En cours au Siège de l'ONU

AG/SHC/547

DE L’AVIS DE DEUX RAPPORTEURS SPECIAUX, LES EVENEMENTS DU 11 SEPTEMBRE ONT EU DE GRAVES CONSÉQUENCES SUR LA LIBERTE DE RELIGION

09/11/2001
Communiqué de presse
AG/SHC/547


Troisième Commission

36e séance – après-midi


DE L’AVIS DE DEUX RAPPORTEURS SPECIAUX, LES EVENEMENTS DU 11 SEPTEMBRE ONT EU DE GRAVES CONSEQUENCES SUR LA LIBERTE DE RELIGION


La Commission est saisie d’un projet de résolution

sur le droit du peuple palestinien à l’autodétermination


Alors que la Troisième Commission poursuivait, cet après-midi, l'examen des questions relatives aux droits de l'homme, deux rapporteurs spéciaux ont fait valoir que les événements tragiques du 11 septembre dernier avaient eu des conséquences désastreuses sur le droit à l'alimentation et sur la liberté de religion ou de conviction qui sont au cœur des droits de l'homme. 


En Afghanistan, une tragédie effroyable se prépare dans les dix prochains jours, s'est alarmé le Rapporteur spécial sur le droit à l'alimentation,

M. Jean Ziegler.  La neige a commencé à tomber et dans 15 jours, les grands axes transversaux seront totalement impraticables.  Avant les bombardements du 7 octobre dernier, 5,2 millions de personnes dépendaient de l'aide du Programme alimentaire mondial (PAM) ou des organisations non gouvernementales, ce chiffre dépasse aujourd'hui 7,2 millions de personnes.  Il faudrait 52 000 tonnes de nourriture par mois pour maintenir en vie la population d'Afghanistan, a déclaré

M. Ziegler avant de préciser que le peu de nourriture qui parvient dans le pays est acheminé par des camions privés, non marqués des sigles de la Croix-Rouge ou des Nations Unies, et qui ne pouvaient pas être identifiés par les pilotes.  Au cours du dialogue qui a suivi, l'accent a été mis sur l'importance de l'eau potable et, à l'instar de M. Ziegler, plusieurs délégations se sont accordées à reconnaître que l'éradication du terrorisme passait par l'éradication de la faim. 


S'inquiétant du fait que les événements tragiques aient laissé des cicatrices qui ne sont pas de nature à favoriser le rapprochement entre les cultures et les peuples, le Rapporteur spécial sur la liberté de religion ou de conviction, M. Abdelfattah Amor a fait savoir que la semaine qui a suivi le 11 septembre, on a relevé plus de violations à la liberté de religion qu'au cours d'une année entière.  Il a mis en garde contre le fait qu'en cédant à l'émotion, on ouvre parfois la porte à la haine et à la discrimination. 


En outre, le Rapporteur spécial sur la liberté de religion et de conviction a estimé que la représentation négative ainsi donnée de l'islam par les Taliban constitue non seulement une dénaturation de la religion, mais aussi une véritable diffamation au sens étymologique du terme.  Lors du dialogue qui a suivi, la représentante de la Jamahiriya arabe libyenne a regretté que la diffamation persistante de l'islam empêche la bonne coopération avec les Musulmans et que l'ignorance de l'islam et de ses valeurs ait ainsi des conséquences négatives sur les relations internationales dans leur ensemble.


(à suivre – 1a)

Mettant l'accent sur l'importance de la prévention de l'intolérance religieuse, M. Amor a apporté des précisions sur la tenue à Madrid (Espagne), du 23 au 25 novembre prochain, de la Conférence consultative et prospective sur l'éducation scolaire en relation avec la liberté de religion ou de conviction qui sera ouverte par le Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme,

Mme Mary Robinson.  Il a expliqué qu'il s'agissait de se donner la possibilité de réfléchir à long terme sur la formation de l'esprit.  Ainsi, la conférence se propose de répondre à la question : dites-moi comment vous formez votre enfant et si vous souhaitez qu'il soit terroriste ou tolérant. 


La Commission a également entendu la présentation du Rapport de Mme Marie-Thérèse Keita-Bocoum sur la situation des droits de l'homme au Burundi, qui a fait part de ses inquiétudes quant au développement de l'autodéfense civile.  Elle a expliqué que les gardiens de la paix, souvent très jeunes, recevaient une formation militaire.  Lors du dialogue qui a suivi, le représentant du Burundi a au contraire félicité le travail des gardiens de la paix en matière de protection des personnes et de leurs biens. 


En début de séance, le représentant de l'Egypte, présentant un projet de résolution relatif au droit du peuple palestinien à l'autodétermination, a mis l'accent sur le consensus croissant qui se dégageait sur cette question. 


Lundi 12 novembre à partir de 10 heures, la Commission, poursuivant l'examen des questions relatives aux droits de l'homme, entendra le Représentant spécial sur la situation des droits de l'homme en Iran, M. Maurice Copithorne, le Représentant spécial du Secrétaire général sur les droits de l'homme au Cambodge, M. Peter Leuprecht, et la Représentante spéciale du Secrétaire général sur les défenseurs des droits de l'homme, Mme Hina Jilani.  



Présentation d'un projet de résolution


Présentant un projet de résolution relatif au Droit du peuple palestinien à l'autodétermination (A/C.3/56/L.33), le représentant de l'Egypte a mis l'accent sur le caractère inaliénable de ce droit qui ne saurait souffrir d'aucun veto.  Il a insisté sur le fait que l'augmentation du nombre de coauteurs atteste bien qu'il existe un consensus de plus en plus large sur la légitimité de ce droit.  


Documentation


Le Rapport sur la situation des droits de l’homme au Burundi (A/56/479) a été établi par Mme Marie-Thérèse A. Keita-Bocoum, Rapporteur spécial de la Commission des droits de l’homme dont le mandat a été reconduit pour une année le 20 avril 2001.  Il couvre la période du 1er février au 31 août 2001 et s’appuie sur la quatrième mission effectuée par le Rapporteur spécial au Burundi du 5 au 14 juillet 2001. 


