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SG/SM/7621

LE SECRETAIRE GENERAL EVOQUE LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT, EN AFGHANISTAN ET EN IRAQ LORS DU SOMMET DE L'ORGANISATION DE LA CONFERENCE ISLAMIQUE

15 novembre 2000


Communiqué de Presse
SG/SM/7621


LE SECRETAIRE GENERAL EVOQUE LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT, EN AFGHANISTAN ET EN IRAQ LORS DU SOMMET DE L'ORGANISATION DE LA CONFERENCE ISLAMIQUE

20001115

L'on trouvera ci-après le texte de la déclaration que le Secrétaire général des Nations Unies, M. Kofi Annan, a faite lors du Sommet de l'Organisation de la conférence islamique qui s'est tenu à Doha au Qatar le 12 novembre:

Je voudrais tout d’abord féliciter le Cheik Hamad, qui prend aujourd’hui la présidence de votre organisation, et dire mon admiration au Président Khatami pour la sagesse et la hauteur de vues avec lesquelles il s’est acquitté de son mandat.

L’engagement dont vous ne cessez de faire preuve en faveur de la détente, de l'ouverture, de la tolérance et de l’état de droit est un encouragement pour tous ceux qui luttent en faveur du progrès, dans la région et dans le monde musulman.

Je suis heureux d’être parmi vous, dans cette belle ville de Doha, à l’occasion d’un sommet qui se tient à un moment décisif pour les membres de votre organisation et pour le monde.

J’ai eu l’honneur de participer à votre dernier sommet, tenu il y a trois ans à Téhéran, où j’ai eu l’occasion de souligner à quel point l’Organisation des Nations Unies et l’Organisation de la Conférence islamique étaient de véritables partenaires, qu’il s’agisse de promouvoir la paix, de réaliser le développement ou de protéger les droits de l’homme.

Pourtant, aucun de nous n’aurait pu prévoir à quel point ce partenariat deviendrait important en ce début de siècle, qui est certes plein de promesses, mais qu’affligent encore des conflits et des problèmes légués par le siècle précédent.

Depuis le dernier sommet, nombre de vos membres ont donné l'exemple d'une bonne gestion de leurs relations internationales, ce qui a atténué les tensions tout en favorisant la fraternité et la coopération. Certains différends frontaliers ont été réglés, d’autres font l’objet de pourparlers; les questions en souffrance sont discutées et, de plus en plus, vous unissez vos forces pour relever des défis qui vous sont communs.

Et si vous agissez de la sorte, c’est parce que vous savez que l’ère qui commence ne pourra tenir ses promesses que grâce à la coopération et à l’intégration dans la nouvelle économie mondiale, où le savoir circule bien plus largement et bien plus rapidement qu’auparavant.

Les peuples que vous dirigez attendent de vous que vous les protégiez contre les effets parfois déstabilisants de la nouvelle économie, mais ils comptent aussi sur vous pour que les perspectives qu’elle offre ne leur restent pas fermées, car c’est là leur meilleur espoir d’échapper à la misère et à la maladie.

Vous savez que l’avenir ne se gagnera pas sur les champs de bataille, mais dans l’esprit des jeunes générations, à qui nous devons donner les outils nécessaires pour vivre et prospérer à l’ère de l’information. Vous comprenez à quel point l’éducation peut stimuler la curiosité intellectuelle des jeunes et ouvrir leur esprit à la nouveauté et à l’innovation.

C’est pourquoi vous vous êtes engagés à défendre les intérêts de vos peuples – et à oeuvrer à un règlement juste des conflits – par des moyens pacifiques.

À l’heure où nous parlons, nous sommes tous conscients de ce qu'il en coûte lorsqu’on s’écarte du chemin de la paix. Depuis que l’Organisation de la Conférence islamique a été créée voilà plus de 30 ans, vous n’avez cessé d’exprimer votre appui au peuple palestinien. Les huit semaines qui viennent de s’écouler ont abondamment montré à toutes les parties que le recours excessif à la force, la violence aveugle et la terreur ne mènent pas à la paix.

