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CS/2064

LA TENUE D'ELECTIONS GENERALES AU KOSOVO AU PRINTEMPS PROCHAIN, SUITE LOGIQUE DES ELECTIONS MUNICIPALES D'OCTOBRE DERNIER, SELON M. KOUCHNER

16 novembre 2000


Communiqué de Presse
CS/2064


LA TENUE D’ELECTIONS GENERALES AU KOSOVO AU PRINTEMPS PROCHAIN, SUITE LOGIQUE DES ELECTIONS MUNICIPALES D’OCTOBRE DERNIER, SELON M. KOUCHNER

20001116

Le maintien de la paix demeure la pierre angulaire de la mise en œuvre de la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité, exigeant une patience et une persévérance absolues, a souligné ce matin devant le Conseil de sécurité, le Représentant spécial du Secrétaire général au Kosovo, M. Bernard Kouchner. Les changements en République fédérale de Yougoslavie ont à peine commencé et le Président Kostunica lui-même doit également consolider sa position sur la scène internationale avant que l'on ne puisse prévoir ce qui se passera ensuite. M. Kouchner a estimé qu'en décidant de manière trop hâtive le règlement du statut final du Kosovo, on risque considérablement de revenir à la guerre. Comme tous les partenaires à Pristina et à Belgrade ont pour le moment convenu de progresser sur la base de la résolution 1244, M. Kouchner a jugé que la prochaine phase pour le Kosovo est fondée sur les bases que la MINUK a établies. Il s’agit d’œuvrer en vue d'une autonomie substantielle et de créer les institutions d'une gouvernance autonome démocratique, tout en tenant pleinement compte des efforts de la RFY en faveur de la démocratie. Pour le Kosovo, il faut un instrument constitutionnel transitoire régissant les relations entre les différentes autorités démocratiquement élues. La MINUK devra également définir l'Autorité centrale du Kosovo sans préjudice du règlement politique final pour la région. La communauté internationale tout entière peut se déclarer fière des mesures prises jusqu'ici, mais l'engagement en faveur du Kosovo ne doit pas être affaibli. Le projet de consolidation de la paix est encore à un stade embryonnaire, et pourrait trop facilement basculer si l'on ne fait pas preuve de prudence. La MINUK a montré que les Nations Unies peuvent réussir à mettre en place ce programme complexe, en dépit d'obstacles immenses. Le fondement a été établi, s'est dit convaincu M. Kouchner.

La majorité des représentants qui se sont exprimés ce matin, ont salué la tenue d’élections municipales au Kosovo au mois d’octobre dernier. Lors de cet événement, considéré par la plupart des intervenants comme un succès de la MINUK, le peuple kosovar a fait la preuve de sa maturité politique et de son engagement à promouvoir la démocratie au Kosovo. Nombre d’entre eux ont toutefois regretté l’absence de participation des Serbes au processus électoral. Partant, ils ont appuyé l’intention de M. Kouchner d’instaurer un système de cooptation de représentants serbes dans les assemblées municipales pour assurer leur représentation. L’idée de convoquer de nouvelles élections dans les municipalités à majorité serbe, a également été appuyée par plusieurs représentants. Les intervenants ont par ailleurs appelé de leurs vœux à la tenue d’élections générales le plus rapidement possible, élections qui seraient le prolongement logique de la consultation municipale.

A propos de la question des élections municipales, le représentant de la Fédération de Russie a déclaré ne pas partager l’optimisme de M. Kouchner. Ces élections, a-t-il affirmé, ont été organisées au mépris de l’avis de la nouvelle direction démocratique de la République fédérale de Yougoslavie et en violation de toutes les normes internationales applicables à ce type d’événement. Poursuivant, le représentant a regretté que l’indépendance de la province du Kosovo ait été le thème privilégié de la campagne. Dans ce contexte, il a déclaré que la MINUK met en œuvre la résolution 1244 du Conseil de sécurité de façon partielle et insatisfaisante. Partant, il a rappelé que selon les termes mêmes de cette résolution, le règlement de la situation au Kosovo doit se faire dans le respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de la République fédérale de Yougoslavie.

Au cours de la présente séance, les représentants ont estimé que l’arrivée au pouvoir en République fédérale de Yougoslavie, d’une nouvelle équipe devrait encourager la reprise du dialogue avec les dirigeants du Kosovo. Par ailleurs, la question du retour des réfugiés kosovars a également été abordée. A cet égard, la représentante de la Jamaïque a estimé qu’un retour en masse et précipité serait contreproductif. Elle a appelé de ses vœux la suspension de tels retours jusqu’au début de l’année prochaine. Plusieurs représentants ont enfin demandé que des mesures soient prises pour assurer la libération des prisonniers kosovars injustement détenus dans les prisons serbes et que des informations soient données sur le sort des personnes disparues. De telles mesures sont essentielles au retour de la confiance, ont-ils estimé.

Les représentants des pays membres du Conseil suivants ont fait une déclaration: Etats-Unis, Bangladesh, Fédération de Russie, Royaume-Uni, Canada, Chine, Argentine, Malaisie, Tunisie, Ukraine, Namibie, Mali, Jamaïque et France (au nom de l'Union européenne et des pays associés). Ont également pris la parole les représentants de l'Autriche, s'exprimant en sa qualité de Président en exercice de l'OSCE, de la République fédérale de Yougoslavie et de l'Albanie.