Le Rapporteur spécial signale que depuis sa dernière visite, la violence armée s'est accrue, même si on note une relative accalmie depuis le mois de juin.  Toutefois, un an après la signature de l'Accord d'Arusha, il est impossible d'affirmer que la guerre a baissé d'intensité au Burundi.  De janvier à juillet 2001, le processus de paix n'a pas connu d'évolution significative et les nombreuses réunions bilatérales et multilatérales qui se sont tenues n'ont pas été suivies de grands changements.  Au plan économique et social, le Burundi est placé parmi les trois pays les plus pauvres de la planète--une situation qui s'explique par la guerre, l'insécurité et l'instabilité politique.  La situation des droits de l'homme au Burundi est influencée par une détérioration constante des conditions économiques et sociales.  La paupérisation s'est accentuée ces derniers mois en dépit des efforts du Gouvernement pour lutter contre la corruption, la fraude et les malversations financières. 


Les principales violations des droits de l'homme concernent le droit à la vie, à l'intégrité physique, à la liberté et à la sécurité des personnes, observe le Rapporteur spécial.  De plus, les droits de se déplacer librement et de choisir sa résidence continuent d'être violés, notamment dans les provinces du sud et du sud-est dont une partie de la population cherche toujours refuge en République-Unie de Tanzanie.  La liberté d'opinion et d'expression demeure une utopie pour certaines personnes ou catégories de personnes, tandis que, dans la grande majorité des centres secondaires de détention, la surpopulation, les mauvais traitements et les arrestations et détentions illégales deviennent une pratique courante, quand ces détentions ne se font pas dans des endroits non appropriés tels que des camps militaires ou autres.  Dans un tel contexte, remarque

Mme Keita-Bocoum, le respect des droits de la femme et des catégories les plus vulnérables dont les enfants est considéré comme annexe.  Il en va de même du respect des droits économiques, sociaux et culturels, en particulier le droit à la santé, au logement, à une alimentation saine et à l'éducation.  Le Rapporteur spécial examine les violations du droit à la vie attribuée aux agents de l'État, aux groupes rebelles, ou à des auteurs inconnus; les atteintes aux droits à la liberté et à la sécurité des personnes; les atteintes à l'intégrité physique des personnes telles que la torture, les mauvais traitements et les viols. 


S'agissant de la situation des personnes déplacées à l'intérieur du pays, le Rapporteur spécial estime leur nombre à plus de 500 000, dont 370 000 (la moitié d'entre elles sont des enfants) réparties en 210 sites et 200 000 qui ne sont pas retournées chez elles après le démantèlement des camps de regroupement pour des raisons de sécurité et d'accès aux soins de santé.  La plupart se trouvent dans les provinces du sud et du sud-est dont l'accès difficile suscite des inquiétudes quant à leur condition de vie.  Par ailleurs, on dénombre 406 294 réfugiés burundais assistés par le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, dont la majorité se trouve en République-Unie de Tanzanie, en République démocratique du Congo, au Rwanda et en Zambie.  En avril 2001, 8 418 d'entre eux sont rentrés spontanément chez eux.  Par ailleurs, le Burundi compte 28 277 réfugiés originaires des pays voisins dont la plupart de la République démocratique du Congo. 


Dans ses observations, le Rapporteur spécial fait valoir que pour inverser la tendance, il faudrait agir sur les quatre facteurs de violations que sont la guerre, la dégradation de l'économie, la baisse de la production, l'insuffisance de l'éducation, les pesanteurs sociales et l'influence de la tradition sur les comportements.  Quant aux mesures prises par le Gouvernement pour que l'armée ne recrute pas de jeunes de moins de 18 ans, le Rapporteur spécial insiste sur le fait que cette mesure doit être appliquée en réalité et s'étendre aux gardiens de la paix, car armés, sans formation suffisante et aux prises avec la précarité, ces jeunes pourraient constituer un véritable danger pour les civils et une hypothèque sur la paix.  Par ailleurs, Mme Keita Bocoum remarque, entre autres, que les femmes prennent de plus en plus conscience de la place qu'elles devraient tenir dans la société, en particulier en milieu urbain comme en témoigne leur participation en tant qu'observateur permanent aux négociations d'Arusha et les propositions soumises par leur délégation. 


En conclusion, le Rapporteur spécial réitère les recommandations déjà faites dans ses rapports présentés à la Commission des droits de l'homme et à l'Assemblée générale et les renforce de nouvelles recommandations adressées aux parties en conflit, aux autorités burundaises et à la communauté internationale.  Pour répondre aux questions qui se posent sur l'immunité provisoire et l’impunité et permettre d’avancer sur la question de la réconciliation nationale, elle recommande de procéder urgemment à la mise en route des commissions prévues dans l’Accord d’Arusha. 


Par ailleurs, le Rapporteur spécial apporte son appui au projet d’une conférence des pays de la région des Grands Lacs qui permettrait d’envisager des solutions concertées aux problèmes qui les affectent.  Elle estime qu’il est important de soutenir par tous les moyens la médiation du Président Mandela, y compris par l’appui d’une commission technique.  En vue de lutter contre la pauvreté et d’aider le pays à respecter ses engagements en faveur des droits de l’homme, Mme Keita-Bocoum recommande aux donateurs de mettre en place les fonds alloués lors de la Conférence de paris en décembre 2000. 


Dans son Rapport sur l’élimination de toutes les formes d’intolérance religieuse (A/56/253), M. Abdefattah Amor, Rapporteur spécial sur la liberté de religion ou de conviction profite du vingtième anniversaire de l’adoption de la Déclaration sur l’élimination de toutes les formes d’intolérance religieuse pour dresser un bilan du mandat depuis sa création.  Rappelant l’importance des visites in situ, représentant une des activités principales du mandat, il fait part de ses visites dans 13 pays et de six demandes adressées à l’Indonésie, Maurice, Israël, Fédération de Russie, République démocratique populaire de Corée et au Nigéria, qui sont restées sans effet. 