La violence ne peut qu’engendrer la rancoeur et le ressentiment, et perpétuer la violence. Des deux côtés, les esprits s’échauffent, la méfiance s’accroît. Il est des blessures, infligées aux familles et aux communautés, qui ne sont pas près de se refermer. Je n'ose imaginer l’angoisse que doivent ressentir les Palestiniens face à l’explosion de violence et aux terribles pertes qu’ils ont subies. La mort de tant de jeunes, sans compter tous ceux qui sont blessés, m'afflige profondément. Je joins ma voix à la vôtre pour faire part aux familles endeuillées de mes sincères condoléances.

La question qui se pose au peuple palestinien comme au peuple israélien, à cette auguste assemblée et au monde entier, c'est de savoir comment mettre fin à la violence et aux tueries, et faire respecter le caractère sacré de toute vie humaine, qu’elle soit palestinienne ou israélienne, celle d’un enfant ou celle d’un vieillard.

La question, c’est de savoir comment répondre à la fois aux aspirations légitimes des Palestiniens en ce qui concerne leur dignité et leur indépendance nationale, et aux revendications légitimes des Israéliens en ce qui concerne la reconnaissance et la sécurité de leur État, et comment aider les deux parties à conclure une paix juste qui se traduira en avantages concrets pour chaque Palestinien et chaque Israélien.

L'une et l'autre partie ont besoin d'aide pour parvenir à un accord juste et durable, fondé sur le principe de l'égalité entre les deux peuples, qu'il s'agisse de leurs droits ou de leurs responsabilités, et sur ce que Itzhak Rabin et Yasser Arafat ont appelé "la paix des braves". Faut-il, pour réaliser une telle paix, encourager la violence, semer la haine et perpétuer la méfiance ou, au contraire, favoriser la coopération et le dialogue?

Faut-il dénier à l’une ou à l’autre partie son droit d’exister dans la paix et la dignité en tant que nation souveraine ou, au contraire, reconnaître le droit fondamental de deux peuples égaux de vivre en paix côte à côte?

Faut-il apprendre à nos enfants à haïr les enfants de l’autre camp et à leur dénier la dignité inhérente à chaque être humain ou, au contraire, forger un avenir où ils pourront travailler et prospérer ensemble?

Je suis convaincu que l’OCI a un rôle crucial à jouer pour toutes ces questions, surtout pour faire en sorte que le peuple palestinien, après tant d’années de souffrances, puisse réaliser son rêve et avoir un État indépendant. Ce rêve ne pourra se concrétiser que lorsque le processus de paix aura abouti pour l'ensemble du Moyen-Orient et que Syriens, Libanais, Palestiniens, comme Israéliens, jouiront enfin d’une paix juste et globale, dont les bases ont été jetées il y a longtemps par le Conseil de sécurité dans ses résolutions 242 et 338.

Je voudrais à présent aborder d’autres questions qui sont d’un intérêt primordial pour votre organisation.

La situation en Afghanistan demeure une vive source de préoccupation pour la communauté internationale. La population de ce pays fier et farouchement indépendant continue de subir de plein fouet les effets d'une guerre qui n'a que trop duré.

L’Organisation des Nations Unies continuera de tout faire pour que les parties afghanes parviennent à un règlement négocié et pacifique. Je suis heureux de pouvoir dire que ces dernières années la Mission spéciale des Nations Unies en Afghanistan a pu compter sur l’appui et le soutien de l’OIC, et en particulier de son comité sur l’Afghanistan.

Cette coopération est d’autant plus importante que l’on ne peut espérer rétablir la paix en Afghanistan sans l’appui des États voisins et des autres États intéressés. À ce propos, je tiens à saluer les efforts diplomatiques menés par le Groupe des « Six plus Deux », qui sont venus renforcer l’action des Nations Unies en Afghanistan. Cinq des quatre États voisins de l’Afghanistan sont aussi membres de l’OCI et du Groupe des « Six plus Deux ».

Je leur sais gré de leur contribution et m’adresse à eux, et en particulier à la République islamique d’Iran et à la République islamique du Pakistan, pour qu’ils collaborent encore plus étroitement en vue de rétablir la paix en Afghanistan, noble objectif s’il en est. Après tant d’années de combats insensés, cet infortuné pays est en droit d’attendre un cessez-le-feu durable et la mise en place d’un gouvernement largement représentatif.

Je voudrais maintenant aborder la question de l’Iraq. Je déplore profondément les souffrances qui continuent d’être imposées au peuple iraquien et forme des voeux avec tous ceux ici présents aujourd’hui pour que les sanctions imposées à ce pays puissent être levées rapidement.