Exposé du Représentant spécial du Secrétaire général, M. Bernard Kouchner, devant le conseil de sécurité

M. BERNARD KOUCHNER, Représentant spécial du Secrétaire général pour le Kosovo, a indiqué que de nombreux progrès ont été faits pour remettre sur pied le Kosovo, l’administrer et construire des institutions démocratiques. Les élections ont été universellement reconnues comme un succès technique mais aussi comme une victoire pour la démocratie naissante au Kosovo. Mais pour apprécier véritablement le succès remporté le 28 octobre dernier, il faut examiner le contexte dans lequel les élections se sont déroulées et tout ce qui s’est produit au cours des dix-sept derniers mois, a fait remarquer M. Kouchner. Présidant samedi dernier la cérémonie de prestation de serment du nouveau Conseil municipal de Pristina, M. Kouchner a noté avec satisfaction que la majorité des élus au Conseil municipal de Pristina sont des hommes et des femmes représentant les deux principaux partis politiques albanais du Kosovo, à savoir le LDK, dirigé par Ibrahim Rugova et le PDK d’Hashim Thaci. On y trouve aussi un Bosniaque, un Turc et un Ashkali. Pour l’instant, il n’y a aucun Serbe. Mais à terme, cela changera, a-t-il espéré.

Le Conseil s’est réuni pour la première fois afin d’élire un président et d’élaborer son règlement. En donnant 58% des voix à Ibrahim Rugova, le peuple du Kosovo a montré qu’il préférait la modération et l’expérience. Cela n’a pas empêché Limaj et beaucoup de ses collègues ex-combattants d’être élus; le PDK d’Hashim Thaci et l’AAK de Ramush Haradinaj – deux partis issus de l’ex-Armée de libération du Kosovo - ayant obtenu au total 35% des suffrages. Mais tous se sont engagés à travailler ensemble pour une administration unifiée. Et ça, c’est une réussite remarquable, a tenu à souligner M. Kouchner, convaincu que les élections municipales du mois dernier ont été un grand succès parce que techniquement la tâche n’était pas simple mais surtout parce qu’elles sont le résultat d’une transformation politique. Les aspirants au pouvoir dirigeaient des “gouvernements” parallèles qui s’opposaient les uns aux autres et faisaient obstacle à nos efforts pour établir une autorité administrative unique et légitime. A la fin de l’année dernière, et après des mois de négociations et d’efforts, nous sommes parvenus à les convaincre de dissoudre ces soi-disant gouvernements et de rejoindre la Structure administrative intérimaire mixte (JIAS). Ce fut un véritable accord de paix et une réussite.

La KFOR et la police de la MINUK ont constaté que le 28 octobre a été la journée la moins violente depuis l’arrivée de la mission l’an passé. La participation a été aussi élevée: 721 000 personnes, soit 79% des inscrits, ont voté. Sur ces suffrages exprimés, moins de 5% étaient nuls et moins de 2% des votants ne figuraient pas sur la liste électorale définitive. De l’avis de M. Kouchner, c’est une réussite technique tout à fait remarquable étant donné que l’ONU, avec ses partenaires de l’OSCE, a lancé le processus d’enregistrement sur les listes électorales à partir de zéro dans un endroit où il n’existait aucune liste de votants et où la population n’avait ni expérience des procédures démocratiques, ni même, pour une large partie, de papiers d’identité. Ces élections municipales permettront de mieux préparer les élections générales de l’an prochain. Après avoir validé et certifié le résultat des élections pour l’ensemble des trente municipalités du Kosovo, à l’exception de trois autres situées au nord - Leposavic, Zvecan et Zubin Potok - essentiellement à composition serbe, M. Kouchner s’apprête à nommer les membres de ces trois Conseils municipaux et pour l’an prochain il prévoit d’y tenir des élections anticipées pour que les Serbes du Kosovo, l’ancien régime de Belgrade en ayant convaincu beaucoup de ne pas s’inscrire sur les listes électorales, puissent rejoindre les structures municipales et en être des acteurs à part entière et sur un pied d’égalité. Il a tenu à préciser que les dirigeants serbes du Kosovo, qui se sont rencontrés tous ensemble pour la première fois la semaine dernière, sont disposés à participer aux nouvelles structures administratives, sont sortis renforcés des changements survenus à Belgrade et ils sont plus ouverts. En outre, il a nommé des membres supplémentaires dans d’autres Conseils municipaux afin que toutes les communautés, y compris les Turcs, les Bosniaques, les Goranis et les Ashkalis, soient représentées. Plus d’une douzaine de partis plus petits et leurs candidats ont aussi obtenu des sièges au sein des Conseils municipaux grâce au système de représentation proportionnelle, et parmi les élus il y a un certain nombre de femmes. Nous sommes convenus d’un programme pour les activités principales et souhaiterions établir, d’ici Noël, les structures de base de chaque municipalité.

Les dirigeants de tous les partis politiques se sont engagés à accepter les résultats et vont maintenant commencer à prendre en charge le passage institutionnel des responsabilités. Dans certaines municipalités, cela signifiera que les partis s’étant attribué des postes il y a un an et demi, devront à présent les céder à leurs successeurs élus, et ceci constituera un véritable test de maturité politique. Mais c’est bien là que la véritable démocratie devrait débuter, au niveau local. La détermination des Kosovars à prouver leur aptitude à la démocratie semble découler des conséquences des récents événements de Belgrade, qui ont généré une compétition pour la démocratie entre Belgrade et Pristina. Bien que les Albanais du Kosovo aient accueilli ces événements comme une contribution à la stabilité régionale, ces changements ont accru leurs désirs d’indépendance, ou tout du moins leur détermination à ne plus jamais tomber sous la domination de Belgrade. A présent, ils souhaitent accélérer les étapes suivantes et ont clairement demandé que nous passions sans retard aux élections générales. Ils semblent évidemment préoccupés par le fait que l’attention et les priorités de la communauté internationale ne délaissent le Kosovo pour Belgrade. Ils estiment que le Président Kostunica est vraiment un nationaliste serbe et ils craignent qu'il ne change radicalement la politique de Belgrade envers le Kosovo. De plus, le fait que les détenus albanais du Kosovo retenus dans les prisons serbes n’aient pas été relâchés n’a servi qu’à renforcer leurs craintes que Belgrade ne modifie pas son attitude à l’égard du Kosovo. Ces inquiétudes se sont encore amplifiées avec les récentes émeutes dans les prisons serbes, donnant lieu à des manifestations, jour et nuit, devant nos bureaux à Pristina. A cet égard, le Représentant spécial a émis l’espoir qu’un dialogue plus constructif entre la Mission et Belgrade sera engagé, précisant que la Mission a déjà commencé à établir des contacts concernant les questions économiques et judiciaires.

