LE RAPPORTEUR SPECIAL SUR LES DROITS DE L’HOMME EN AFGHNISTAN SUGGERE UN REDEPLOIEMENT DU PERSONNEL HUMANITAIRE DE L’ONU SUR LE TERRAIN
Communiqué de presse AG/SHC/544 |
Troisième Commission
33e séance – matin
LE RAPPORTEUR SPECIAL SUR LES DROITS DE L’HOMME EN AFGHNISTAN SUGGERE UN REDEPLOIEMENT DU PERSONNEL HUMANITAIRE DE L’ONU SUR LE TERRAIN
La Commission a également entendu les présentations de M. Rodley sur la torture et de M. Dugard sur la situation dans les territoires occupés
"Peu de gens ont autant souffert que les Afghans depuis plus de vingt ans", a déclaré, ce matin, M. Kamal Hossain, Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme en Afghanistan à la Troisième Commission (Affaires sociales, humanitaires et culturelles) qui poursuivait son examen des questions relatives aux droits de l'homme. Alors que leurs souffrances paraissaient sombrer dans l'oubli au début de 2001, les efforts visant à identifier les auteurs des événements tragiques du 11 septembre ont de nouveau dirigé les projecteurs vers l'Afghanistan. Avant le 11 septembre, les Afghans, soumis à un régime autoritaire, étaient victimes de détentions arbitraires, de traitements cruels, d'exécutions sommaires et de massacres. Les femmes faisaient l'objet d'une discrimination systématique qui leur interdisait l'accès à l'emploi, à l'éducation et aux soins de santé. Les minorités souffraient de discrimination et d'actes de violence. Depuis le début des opérations militaires, le 7 octobre dernier, l'intensité des bombardements a conduit à une évacuation massive et causé de nombreuses pertes civiles, notamment chez les femmes et les enfants.
Alarmé par une crise humanitaire qui dégénère en catastrophe, M. Kamal Hossain a estimé que la situation de ces six millions de personnes mises en danger par la famine, l'absence de logement et de vêtements chauds appellent des mesures extraordinaires. Faisant valoir que la chute du régime en place est imminente, il a mis en garde contre toute vacance du pouvoir. Lors du dialogue qui s'est engagé avec les délégations, il s'est fait porteur de l'espoir de la population afghane pour qui la crise actuelle a également ouvert une possibilité de participer activement à l'instauration d'un changement fondamental. À cet égard, il a déclaré que les femmes afghanes, ayant bénéficié d'une bonne éducation par le passé et reçu une formation dans les camps de réfugiés, seront capables d'assumer un rôle actif dans la reconstruction. Abordant la question du rôle de l'ONU en Afghanistan, M. Hossein a estimé que le personnel international devait être redéployé immédiatement afin de protéger le peuple afghan, veiller au respect de ses droits et lui apporter l'aide humanitaire d'urgence indispensable à sa survie. Une telle action de l'ONU faciliterait sans doute la transition et inviterait le peuple à travailler en commun à la reconstruction nationale.
(à suivre – 1a)
Pour sa part, Sir Nigel Rodley, Rapporteur spécial chargé d'examiner les questions se rapportant à la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains et dégradants a expliqué que la lutte contre le crime de terrorisme ne doit en aucun cas autoriser le recours à la torture. Cela reviendrait à répondre à un crime contre l'humanité par une violation du droit international humanitaire, ce qui indiquerait aux terroristes que la communauté internationale n'est pas liée par les valeurs qu'elle professe, a-t-il mis en garde. Au cours du dialogue qui a suivi sa présentation, le Rapporteur spécial, qui a annoncé sa démission pour le 12 novembre prochain, a notamment mis l'accent sur les mauvais traitements infligés aux minorités sexuelles et aux défenseurs de leurs droits.
Lors de sa présentation, M. John Dugard, Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967 a mis l'accent sur l'occupation militaire par Israël qu'il a identifié comme la source principale de la violence. Reconnaissant que les deux parties ont commis des violations des droits de l'homme et que la situation se trouve dans une impasse, il a appelé au déploiement d'une présence internationale dans les territoires palestiniens occupés. Au cours du dialogue qui s'est engagé avec les délégations, le Rapporteur spécial a mis l'accent sur les conséquences des colonies de peuplement et des routes de contournement qui privent les Palestiniens de leurs terres agricoles et affectent leur accès à la santé et à l'éducation. Il a également estimé que la convocation par le Gouvernement suisse des hautes parties contractantes à la Conférence de Genève pourrait permettre de réaffirmer les principes auxquels Israël est soumis et rappeler que l'occupation militaire est par nature une mesure temporaire.
En début de séance, M. Bacre Ndiaye, Directeur du Bureau de New York du Haut Commissariat aux droits de l'homme, a présenté plusieurs rapports à la Commission.
La Commission engagera, cet après-midi, cet après-midi à partir de 15 heures, un dialogue avec M. Gerhart Baum, Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme au Soudan. Le Rapport du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme en République démocratique du Congo sera présenté par M. Bacre Ndiaye. La présentation de Mme Marie-Thérèse Keita-Bocoum, Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme au Burundi a été reportée à vendredi 9 novembre au matin.
Documentation
Dans l’Additif à son Rapport intérimaire sur la situation des droits de l'homme en Afghanistan (A/56/409/Add.1), M. Kamal Hossainreprend l’examen de la situation à la suite des événements du 11 septembre 2001. Cet additif au rapport initial, présenté à la fin d'août 2001, s'explique par la nécessité de décrire les répercussions de ces événements sur l’évolution rapide de la situation du pays. Le Rapporteur spécial a été envoyé en toute hâte au Pakistan et en République islamique d'Iran, entre le 22 et le 30 octobre 2001. Il s'est entretenu avec des représentants officiels, des organismes de l'ONU, des ONG et des réfugiés afghans, en particulier ceux qui étaient arrivés récemment dans les deux pays.
