AG/1104

L'ASSEMBLEE GENERALE ENTAME L'EXAMEN DE LA QUESTION CONCERNANT LE DIALOGUE ENTRE LES CIVILISATIONS

13 novembre 2000


Communiqué de Presse
AG/1104


L’ASSEMBLEE GENERALE ENTAME L’EXAMEN DE LA QUESTION CONCERNANT LE DIALOGUE ENTRE LES CIVILISATIONS

20001113

«Les objectifs que se sont fixés les chefs d’Etat et de gouvernement lors du Sommet du millénaire sont à portée de main à condition que nous osions envisager l’avenir au-delà du court terme et des intérêts égoïstes, que nous apprenions à ne plus craindre nos différences et que nous tentions de comprendre les intérêts et les aspirations des autres» a déclaré le représentant de la République islamique d’Iran, ce matin, devant l’Assemblée générale. Le représentant présentait le projet de résolution (A/55/L.30) concernant le point intitulé «Année des Nations Unies pour le dialogue entre les civilisations» dont l’Assemblée a entamé l’examen. Citant le Président Khatami qui a proposé ce concept de dialogue entre les civilisations, il a déclaré que le dialogue ouvre la voie à l’espoir de vivre l’avènement d’un monde commandé par la vertu, l’humanisme et l’amour et pas uniquement par les indices économiques et les armes de destruction massive, estimant encore que si le dialogue prévaut, l’humanité, la culture et la civilisation prévaudront également.

Plusieurs intervenants ont insisté sur la difficulté de définir le concept même de civilisation. Ainsi, le représentant de la France a estimé que l'idée d'un dialogue entre les civilisations peut être interprétée de diverses manières. L'Union européenne a choisi de l'appréhender sous sa dimension culturelle car elle reflète tous les aspects de l'expérience humaine tels que l'art, la croyance ou la science. Concrétiser un dialogue entre les civilisations implique la nécessité de privilégier la pluralité et la diversité des cultures, a-t-il dit, ajoutant que l'Histoire avait appris au monde que la diversité pouvait engendrer la méfiance qui, elle même, pouvait entraîner des hostilités.

De nombreux représentants ont constaté qu’avec la fin de la guerre froide et de la division bipolaire de la planète, c’est le concept de «mondialisation» qui semble désormais régir les relations internationales. Certains ont réclamé que ne soient pas oubliées les spécificités de tous les Etats dans ce processus. L’importance de sauvegarder l’identité de chacun, y compris les diversités culturelles et religieuses, a été plusieurs fois évoquée. Des délégations ont encore considéré que la diversité souvent considérée comme une menace pour la paix et la sécurité, est en fait la base de la prospérité et le dialogue la seule issue ouverte à l’humanité pour construire un nouvel ordre mondial et garantir un avenir meilleur à chacun.

Les représentants des pays suivants ont pris la parole au cours du débat: République islamique d’Iran, France au nom de l’Union européenne et des pays associés, Bélarus, Inde, Egypte, Ukraine, Brésil, Arabie saoudite, Algérie, Malaisie, Philippines, Emirats arabes unis, Yémen, Azerbaïdjan, Indonésie et Iraq.

En cours de séance, le Président Holkeri avait annoncé que le Bureau de l’Assemblée se réunira mercredi prochain, le 15 novembre, à partir de 9 heures 30, pour examiner la demande de l’inclusion d’un point supplémentaire à l’ordre du jour de la présente session concernant l’attribution du statut d’Observateur à l’Assemblée générale à la Communauté économique des Etats d’Afrique centrale. L’Assemblée terminera l’examen de la question intitulée «Année des Nations Unies pour le dialogue entre les civilisations» cet après-midi à partir de 15 heures.