Mais que signifie tout cela pour la MINUK et la résolution 1244 du Conseil de sécurité? Comme M. Kouchner l’avait expliqué au Conseil des affaires générales de l’Union européenne le 9 octobre, il faut reconnaître que la situation au Kosovo n’a pas changé. La guerre n’est pas finie. Le rétablissement de la paix est toujours nécessaire et difficile à mettre en œuvre. En dépit du succès des élections municipales, le Kosovo demeure une société en crise. Rappelant le meurtre brutal, la semaine dernière, de quatre Ashkalis, M. Kouchner a fait remarquer que les extrémistes qui cherchent à détruire les chances de démocratie au Kosovo sont toujours nombreux, et c’est pourquoi, il faut continuer à maintenir la même vigilance, la même présence militaire et les mêmes engagements économiques pour un certain temps.

Alors où allons-nous à partir de là? La dernière fois que je me suis adressé à vous, j’ai parlé de mon plan de navigation politique vers une autonomie substantielle, ce que j’ai nommé le Pacte de la société kosovare. Tous nos partenaires à Pristina et à Belgrade sont d’accord, la résolution 1244 du Conseil de sécurité est la seule base de notre travail futur, a indiqué M. Kouchner, tout en précisant que chaque Albanais veut l’indépendance. Ce paradoxe élémentaire signifie que toute tentative pour essayer de résoudre la question du statut définitif du Kosovo pourrait en l’état actuel mener à un nouveau conflit. C’est pourquoi je suis persuadé que nous devons continuer d’appliquer la résolution 1244. Nous devons à présent accélérer le processus de définition d’une autonomie substantielle et développer des institutions d’autogouvernement, dans lesquelles les Kosovars partageront de plus en plus de responsabilités pour ce qui est d’administrer le Kosovo. Ceci est d’autant plus urgent après les élections municipales qui ont amené des représentants à être démocratiquement élus au niveau local. J’affirme que nous devons agir rapidement pour organiser des élections sur l’ensemble du Kosovo, probablement pour élire un parlement. Je propose que ces élections générales se tiennent au début de l’année prochaine, probablement au printemps.

M. Kouchner a ajouté qu'un Groupe de travail a déjà été constitué, se fondant sur le travail déjà accompli par le Groupe de contact, le G8 et le Quint, pour l’examen d’une éventuelle constitution provisoire. En conclusion, il a souligné qu'il reste donc encore beaucoup à faire. Nous ne pouvons pas nous reposer sur nos lauriers après l’intense travail fourni dont le point culminant a été des élections municipales extrêmement réussies. Nous devons maintenant passer à la phase suivante qui représentera un défi tout aussi grand, si ce n’est plus, pour la présence internationale au Kosovo.

Déclarations

M. RICHARD HOLBROOKE (Etats-Unis) s'est félicité de l'excellent exposé fait ce matin par le Représentant spécial du Secrétaire général au Kosovo, M. Bernard Kouchner, notant les progrès considérables accomplis sous sa direction. Le succès des élections municipales témoigne des efforts inlassables qu'il a déployés dans le cadre de son mandat. De nombreuses critiques ont été faites à l'encontre des efforts de la MINUK. Le représentant a noté que les deux principaux vainqueurs des élections municipales s'apprêtent à célébrer le cinquième anniversaire de l'Accord de Dayton. Ceci est un signe positif de leur détermination en faveur d'un règlement de la situation au Kosovo. Il a reconnu qu'il faudra encore beaucoup de temps pour apaiser les tensions et faire oublier le passé. L'amertume est profonde et le boycottage des élections par les Serbes du Kosovo montre que l'on est encore confronté à d'importantes difficultés. Le différend ethnique en Bosnie-Herzégovine était plus superficiel et plus gérable que celui que l'on connaît au Kosovo. Les Etats-Unis entendent reprendre dans quelques jours leurs relations diplomatiques avec la République fédérale de Yougoslavie. Depuis sa réadmission à l'ONU, la délégation de la RFY intervient pour la deuxième fois au Conseil de sécurité. Le Président Kostunica a réaffirmé son engagement en faveur du respect des engagements pris au titre des instruments internationaux auxquels son pays est partie. Les conseils municipaux ont été établis et la réaffirmation en faveur de la résolution 1244 du Conseil de sécurité a été faite par les nouveaux dirigeants élus au Kosovo, a noté avec satisfaction M. Holbrooke, tout en mettant en garde contre tout changement adverse.