Le rapport rappelle que les opérations militaires ont débuté le 7 octobre dernier. Ces opérations militaires se poursuivent. Officiellement, elles visaient les responsables d'actes terroristes et ceux qui les protégeaient, mais l'intensité des bombardements aériens visant les zones urbaines a conduit à une évacuation massive de ces zones et entraîné des pertes en vies civiles, notamment parmi les femmes et les enfants, ainsi que la perte des moyens d'existence de la population. Le rapport précise qu'à Kaboul, des entrepôts du Comité International de la Croix Rouge ont été frappés à plusieurs reprises. Cette information et d'autres soulèvent des questions qui appellent une enquête appropriée, afin d'établir si les principes du droit humanitaire international ont été respectés.
Les organismes humanitaires estimaient que le nombre de personnes vulnérables allait passer de 5,5 à 6 millions, que les déplacements à l'intérieur du pays augmenteraient sensiblement, et que 1,5 million de réfugiés supplémentaires pourraient chercher à gagner les pays voisins. Le retrait du personnel international des Nations Unies et de celui des organisations humanitaires avait enrayé le dispositif de l'aide humanitaire. Dans une déclaration commune publiée le 25 septembre 2001, les chefs de six institutions spécialisées de l'ONU avaient lancé un appel à la communauté internationale afin d'aider à empêcher une nouvelle tragédie en appuyant les efforts de secours humanitaires. Une équipe spéciale pour les opérations d'urgence, a été mise en place à Islamabad pour coordonner les efforts des organismes humanitaires. Elle a élaboré des plans d'urgence afin d'assurer la survie de la population. Elle a également estimé qu'une importante aide humanitaire supplémentaire serait nécessaire à cette fin.
Dans le rapport initial, les recommandations formulées revenaient pour l'essentiel à dire que tout règlement politique durable consisterait à rendre un pays unifié à la population afghane tout entière. Il était instamment demandé de chercher à y parvenir par la voie d'une large concertation, qui permettrait à toutes les composantes de la population afghane, en Afghanistan et en dehors de l'Afghanistan, d'exercer librement leur droit de choisir le gouvernement véritablement représentatif, multiethnique et reposant sur une large assise, dont elles voudraient se doter. Il va de soi, précise le rapport, qu'un tel gouvernement devrait respecter les obligations qui lui incombent en vertu de la Charte des Nations Unies et des instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme auxquels l'Afghanistan est partie. Un appui international massif à un plan de reconstruction nationale pourrait inciter les différentes composantes de la population afghane à coopérer avec la communauté internationale. Il permettrait aux millions de réfugiés et de déplacés de rentrer chez eux et de reconstruire leur vie dans un pays unifié que des garanties internationales protégeraient de toute ingérence étrangère.
Dans l'additif au rapport initial, le Rapporteur spécial développe en outre une série de recommandations. Dans certaines zones critiques, indique-t-il, la nouvelle situation a aggravé la crise humanitaire mais, en même temps, a ouvert à la population afghane une possibilité de participer activement à l'instauration d'un changement fondamental. Nombreux sont ceux qui espèrent que les Nations Unies pourront jouer un rôle décisif, ajoute-t-il, en facilitant le passage de la guerre à la paix et en aidant la population afghane à participer activement à une large concertation par voie de laquelle un plan politique d'ensemble pourra être élaboré et exécuté. Il est par ailleurs impératif, poursuit-il, que l'élément essentiel du plan politique soit la population afghane et que soient réalisés ses droits de l'homme qui lui ont longtemps été déniés. La chute du régime semblant par ailleurs imminente, il y a lieu de prendre de toute urgence des mesures essentielles pour ne pas laisser s'installer une vacance du pouvoir. Il n'y a pas un instant à perdre, indique le Rapporteur spécial, pour commencer à prendre des mesures intérimaires.. Dans le cadre de ces mesures d'urgence, dictées par les impératifs de la protection des droits de l'homme, l'ONU devrait notamment procéder à de très larges consultations et prendre de nombreux contacts avec le peuple afghan à tous les niveaux pour présenter les objectifs fondamentaux que la communauté internationale s'est engagée à atteindre, à savoir rendre à la totalité de son peuple un pays unifié; la coalition internationale devra examiner la conduite de ses opérations militaires de manière à se conformer rigoureusement au droit international humanitaire et démontrer que ces opérations ne sont pas dirigées contre le peuple afghan; l'ONU pourrait agir de manière plus efficace pour faciliter la transition si le peuple afghan voyait en elle le protecteur de ses droits fondamentaux. Pour cela il serait bon qu'elle joue plus visiblement un rôle dans cette protection comme dans la fourniture d'aide humanitaire. Le personnel international des nations Unies devrait être redéployé immédiatement à l'intérieur de l'Afghanistan, à titre volontaire toutefois, afin que le peuple afghan puisse voir qu'il se tient à ses côtés à l'heure du danger et intercède en sa faveur pour protéger ses droits et lui apporter l'aide humanitaire d'urgence.
Dans son Rapport sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (A/56/156), le rapporteur spécial, Sir Nigel Rodley, se déclare particulièrement préoccupé par l’intimidation comme forme de torture, la disparition forcée ou involontaire, la discrimination à l’égard des minorités sexuelles, l’impunité, la prévention et la transparence. Dans ses recommandations, rappelant que la torture doit être condamnée publiquement au plus haut niveau, il estime que les autorités publiques devraient faire inspecter à l’improviste les postes de police, les centres de détention provisoire et les prisons notoires pour les mauvais traitements qui y sont infligés. Les interrogatoires devraient se dérouler uniquement dans des centres officiels et les législations devraient supprimer les lieux de détention secrets. Le fait pour un fonctionnaire quelconque de retenir une personne dans un lieu de détention secret et/ou illégal devrait être un délit passible de sanctions. En outre, le Rapporteur spécial rappelle que l'inspection régulière des lieux de détention, en particulier lorsqu'elle fait partie d'un système de visites périodiques, est une des mesures préventives les plus efficaces contre la torture. Ainsi les organisations non gouvernementales indépendantes et le Comité international de la Croix-Rouge devraient être autorisés à se rendre dans tous les lieux de détention, notamment les commissariats, les centres de détention provisoire, les locaux de la Sûreté, les centres de détention administratifs et les prisons.