ANNÉE DES NATIONS UNIES POUR LE DIALOGUE ENTRE LES CIVILISATIONS

Le rapport du Secrétaire général (A/55/492 et Corr.1) rappelle que, par sa résolution 53/22 du 4 novembre 1998, l'Assemblée générale a décidé de proclamer 2001 Année des Nations Unies pour le dialogue entre les civilisations et a invité les gouvernements, les organismes des Nations Unies, y compris l'UNESCO, et les autres organisations internationales et les organisations non gouvernementales compétentes à préparer et exécuter des programmes culturels, éducatifs et sociaux appropriés pour promouvoir le dialogue entre les civilisations, notamment en organisant des conférences et des séminaires et en diffusant des informations et des ouvrages théoriques sur la question. Le Secrétaire général souligne que l'appel au dialogue entre les civilisations semble avoir été bien reçu partout dans le monde dans le secteur public comme dans le secteur privé. Il ajoute qu'au cours des douze derniers mois, les institutions gouvernementales et universitaires, ainsi que les ONG, ont organisé des séminaires, des débats et des activités de recherche ayant pour thème le dialogue entre les civilisations et que la question a également été traitée lors d'une réunion de chefs d'Etat tenue le 5 septembre 2000 au siège de l'ONU à New York.

Le rapport se subdivise en quatre parties dont la partie introductive. La seconde partie définit la trame conceptuelle du dialogue entre les civilisations, la troisième évoque les héros méconnus du dialogue et la quatrième propose un passage de la théorie à la pratique. Enfin, le rapport contient en annexe la liste des participants à la Table ronde sur le dialogue entre les civilisations organisée le 5 septembre 2000 au Siège de l'ONU.

Projet de résolution (A/55/L.30)

Dans sa résolution concernant l’Année des Nations Unies pour le dialogue entre les civilisations, l’Assemblée générale inviterait les gouvernements, les organismes de l’ONU, y compris l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science, la culture et les autres organisations internationales et organisations non gouvernementales compétentes à préparer et exécuter des programmes culturels, éducatifs et sociaux appropriés pour promouvoir le dialogue entre les civilisations, notamment en organisant des conférences et des séminaires et en diffusant des informations et des ouvrages théoriques sur la question. L’Assemblée engagerait tous les gouvernements à élargir leurs programmes d’enseignement, s’agissant d’inculquer le respect des différentes cultures et civilisations, de dispenser une éducation dans le domaine des droits de l’homme, de favoriser l’apprentissage des langues, de l’histoire et de la philosophie des différentes civilisations, et faciliter l’échange de connaissances, d’informations et de savoirs entre les gouvernements et la société civile, afin de promouvoir une meilleure compréhension de toutes les cultures et civilisations. Elle engagerait en outre tous les Etats Membres, les organisations régionales et internationales, la société civile et les organisations non gouvernementales à continuer de prendre des initiatives appropriées à tous les niveaux en vue de promouvoir le dialogue dans tous les domaines et de favoriser ainsi le respect mutuel et la compréhension entre les civilisations et en leur sein.

L’Assemblée déciderait de consacrer, lors de sa cinquante-sixième session, deux journées de séances plénières les 3 et 4 décembre 2001, à l’examen de la célébration de l’Année des Nations Unies pour le dialogue entre les civilisations, y compris en ce qui concerne les mesures de suivi éventuelles, et engage les Etats Membres et les Etats observateurs à se faire représenter au plus haut niveau politique.

Déclarations

M. HADI NEJAD-HOSSEINIAN (République islamique d’Iran), présentant le projet de résolution concernant l’Année des Nations Unies pour le dialogue entre les civilisations, a émis l’espoir qu’en 2001 les Nations Unies pourront se préparer à commémorer l’Année pour le dialogue entre les civilisations en célébrant un nouveau départ et non une fin. Selon lui, il faut que la communauté internationale établisse les fondations sur lesquelles doit reposer la construction de l’humanité. Il a rappelé que lors du Sommet du millénaire, les chefs d’Etat et de gouvernement ont appelé à réduire, d’ici à 2015, de moitié le nombre de personnes qui vivent avec seulement un dollar américain par jour et le nombre de personnes qui souffrent de la faim. Dans le même temps, ils se sont engagés à assurer que tous les peuples du monde aient accès à l’eau potable et à l’éducation, à trouver une solution à la propagation du virus du sida et à faire du droit au développement une réalité pour tous. Nous ne pourrons relever ces défis que si nous revoyons notre approche de résolution des problèmes, a estimé le représentant. C’est pourquoi, selon lui, le besoin d’un dialogue entre les civilisations existe partout dans le monde, aussi bien dans le secteur public que privé.