Appuyant l'appel de M. Kouchner, le représentant des Etats-Unis a insisté sur la nécessité d'organiser le plus rapidement possible les prochaines élections générales au Kosovo. Ces élections sont importantes et d'une importance historique. C'est pourquoi, il est essentiel que les Serbes changent leur attitude et y participent. Les Etats-Unis appuient l'idée selon laquelle la MINUK doit être soutenue par la KFOR dans l'organisation de ces élections. Concernant la question des détenus, M. Holbrooke a souhaité que leur libération soit garantie dès que possible. La délégation des Etats-Unis exprime son admiration à l'égard des efforts accomplis par M. Kouchner, espérant qu'il sera encore en mesure de présenter devant le Conseil de sécurité des recommandations. Sachant M. Kouchner quittera prochainement ses fonctions, M. Holbrooke a émis l'espoir que le Secrétaire général pourra lui trouver un successeur à la hauteur de ses compétences.

M. ANWARUL KARIM CHOWDHURY (Bangladesh) a félicité le Représentant spécial du Secrétaire général pour le Kosovo, M. Bernard Kouchner, pour l'organisation efficace des élections municipales au Kosovo du 24 octobre dernier. Il s'est acquitté d'une des tâches les plus importantes de son mandat. Le taux élevé de participation au processus électoral des deux partis et des électeurs montre combien les Kosovars étaient enthousiastes. Les activités de la MINUK, notamment les réunions municipales, ont permis d'atteindre un taux de participation de 80%. Le déroulement de ces élections ne s'est pratiquement heurté à aucun acte de violence. Les résultats des élections municipales constituent des indicateurs importants de la manière dont les Kosovars envisagent leur avenir. Le fait que la majorité des Kosovars soient enclins à faire confiance à une direction modérée ne fait que souligner les aspirations de la population en faveur de la paix. Le représentant a toutefois regretté que les Serbes n'aient pas participé à ces élections, faisant observer que l'on ne gagne rien en boycottant la participation à un processus démocratique. Les changements intervenus à Belgrade pourraient laisser présager des développements plus positifs pour un règlement de la situation, en dépit d'une certaine méfiance de la part des Kosovars qui craignent un recul en faveur de leurs aspirations. C'est pourquoi, la délégation du Bangladesh s'interroge sur la manière dont les Kosovars et leurs dirigeants perçoivent les changements politiques et la réaffirmation par la communauté internationale de son intérêt pour Belgrade. Comment pourrait-on, dans ce contexte, régler le problème du retour des réfugiés et des personnes disparues? Avec les élections au Kosovo, la MINUK pourrait initier le processus de transition progressive de certaines responsabilités administratives aux nouvelles autorités locales élues. A cet égard, M. Chowdhury a demandé de préciser les délais dans lesquels cette transition pourrait s'effectuer.

M. GENNADI M. GATILOV (Fédération de Russie) a estimé que la résolution 1244 du Conseil de sécurité continue d’être mise en œuvre de façon partielle et insatisfaisante. Les actions des dirigeants de la présence internationale au Kosovo, loin de renforcer la souveraineté de la République fédérale de Yougoslavie (RFY) favorisent la séparation du Kosovo du reste du pays. La Fédération de Russie est d’avis que le règlement politique de la situation repose sur le respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de la RFY, comme il est précisé dans la résolution 1244. Cette question se pose avec une acuité croissante, a affirmé le représentant. Il a dit ne pas partager l’optimisme de M. Kouchner quant aux élections municipales d’octobre dernier. Ces élections ont été organisées au mépris des avis de la nouvelle direction démocratique de la RFY.

Plus encore, de telles élections ont été menées en violation de toutes les normes mondiales. Une partie importante de la population, Serbes du Kosovo et autres minorités nationales, sont restées en marge de ce processus. Par ailleurs, les thèmes de la campagne se sont écartés des affaires strictement municipales pour donner à la question de l’indépendance une place centrale. Le représentant a estimé que la tenue d’élections parlementaires, étape supplémentaire vers l’indépendance, violerait la résolution 1244 du Conseil.

La Fédération de Russie souhaite que le dialogue s’instaure entre les dirigeants kosovars et les dirigeants de la RFY. Il faut surmonter l’inertie de ces relations, a déclaré le représentant. Les nouveaux dirigeants de la RFY doivent être associés à la mise en œuvre de la résolution 1244. Le représentant a réitéré qu’il faut faire obstacle au séparatisme dans la région et a appelé de ses vœux la révision du statut de la MINUK et de la KFOR. Il a par ailleurs souhaité que du personnel politique et militaire de la RFY puisse se rendre au Kosovo. Il a également appelé de ses vœux l’organisation d’élections complémentaires pour tous ceux qui ont été exclus du processus électoral. Il a enfin plaidé en faveur de la levée de l’embargo sur les armes. Une telle nécessité s’impose avec d’autant plus de force que les conditions fixées pour sa levée sont à présent remplies. Concluant son intervention, il a déclaré que le retour de la RFY dans la communauté internationale doit se traduire, de façon plus générale, par la levée de toutes les sanctions qui pèsent encore sur elle.

M. JEREMY GREENSTOCK (Royaume-Uni) a souscrit pleinement à la déclaration que la France exprimera au nom de l'Union européenne. Il a félicité le Représentant spécial du Secrétaire général, M. Bernard Kouchner pour les efforts inlassables qu'il a accomplis au Kosovo. Tout en se félicitant du succès des élections municipales, il a souhaité que l'on organise aussi rapidement que possible les prochaines élections générales, en veillant à ce que les Serbes du Kosovo y participent activement. Notant que l'autonomie au Kosovo n'est pas une priorité immédiate, M. Greenstock a préconisé que les dirigeants de Belgrade établissent un dialogue avec les responsables au Kosovo afin de mettre en œuvre la résolution 1244 du Conseil de sécurité.