Dans la mesure où c'est pendant la détention au secret que la torture est le plus souvent pratiquée, ce type de détention devrait être interdit et les personnes détenues au secret devraient être immédiatement libérées. La loi devrait reconnaître les droits des détenus de voir un avocat dans les 24 heures suivant leur arrestation, et dans tous les cas, un parent du détenu devrait être informé de l'arrestation et du lieu de détention dans un délai de 18 heures. Au moment de son arrestation, puis à intervalles réguliers, le détenu devrait subir un examen médical, qui devrait être obligatoire en cas de transfert dans un autre lieu de détention. Au début de chaque interrogatoire, l'identité des personnes présentes devrait être révélée et les preuves obtenues lors d'interrogatoires non enregistrés devraient être déclarées irrecevables. Reconnaissant que l'internement administratif place souvent les détenus hors d'atteinte du contrôle judiciaire, le Rapporteur spécial recommande que les personnes faisant l'objet d'un internement administratif aient droit à une protection équivalente à celle dont bénéficient les personnes en détention criminelle. De surcroît, tous les détenus devraient avoir la possibilité de contester la légalité de leur détention ainsi que la manière dont ils sont traités en recourant à la procédure d'habeas corpus ou d'amparo. Les États devraient en outre prendre des mesures efficaces pour empêcher les violences entre prisonniers, qui devraient être séparés selon leur sexe, leur âge, la gravité du délit commis, et le fait qu'ils soient, ou non, récidivistes.
Le Rapporteur spécial recommande aussi les lois exemptant de responsabilité pénale les tortionnaires, telles que les lois d'amnistie, les lois de garantie, etc., soient abrogées. En outre, on ne devrait pas faire appel aux tribunaux militaires pour juger les personnes accusées de torture. Une entité nationale indépendante, telle qu'une commission nationale ou un médiateur, dotée du pouvoir d'enquêter et/ou d'engager des poursuites, devrait être chargée de recevoir les plaintes et de les examiner.
La Commission est également saisie du Rapport du Comité contre la torture (A/56/44) qui couvre les 25e et 26e sessions du Comité qui se sont tenues, du 13 au 24 novembre 2000 et du 30 avril au 28 mai 2001, respectivement. Sur la question de l’élaboration d’un projet de Protocole facultatif se rapportant à la Convention, le Comité s’est déclaré fermement favorable à la création d’un mécanisme international qui pourrait se rendre dans les lieux de détention et s’appliquerait de la même manière à tous les États. Dans son Rapport sur le Fonds de contributions volontaires des Nations Unies pour les victimes de la torture (A/56/181), le Secrétaire général présente les recommandations adoptées par le Conseil d’administration du Fonds qui ont été approuvées par le Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Mme Mary Robinson. Le tableau 1 rend compte des contributions reçues à temps pour affectation à la vingtième session, le tableau 2 établit une comparaison entre le montant des demandes reçues et celui des subventions allouées (1993-2001) et le tableau 3 dresse la liste des annonces de contributions en attente de paiement au 30 juin 2001. La liste des organisations financées par le Fonds en 2001 figure en Annexe I du rapport.
Le Rapport sur la question de la violation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967, y compris la Palestine (A/56/440) précise que le Rapporteur spécial, M. John Dugard (Afrique du Sud), nommé en juillet 2001, a entrepris une mission dans les territoires occupés et en Israël en août 2001. Le Rapporteur spécial fait savoir qu’il n’a pas pu rencontrer les autorités israéliennes qui ont clairement dit qu’elles ne coopéreraient pas car elles avaient certaines objections vis-à-vis de son mandat.
Aux termes de son mandat, le Rapporteur spécial est chargé, entre autres, d’enquêter sur les violations par Israël, dans les territoires palestiniens qu’il occupe depuis 1967, des principes et des fondements du droit international humanitaire et de la Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre (1949). Il est également habilité à recevoir des communications et à entendre des témoins.
Israël a émis des objections quant au mandat du Rapporteur spécial faisant valoir qu’il désignait nommément Israël comme étant un pays violant les droits de l’homme, alors même que depuis l’entrée en vigueur des Accords d’Oslo et des Accords subséquents, l’Autorité palestinienne administre plus de 90% des Palestiniens et contrôle intégralement ce qu’il est convenu d’appeler la zone A, qui englobe la plupart des villes et des localités palestiniennes. Ces objections seraient fondées si le Rapporteur spécial avait reçu pour mandat d’enquêter et de faire rapport sur les violations des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés sans que mention soit faite de l’occupation militaire dont ces territoires font l’objet. Or la résolution 1993/2 précise clairement que le Rapporteur spécial a pour mission d’enquêter sur les violations du droit international humanitaire commises par la puissance occupante, c’est-à-dire Israël, jusqu’à la fin de l’occupation des territoires palestiniens par Israël.
Le présent rapport met l’accent sur le fait que l’occupation militaire est la cause profonde du conflit actuel dans les territoires palestiniens occupés et en Israël, ainsi que des violations du droit international humanitaire dans la région. Faisant le bilan de la violence et des pertes en vies humaines, le Rapporteur spécial précise que, depuis le début de la deuxième Intifada en septembre 2000, plus de 350 Palestiniens ont été tués et plus de 15 000 blessés. Les Israéliens ont perdu quant à eux plus de 150 des leurs.
Le Rapporteur spécial rappelle que les Forces de défense israéliennes sont toujours tenues de respecter le principe de distinction, en vertu duquel des personnes civiles ne peuvent pas être prises pour cibles “sauf si elles participent directement aux hostilités et pendant la durée de cette participation” et qu’en outre, elles sont soumises au principe de la proportionnalité qui veut que les blessures infligées aux non combattants ou les dommages causés à des biens civils ne soient pas disproportionnés par rapport aux avantages militaires qui pourraient découler d’une opération. Par ailleurs, reconnaissant toutefois que la présence des colons est illégale, le Rapporteur spécial explique que rien ne saurait justifier que l’on tire des coups de feu contre les colons qui n’en restent pas moins des civils.
Au vu de l’échec des diverses tentatives pour mettre fin à la violence, le Rapporteur spécial estime que le temps est venu de prévoir une présence internationale dans la région qui serait chargée de surveiller et de réduire l’usage de la violence. Il rappelle que cette conclusion est également celle qui a été retenue par le G.8 des Ministres des affaires étrangères lors de leur réunion à Rome les 18 et 19 juillet 2001.