Il dresse également le bilan de ses communications et des réponses des États depuis la création du mandat (1988-2001): soit un total de 49 communications (dont deux appels urgents à l’Afghanistan) transmises à 24 États; Afghanistan, Chine, Cuba, Égypte, Émirats arabes unis, Géorgie, Inde, Indonésie, Iran, Kenya, Liban, Malaisie, Myanmar, Népal, Nigéria, Pakistan, République de Corée, Sainte-Lucie, Soudan, Sri Lanka, Turkménistan, Turquie, Ukraine et Vietnam.  Le Rapporteur spécial dresse également le bilan de la prévention dans le domaine de la liberté de religion ou de conviction et de la coopération avec la Commission des droits de l’homme, les mécanismes des Nations Unies concernant les droits de l’homme, les institutions spécialisées de l’ONU et les organisations non gouvernementales. 


Au titre de ses conclusions, le Rapporteur spécial indique qu’on observe une montée de l’extrémisme qui affecte successivement toutes les religions qu’il s’agisse de l’Islam, du Christianisme, du Judaïsme ou de l’Hindouisme.  Cet extrémisme qui est souvent le fait d’entités non étatiques repose sur la complicité active ou passive d’entités étatiques nationales ou étrangères.  Il remarque également la persistance de discriminations et d’intolérances imputées à la religion ou aux traditions affectant la femme et résultant soit de politiques étatiques, soit d’entités non étatiques surtout extrémistes, soit de manière plus diffuse et discrète des pesanteurs de la société dans son ensemble et du patriarchisme d’État.  Néanmoins, il fait savoir que le dialogue interreligieux a fortement progressé dans le domaine de la gestion et la prévention des conflits, ainsi que pour la réconciliation. 


Outre les actions engagées dans le double volet gestion-prévention qui lui a été reconnu à l’occasion de son renouvellement lors de la dernière session de la Commission des droits de l’homme, le Rapporteur spécial propose à la communauté internationale des mesures concrètes sur des questions spécifiques et prioritaires.  Il recommande que la communauté internationale réagisse fermement à la montée de l’extrémisme et le combatte par l’élaboration et l’adoption d’un minimum de règles et de principes communs de conduite et de comportements à l’égard de l’extrémisme religieux.  Concernant la condition de la femme, il recommande l’élaboration et l’adoption par l’ensemble des mécanismes pertinents des Nations Unies d’un plan d’action contre la discrimination et l’intolérance à l’égard de la femme, prétendument prescrites par la religion ou les traditions, ainsi que la mise en oeuvre des recommandations de son étude, en cours d’édition, sur la condition des femmes au regard de la religion et des traditions. 


En dernier lieu, le Rapporteur spécial estime que davantage de moyens financiers son requis de sorte qu’il puisse disposer d’un minimum de ressources humaines afin d’accomplir plus rapidement et efficacement les activités de gestion et de prévention du mandat.  Il estime en outre que ses rapports généraux devraient couvrir systématiquement tous les États et toutes les religions ou convictions afin d’éviter toute sélectivité eu égard aux États. 


La Commission était saisie du Rapport préliminaire établi par M. Jean Ziegler, Rapporteur spécial de la Commission des droits de l’homme sur le droit à l’alimentation (A/56/210) dans lequel le Rapporteur spécial engage l’Assemblée générale à réaffirmer la nécessité urgente d’éliminer la faim et la malnutrition qui sévissent actuellement dans le monde : alors que la planète n’a jamais été aussi riche, note-t-il, 826 millions d’êtres humains sont encore chroniquement et gravement sous-alimentés.  C’est le cas de 24% de la population de l’Asie et de 34% de la population de l’Afrique sub-saharienne. 


A la différence de la famine caractérisée, la malnutrition et la malnutrition chroniques passent quasiment inaperçues.  Mais pour le Rapporteur, ce génocide silencieux perpétré par la faim – toutes les sept secondes, un enfant succombe directement ou indirectement aux effets de la faim-- est un crime contre l’humanité.  A l’instar de tous les droits de l’homme, le droit à l’alimentation repose sur la responsabilité qu’ont les Etats de protéger leurs citoyens.  Ce droit recouvre l’idée qui veut que chacun bénéficie de conditions d’existence décentes, qu’il ait de quoi se nourrir en temps de paix comme en temps de guerre.  Il recommande que soient prises toutes les mesures concrètes pour qu’une législation nationale définisse d’une manière générale l’obligation qu’ont les Etats de respecter, protéger et réaliser le droit à l’alimentation.  Par ailleurs, le droit international doit être complété par un droit international humanitaire qui protège le droit alimentaire dans les conflits armés. 


Soulignant que la question de l’eau potable est un élément indispensable du droit à l’alimentation, M. Ziegler rappelle que selon un rapport de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), plus du cinquième de la population mondiale n’a pas accès à une eau saine à un prix raisonnable.  Ainsi, indique-t-il, en zone urbaine les défavorisés paient leur eau plus cher que les plus nantis et y consacrent une plus grande part de leurs revenus.  Il convient donc que les gouvernements considèrent l’eau comme un bien public et qu’ils garantissent d’y avoir un accès équitable et adéquat. 


Le Rapporteur considère par ailleurs que les règles du commerce international ont des conséquences désastreuses pour la sécurité alimentaire.  Il appelle, dans le cadre de nouvelles négociations de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), à prendre en considération les propositions formulées par les pays en voie de développement sur l’exemption des produits dits de «catégorie de sécurité alimentaire», à examiner la nécessité de protéger le droit à l’alimentation lors de l’examen de programmes d’ajustement structurel.  Il recommande que l’accent soit mis sur les programmes concernant les petites exploitations agricoles familiales.  Même dans une situation précaire, un Etat peut, immédiatement et à moindre coût, prendre des mesures visant à garantir la sécurité alimentaire locale telles qu’assurer la distribution de repas scolaires, promouvoir l’allaitement maternel, octroyer des petits jardins ou parcelles de terre.