M. PAUL HEINBECKER (Canada) a déclaré que les manifestations qui se sont déroulées au Kosovo au cours de ces derniers jours ont révélé qu'il était important de commencer à libérer les Kosovars détenus dans les prisons serbes. Au minimum, les poursuites dont ils font l'objet devraient être spécifiées et les garanties d'une procédure régulière assurées. Ce problème continue à faire obstacle au relâchement des tensions entre les groupes ethniques du Kosovo. Le Canada se félicite, à cet égard, de la libération du Dr Flora Brovina et d'autres Kosovars, mais fait remarquer que de nombreuses autres personnes sont toujours détenues injustement. Il est essentiel, a souligné M. Heinbecker, que les Albanais du Kosovo respectent les droits des Serbes du Kosovo et de tous les autres groupes minoritaires.

Faisant référence aux élections municipales, M. Heinbecker a souligné que ces élections marquent la première étape vers un transfert du pouvoir à des autorités élues démocratiquement. Le défi immédiat consiste à présent à appliquer les résultats des élections municipales. La création de conditions satisfaisantes permettant d'organiser des élections au niveau des provinces est tout aussi importante. Les attaques contre les Serbes du Kosovo et les autres minorités

doivent cesser. La participation de tous les habitants du Kosovo au processus électoral contribuera largement à la légitimité des résultats. Cette participation sera également un indicateur de la maturité politique du Kosovo. C'est pourquoi, le Canada appuie la mise en œuvre totale de la résolution 1244 du Conseil de sécurité.

M. WANG YINGFAN (Chine) a rappelé que la République fédérale de Yougoslavie tient pour nuls et non avenus les résultats des élections municipales d’octobre dernier. La MINUK, a déclaré le représentant, doit s’efforcer d’assurer la participation des Serbes du Kosovo à l’administration de la province. La tendance à l’indépendance du Kosovo aurait de graves conséquences sur la situation dans les Balkans. La communauté internationale doit être vigilante à cet égard. Le représentant a enfin émis l’espoir que la MINUK encouragera le dialogue entre les dirigeants kosovars et la nouvelle équipe au pouvoir en République fédérale de Yougoslavie.

MME ANA MARIA MOGLIA (Argentine) s'est félicitée que les élections municipales au Kosovo se soient déroulées sans incident, grâce au rôle crucial de la KFOR. Regrettant la non-participation des Serbes du Kosovo à ces élections, sa délégation exprime toutefois sa gratitude au Représentant spécial du Secrétaire général, M. Bernard Kouchner, pour ses efforts inlassables. Toutes les parties concernées doivent s'acquitter de leurs responsabilités respectives, en application de la résolution 1244 du Conseil de sécurité. L'Argentine souligne la nécessité d'organiser dès que possible les prochaines élections générales au Kosovo, en encourageant une participation active des Serbes du Kosovo.

M. MOHAMMAD KAMAL YAN YAHAYA (Malaisie) s’est félicité de la tenue d’élections municipales au Kosovo en octobre dernier qu’il a qualifiée d’événement historique pour la province. Ces élections, a-t-il ajouté, sont garantes de l’excellent travail accompli par la MINUK pour mettre en œuvre la résolution 1244 du Conseil de sécurité. Le représentant a exhorté tous les dirigeants du peuple kosovar à prendre les actions nécessaires à la traduction institutionnelle des résultats. Soulignant que les élections permettront de renforcer la part prise par la population à l’administration municipale, il a regretté l’absence de participation des serbes à ce processus et appelé de ses vœux la recherche d’une solution acceptable à ce problème. Poursuivant, il a lancé un appel au Gouvernement de la République fédérale de Yougoslavie afin qu’il coopère avec la MINUK en vue de trouver une solution aux problèmes des personnes disparues.

M. ALI CHERIF (Tunisie) s'est félicité des conditions dans lesquelles s'est tenu le scrutin. Il a déclaré que l'opération électorale dans son ensemble a connu un franc succès, notamment par le respect des procédures électorales et l'absence totale de violences. Il a estimé que la forte participation des habitants à ce scrutin nous renseigne sur une volonté profonde à aller de l'avant dans l'instauration d'une paix durable dans cette région, mais qu'elle ne devrait pas cependant occulter l'absence de participation des habitants serbes. A cet égard, il a déclaré que la communauté internationale est appelée à continuer ses efforts dans la recherche des solutions appropriées en vue de favoriser la participation de toutes les minorités au processus de réconciliation. Il a exprimé la préoccupation de sa délégation quant au climat de violence qui règne au Kosovo, notamment par la recrudescence des actes de violence politique. A ce titre, a-t-il déclaré, le rôle de la police demeure primordial pour prévenir et

réprimer de tels actes. Il a ainsi estimé qu'il faut sensibiliser la population locale à la prévention des crimes et véhiculer les valeurs de tolérance et de la coexistence pacifique entre toutes les composantes de la société au Kosovo.

La réforme du système judiciaire est une étape cruciale dans le processus de rétablissement de la paix au Kosovo, a-t-il poursuivi, espérant que la sensibilisation des juges locaux à l'impartialité des tribunaux locaux et la participation des juges et procureurs internationaux sont de nature à remédier à l'insuffisance des améliorations apportées au système judiciaire. Il a, par ailleurs, exprimé le soutien de sa délégation à la demande du Représentant spécial en faveur d'un moratoire sur les retours forcés des réfugiés au Kosovo. Il a salué la Mission des Nations unies pour ses efforts en vue de coordonner les secours et fournir l'aide nécessaire aux populations les plus démunies pour affronter un rude hiver. Constatant que la question des détenus et des disparus demeure une des principales sources de tension interethnique, il s'est félicité de la nomination d'un Envoyé spécial chargé des personnes privées de liberté au Kosovo dont le mandat s'étend aux prisonniers et détenus quelle que soit leur origine ethnique. A cet égard, a-t-il déclaré, la Tunisie exhorte toutes les parties concernées à coopérer avec lui en vue de trouver une solution à cette question complexe le plus rapidement possible.