Le Rapporteur examine la question des quelque 190 colonies habitées par près de 380 000 colons et le problème posé par le vaste système de routes de contournement qui séparent les communautés palestiniennes et enlèvent aux Palestiniens des terres agricoles. En ce qui concerne les restrictions à la liberté de la circulation provenant des bouclages et des postes de contrôle, le Rapporteur spécial attire l’attention sur leurs conséquences économiques catastrophiques et leurs conséquences néfastes sur le plan de l’éducation et de la santé. Estimant que les contrôles routiers visent plutôt à humilier les Palestiniens et à faire pression sur eux pour qu’ils cessent toute résistance à l’occupation, le Rapporteur spécial observe qu’il s’agit donc d’une punition collective du type de celle qui est interdite par l’article 33 de la Convention de Genève.
En conclusion, le Rapporteur spécial insiste sur la nécessité d’une présence internationale de quelque nature que ce soit (observateurs ou soldats de la paix) pour garantir le cessez-le-feu. Il estime qu’il incombe à la communauté internationale de faire en sorte qu’Israël et l’Autorité palestinienne donnent leur accord pour une telle présence. Dans la mesure où les colonies sont un signe visible et de plus en plus marqué de l’occupation et de la conduite illégale d’Israël en tant que puissance occupante, le Rapporteur spécial recommande que des dispositions soient prises pour commencer leur démantèlement. Il suggère que tant que le Gouvernement israélien ne prendra pas d’initiative montrant qu’il est disposé à envisager de mettre fin à l’occupation, il n’est guère probable que les Palestiniens croiront à sa bonne foi. Il en appelle au Gouvernement d’Israël pour qu’il prenne des initiatives comme, par exemple, le retrait de toutes les colonies de la bande de Gaza, afin de restaurer la confiance dans le processus de paix.
M. BACRE NDIAYE, Directeur du Bureau de New York du Haut Commissariat aux droits de l'homme, a présenté le Rapport du Secrétaire général sur les institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l'homme (A/56/255)qui passe en revue les activités de conseil et d'assistance technique menées par le Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme en vue de créer des institutions nationales ou de renforcer celles qui existent déjà et sur les mesures prises par les gouvernements et les institutions nationales à cet égard. Il couvre la période allant du 9 septembre 1999 au 1er juillet 2001 et complète les rapports présentés à la Commission des droits de l'homme au cours de cette période. Dans ses conclusions, le Secrétaire général note que la tenue de réunions régionales et internationales des institutions nationales afin de promouvoir l'échange d'information et d'expérience sur la création et le bon fonctionnement de ces institutions s'est avérée être un mécanisme efficace pour les renforcer. Toutefois, il précise que les gouvernements et les partenaires du Haut Commissariat aux droits de l'homme doivent néanmoins veiller à ce que les normes établies par l'ONU concernant les institutions nationales soient respectées.
Il a également présenté le Rapport du Secrétaire général sur la mondialisation et son incidence sur le plein exercice des droits de l'homme (A/56/254 et A/56/254/Add.1) qui indique qu'au 23 juillet 2001, les gouvernements de l'Australie, du Burkina Faso, de Cuba, de la Finlande et de la Thaïlande avaient répondu à une note verbale du Haut Commissariat aux droits de l'homme priant les Etats Membres de faire connaître leurs vues sur la mondialisation et son incidence sur le plein exercice des droits de l'homme. Leurs réponses sont reproduites dans leur intégralité dans le rapport. Après présentation du rapport, deux autres réponses ont été reçues, du Costa Rica et de l'Arabie saoudite. Elles sont rassemblées dans l'additif au rapport.
En outre, M. Ndiaye a présenté le rapport portant sur la promotion de la Déclaration des droits des personnes appartenant à des minorités nationales ou ethniques, religieuses ou linguistiques (A/56/258) et le rapport sur les droits de l'homme et les Handicapés (A/56/263).
Déclaration liminaire
M. KAMAL HOSSAIN, Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme en Afghanistan, a d'abord indiqué que les événements tragiques du 11 septembre dernier ont bouleversé la situation en Afghanistan. Cependant, avant même cette date, le pays connaissait une crise qui allait en s'aggravant. En fait, a indiqué le Rapporteur spécial, peu de gens ont autant souffert que les Afghans depuis plus de 20 ans. Au début de 2001, ils semblaient sombrer dans l'oubli et l'abandon. Mais à la suite de l'horreur et du choc causés par les événements du 11 septembre, le terrorisme est devenu une question de la plus haute priorité au niveau national. Dans le cadre des efforts visant à identifier ses auteurs et ses causes les projecteurs de l’actualité ont été braqués sur l'Afghanistan, en raison des liens présumés qui auraient été découverts avec certains éléments se trouvant dans ce pays. Une coalition a été mise sur pied dans le but déclaré de lutter contre le terrorisme, et l'inquiétude s'est amplifiée devant l'extrême vulnérabilité des Afghans face aux conséquences néfastes de l'action militaire. Le Rapporteur spécial a rappelé que les violations graves des droits de l'homme et les mesures discriminatoires contre les minorités avaient, depuis la fin de l'année 2000, provoqué de plus en plus de déplacements de populations à l'intérieur du pays et de nouveaux exodes massifs de réfugiés.
Depuis le 11 septembre, a repris M. Hossain, la situation du pays et de son peuple a complètement changé. Bien que le Président des Etats-Unis ait déclaré, le 7 octobre, que la guerre contre le terrorisme mondial n'était pas dirigée contre le peuple afghan, les bombardements aériens ont provoqué une évacuation massive des zones urbaines et entraîné des pertes en vies humaines parmi les civils. Les vies déjà mises en danger par la famine, le manque de vêtements chauds pour l'hiver ou l'absence de logements appellent des mesures extraordinaires. Une équipe spéciale pour les opérations d'urgence a été mise en place à Islamabad. Le Rapporteur spécial a indiqué que l'aide humanitaire avait augmenté ces dernières semaines.