En conclusion, le Rapporteur recommande que les Etats adoptent un code international de conduite sur le droit à l’alimentation, consistant en principes directeurs dont l’application serait facultative.  Il propose d’inscrire l’élaboration de ces principes à l’ordre du jour de la réunion de suivi du Sommet mondial de l’alimentation prévue en novembre.  Il recommande enfin que les organisations internationales – FAO, PAM, FIDA – ainsi que les organismes bilatéraux et multilatéraux de coopération pour le développement adoptent une méthode de travail visant à mettre en oeuvre le droit à l’alimentation. 


Déclaration liminaire


MME MARIE-THERESE KEITA-BOCOUM, Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme au Burundi, a d'abord indiqué qu'un an après la signature de l'Accord d'Arusha, la guerre continuait de sévir dans le pays.  L'autodéfense et l'armement des civils se sont aussi considérablement développés.  Cette instabilité est renforcée par les tentatives de coup d'Etat du 18 avril et du 23 juillet 2001 et l'arrestation de dirigeants politiques.


Abordant la question du processus de paix, le Rapporteur spécial a indiqué que parmi toutes les réunions et rencontres destinées à faire progresser l'application des mesures prises, la question de savoir à qui serait confiée la direction de la transition et du cessez-le-feu, n’avaient pas été résolue.  Elle a rappelé les propositions du médiateur Nelson Mandela, selon lesquelles la première partie de la transition de trois ans serait confiée à l'actuel Président

M. Buyoya, pour le groupe G-10 (pro-Tutsi), et la Vice-Présidence à M. Ndayizeye, pour le groupe G-7 (pro-Hutu).  Dans la deuxième partie de la transition,

M. Ndayizeye deviendrait Président avec un Vice-Président issu du groupe pro-Tutsi.  


Le Rapporteur spécial a ajouté que la guerre, l'instabilité politique et l'insécurité constituaient de sérieux obstacles au développement, accentuant la paupérisation en dépit de tous les efforts déployés contre la corruption, la fraude et les malversations financières.  La conséquence, a indiqué le Rapporteur spécial, est le gel des moyens financiers consentis par les donateurs à la Conférence de Paris de décembre 2000. 


Les principales violations des droits de l'homme concernent les droits à la vie, à l'intégrité physique, à la liberté et à la sécurité des personnes, ainsi que le droit de se déplacer librement et de choisir sa résidence.  Le Rapporteur a aussi évoqué des cas de torture de la part des agents de l'Etat et des groupes armés.  Les personnes déplacées à l'intérieur du pays sont estimées à plus de 500,000.  On dénombre plus de 400 000 réfugiés burundais assistés par le HCR.  Enfin, au Burundi des enfants se retrouvent impliqués dans les conflits.  L'insécurité, le manque de moyens et la corruption entravent les réformes amorcées dans le domaine de la justice.  Une Commission gouvernementale des droits de la personne humaine a été installée en avril 2000, mais sa composition et le manque de moyens jettent une hypothèque sur son efficacité.


Le Rapporteur spécial a ensuite énuméré un certain nombre de recommandations, exhortant notamment les parties en conflit à respecter les dispositions du droit international humanitaire, et à éviter de détruire les infrastructures civiles.  Elle a demandé aux belligérants d'éviter d'encourager l'armement des civils, et surtout des jeunes.   S'adressant aux autorités burundaises, elle a recommandé la mise en route rapide des commissions prévues par l'Accord d'Arusha et en particulier l'institution de l'ombudsman.  Elle a enfin recommandé, pour prévenir l'extension des conflits, l'application coordonnée des Accords d'Arusha et de Lusaka, et soutient le projet d'une conférence des pays de la région des Grands-Lacs.


Dialogue avec les délégations


Répondant à la présentation, le représentant du Burundi a pris acte des recommandations formulées par le Rapporteur spécial.  Il a toutefois regretté que les séjours du Rapporteur spécial aient été trop courts, ce qui ne permet pas de présenter des informations plus étoffées.  Evoquant les allégations de violations des droits de l'homme  communiquées dans le rapport, il a expliqué que cette situation est due en grande partie à la perméabilité de la frontière entre le Burundi et les pays voisins.  A cause des incursions de rebelles en provenance de Tanzanie et de la République démocratique du Congo, le Burundi déplore de nombreuses victimes civiles.  Le représentant a exhorté la communauté internationale pour qu'elle exerce des pressions sur les responsables de la rébellion pour qu’ils acceptent de négocier.


En ce qui concerne les combats entre les militaires et les groupes rebelles, notamment dans la province de Bujumbura, le représentant a indiqué que cette province et d'autres étaient intégralement sous le contrôle de l'armée.  Abordant ensuite la question des gardiens de la paix, le représentant a souligné que, dans la plupart des régions où ces groupes ont été constitués,  ces groupes ont accompli un travail remarquable en matière de protection des personnes et de leurs biens.   Ils ont par exemple réussi dans certaines zones à faire régresser le nombre d'attaques rebelles.  Ces gardiens de la paix ne sont pas des milices, ils sont au service de la collectivité sans distinction aucune des personnes ou des biens à protéger. 


Le représentant a par ailleurs indiqué que des réformes dans l'armée pourront intervenir aussitôt que le cessez-le-feu sera entré en vigueur.  Revenant sur les cas de torture mentionnés par le Rapporteur spécial, le représentant  a indiqué qu'il s'agissait d'un phénomène qui devait être combattu par les voies de la dénonciation et de la répression.  Mais pour venir à bout de la torture et des mauvais traitements, la société civile, les collectivités et les victimes doivent s'impliquer.  S'agissant de la Commission gouvernementale s’occupant des droits de la personne humaine, le représentant a reconnu que le contexte de guerre et sa courte expérience ne pouvaient lui permettre de répondre à tous les cas soumis de violations des droits de l'homme.  Mais en dépit de ses nombreuses interventions utiles, elle reste limitée dans son action par l'insuffisance, voire l'inexistence de ses ressources.  Le représentant a lancé un plaidoyer en sa faveur pour qu'elle soit dotée de moyens suffisants.  