Les objectifs que se sont fixés nos dirigeants sont à portée de main, a-t-il dit, à condition toutefois que nous osions envisager l’avenir au-delà du court terme et des intérêts égoïstes, que nous endossions nos responsabilités de citoyens du monde, que nous apprenions à ne plus craindre nos différences, et que nous tentions de comprendre les intérêts et les aspirations des autres. Ils pourront être atteints lorsque nous nous serons débarrassés de la dictature de l’indifférence et que nous aurons accordé à tous le respect, la compassion, la tolérance et la dignité qu’ils méritent en tant qu’êtres humains ainsi que lorsque nous aurons établi le dialogue à tous les niveaux et dans tous les domaines. C’est ainsi que nous concevons le dialogue entre les civilisations, a encore dit le représentant. Citant le Président Khatami qui a proposé ce concept de dialogue entre les civilisations, il a déclaré que le dialogue n’est pas chose aisée. Malgré les difficultés, il n’y a pas d’alternative au dialogue si nous voulons assurer un destin commun à tous les hommes, a-t-il dit, considérant que le dialogue ouvre la voie à l’espoir de vivre l’avènement d’un monde commandé par la vertu, l’humanisme et l’amour et pas uniquement par les indices économiques et les armes de destruction de masse. Si le dialogue prévaut, l’humanité, la culture et la civilisation prévaudront, a encore estimé le représentant.

Citant le Secrétaire général des Nations Unies, il a poursuivi en affirmant que sans dialogue entre les civilisations, entre les différents groupes et cultures, il ne peut y avoir de paix et de prospérité durables, avant de rappeler la position de plusieurs chefs d’Etat et de gouvernement exprimée lors du Sommet du millénaire sur le sujet. La plupart ont insisté sur l’importance du dialogue entre les civilisations pour raviver le débat et l’interaction entre les peuples de la planète pour relever le défi que constitue l’union des peuples dans un monde libéré de la guerre, de la pauvreté et de la faim. Selon le représentant de l’Iran, le projet de résolution présenté au titre de ce point est le résultat d’un processus de consultation constructif et il a espéré que le texte pourra être adopté sans vote pour élargir le dénominateur commun des valeurs et des principes de l’humanité tout entière.

M. JEAN-DAVID LEVITTE (France), s'exprimant au nom de l'Union européenne, a rappelé que l'idée d'un dialogue entre les civilisations peut être interprétée de diverses manières, faute de définition claire de la notion de civilisation. Il a expliqué que l'Union européenne a, pour sa part, choisi de l'appréhender sous sa dimension culturelle car elle reflète tous les aspects de l'expérience humaine tels que l'art, la croyance, la science. Il a considéré que réaliser un dialogue entre les civilisations, impliquait la nécessité de privilégier la pluralité et la diversité des cultures, ajoutant que l'Histoire avait appris au monde que la diversité pouvait engendrer la méfiance qui, elle même, pouvait entraîner des hostilités. Le représentant a ensuite considéré que, pour se comprendre entre civilisations, le préalable était d'avoir des références communes, avant d'ajouter que pour dialoguer il fallait se reconnaître et se respecter. Il a mentionné la tolérance, le respect des droits de l'homme et le respect de la dignité humaine comme références communes.