M. Hossain a indiqué que les recommandations déjà formulées dans ses rapports reviennent à dire que tout règlement politique durable consiste à rétablir l'unité de l'Afghanistan et rendre le pays à sa population tout entière. Il faut chercher à y parvenir par la voie d'une large concertation permettant à toutes les composantes de la population afghane d'exercer librement le droit de choisir un gouvernement représentatif, multiethnique et reposant sur une large assise. Le Rapporteur spécial a indiqué qu'il était impératif que l'élément essentiel du plan politique soit la population afghane, et que soient réalisés ses droits de l'homme, qui lui ont été longtemps déniés. Un enseignement essentiel tiré du passé est que la communauté internationale se doit de mettre en place des dispositifs transitoires efficaces, qui donneraient tout leur poids aux impératifs en matière de droits de l'homme. L'ONU devrait procéder à de très larges consultations et prendre contact avec le peuple afghan à tous les niveaux pour présenter les objectifs que la communauté internationale s'est engagée à atteindre.
Dialogue avec les délégations
Le représentant de la Fédération de Russie, a reconnu qu'il est indispensable d'examiner la responsabilité des autorités et demandé d’une part, dans quelle mesure la lutte contre les Taliban était indissociable du rétablissement de la stabilité et, d’autre part, ce qui serait fait dans le cadre de la réconciliation et de la vérité.
Le représentant du Liechtenstein a voulu savoir dans quelle mesure l'Assemblée générale pourra discuter d'une résolution qui englobe à la fois des aspects humanitaires et politiques. En outre, il a demandé des précisions sur la collaboration entre M. Hossain et M. Brahimi, Représentant personnel du Secrétaire général.
Répondant à ces questions, M. Hossain a fait savoir qu'il importe de rétablir la primauté du droit. Ainsi, l'examen des crimes commis par les responsables de violations des droits de l'homme doit impérativement être inscrit à l'ordre du jour du programme de reconstruction. Dans les situations post-conflit, il faut examiner les questions relatives à la justice et mettre en place un processus de réconciliation nationale, a-t-il souligné.
S'agissant de la contribution de l'Assemblée générale, M. Hossain a expliqué que les Nations Unies ont un rôle à jouer pour créer en Afghanistan les conditions qui permettront aux nombreux réfugiés de rentrer chez eux. Ce point est particulièrement important pour l'Iran et le Pakistan qui abritent de nombreux réfugiés afghans depuis longtemps. Ainsi, l'Assemblée générale pourra participer à l'élaboration d'un plan et contribuer à stimuler une réponse forte de la part de l'ensemble des États Membres.
S'agissant de ses liens avec M. Brahimi, Représentant personnel du Secrétaire général, M. Hossain a expliqué qu'au début de leur mandat respectif ils collaboraient très efficacement. Il a fait part du découragement qu'avait ressenti M. Brahimi au début des années 1990 et s'est félicité de la reprise récente d'une franche collaboration. Le Rapporteur spécial s'est félicité de pouvoir transmettre à M. Brahimi l'espoir de la population afghane ainsi que des informations précises sur sa situation.
Le représentant de la Belgique a demandé ce qui serait fait pour renforcer la capacité des femmes en Afghanistan et dans le processus de reconstruction.
La représentante de la Jamahiriya arabe libyenne a demandé au Rapporteur spécial si sa méthodologie allait changer à l'avenir, et plus particulièrement s'il allait étudier les violations du droit international humanitaire en Afghanistan. En outre, elle a voulu connaître la teneur de ses prochaines démarches, notamment dans le cadre de sa coopération avec M. Brahimi et avec le Coordonnateur des Nations Unies en Afghanistan.
Répondant à ces questions, M. Hossain a reconnu que la question du droit des femmes afghanes demandait une attention particulière. Il a expliqué que les femmes afghanes, notamment à Kaboul, avaient bénéficié d'une bonne éducation avant l'arrivée des Taliban et que ces femmes seront capables d'assumer un rôle actif dans la reconstruction. Il est évident que les femmes rurales n'ont pas bénéficié des mêmes avantages dans ce domaine, mais celles qui se trouvent dans les camps de réfugiés manifestent un grand intérêt pour l'éducation et tiennent à pourvoir en bénéficier quand elles rentreront dans leur pays. Compte tenu de la situation actuelle qui prive les femmes de leurs droits, il faudra veiller tout particulièrement à garantir les droits des femmes et leur autonomie, conformément aux valeurs culturelles et religieuses, a-t-il estimé.
M. Hossain a ensuite rappelé que son mandat portait particulièrement sur l'examen de la situation des droits de l'homme dans le pays et a insisté sur le fait qu'il continuerait à collecter toutes les informations nécessaires à l'exécution de son mandat. Il a également fait part de ses discussions avec le Comité international de la Croix-Rouge qui agit lui aussi pour veiller au respect des droits de l'homme. Quant à sa méthodologie, M. Hossain a indiqué qu'il importait tout d'abord de recueillir des informations précises sur les violations et sur les souffrances. Il a émis l'espoir de pouvoir à l'avenir s'atteler à la reconstruction d'une société respectueuse des droits de l'homme et d'un pays où les réfugiés auront envie de rentrer dans leurs foyers. Il faut donc s'employer à créer des conditions qui seront propices au retour, en assurant le respect des droits fondamentaux et l'accès aux services de base. Ainsi, il importe d'élaborer un plan de reconstruction nationale et de le doter des ressources nécessaires. À cet égard, il a appelé les États à combler le déficit en aide humanitaire. Il importe donc de sensibiliser la communauté internationale aux besoins urgents de cette population.
Déclaration liminaire
SIR NIGEL RODLEY, Rapporteur spécial chargé d'examiner les questions se rapportant à la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains et dégradants, s'est félicité du fait que plusieurs décisions des mécanismes de surveillance de l'application des traités aient reconnu l'intimidation et les menaces comme une violation de l'interdiction du recours à la torture. Ce type d'intimidation, notamment les menaces de mort, est une forme de torture, particulièrement lorsque la victime reste soumise aux autorités qui les ont proférées, a-t-il indiqué.