Le représentant de la Belgique, s'exprimant au nom de l'Union européenne, a voulu savoir s'il y avait la possibilité de parvenir à un moratoire sur les exécutions et les peines capitales.  Il a demandé des précisions sur le fonctionnement des commissions d'Arusha et sur la Commission judiciaire.  Il a également posé la question de savoir comment intégrer les femmes aux processus. 


La représentante de la République-Unie de Tanzanie a fait savoir que son Gouvernement résisterait à toute tentative d'être associé à la situation des droits de l'homme au Burundi.  Elle a indiqué que son pays accueillait près d'un demi-million de réfugiés burundais.  Elle a demandé au Rapporteur spécial d'étayer les informations selon lesquelles des rebelles tanzaniens traverseraient la frontière pour commettre des actes criminels au Burundi.  Elle a contesté la véracité de ces informations et a demandé des précisions à ce sujet. 


Répondant à ces observations, Mme Keita-Bocoum a fait savoir que les informations qu’elle possédait lui avaient été fournies par le Gouvernement burundais, le Haut Commissariat aux droits de l'homme et le Haut Commissariat pour les réfugiés.  Elle a fait savoir qu'elle avait l'intention de se rendre prochainement dans les camps de réfugiés en Tanzanie pour vérifier la situation sur le terrain. 


Elle a ensuite donné des précisions sur le fonctionnement de la Commission judiciaire qui a permis de résorber le nombre de condamnations à mort.  Elle a regretté que la peine de mort subsiste dans la législation burundaise, même si elle n'est plus appliquée.  Concernant la situation des femmes, elle a indiqué qu'une structure venait d'être mise en place pour rassembler toutes les femmes.  Elle a fait savoir que les femmes avaient manifesté leur volonté de participer plus activement au processus de paix et a expliqué que l'UNIFEM avait organisé des séminaires de formation des femmes dans le domaine de l’information pour les droits de l’homme. 


S'agissant du développement de l'autodéfense civile, elle a fait part de ses inquiétudes à ce sujet.  Elle a expliqué que les gardiens de la paix souvent très jeunes recevaient une formation militaire.


Déclaration liminaire


M. ABDELFATTAH AMOR, Rapporteur spécial sur la liberté de religion ou de conviction, a fait savoir qu'il n'avait toujours pas pu se rendre dans les territoires palestiniens occupés par Israël, malgré ses demandes.  Au sujet de l'Afghanistan, il a regretté que les Taliban n'aient pas répondu à ses demandes d'explications sur le fait que les non-musulmans seraient obligés de porter un signe distinctif sur leurs vêtements, ce qui rappelle une période bien noire de l'histoire de l'humanité.  Il a en outre estimé que la représentation négative ainsi donnée de l'Islam par les Taliban constitue une dénaturation de cette religion et une véritable diffamation au sens étymologique du terme.  Il a par ailleurs relevé des progrès dans de nombreux États dans lesquels la mention de la religion sur la carte d'identité était jusqu’alors obligatoire.


Dressant un bilan qui est à la fois source d'inquiétude et d'espoir, il a repris les termes de son rapport avant de mettre l'accent sur ses activités dans le domaine du dialogue interreligieux qu'il a privilégié lors de ses visites et en encourageant la création du Comité international pour le dialogue interreligieux de l'UNESCO.  Dans le cadre de l'élaboration d'une stratégie de prévention dans le domaine de l'éducation scolaire, il a insisté sur l'organisation de la conférence consultative sur l'éducation scolaire en relation avec la liberté de religion ou de conviction qui doit se tenir à Madrid (Espagne) du 23 au 25 novembre prochain.  Il s'est félicité de la large participation prévue de la part des États, des institutions spécialisées des Nations Unies et des ONG.  Il a également remercié le Gouvernement de l'Espagne qui appuie cette conférence.  Les événements tragiques du 11 septembre dernier sont un véritable avertissement sur la nécessité d’œuvrer sur le long terme en s'attaquant aux racines de l'intolérance et de la discrimination en adoptant une véritable stratégie de prévention.  Il a estimé que la conférence de Madrid apportera une pierre importante à cet édifice indispensable au respect et à la promotion des droits de l'homme, y compris le droit à la paix. 


Rappelant que la liberté de religion et de conviction se situe dans le contexte plus large du respect des droits de l'homme, de la démocratie, de la justice, de la solidarité et du développement, M. Amor a souligné l'importance de la coopération de tous les mécanismes de l'ONU.  Il a ensuite donné des précisions sur le suivi des résolutions de la Commission des droits de l'homme portant sur la diffamation qui constitue l'un des sujets de préoccupation depuis la création du mandat.  Souscrivant à la nécessité de prévenir une telle violation, telle qu'en attestent par exemple les incidents ayant affecté les communautés musulmanes et arabes après les événements du 11 septembre, il a réitéré qu'il fallait veiller à ce que la lutte contre la diffamation ne soit pas détournée à des fins contraires aux droits de l'homme, de censure de la liberté d'opinion et de l'esprit critique. 


Concernant la condition de la femme, le Rapporteur spécial a fait savoir qu'il avait entrepris une étude sur la liberté de religion ou de conviction et la condition des femmes au regard de la religion et des traditions.  Il a recommandé que l'on élabore, dans le cadre des Nations Unies, un plan d'action contre les discriminations affectant les femmes imputées aux religions et aux traditions.  En dernier lieu, M. Amor a souligné le rôle essentiel des organisations non gouvernementales qui ont apporté un concours précieux au mandat, tant au niveau de ses activités de gestion que de prévention.  Le vingtième anniversaire de la Déclaration de 1981 sur la liberté de religion offre l'occasion de s'engager pour que le monde de demain soit plus vivable, a-t-il conclu. 


Dialogue avec les délégations


Prenant la parole après cette présentation, le représentant de la Tunisie a tracé un parallèle entre le dialogue entre les civilisations examiné par l'Assemblée et le dialogue interreligieux.  Il a ensuite demandé au Rapporteur spécial de quelle manière les recommandations adoptées par la conférence de Madrid pourront être intégrées par les États et les aider à établir des programmes favorisant la tolérance à l'égard des religions. 