M. Levitte a déclaré que la création des Nations Unies avait été une étape essentielle pour le dialogue entre les Etats qui ont trouvé un espace pour débattre de la paix, de la sécurité, de la prévention des conflits. Il a estimé que le renforcement du rôle des Nations Unies était un moyen de renforcer le dialogue entre les civilisations car tant la Charte des Nations Unies que l'engagement des Etats Membres à promouvoir la tolérance permettaient de poser les bases d'un partenariat. Il a ajouté que l'UNESCO a un rôle particulier à jouer dans la mise en oeuvre de l'Année des Nations Unies pour le Dialogue entre les civilisations, souhaitant qu'à cette occasion, les Etats Membres fassent en sorte que soit favorisée chez les individus une curiosité pour les autres civilisations dans les domaines artistiques, linguistiques, culturels, humains. Il a ensuite préconisé un rôle accru pour les individus, la société civile, les ONG et les associations qui doivent être les vecteurs et les moteurs du dialogue entre les civilisations, appelant les Etats Membres à faciliter cette évolution. Le représentant a ensuite considéré que la mondialisation offre des possibilités d'expression et d'échanges aussi nouvelles qu'extraordinaires qui replacent l'individu au coeur des flux de transmission de l'information et du savoir avant de souhaiter que l'on permette à tous les êtres humains d'accéder aux bénéfices de cette mondialisation. Il a cependant rappelé que la mondialisation porte aussi en germes une uniformisation des codes culturels et peut conduire à une marginalisation des cultures traditionnelles et a souhaité que les Nations Unies privilégient la pluralité et la diversité qui constituent le visage humain de la mondialisation. Il a conclu en déclarant que l'Union européenne se réjouit que l'ONU, en déclarant 2001 Année du dialogue entre les civilisations, se soit donné l'ambition d'établir un nouveau paradigme des relations entre les civilisations et les cultures.

M. ULADZIMIR VANTSEVICH (Bélarus) a estimé que ce n’est pas un hasard si, au seuil du XXIème siècle, la communauté internationale arrive à la conclusion que le dialogue entre les civilisations constitue un aspect particulièrement important des relations internationales. Il a cité le Sommet et la Déclaration du millénaire dans laquelle les chefs d’Etat et de gouvernement se sont engagés à promouvoir la paix grâce au dialogue. Le Bélarus a l’intention de prendre toutes les mesures adéquates pour promouvoir la mise en oeuvre de ce dialogue. La diversité du monde contemporain est aujourd’hui dominée par le concept de la «mondialisation», a dit le représentant, affirmant qu’il faut en reconnaître les avantages et les inconvénients pour les Nations Unies et la communauté

internationale dans son ensemble. Comment faire pour que la diversité soit un élément qui nous rassemble au lieu de nous diviser, a-t-il demandé, estimant à cet égard que la manière dont les Nations Unies seront considérées à l’avenir dépend grandement de la réponse qui sera donnée à cette question. L’Année du dialogue entre les civilisations donne l’occasion de promouvoir l’idée du dialogue et de la tolérance notamment en opposition à la xénophobie ou à la confrontation ethnique, a-t-il encore affirmé.

M. KAMALESH SHARMA (Inde) a mis en garde contre ceux qui considéreraient la diversité comme une menace. Le dialogue entre les civilisations et les nations peut et doit promouvoir la compréhension, le pluralisme et la diversité car ce sont là des éléments essentiels du progrès, a déclaré le représentant. Il a rappelé que le dialogue entre les civilisations est toujours confronté à des questions essentielles: comment forger des sociétés qui soient à la fois libérales et multiculturelles et qui conservent le sens de l’unité et un ensemble de valeurs communes? Comment le dialogue entre les civilisations peut-il s’accommoder des menaces qui pèsent sur notre héritage «civilisationnel», comme la pauvreté et le sous-développement, la faim et la maladie, l’émergence de la xénophobie, du racisme, de l’extrémisme, du terrorisme et des actions de la «société incivile»?