De la même manière, le Rapporteur spécial a fait savoir que la jurisprudence des comités de surveillance de l'application des traités ont fait référence à la torture dans des cas de disparitions forcées qui sont également une forme de torture à l'encontre des familles de la personne disparue. À cet égard, il s'est félicité de la décision de la Commission des droits de l'homme de nommer M. Manfred Novak, Expert indépendant chargé d'examiner le cadre pénal international pour la protection des personnes victimes de disparitions forcées ou involontaires. Toutefois, afin d'éviter d'empiéter sur le mandat du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires, M. Rodley a estimé que le Rapporteur spécial devait s'abstenir d'enquêter sur ces disparitions. Partant, il a émis l'espoir que ces deux mécanismes pourront formuler des communications conjointes.
Abordant la question de la torture et de la discrimination à l'égard des minorités sexuelles, M. Rodley a estimé que cette forme de torture contribue à déshumaniser la victime. Il a observé que lors de leur arrestation les membres des minorités sexuelles sont souvent victimes de viols et d'autres abus par les autorités. Ces minorités sont en outre réduites au silence par des menaces comme, par exemple, la menace de révéler le sexe de naissance de la victime. De plus, les défenseurs des droits de l'homme des minorités sexuelles courent eux-aussi des risques accrus dans la mesure où ils bouleversent les idées reçues, a-t-il précisé.
M. Rodley a ensuite attiré l'attention sur la question de l'impunité, insistant sur le fait que le jugement de ceux qui se sont rendus coupables de torture fait partie du droit à réparation des victimes. Ainsi, il s'est opposé à l'adoption de toute loi d'amnistie. En ce qui concerne la prévention, M. Rodley a mis l'accent sur la transparence et a rappelé les recommandations qu'il a formulées dans son rapport à cet effet, portant notamment sur la présence d'un avocat lors des interrogatoires, sur les visites des lieux de détention. Il a vivement encouragé les États à accorder l'attention nécessaire à ses recommandations révisées.
Le Rapporteur spécial a ensuite apporté des informations complémentaires sur les prochaines missions. Il a regretté que la Chine n'ait pas donné suite à la demande d'invitation lancée en 1999. Il a également regretté que la Fédération de Russie ne l'ait pas autorisé à accompagner le Rapporteur spécial chargé d'examiner la violence à l'égard des femmes. Il a ensuite indiqué qu'il avait réitéré sa demande auprès d'Israël de pouvoir visiter des lieux de détention et a regretté de n'avoir pas reçu de réponse à ce jour. Il a fait savoir que ces demandes d'invitation en Inde, Indonésie, Egypte, Algérie, Bahreïn, Ouzbékistan, Népal restent en suspens. Il a également demandé une invitation en Géorgie lors de la dernière session de la Commission des droits de l'homme.
En conclusion, M. Rodley a informé la Commission de sa démission prochaine qui sera effective le 12 novembre prochain. Il a recommandé que les Nations Unies continuent à lutter contre la torture et à assurer la pérennité de ce mandat. Quant aux événements du 11 septembre dernier, M. Rodley a déclaré que la lutte contre le crime abominable de terrorisme ne doit en aucun cas autoriser le recours à la torture ou aux mauvais traitements. De même, il faudra se réfréner d'envoyer les détenus éventuels dans des pays où ils risqueraient d'être soumis à la torture ou aux mauvais traitements. Il a fait savoir que cela reviendrait à répondre à un crime contre l'humanité par une violation du droit international humanitaire, ce qui indiquerait aux terroristes que la communauté internationale n'est pas liée par les valeurs qu'elle professe.
Dialogue avec les délégations
La représentante de la Belgique a salué le travail de Sir Nigel Rodley et souhaité savoir quels conseils il donnerait au prochain Rapporteur spécial qui doit le remplacer.
Le représentant du Liechtenstein a également remercié Sir Nigel pour le travail accompli. Mentionnant la partie du rapport liée à l'évolution de l'atmosphère depuis les attentats du 11 septembre dernier, et à la possible tentation du recours à la torture, le représentant a souhaité savoir si cette remarque avait un caractère préventif ou si elle se fondait sur des observations que le Rapporteur spécial avait pu faire.
Répondant à la représentante de la Belgique, Sir Nigel a indiqué qu'il était toujours un peu difficile et ambitieux de donner des conseils. Il communiquera toutefois à la personne qui le remplacera certains des problèmes du mandat, dont celui des ressources. En effet, c'est un problème qui rend difficile l'accomplissement du mandat dans les conditions de compétences censées être celles des Nations Unies. La ou le prochain Rapporteur spécial aura d'ailleurs pour responsabilité de voir s'il n'est pas possible d’accroître les ressources. Sir Nigel a par ailleurs indiqué que les visites du Rapporteur spécial dans les pays ne devraient pas être considérées comme une inquisition, ou une ingérence, mais comme une activité visant à faire profiter ce pays de l'expérience du monde extérieur, afin entre autres, d'élaborer des recommandations. Il a offert, à cet égard, de contribuer à faciliter le travail du prochain Rapporteur spécial. Il a en outre salué la qualité de la collaboration avec le bureau du Haut Commissaire aux droits de l'homme, exprimé sa satisfaction devant le soutien du bureau pour son travail, et a espéré que cette situation se poursuivra.
En réponse à la question sur l'utilisation possible de la torture depuis les attentats du 11 septembre, Sir Nigel a indiqué qu'à sa connaissance, aucun gouvernement n'avait véritablement énoncé le désir de recourir à la torture, ou de renvoyer dans leur pays des gens qui pourraient être victimes de tortures. Il a toutefois précisé que les gouvernements étaient soumis à toutes sortes de pressions et que son intention était de les encourager à ne pas prendre telles mesures.
La représentante de Singapour a remarqué que dans son rapport intérimaire et dans son intervention, le Rapporteur spécial avait parlé de jurisprudence, dans le cas de plusieurs mécanismes de surveillance des droits de l’homme. Elle a voulu savoir à quels mécanismes le Rapporteur spécial se référait. Elle a aussi demandé à Sir Nigel d'expliquer la façon dont il choisissait les pays et les plaintes qui l'amenait à se pencher sur les cas de ces pays. Evoquant le retard pris dans l'examen des plaintes déposées, la représentante a souhaité connaître l'opinion du Rapporteur spécial sur la façon de procéder.