Le représentant de la Belgique, s'exprimant au nom de l'Union européenne, a voulu savoir quelles étaient les tendances actuelles des violations du droit à la liberté de religion.  Il a demandé des précisions sur les discriminations que subissaient les minorités religieuses.  Il a ensuite fait part de l'appui de l'Union européenne à la conférence de Madrid.  À ce propos, le représentant de l'Espagne s'est félicité de l'action du Rapporteur spécial pour faire de cette conférence une réussite et de la présence annoncée de Mme Mary Robinson à l'ouverture de la Conférence.  Après avoir apporté des précisions sur le processus préparatoire, il a invité tous les États Membres à participer à cette conférence et à faire en sorte que le document final permette de favoriser le respect de la liberté de religion dans l'éducation.  La représentante de la Jamahiriya arabe libyenne a, elle aussi, souligné l'importance de cette conférence puisque les programmes scolaires sont souvent responsables des préjugés inculqués.  Pour sa part, le représentant du Sénégal a souhaité obtenir des précisions sur le document qui serait adopté. 


La représentante de la Jamahiriya arabe libyenne a également posé des questions sur l'étude entreprise par le Rapporteur spécial sur la situation de la femme en ce qui concerne la liberté de religion.  Elle a prévenu le Rapporteur spécial du fait qu'il pénétrait en terrain difficile et serait exposé à de nombreuses critiques.  Par ailleurs, elle a abordé la question de l'islamophobie et a déploré que le monde soit ignorant de la culture islamique.  Elle a regretté que la diffamation persistante de l'Islam empêche la bonne coopération avec les Musulmans.  Ainsi, l'ignorance de l'Islam et de ses valeurs a des conséquences négatives sur les relations internationales dans leur ensemble.  La représentante s'est inquiétée du fait que l'Islam semble avoir été affublé du rôle que jouait le communisme au temps de la guerre froide et soit présenté comme l'ennemi. 


Le représentant du Sénégal a voulu savoir si le changement de dénomination du mandat du Rapporteur avait eu un impact positif sur la réalisation de son mandat.  Il a demandé au Rapporteur spécial de s'expliquer sur la manière dont il choisissait les pays qu'il visitait.  Par ailleurs, il a demandé des détails sur les règles et les principes communs de conduite et de comportements à l'égard de l'extrémisme religieux que M. Amor mentionne dans son rapport.  


Le représentant du Viet Nam a posé des questions relatives à l'utilisation abusive de la religion pour accroître l'intolérance. 


Répondant à ces questions, M. Amor a tout d'abord espéré que le dialogue entre les civilisations ne sera pas une mode ni une passade mais permettra réellement de faire progresser la compréhension mutuelle.  Prenant l'exemple du dialogue interreligieux, M. Amor a soulevé les questions fondamentales qui se posent alors: dialoguer comment?  Avec qui?  Pourquoi?  En effet chaque religion, chaque société croit détenir la vérité, c'est pourquoi il importe que l'Assemblée générale donne une véritable impulsion à ce thème. 


À propos de la conférence de Madrid, il a expliqué qu'il s'agissait d'une conférence consultative et prospective qui devait ouvrir la possibilité de réfléchir à long terme sur la formation de l'esprit.  Ainsi, la conférence se propose de réaliser une plate-forme consensuelle qui permette de parler de la prévention et de répondre à la question : dites-moi comment vous formez votre enfant et si vous souhaitez qu'il soit terroriste ou tolérant.  Il importe donc de dégager des principes et des valeurs qui puissent être communs à l'ensemble des sociétés.  Il a précisé que l'on attendait quelque 800 participants dont une centaine de représentants des gouvernements.


S'abstenant de dresser une échelle de valeurs des discriminations, M. Amor a toutefois observé que l'extrémisme était une insulte à la nature même de Dieu et qu'il n'était malheureusement le privilège d'aucune religion.  S'agissant de la condition de la femme, le Rapporteur spécial a regretté que l'ensemble des religions et des textes fondamentaux pêchent dans leur appréhension de la condition de la femme.  En outre, il a ajouté que les textes fondamentaux souffraient d'une lecture misogyne.  Il a espéré que la Troisième Commission accordera l'attention suffisante à l'étude qu'il a entreprise à ce sujet.  Il ne s'agit pas de montrer du doigt mais de dresser un état de la situation le plus juste possible.  M. Amor est ensuite revenu sur les amalgames entre les minorités religieuses anciennes et les groupuscules qui se réclament de la religion pour masquer des activités proches du charlatanisme. 


M. Amor a ensuite déclaré que les événements du 11 septembre constituaient un crime odieux qui devait être jugé selon les normes du droit international.  Il a particulièrement déploré que ces événements aient en outre laissé des cicatrices qui ne sont pas de nature à favoriser le rapprochement entre les cultures et les peuples.  Il a mis en garde contre le fait que la voix de l'émotion ouvre quelquefois la porte à la haine et à la discrimination.  Il a regretté que des paroles malheureuses aient été prononcées de part et d’autre et a fait savoir que, durant la semaine qui a suivi le 11 septembre, on a relevé plus de violations à la liberté de religion qu'au cours d'une année entière.  Il a indiqué qu'il s'employait à dresser le bilan de ce qui s'est passé dans chaque pays et que ces résultats étaient inquiétants.  De nouveau, il a estimé que les Taliban faisaient du tort à l'Islam et contribuaient à la montée de l'islamophobie. 


Le changement d'appellation du Rapporteur a pour mission de mettre l'accent sur la prévention et la formation.  Il est destiné à mettre en lumière l'éducation.  S'agissant des critères retenus pour visiter les pays, il a fait savoir qu'il répondait parfois à des demandes de l'Assemblée générale ou à des invitations de pays et qu'il lui arrivait aussi d'enquêter à la suite d'informations.  Il a mis l'accent sur le fait qu'il s'attachait à être juste et n'était limité que par les ressources qui lui étaient allouées. 