MME PATRICIA DURRANT (Jamaïque) a souligné qu’il importe d’assurer la pérennité des progrès réalisés l’an passé au Kosovo dans la voie de l’instauration d’une société multiethnique. La participation des Kosovars de toutes origines ethniques au processus de reconstruction doit être considérée comme une priorité. En effet, tous les groupes ethniques doivent se sentir partie prenante de ce processus, a affirmé la représentante. Elle a estimé que les élections municipales du mois d’octobre dernier ont permis de réaliser un pas important dans la bonne direction. Ces élections ont illustré le sens des responsabilités de la population kosovare, elles permettront d’accroître la participation de la population à l’administration locale. La représentante a toutefois regretté que les Serbes n’aient pas participé à ces élections. Dans ce contexte, elle a invité M. Kouchner à donner davantage d’informations sur l’organisation éventuelle de nouvelles élections l’an prochain dans les municipalités majoritairement peuplées de Serbes. La représentante a par ailleurs insisté sur l’importance de régler les questions des personnes détenues et disparues, pour installer la paix et la coexistence. La libération des prisonniers et des informations sur le sort des personnes disparues sont essentielles, a-t-elle ajouté. Elle a fait part de sa grande préoccupation quant aux allégations faisant état de trafic d’êtres humains et de prostitution. Tous les efforts doivent être déployés pour traiter ces problèmes inacceptables. La représentante a enfin insisté sur la nécessité d’assurer le retour des réfugiés. 82 000 Kosovars sont rentrés chez eux depuis la fin du mois de septembre, a fait remarquer la représentante. Nous sommes toutefois préoccupés par les retours forcés qui aggravent les problèmes de logement et de surpopulation. Ces retours forcés sont contreproductifs, a estimé la représentante. Partant, elle a affirmé que le retour des réfugiés devrait être suspendu jusqu’au début de l’année prochaine.

MME SELMA ASHIPALA-MUSAVYI (Namibie) a déclaré, qu'en dépit de l'intimidation et des violences politiques qui ont contribué à la non- participation de certaines minorités ethniques aux élections municipales, le peuple du Kosovo a exercé son droit à la gouvernance démocratique élisant ainsi ses dirigeants et leur donnant le mandat de planifier le futur de tous les Kosovars. A cet égard, elle a félicité le Représentant spécial du Secrétaire général et le personnel de la MINUK et de la KFOR ainsi que toutes les personnes engagées dans la mise en œuvre du mandat du Conseil de sécurité. Il incombe désormais aux dirigeants politiques du Kosovo, avec le soutien de la communauté internationale, de répondre aux besoins et aux aspirations de leurs communautés dans un esprit de coexistence pacifique et conformément à la résolution 1244 du Conseil de sécurité, a-t-elle poursuivi. La Namibie, convaincue que les élections municipales ne sont que le début d'un processus de représentation démocratique, espère que le Représentant spécial engagera les dirigeants élus à un dialogue significatif qui contribuera à la réconciliation nationale et à l'administration autonome du Kosovo. La Namibie continuera à soutenir le Bureau du Représentant spécial, la MINUK et la KFOR ainsi que les autres institutions internationales pour leur excellent travail au Kosovo.

M. MAMOUNOU TOURE (Mali) a rendu hommage au Représentant spécial du Secrétaire général, M. Kouchner, et au personnel de la MINUK qui, par leurs efforts inlassables, ont permis le succès des élections municipales. Il s'est félicité des changements politiques intervenus récemment en République fédérale de Yougoslavie, émettant l'espoir que cela permettra d'améliorer les relations avec le Kosovo.

M. VOLODYMYR YU. YEL'CHENKO (Ukraine) a déclaré que les élections municipales ont constitué une étape importante dans le développement démocratique du Kosovo. Les résultats de ces élections et leur déroulement ont illustré leur importance. Le peuple du Kosovo doit être félicité pour la maturité politique dont il a su faire preuve lors de cet événement. Le représentant a toutefois regretté que les Serbes et les Turcs aient boycotté les élections. Il s’est interrogé sur la nomination de Serbes dans les organes municipaux. Il a par ailleurs appuyé l’idée d’organiser des élections partielles dans les municipalités à majorité serbe. Le représentant a toutefois exprimé sa préoccupation quant à une certaine recrudescence de la violence politique au Kosovo. Dans ce contexte, il a appelé de ses vœux le transfert de certaines compétences de la MINUK vers les dirigeants du peuple kosovar. Il faut dire clairement aux responsables municipaux qu’ils sont désormais titulaires de responsabilités accrues. Le représentant s’est par ailleurs dit encouragé par la volonté manifestée par le nouveau Président de la République fédérale de Yougoslavie d’amorcer le dialogue avec les dirigeants du peuple kosovar. Le Conseil doit se doter d’une nouvelle stratégie d’action en ce qui concerne la province et se prononcer notamment sur son statut, a-t-il déclaré. Le Conseil doit envisager tous les moyens de ramener les dirigeants kosovars et yougoslaves à la table des négociations, sans faire pour autant preuve de précipitation.