Le représentant de l'Australie, a soulevé la question de la collaboration possible entre le mandat du Rapporteur spécial et celui du groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires. Il a souhaité savoir comment pouvaient être évités les problèmes de double emploi et quelle était la meilleure façon de faciliter l'échange entre les deux mécanismes.
Le représentant de la Belgique a notamment évoqué l'opposition du Rapporteur spécial à l'adoption, à l'application, et à la non-révocation des lois d'amnistie, qui permettent aux tortionnaires d'échapper à la justice et tendent ainsi à créer une culture d'impunité. Il a demandé au Rapporteur de s'expliquer sur ces lois d'amnistie et a souhaité savoir s'il s'opposait à ces lois d'amnistie ou aux lois incluant la torture.
Le représentant du Sénégal a posé des questions relatives aux minorités sexuelles. Il a estimé qu'il fallait tenir compte des cultures locales avant de dénoncer des actes de "déshumanisation des victimes". Ne faut-il pas tenir compte des cultures dans lesquelles ce type de comportement sexuel n'est pas acceptable, a-t-il demandé.
Répondant à ces questions, Sir Nigel Rodley a expliqué que la jurisprudence se trouvait résumée dans son rapport. Il se fonde sur les décisions de la Commission des droits de l'homme et des comités chargés de l'application des traités.
Quant aux choix des pays qu'ils visitent, M. Rodley a expliqué qu'il évite les pays pour lesquels il existe déjà un Rapporteur spécial. De même, il évite ceux qui sont étudiés par le Comité contre la torture. Ensuite, il a indiqué qu'il ne cherche pas à se rendre dans les pays où l'on a rapporté un cas isolé de torture. En revanche, quand les informations laissent présager l'existence de cas répétés, le Rapporteur spécial y regarde de plus près. Dans ces cas là, le Rapporteur spécial demandera une invitation s'il s'avère qu'il existe de nombreux cas de torture. Toutefois, le budget du Rapporteur spécial ne permet pas d'effectuer plus de deux missions par an.
S'agissant des relations avec le Comité contre la torture, M. Rodley a expliqué que leurs rôles ne se chevauchent pas, sauf peut être dans certains cas de mission. Par ailleurs, il a répondu qu'il n'était pas en mesure d'apporter de plus amples informations sur le retard dans l'examen des rapports et des communications. Pour ce qui est des relations avec le groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires, M. Rodley a expliqué qu'il tenait des réunions avec le Groupe de travail.
Concernant les menaces de mort et la torture mentale, M. Rodley a reconnu que la difficulté était due au fait qu'il n'y avait pas de preuves physiques, mais il existe des témoignages, des moyens de recouper les informations. Les autorités ne devraient donc pas se contenter de refuser d'examiner ces menaces sous prétexte qu'elles ne disposent pas de certificat médical les attestant.
En ce qui concerne sa position sur les lois d'amnistie, il a expliqué qu'en tant que Rapporteur sur la torture, il se limitait à des recommandations dans le cadre de son mandat. Toutefois, il a attiré l'attention sur une déclaration conjointe de plusieurs rapporteurs spéciaux dans ce sens, notamment le Rapporteur sur les exécutions sommaires ou arbitraires. Il a précisé que toutes les violations de droits de l'homme ne sont pas des violations du droit international, mais que la torture, les exécutions sommaires et arbitraires, ainsi que les crimes contre l'humanité dans le Statut de Rome en font partie et ne sauraient bénéficier d'une amnistie.
Concernant la question portant sur les minorités sexuelles, le Rapporteur spécial a expliqué qu'il faisait références aux abus subis par les homosexuels et les transsexuels. Il ne s'agit pas de savoir si ces pratiques sont légales ou non, ce qui serait en dehors de son mandat, mais de reconnaître que les membres de ces minorités sexuelles subissent des traitements cruels qui sortent du cadre de leur jugement ou de leur détention pour avoir enfreint les lois du pays.
Déclaration liminaire
M. JOHN DUGARD, Rapporteur spécial sur les violations des droits de l'homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967, a de nouveau précisé que son mandat portait sur les violations des droits de l'homme commises dans le contexte de l'occupation militaire par Israël. Il a estimé que la violence de ces derniers mois a tendance à occulter le fait que l'occupation militaire est à l'origine du conflit actuel. Il a expliqué que l'occupation militaire doit par nature être temporaire et que, dans le cas présent, Israël occupe la Cisjordanie, y compris Jérusalem-est, et la bande de Gaza depuis 1967. Il importe donc qu'Israël, en tant que puissance occupante, se conforme aux dispositions de la quatrième Convention de Genève. Depuis le début de la deuxième Intifada en septembre 2000, on compte 700 victimes palestiniennes et 15 000 blessés, et 180 victimes israéliennes.
Le Rapporteur spécial a insisté sur le fait que les deux parties se sont livrées à des violations du droit international. Il a fait valoir que même si l'Autorité palestinienne pourrait faire plus pour limiter la violence, il apparaît que la violence palestinienne n'est pas le résultat d'une force centralisée ce en quoi elle diffère du recours à la force par Israël. Attirant l'attention sur l'escalade de la violence au cours des derniers mois et sur l'appui de la réunion des Ministres des affaires étrangères du G.8 au déploiement d'une présence internationale dans les territoires palestiniens occupés, M. Dugard s'est étonné qu'il n'y ait pas eu de tentative sérieuse de la part de la communauté internationale pour persuader Israël d'accepter le déploiement d'une telle présence. Il a fait savoir que l'Autorité palestinienne avait déjà donné son accord.
Le Rapporteur spécial a ensuite abordé la question des colonies de peuplement et des routes de contournement, ainsi que des zones de sécurité que les bordent. Il a estimé que cet état de fait était une entrave constante à l'autodétermination des Palestiniens et a mis l'accent sur le fait que ces zones de sécurité privent les Palestiniens de nombreuses terres agricoles. Il a regretté qu'en dépit de la promesse faite par Israël de limiter l'expansion de ces colonies, le nombre de colons ait continué à croître. Il a indiqué que les Palestiniens considèrent ces colonies comme une expansion du territoire israélien et un refus d'accepter la création d'un État palestinien. Il a engagé Israël à faire un geste dans le sens du démantèlement des colonies. En dernier lieu,
M. Dugard a attiré l'attention sur les violations des droits de l'homme que sont les démolitions de biens, les blocages et les contrôles routiers, ainsi que sur leurs conséquences économiques, sur l'éducation et la santé.