J’ai pleinement conscience que les États membres de l’Organisation de la Conférence islamique et d’autres estiment qu’il y a deux poids deux mesures dans l’application des résolutions du Conseil de sécurité. Comme je l’ai déclaré devant le Conseil, je suis également convaincu que la situation humanitaire en Iraq pose un dilemme moral à l’ONU, qui a toujours été du côté des populations vulnérables et a systématiquement cherché à alléger leurs souffrances.

De même, je suis persuadé que les dirigeants iraquiens obtiendront bien plus en coopérant avec la communauté internationale, y compris avec leurs voisins, qu’ils ne le feront par l’affrontement.

Il est de mon devoir en tant que Secrétaire général de rappeler à chacun des États Membres de l’ONU les engagements qui sont les leurs aux termes de la Charte et l'obligation de respecter les résolutions du Conseil de sécurité. J’en appelle aux dirigeants iraquiens pour qu’ils revoient leur position et acceptent de coopérer avec la communauté internationale.

C’est dans cet esprit que je souhaite rappeler à tous les États membres de l’Organisation de la Conférence islamique que même l’inimitié la plus farouche entre nations ne peut durer éternellement. Cet enseignement, nombre d’entre vous l'ont tiré de leur propre histoire, comme l'ont fait beaucoup d'autres régions et d'autres religions, de l’Europe à l’Asie en passant par l’Amérique latine.

Il est donc de notre devoir à chacun, par-delà la crise actuelle et dans une optique à long terme, de réfléchir à des arrangements régionaux ou sous- régionaux d’une portée plus vaste. Un des objectifs serait de faire du Moyen- Orient une région d’où seraient bannies toutes les armes de destruction massive, un autre de faire du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires un instrument universel.

En tant qu’organisation regroupant des États unis par une foi commune, vous disposez de capacités sans pareilles pour vous appuyer sur les différentes composantes de vos sociétés afin de promouvoir la paix au sein de vos communautés, et entre celles-ci et le reste du monde. En tant que dirigeants politiques et spirituels, il est de votre devoir d’encourager et de promouvoir la tolérance, la cohabitation et le respect de la diversité.

Je suis intimement persuadé que la paix et le progrès de vos nations – et du monde – passent par un dialogue honnête et constructif mené dans le respect d’autrui.

Ce dialogue devrait s'inscrire dans le cadre plus large du dialogue entre les civilisations, au nom duquel l’Assemblée générale, donnant suite à la proposition du Président Khatami, à qui je rends hommage, a proclamé l’année 2001 Année des Nations Unies pour le dialogue entre les civilisations. Il doit s’agir d’un dialogue entre les sociétés et au sein des sociétés elles-mêmes, un dialogue marqué par le respect mutuel.

L’objectif n’est pas d’estomper les différences entre les êtres humains, mais au contraire de les préserver, voire d’y puiser fierté et vitalité. Le monde a besoin de se doter d’une éthique fondée sur un ensemble de valeurs communes, où des traditions différentes coexistent.

Les peuples doivent pouvoir honorer leurs propres traditions sans se livrer bataille. Ils doivent être libres d’échanger des idées et capables d’apprendre les uns des autres, comme le Coran les y invite : «Ô vous, les hommes! Nous vous avons créés d'un mâle et d'une femelle, et nous vous avons scindés en nations et en tribus pour que vous appreniez à vous connaître » (XLIX : 13).

Toutes les grandes religions et traditions se recoupent lorsqu’il s’agit des principes fondamentaux régissant la conduite des hommes : la charité, la justice, la compassion, le respect mutuel, l’égalité des êtres humains devant Dieu.

Voilà pourquoi des pays de toutes les régions du monde, se réclamant de traditions religieuses et culturelles très différentes, ont adhéré à la Déclaration universelle des droits de l’homme et aux accords qui en découlent. Votre organisation peut aider à faire en sorte que le dialogue religieux et culturel serve de fondement à la réconciliation politique, même dans les conflits les plus dangereux, même entre les ennemis les plus irréductibles.

Je suis convaincu que, fidèles à la grande tradition de votre foi, vous continuerez à oeuvrer pour la justice et pour la paix entre vos peuples et dans le monde en général. Je vous souhaite de fructueux travaux.

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