M. JEAN-DAVID LEVITTE (France), au nom de l’Union européenne et des pays associés, a déclaré que la plupart des milliers de Kosovars qui avaient été jetés sur les routes en 1999 sont maintenant de retour dans leurs villes et villages d’origine. Un an après cet exode, les activités du pilier humanitaire de la MINUK ont pu prendre fin, s’est-il réjoui. Le représentant a souligné que dans tous les secteurs, qu’il s’agisse du logement, de l’éducation, de la santé, des transports ou des infrastructures, les résultats sont là. Poursuivant, il a rappelé que la MINUK a créé de toutes pièces un appareil administratif et s’est efforcée d’amener les responsables kosovars, quelle que soit leur origine ethnique, à participer ensemble à cette œuvre. Elle n’a pas persévéré en vain. M. Levitte a ensuite évoqué les élections municipales d’octobre dernier, soulignant le sens des responsabilités dont a su faire preuve la population qui a accompli son devoir dans la dignité et dans l’ordre. Dans ce contexte, le représentant a estimé qu’une nouvelle étape importante a été franchie dans la mise en œuvre de la résolution 1244 du Conseil de sécurité, qui demeure la clé de voûte de l’action de la communauté internationale au Kosovo. Il s’est enfin réjoui de l’intention de M. Bernard Kouchner, de désigner des représentants des Serbes du Kosovo dans certains conseils municipaux et d’organiser ultérieurement des élections partielles.

Le représentant a par ailleurs déclaré que l’approfondissement de la démocratie, la construction de l’Etat de droit et le respect des droits des minorités continuent à être au premier rang des priorités de la MINUK. Ceux qui ont intérêt à faire échouer la réconciliation entre Kosovars de toutes origines poursuivent leurs provocations, a souligné le représentant. Le meurtre de quatre membres de la minorité ashkalie vient récemment d’en donner un exemple odieux, qu’il faut condamner de la façon la plus ferme. Mais l’impunité ne prévaudra pas, a assuré le représentant. Concluant son intervention, M. Levitte a déclaré que la construction d’une société kosovare multiethnique, démocratique et prospère, unie dans le respect des droits et de l’identité de chacun est plus que jamais l’ambition affirmée de la communauté internationale.

M. GERHARD PFANZELTER (Autriche) a souligné que lorsque l’on apprécie les performances de la MINUK, il faut tenir compte du contexte difficile dans lequel elle agit. Le représentant a salué la tenue d’élections municipales exemplaires au Kosovo. Il s’est félicité du taux élevé de participation, du faible nombre de vote nuls et de l’absence de fraude, de manipulations et de violence tout au long du processus. Au cours de cet événement, a-t-il affirmé, les Kosovars ont fait la preuve de leur engagement ferme et sans équivoque à construire la démocratie. Le représentant a également estimé que les partis politiques ont fait preuve, lors de cette élection, d’une maturité politique encourageante.

L’Autriche est particulièrement satisfaite des résultats de l’élection qui ont consacré la victoire écrasante de M. Ibrahim Rugova, attestant de la volonté des Kosovars d’opter pour la voie modérée. Ces développements pourraient être de nature à établir le dialogue entre Pristina et la nouvelle équipe au pouvoir à Belgrade.

Afin d’assurer la représentation politique des minorités, l’Autriche est favorable au système de la cooptation des représentants de minorités dans les assemblées municipales, a déclaré le représentant. Poursuivant, il a estimé que les Serbes du Kosovo semblent plus enclins, depuis les changements intervenus en République fédérale de Yougoslavie, à participer aux processus électoraux.

M. VLADISLAV MLADENOVIC (République fédérale de Yougoslavie), notant que le Kosovo et Metohija sont à l'ordre du jour du Conseil de sécurité - questions de la plus haute importance pour son pays - a réaffirmé que le nouveau Gouvernement de Belgrade souscrit pleinement à la résolution 1244 (1999) et estime qu'elle constitue la seule base pour un règlement juste et durable. Les changements démocratiques profonds intervenus en Yougoslavie ont permis aux représentants légitimes de la République fédérale de Yougoslavie de réaffirmer leur engagement en faveur de la mise en œuvre de la résolution du Conseil de sécurité, qui, a-t-il souligné, ne peut se concrétiser sans la participation du Gouvernement de Belgrade. A cet égard, il est indispensable de procéder de manière urgente à un règlement global compatible avec la mise en œuvre de la résolution 1244 (1999), en donnant la priorité au retour de tous ceux qui ont fui le Kosovo et Metohija, à la création d'un climat de sécurité, et à la conclusion d'un Accord sur le statut des présences internationales au Kosovo et à Metohija. La République fédérale de Yougoslavie se dit prête à entamer un dialogue et établir la coopération avec les représentants de la communauté internationale. Une solution juste pour tous les détenus et la clarification du sort des disparus devrait rétablir la confiance et la réconciliation. La tenue des prochaines élections dans la République yougoslave de la Serbie et dans le territoire du Kosovo et Metohija, le retour d'un contingent réduit de l'Armée de Yougoslavie et de la police dans ce territoire, le règlement de la question du statut de bureaux de représentants paradiplomatiques, ainsi que le respect de la souveraineté de la RFY constituent d'autres priorités.