Dialogue avec les délégations
L'Observateur de la Palestine a exprimé son appréciation envers le travail de M. John Dugard et a noté que son rapport était exhaustif et doté d'une vision juridique très claire, respectant le droit international humanitaire. Elle a fait remarquer que c'était la première fois que ce sujet était soumis à la Troisième Commission, et a hautement apprécié cette initiative. Elle a souligné que le Rapporteur spécial avait critiqué les forces israéliennes pour les très graves violations commises aux droits économiques et sociaux. L'Observateur de la Palestine a aussi mis l'accent sur le fait que la poursuite de l'occupation constituait un obstacle réel à l'établissement de la paix. Elle a souhaité que la communauté internationale et l'ONU prennent très au sérieux les recommandations du rapport et que ces recommandations soient mises en application, afin de mettre fin à l'occupation dans les plus brefs délais. Elle a condamné la position négative du Gouvernement d'Israël, qui ne veut pas coopérer, refuse de répondre et renie le mandat du Rapporteur spécial, d'où les difficultés rencontrées dans l'accomplissement du travail du Rapporteur spécial dans les territoires.
Les représentants de l'Egypte, du Qatar et de la Jordanie ont rappelé que la cause principale du conflit dans la région était, ainsi que l'indique le rapport, l'occupation militaire israélienne qui doit cesser immédiatement. Ils se sont félicités du fait que le démantèlement des colonies ait été reconnu comme nécessaire, et ont souligné l'importance de l'existence d'observateurs internationaux dans les territoires palestiniens occupés.
Le représentant d'Israël a indiqué que le Rapporteur spécial avait entrepris une mission impossible. Son mandat, a-t-il dit, est caduc et inapplicable dans la situation actuelle. En effet, le rapport effectué désigne Israël, mais n'examine pas de façon adéquate les violations commises par la partie palestinienne. Le rapport ne dit pas non plus que des territoires très larges ont été transférés à l'autorité palestinienne. Ce rapport a mis l'occupation israélienne au centre du débat et maintient que cette occupation est à la racine du conflit actuel. Mais le rapport ne mentionne pas qu’Israël a offert de transférer pratiquement toute la Cisjordanie et Gaza aux Palestiniens. Les Palestiniens, a-t-il dit, ont refusé
l'offre pour recourir au terrorisme, et cela montre que le terrorisme est la cause de la situation actuelle. Il est important, a-t-il dit, de mettre fin au terrorisme et de demander à la communauté internationale de déclarer que des négociations pacifiques constituent le seul moyen de résoudre le différend.
La représentante de la Jamahiriya arabe libyenne a indiqué que la quatrième Convention de Genève relative à la protection des civils en temps de guerre n'était pas respectée. Il y a un ensemble de pays, qui à ce sujet, ont exprimé leur accord pour tenir une réunion qui pourrait être considérée comme une reprise des négociations de 1949. Le Gouvernement suisse, a-t-elle ajouté, est d'accord pour abriter cette réunion, ou pour la poursuivre, avant la fin de l’année en cours. La Libye a indiqué que l'occupation militaire des territoires palestiniens était la cause du conflit, et la raison même des violations des droits de l'homme dans la région. Elle a aussi indiqué que l’établissement de nouvelles colonies ou l’agrandissement de celles existantes violait la quatrième Convention de Genève. La représentante a réaffirmé l’importance de l'envoi d'observateurs internationaux dans les territoires palestiniens occupés. Elle a demandé comment le Rapporteur spécial envisageait-il de mettre en application la quatrième Convention de Genève?
Répondant à ces questions, M. Dugard a espéré que la convocation par le Gouvernement suisse des hautes parties contractantes à la Conférence de Genève pourrait permettre de réaffirmer les principes auxquels Israël est soumis.
Sur la question de son mandat, le Rapporteur spécial a répondu qu’il ne serait caduc que le jour où l'occupation militaire aura pris fin. Il a souligné l'importance de son mandat et sa validité tant que durerait l'occupation militaire. Il a reconnu qu'il existait des violations des droits de l'homme commises par les Palestiniens, mais que ces violations dépassaient le cadre de son mandat qui se limite à étudier les effets de l'occupation militaire.
Sur le fait que les Palestiniens refuseraient d'accepter l'existence d'Israël, le Rapporteur spécial a expliqué qu'il avait posé la question à l'Autorité palestinienne et à de nombreuses organisations qui ont toutes indiqué qu'elles accepteraient une solution reconnaissant l'existence des deux Etats. Quant aux préoccupations sécuritaires d'Israël, le Rapporteur spécial reconnaît leur validité, mais il a insisté sur le fait que l'occupation militaire était par nature temporaire et que celle-ci avait duré trop longtemps pour rester conforme au droit international en la matière.
Quant à la question des colonies, le Rapporteur spécial a précisé qu'il fallait envisager le démantèlement de toutes les colonies implantées en Cisjordanie et dans la bande de Gaza depuis 1967.
Le Rapporteur spécial a reconnu qu'il ne pouvait pas préjuger de l'efficacité du déploiement d'une présence internationale sur le terrain. Toutefois, dans la mesure où la situation est à ce jour dans une impasse, il faut souhaiter que le déploiement d'une telle présence permettra de rétablir le calme et de faire respecter le cessez-le-feu.
En conclusion, le Rapporteur spécial a attiré l'attention sur le fait que toutes les réponses qu'il avait reçues désignaient l'occupation militaire comme la source du conflit. Reconnaissant qu'Israël ne pourrait pas se retirer d'un seul coup, il l'a encouragé à faire un geste significatif dans ce sens.
Revenant sur le problème posé par les blocages, la représentante de la Belgique a voulu savoir ce qu'il en était aujourd'hui et si la situation s'était améliorée, notamment en ce qui concerne la circulation des ambulances et l'accès aux hôpitaux.
Répondant à cette question, M. Dugard a déclaré qu'il n'y avait pas de changement à ce sujet et que les conséquences de ces blocages étaient très lourdes tant au plan économique que sur le plan de la santé et de l'éducation.
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