Déclaration liminaire


M. JEAN ZIEGLER, Rapporteur spécial sur le droit à l'alimentation, a indiqué que les attaques du 11 septembre dernier avaient démontré que l'extrême pauvreté, les privations, l'exclusion, et très souvent la faim étaient un terreau propice à toutes sortes d'extrémismes.  Il faut, a-t-il dit, créer une manière urgente une coalition contre la misère et la faim dans le monde.  Toutes les cinq secondes sur cette planète, un enfant âgé de moins de 10 ans meurt de faim ou de maladie liée à la faim.  L'année dernière, 815 millions de personnes étaient gravement sous-alimentées, ce qui veut dire que 815 millions de personnes n'avaient pas de vie humaine.  Ce sont des hommes, des femmes et des enfants rendus invalides en permanence par le manque de nourriture.  Ce qui est grave, a-t-il ajouté, c'est la reproduction de ce fléau.  Tous les ans des dizaines de millions de femmes donnent naissance à des enfants chétifs et retardés.  Un enfant, même s'il dispose plus tard de la nourriture suffisante, ne récupère plus jamais une physiologie humaine suffisante: les cellules cérébrales ne se récupèrent pas.  Tout cela se produit sur une planète qui regorge de richesses.  L'agriculture mondiale pourrait en effet nourrir sans problèmes 12 milliards d'êtres humains.  Il n'y a aucune fatalité dans le phénomène de destruction par la faim.  M.Ziegler a ainsi indiqué que la communauté internationale devrait créer les conditions pour que le droit à l'alimentation soit justiciable.  Il a exhorté tous les gouvernements à adopter des législations nationales pour protéger ce droit.  A l'époque de la mondialisation capitaliste, avec un commerce mondial en augmentation de 12,5%, il n’est pas acceptable que la misère augmente.  


En Afghanistan, a poursuivi M. Ziegler, une tragédie effroyable se prépare dans les dix prochains jours.  La neige a commencé à tomber et cela signifie que dans 15 jours, les grands axes transversaux seront totalement impraticables.  Avant les bombardements du 7 octobre dernier, 5,2 millions de personnes étaient nourries par des ONG ou par des organismes comme le Programme alimentaire mondial (PAM).  On juge aujourd'hui que ce chiffre dépasse 7,2 millions  de personnes, qui n'ont plus rien et qui sont  livrées à elles-mêmes.  L'assistance a, pour sa plus grande part, cessé.  Il faudrait 52 000 tonnes de nourriture par mois pour maintenir en vie la population d'Afghanistan, sur la base des chiffres publiés avant le 7 octobre.  Les bombardements doivent cesser, a insisté le Rapporteur spécial, quelle que soit leur justification militaire.  Ces bombardements doivent cesser immédiatement afin que la nourriture, qui est prête, puisse être distribuée aux mourants, aux agonisants et à ceux qui vont l'être demain.  M.Ziegler a indiqué qu'il y avait un peu de nourriture qui entrait, mais les camions qui la transportent ne sont pas marqués par les sigles de la Croix-Rouge ou par les symboles des Nations Unies.  Ce sont des camions privés.  Aucun pilote de bombardier, aucun F16 ne peut les distinguer d'un convoi de Taliban, a-t-il ajouté.  Il n'y a donc aucune autre possibilité que d'arrêter les bombardements, de façon totale, afin que 7 millions d'Afghans puissent être sauvés d'une mort certaine.  Le Rapporteur spécial a indiqué qu'il existait deux zones particulièrement fragiles, et que l'on pouvait imaginer un arrêt des bombardements sur ces deux régions.  En tant que Rapporteur spécial, a indiqué M. Ziegler, je demande l'arrêt total et immédiat  des bombardements pour empêcher une tragédie prévisible.  Les Taliban inspirent de l'horreur, a -t-il poursuivi, leur régime est totalement détestable, mais les premières victimes des Taliban sont les femmes, les enfants et les hommes d'Afghanistan.  Il ne faut pas ajouter à leur martyre la mort par la faim. 


Cette semaine, aurait du se tenir à Rome la Conférence de la FAO sur l'alimentation.  En 1996, lors du premier Sommet, sur la question des projections précises avaient été faites.  La principale projection avait consisté à prévoir une réduction de moitié d'ici 2015 du nombre des affamés dans le monde.  Depuis 5 ans cependant, il n'y a pas de réduction et les chiffres absolus, au contraire, ont augmenté.  Le mal a avancé.  L'économie normative, qui combat le consensus de Washington, a créé à l'intérieur de ONU une sorte de schizophrénie.  L'UNICEF, la FAO, le PAM ont engagé de courageuses et lucides luttes contre la faim par des programmes éducatifs ou des programmes de nourriture scolaire.  On peut citer des succès au niveau local, contrecarrés par l’action d'autres organisations du système, dont les institutions de Bretton Woods.  Là où sont mis en place des programmes d'ajustement structurels du FMI, en général la malnutrition des couches les plus pauvres augmente.  Or le FMI fait partie des Nations Unies, tout comme l'UNICEF.  Cette schizophrénie passe à travers tout le système des Nations Unies.  Les Etats Membres sont les seuls à pouvoir recréer une unité et une logique interne d'une stratégie cohérente du développement.  Le temps presse, a indiqué M. Ziegler, il s'agit de savoir si l'on veut être digne du mot homme et le vaincre le terrorisme.  Il faut  alors mettre sur pied une coalition mondiale contre la faim. 


Dialogue avec les délégations


Prenant la parole à la suite de cette présentation, la représentante du Soudan a félicité M. Ziegler pour avoir lié la question de l'eau potable au droit à l'alimentation et la faim à la pauvreté.  Elle a demandé quels étaient les efforts déployés pour sensibiliser les populations au droit à l'alimentation qui ne semble pas avoir pris l'importance qu'il méritait aux yeux des opinions publiques.  Il faudrait pourtant parvenir à considérer le droit à l'alimentation sur un pied d'égalité avec les autres droits économiques, sociaux et culturels.


Le représentant de la République de Corée a attiré l'attention sur le paragraphe 60 qui fait référence à la Corée et indique que 30 à 40 % de la population n'ont pas accès à l'eau potable.  Il a contesté cette information et a fait savoir qu'à Séoul près de 100 % de la population avait accès à l'eau potable.  Il a regretté que cette statistique n'ait pas été mise à jour. 


