de réfugiés en Afrique, et 13 autres millions de réfugiés dans le reste du monde.  Mais pour résoudre la crise internationale des réfugiés il est fondamental de se pencher sur les raisons qui poussent des millions de personnes à fuir leurs maisons et leurs pays, a indiqué la représentante. 


La communauté internationale n'a pas su trouver de solutions durables aux problèmes qui poussent les gens à fuir.  Cela s'est traduit par une forte demande en matière d'immigration illégale, exploitée par des groupes criminels cherchant à faire des profits grâce au trafic de migrants et d'êtres humains.  Les migrations, a ajouté la représentante, sont depuis longtemps source de tensions à l'intérieur des pays et à l'échelon international.  Les flux mélangés de demandeurs d'asile et de migrants économiques ont favorisé l'adoption de lois plus strictes sur l'immigration.  L'exploitation des systèmes en place par les trafiquants d'êtres humains coûte cher aux pays de destination et met les processus d'identification des réfugiés à rude épreuve.  Cela peut se terminer par des détentions prolongées de demandeurs d'asile ou par des critiques émanant des pays de destination envers l'application de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés. 


La représentante a enfin indiqué que le problème des réfugiés tel qu'il se développait aujourd'hui reflétait trop bien l'inadaptation du système international actuel de protection.  Par exemple, les demandes de réinstallation dépassent largement la capacité des Etats à les absorber.  Le trafic illégal de migrants et d'êtres humains doit cesser.  Une approche collective est devenue nécessaire.  Aucun pays, a dit la représentante, ne peut résoudre seul ces problèmes.


MME DUBRAVKA SIMONOVIC (Croatie) a fait savoir qu'en mars dernier, le Gouvernement croate avait consacré une session extraordinaire aux questions relatives au retour dans une approche globale, envisageant aussi bien les questions juridiques qu'économiques.  À cette occasion, le Gouvernement a réaffirmé son engagement à faciliter les retours et à lever les obstacles juridiques et économiques à un retour durable.  En conséquence, a-t-elle déclaré, la sécurité s'est améliorée dans les zones de retour et les dispositions discriminatoires ont été retirées de la législation.  S'agissant de la restitution des biens, elle a expliqué que son Gouvernement avait pris des mesures dans ce sens et que le processus de reprise de possession des biens devrait être terminé d'ici à la fin de 2002.  Elle a également fait part de programmes de reconstruction destinés à faciliter le retour de réfugiés croates venant de Bosnie-Herzégovine et de République serbe. 


Ainsi, à ce jour, quelque 286 172 réfugiés et personnes déplacées venant principalement de l'intérieur de la Croatie sont rentrées chez elles.  En outre, elle a signalé 22 673 retours en provenance de la région du Danube, en majorité des Serbes.  Par ailleurs, a-t-elle fait savoir, la Croatie a intégré plus de 120 000 réfugiés en provenance de Bosnie-Herzégovine et 30 000 en provenance de République fédérale de Yougoslavie.  Expliquant que cette population est en proie à de sérieux problèmes sociaux, elle a indiqué que le Gouvernement croate avait adopté un programme social en mars 2001 afin de favoriser la recherche de solutions durables à l'emploi et à la création d'activités génératrices de revenus.  Depuis mai 2001, des aides alimentaires sont distribuées aux personnes dans le besoin dans les zones de retour.  Elle s'est félicitée de l'aide reçue par son pays dans ce sens et de la coopération avec le HCR, notamment dans le cadre du Pacte de stabilité en Europe du Sud-Est et du projet régional de retour pour 2001-2003. 


Abordant la situation en Afghanistan, M. GLIBERT LAURIN (Canada) a rappelé que la crise qui secouait l'Afghanistan poussait depuis longtemps les populations à chercher refuge ailleurs.  Le représentant a indiqué qu'il appréciait les efforts consentis par les pays voisins pour aider l'Afghanistan, et qu'il prenait également en compte leurs légitimes préoccupations en matière de sécurité.  Mais, a-t-il ajouté, les civils doivent pouvoir bénéficier d'une protection temporaire jusqu'à ce qu'ils puissent rentrer chez eux en toute sécurité.  Il est en outre de la plus haute importance que le caractère civil et humanitaire des camps et des installations de réfugiés soit préservé, et que les camps soient situés suffisamment loin de la frontière pour offrir des assurances de sécurité. 


Le représentant a ajouté que la situation en Asie centrale ne devait pas éclipser les besoins des réfugiés d'autres parties du monde.  En Afrique, en Europe et dans d'autres parties d'Asie plusieurs situations qui ont produit des flots de réfugiés attendent toujours des solutions.  La communauté internationale doit continuer de s'attaquer aux causes profondes des mouvements de réfugiés.  Il faut, a dit le représentant, appuyer les efforts accomplis pour édifier la paix et prévenir les conflits pour que, quand les réfugiés seront prêts à rentrer chez eux, leur réinstallation puisse être durable.  A cet égard, les efforts du HCR pour combler le fossé entre l'aide aux réfugiés et les programmes de développement méritent d'être soulignés.


M. ROBERT G. PAIVA, Organisation internationale pour les migrations (OIM), a fait part des cinquante années de coopération de son Organisation avec le HCR.  Au départ, cette coopération portait principalement sur la réinstallation dans des pays tiers, elle englobe maintenant une coopération dans le domaine des retours et du renforcement des capacités.  Ainsi, il a apparaît de plus en plus nécessaire de préciser les notions de migration et de demande d'asile, qui ont fait l'objet de la plupart des discussions lors des consultations mondiales sur la protection internationale.  À cet égard, il s'est félicité de la création d'un groupe de travail conjoint du HCR et de l'OIM chargé d'examiner les principales questions politiques, d'envisager les moyens de renforcer la collaboration entre ces deux organisations, et d'aider les États à définir leurs politiques et programmes de migration et d'asile. 


S'il est encore trop tôt pour évaluer pleinement les conséquences des événements du 11 septembre sur la situation des réfugiés, des migrants et des demandeurs d'asile, il est toutefois regrettable que ces populations aient vu la discrimination s'accroître à leur égard, étant désormais perçus comme des ennemis potentiels.  Il importe de combattre vivement ce type d'attitude, a-t-il déclaré.  Reconnaissant la légitimité de la lutte contre le terrorisme, le représentant a rappelé que la plupart des personnes qui se déplacent dans le monde obéissent à des raisons valables et ont besoin d'une aide internationale, particulièrement les réfugiés et les demandeurs d'asile.  C'est pourquoi, a-t-il précisé, il convient de mieux gérer les migrations et de prendre en compte la demande et l'offre de main d’œuvre, ce à quoi s'engage l'OIM. 


Abordant ensuite la question de l'Afghanistan, il a fait savoir que le personnel de l'OIM coordonnait l'aide apportée à quelque 200 000 personnes déplacées abritées dans les camps de Maslakh et de Shaidayee à Herat.  En outre, les convois bimensuels de l'OIM ont permis d'acheminer quelque 50 000 couvertures et des produits divers au cours du dernier mois.  Le personnel de l'OIM a pu livrer des briques et du matériel de construction aux personnes déplacées afin qu'elles puissent construire leurs abris traditionnels à l'approche de l'hiver.  Partant, il a expliqué que la situation en Afghanistan fournissait un exemple de la complexité de la question puisque les flots migratoires sont poussés aussi bien par la faim que par la répression et la peur.  Toutefois, le représentant a reconnu que pour protéger les demandeurs d'asile, il importe que la communauté internationale trouve le moyen d'enrayer les migrations illégales. 


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