Le représentant, reprenant les mots du Secrétaire général, a rappelé que le monde n’a jamais été aussi intégré, vulnérable et injuste. Il a déclaré que le dialogue entre les civilisations ne sera un succès que s’il encourage le désir universel de justice et d’équité, d’harmonie et de cohérence. Il doit promouvoir un sens d’appartenance mutuelle et indivisible et véhiculer la conviction que tous, sans exception, devons participer à la promotion de la civilisation humaine. Il a fait observer que la notion de civilisation ne saurait être confinée dans les contours des Etats-nations et peut au contraire englober plusieurs cultures. Cependant, le maintien ou la promotion des identités et la protection des traditions culturelles et «civilisationnelles» ne doivent pas servir de prétexte à l’exclusion ou à l’ultranationalisme, a-t-il ajouté. Il a en conclusion émis le souhait que le dialogue soit l’occasion de promouvoir les caractéristiques communes à toutes les civilisations, mais également d’en préserver les traits distinctifs, car ce sont eux qui contribuent à la richesse humaine dans son ensemble.

M. AHMED ABOULGHEIT (Egypte) a estimé qu’on ne pouvait pas appréhender les questions internationales sans tenir compte des fondements culturels qui caractérisent les Etats et les civilisations. Cette démarche permet de comprendre les perceptions de l'autre et privilégie un dialogue ouvert, basé sur la coexistence pacifique. Le représentant a ensuite indiqué que le dialogue entre les civilisations supposait un rejet de l'exclusion, un renoncement à l'ingérence, et que les bases de ce dialogue étaient la prise en compte d'un contexte global qui tienne compte d'une origine unique et d'une destinée commune des civilisations. Il a exhorté à davantage de compréhension, de tolérance, à bannir la haine et à respecter autrui. La délégation égyptienne estime que la civilisation transcende la culture car cette dernière est limitée à une communauté de langue et de religion tandis que la civilisation est un fleuve qui englobe les cultures dans leur diversité. Il a souhaité que ce dialogue entre les civilisations soit libéré des réflexes du passé et que la communauté internationale se mette d'accord sur la nécessité de privilégier ce dialogue et de se comprendre afin de garantir la coexistence pacifique entre les civilisations.

Il a ajouté que toutes les civilisations ont la même importance et qu'aucune d'entre elles ne peut revendiquer de suprématie sur une autre, nonobstant sa capacité militaire, scientifique ou économique. Il a ajouté que, aujourd'hui, sur la scène mondiale, les civilisations ont des caractéristiques particulières, et qu'il faut interagir sans coercition et sans pression. L’expérience de l'Histoire a appris au monde que la pression génère toujours la résistance et le conflit entre les civilisations. Pour ce qui est du phénomène de la mondialisation, qui crée entre diverses communautés un certain nombre de frictions, il a recommandé à la communauté internationale d'agir avec précaution pour garantir la pérennité des bases morales qui excluent tout recours à la violence ou toute domination de certains Etats sur les autres, ajoutant que le but doit être aujourd'hui de privilégier un développement positif qui tienne l'humanité à l'abri des dangers. Enfin, le représentant a souligné la nécessité pour tout peuple de voir reconnaître son droit à l'autodétermination, condamnant l'usurpation des terres d'autrui, l'occupation et les embargos qui sont des réflexes inadmissibles au XXIème siècle. Il a enfin souhaité un traitement égal pour tous les Etats et toutes les civilisations, ce qui permettra aux Nations Unies de réaliser les objectifs nobles qui lui ont été assignés grâce à la promotion du dialogue entre les civilisations.

M. VOLODYMYR YU. YEL’CHENKO (Ukraine), prenant la parole au nom de la Géorgie, de l’Ukraine, de l’Azerbaïdjan, de l’Ouzbékistan et de la République de Moldova, a estimé que l’idée de dialogue entre les civilisations avancée par le président Khatami est utile et précieuse. La proclamation par l’Assemblée générale de 2001 comme année du dialogue entre les civilisations est un bonne chose pour engager un processus continu et des efforts communs ayant pour but de renforcer la paix et la sécurité dans le monde. Il a estimé que le dialogue est une valeur capable de promouvoir l’existence d’une humanité libérée de la pauvreté, de la haine et de la guerre. Selon le représentant, il existe de nouveaux paradigmes dans les relations internationales: le monde bipolaire appartient au passé mais un monde multipolaire lui a succédé dans lequel on constate deux tendance, l’une à l’intégration par l’économie notamment et, l’autre, à la conservation de l’originalité et de la diversité. Cette diversité est parfois présentée comme l’origine des conflits, a-t-il dit, alors qu’elle ne consiste pas une menace, mais plutôt une source d’inspiration et de progrès pour toute la communauté internationale.