Le représentant des États-Unis a demandé d'où M. Ziegler tenait ses chiffres relatifs à la famine en République populaire démocratique de Corée et s'ils correspondaient à ceux du Programme alimentaire mondial.  Il a également demandé un complément d'information sur la famine en Afrique subsaharienne.  Il a également rejeté les conclusions du Rapporteur spécial concernant l'Iraq. 


Pour sa part, le représentant de la Belgique, faisant écho à la représentante du Soudan, a posé des questions concernant la mondialisation et son impact sur le droit à l'alimentation.  Il a voulu savoir comment le droit à l’alimentation pourrait être pris en considération dans le travail de l'Organisation mondiale du commerce (OMC).  Il a également voulu savoir comment les droits de l'homme pouvaient être inclus dans les travaux de l'OMC.  Pour sa part la représentante du Bénin a voulu savoir quel type d'activités de sensibilisation, M. Ziegler comptait engager dans ce contexte, notamment envers les institutions des Nations Unies.


La représentante de la Jamahiriya arabe libyenne est revenue sur la nécessité de créer une coalition pour combattre la faim dans le monde et son corollaire le terrorisme.  Elle a ensuite attiré l'attention sur le fait que dans certains pays d'Afrique le prix du litre d'eau dépasse celui d'un litre de pétrole et s'est accordée à reconnaître l'importance du combat pour l'eau potable.  Prenant l'exemple de son pays, où suite à des sécheresses successives de nombreux puits artisanaux ont été creusés provoquant la salinisation des nappes phréatiques par infiltration, elle a expliqué qu'un projet avait été élaboré pour récupérer les eaux sur le lac souterrain d'eau douce découvert récemment et a invité le Rapporteur spécial à se rendre en Libye pour examiner ce projet. 


Le représentant de Cuba s'est opposé à l'observation mentionnée au paragraphe 57 selon laquelle le blocus imposé son pays aurait des répercussions sur le droit à l'alimentation dans le pays.  S'agissant de la question des bombardements de l'Afghanistan, il a partagé l'inquiétude du Rapporteur spécial pour la population afghane et a lui aussi, estimé que s'attaquer à la faim était le meilleur moyen de s'attaquer au terrorisme. 


Répondant aux délégations, M.Ziegler a d'abord mentionné de réels progrès au Soudan.  Abordant ensuite la question de la mondialisation, il a indiqué que deux écoles s'affrontaient, avec le néolibéralisme d'un côté et une toute nouvelle société civile de l'autre.  Ce sont, a-t-il dit, les racines du débat fondamental contemporain.  S'adressant à la  République de Corée, M. Ziegler s'est accordé à dire que sur la question de l'eau potable, les statistiques de l'OCDE étaient les plus à jour.  S'adressant ensuite aux Etats-Unis, le Rapporteur spécial a indiqué dit que le blocus des USA contre Cuba était une violation évidente du droit à alimentation.  Les conséquences de ce blocus ne sont cependant pas totalement catastrophiques, car la révolution cubaine a crée un système social exemplaire.  L'Iraq, a poursuivi M.Ziegler, vit le même problème.  Le blocus contre l'Iraq est également une violation flagrante du droit à l'alimentation.  500 000 enfants auraient été victimes de ce blocus.  Un rapport de la Sous-commission des droits de l'homme arrive à la même conclusion: les sanctions contre l'Iraq sont une violation flagrante des droits de l'homme. 


Le Rapporteur spécial a ensuite indiqué qu'il revenait du Niger, situé dans une des régions du monde les plus endettées.  A cause de la dette extérieure, le Président et le Premier Ministre sont livrés aux injonctions de la privatisation et du démantèlement de l'Etat préconisé par le FMI et la Banque mondiale. 


Abordant ensuite le cas de la République populaire démocratique de Corée,

M. Ziegler a mentionné une effroyable famine.  Il a rappelé que le PAM restait encore sur place mais que l'ensemble des ONG étaient parties.  Le Rapporteur spécial a invoqué à cet égard le détournement de la nourriture réservée à la population.  Il a indiqué que la tâche du Rapporteur était d'écouter et de faire mention de la voix de la société civile et des grandes organisations qui expriment leur inquiétude sur le détournement de l'aide.  Mais il a aussi indiqué que depuis le mois de février 2000, la situation s´était améliorée.  Répondant à la Belgique, M. Ziegler a rappelé que demain à Genève allait se tenir une grande manifestation

internationale de la société civile pour protester contre la Conférence de l’Organisation mondiale du commerce qui vient de s’ouvrir à Doha, au Qatar. 

M. Ziegler a salué la position pionnière de la Norvège, en matière de sécurité alimentaire.  M. Ziegler a enfin indiqué à la Jamahirya arabe libyenne que le problème de l'eau potable était très sérieux et devait prendre dans son mandat une grande importance. 


Le représentant de la République démocratique de Corée a recommandé au Rapporteur spécial de recourir également à des chiffres officiels et à des données statistiques élaborées par l'ONU.  Il a enfin salué le travail du PAM et indiqué que des pays, dont le Japon, ainsi que des ONG européennes avaient parfois surveillé eux-mêmes la distribution de nourriture. Le rapport, a conclu le représentant, manque d'objectivité.


Le représentant de la République Islamique d'Iran a notamment demandé des éclaircissement sur les sources du rapport et sur le groupe «Action contre la Faim».


Le représentant de la République arabe syrienne a indiqué qu'il aurait fallu que le rapporteur diversifie ses sources


M. ZIEGLER a expliqué que son mandat consistait aussi à recueillir et connaître des opinions et des informations et à les porter à la connaissance des Etats.  Il a rappelé que l’organisation «Action contre la Faim» était une grande organisation  européenne, jouant un rôle essentiel en France et en Europe. Son respect pour le PAM est immense, a-t-il dit aussi.  S'adressant à la République démocratique de Corée, il a réaffirmé que depuis février 2000 la situation avait changé et s'était améliorée.


*   ***   *

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.