De l'avis de la délégation yougoslave, ces priorités ainsi que les autres dispositions de la résolution 1244 du Conseil de sécurité constituent les questions fondamentales devant déterminer le cours des évènements futurs. Notant que la résolution 1244 prévoit également de répondre à d'autres questions, notamment les négociations politiques sur le statut final du Kosovo et Metohija, M. Mladenovic a estimé qu'il est prématuré d'y répondre alors que les questions fondamentales ne sont toujours pas résolues. L'expérience a montré que l'on parvient difficilement à des solutions appropriées et justes de problèmes politiques majeurs lorsqu'on essaie de les régler de manière hâtive et sans respecter les différents intérêts en jeu. C'est pourquoi, le Président Kostunica et son gouvernement démocratiquement élu appellent la communauté internationale à adopter une approche sérieuse et prudente, conformément à la résolution 1244, pour à l'égard de la question du Kosovo. La RFY attache la plus haute importance à sa souveraineté et à son intégrité territoriale, comme le souligne la résolution 1244, et se déclare prête à œuvrer en vue d'une autonomie substantielle du Kosovo et Metohija, afin de garantir une vie pacifique et prospère à tous les résidents, à savoir les Serbes, les Albanais et les autres résidents. Tout règlement intervenant au mépris de la résolution 1244 aura des incidences imprévisibles non seulement pour le Kosovo et Metohija et la République fédérale de Yougoslavie, mais également pour la région tout entière. Le renforcement des processus démocratiques dans tous les pays de la région, la promotion de la coopération régionale et de meilleures perspectives des processus en cours d'intégration en Europe contribueront à créer un climat plus propice dans la région et faciliteront le règlement des problèmes en cours.

M. AGIM NESHO (Albanie) a déclaré que les élections municipales d’octobre dernier ont illustré la capacité des Kosovars à construire un futur démocratique. La mise en place d’institutions municipales permettra aux représentants du peuple kosovar de prendre une plus large part à l’administration du pays, sous la supervision de la MINUK. Le représentant a estimé que les résultats optimistes des élections municipales doivent, logiquement, aboutir à la tenue d’élections générales dans un futur proche. Le représentant a ensuite déclaré que la victoire des forces démocratiques en République fédérale de Yougoslavie fait naître l’espoir de l’avènement d’une ère de coopération et de démocratie en Europe du sud-est. L’Albanie, a-t-il affirmé, se tient prête à coopérer avec l’ensemble des institutions démocratiques qui entendent favoriser l’intégration des Balkans, l’instauration de la paix et de la stabilité dans la région, et la construction d’une société démocratique impatiente de rejoindre l’Union européenne. Il est essentiel, a poursuivi le représentant, que la République fédérale de Yougoslavie manifeste sa volonté d’adhérer aux principes démocratiques en rejetant la politique nationaliste qui prévalait sous Milosevic et en respectant les droits des peuples à l’autodétermination. Il est également important, a ajouté le

représentant, que la République fédérale de Yougoslavie coopère avec le Tribunal pénal pour l’ex-Yougoslavie en libérant les prisonniers politiques albanais et en punissant ceux qui se sont rendus coupables de génocide. Le représentant a enfin a déclaré que l’on ne pourra décider du statut futur du Kosovo que lorsque ses institutions démocratiques seront solidement enracinées.

Répondant aux observations formulées par les délégations, M. Kouchner a exprimé ses remerciements au représentant des Etats-Unis pour la déclaration personnelle qu'il a faite en ce qui concerne les élections municipales. La campagne menée par la MINUK a permis de mieux sensibiliser la population locale à l'importance de l'avenir du Kosovo. M. Kouchner a souligné que les Kosovars ne sont pas des «maffieux». Au représentant de la Fédération de la Russie, il a rappelé que les divergences entre son gouvernement et la MINUK ont été nombreuses et pourtant, à l'occasion d'un déjeuner, sa délégation avait œuvré en étroite coopération avec les responsables de la MINUK pour s'entendre sur la tenue des élections municipales. Ce qui est possible et raisonnable a été accompli, avec des erreurs, a-t-il convenu, tout en rappelant que l'on ne change pas les mentalités du jour au lendemain. A cet égard, il a fait référence aux négociations de paix entre Israël et l'Autorité de Palestine. M. Kouchner a fait remarquer que les Turcs du Kosovo ont participé aux élections municipales. On ne pouvait empêcher que les élections municipales aient lieu tout simplement parce qu'une minorité au sein de la minorité refusait d'y participer. Il faut soutenir les vœux exprimés par la majorité, a-t-il rappelé. La MINUK participera prochainement au Sommet de l'Union européenne qui se tiendra à Zagreb. M. Kouchner a toutefois assuré qu'il a tenu compte des préoccupations de la délégation russe. Des arrangements seront faits pour veiller à ce que les Serbes du Kosovo s'inscrivent sur les listes prévues pour les prochaines élections générales. M. Kouchner est d'avis, avec le Canada, qu'il ne peut y avoir de paix sans justice. Quant à la Chine, il lui a demandé de se souvenir de la date où des élections dans ce pays ont permis de recueillir une participation de 80% des électeurs.

Le Représentant spécial a regretté que trop souvent ceux qui critiquent ne mettent pas la main à la pâte. La MINUK a nommé des juges albanais pour édifier le système judiciaire du Kosovo. Il faudra perfectionner les opérations de maintien de la paix futures. La MINUK a mis en place un centre pour les familles des personnes disparues. Le Groupe chargé du retour des Serbes prend contact avec tous les groupes de minorités. Le dialogue avec Belgrade est très largement entamé, a indiqué M. Kouchner, convaincu qu'il deviendra plus direct dans un proche avenir. Il a tenu à exprimer sa gratitude à l'appui sans réserve de l'Union européenne, ainsi qu'à l'Autriche, qui s'est exprimée en sa qualité de Président en exercice de l'OSCE. Par ailleurs, M. Kouchner, tout en reconnaissant qu'il restera encore beaucoup à faire, a assuré le Représentant de la République fédérale de Yougoslavie qu'il y aura une évolution des relations entre son pays et la MINUK. Concernant le retour des Serbes dans un climat de sécurité, il a souligné que la Mission s'emploiera de manière dynamique à le faciliter. M. Kouchner a noté avec satisfaction que l'Albanie a insisté sur l'autonomie substantielle du Kosovo, conformément à la résolution 1244.

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