Le respect de la tolérance et la collaboration avantageuse entre les civilisations sont des valeurs sur lesquelles repose le dialogue entre les civilisations. Le représentant du Bélarus a encore estimé que le dialogue est nécessaire au processus de mondialisation, facteur essentiel du développement à l’échelle de la planète. Chacun des pays au nom desquels il a pris la parole est confronté à la diversité, source de force pour leur développement. Il a déclaré que les civilisations sont liées les unes aux autres. La route de la soie a enrichi nos cultures et apporté l’idée de la coopération mutuelle, a-t-il noté. Selon lui, l’une des composante du processus est la nécessité d’établir un dialogue entre les religions. La mondialisation ne peut pas laisser de côté la sphère spirituelle et religieuse, a-t-il dit. Il est indispensable de renforcer la foi religieuse et la tolérance pour surmonter les barrières qui divisent les peuples. Les différences entre les sociétés ne doivent pas être un prétexte pour engager les conflits mais pour jeter les bases de la solidarité. Il a espéré que tous les acteurs politiques, sociaux, économiques et religieux jouent leur rôle dans la promotion du dialogue en faveur des valeurs qu’il sous-tend.

M. LUIZ TUPY CALDAS DE MOURA (Brésil) a déclaré que les Brésiliens étaient fiers d’appartenir à une société riche par sa diversité culturelle, ethnique et religieuse et que l’histoire du Brésil avait été un exemple de ce que peut être un constant «dialogue entre les civilisations». Avant l’arrivée des caravelles portugaises, a-t-il rappelé, les nombreux groupes autochtones étaient engagés dans des échanges culturels permanents qui ont notamment permis le développement d’un langage commun. Le mélange racial et culturel qui, par la suite, a résulté de la colonisation et des vagues successives d’immigration est un phénomène remarquable qui a réuni dans mon pays des millions de citoyens d’origine arabe, européenne et asiatique. Vu d’un point de vue historique, ce dialogue entre les cultures et les races n’a pas empêché la consolidation d’une identité autonome et l’expression de désaccords. Toutefois, cette évolution complexe s’est aussi traduite par la formation d’une nationalité claire et d’un sentiment d’identité commun à tous les Brésiliens.

Le représentant a fait observer qu’il était logique que ce dialogue entre les civilisations se tienne sous les auspices des Nations Unies. Le propos fondamental et les principes de cette Organisation sont intimement liés à l’idée de dialogue, a-t-il indiqué. Au cours de cette année de dialogue entre les civilisations va se tenir, en Afrique du Sud, un pays qui a vaincu le régime haineux de l’apartheid, la IIIème Conférence des Nations Unies contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance; nous faisons confiance à la tolérance et au respect de la diversité pour aider le combat incessant contre le fléau du racisme. Il a formé l’espoir que l’année qui vient permettra d’identifier les mesures concrètes qui permettront de combattre la conception erronée qui fait rimer diversité avec hostilité.

M. FAWZI BIN ABUL MAJEED SHOBOKSHI (Arabie saoudite) a déclaré que le nouvel ordre mondial semble reposer sur une superpuissance et la mondialisation de l’économie. Les progrès vertigineux des sciences et des techniques de la communication ont élargi le fossé entre les pays du Nord, riches, et les pays du Sud, pauvres et victimes du sous-développement et de la propagation de nombreuses maladies. La mauvaise répartition des ressources et des richesses a provoqué des conflits et une crise de confiance de l’humanité qui a souvent amené une limitation de la coopération entre les peuples, a estimé le représentant. Il faut assurer la sécurité de l’homme et son avenir grâce au développement durable par le dialogue entre civilisations, a-t-il dit. La civilisation est un dialogue entre cultures et quand bien même elle est le résultat de lois et de régimes politiques, elle ne peut se réaliser sans valeurs morales. Ce n’est pas seulement les progrès modernes mais aussi les valeurs, les convictions, les idées et concepts qui régissent la société, a-t-il poursuivi, les différences entre les peuples résident dans leurs perceptions de la mission de l’homme sur la terre.

La mondialisation essaye de faire entrer l’homme multiple dans un seul cadre et une seule idéologie pour créer une seule civilisation dominée par la révolution de l’information qui fait de la planète un village mondial. Ce concept ne peut pas être accepté par tous les peuples qui ne veulent pas s’assimiler à une seule culture car toute nation a le droit d’affirmer son identité dans ses principes et ses valeurs, a encore affirmé le représentant. L’Arabie saoudite est profondément convaincue de la nécessité du dialogue entre les civilisations dont les bases sont évoquées dans le Coran. Le Tout-Puissant nous invite à coopérer avec tous ceux qui croient en Dieu et à rechercher la communauté de notre destin, quelles que

soient les différences de langue ou de culture. Le représentant s’est aussi déclaré convaincu de la nécessité d’établir un dialogue constructif qui vise à la prospérité de l’humanité tout entière basé sur les préceptes de la religion islamique. Les conflits ont toujours pour objectif la prédominance politique et économique, a-t-il dit, rejetant toute tentative d’hégémonie d’une civilisation sur les autres, ce qui est contraire au principe de la tolérance et qui enracine l’injustice et l’oppression. La diversité culturelle entre les différents peuple est la base de la prospérité. Le dialogue est la seule issue pour l’humanité pour réaliser un nouvel ordre mondial et garantir un avenir meilleur dans la coopération et le développement afin d’enrichir les différentes civilisations humaines, a encore estimé le représentant.

M. ABDALLAH BAALI (Algérie) a fait valoir que le dialogue entre les civilisations était désormais un concept largement reconnu, accepté et célébré et que tous ceux qui travaillent dans cette maison de verre ne pouvaient que s’en féliciter. Dans un monde aujourd’hui en pleine mutation, tant sur les plans politique et économique que socioculturel, marqué par un développement scientifique et technologique sans précédent et par une mondialisation irréversible qui investit toutes les sphères d’activité humaine, le dialogue entre les civilisations se pose comme thérapie incontournable pour de nombreux facteurs de confrontation et de guerre, a-t-il déclaré.

Pour atteindre cet objectif, quel autre forum est mieux indiqué que l’Organisation des Nations Unies, cet espace universel qui réunit en son sein l’ensemble des nations du monde, grandes et petites, riches et sous-développées, en partenariat actif avec les acteurs nouveaux de la scène internationale que sont les membres de la société civile, notamment les ONG, la presse et les médias, a fait observer le représentant. Tous ces acteurs sont aujourd’hui appelés à jouer le rôle qui est le leur pour favoriser l’avènement d’un véritable dialogue entre les civilisations qui devrait tendre à aboutir à un substrat de valeurs partagées et constitutif de ce qui pourrait être véritablement qualifié de civilisation universelle sans pour autant nier l’existence des particularités présentées par d’autres valeurs «civilisationnelles» auxquelles s’attache chacune des nations. Dans cet ordre d’idées l’Algérie encourage l’ONU et ses divers organismes, en particulier l’UNESCO, à entreprendre toute action et initiative qui s’inscriraient dans la logique de favoriser le dialogue entre les civilisations.

M. DATO’ MOHAMAD YUSOF AHMAD (Malaisie) a déclaré que l’unité de l’esprit humain est célébrée par différentes cultures et religions à travers le monde. Elle fournit la base solide du dialogue et de la compréhension entre les peuples. Il s’est félicité de ce que le respect de la diversité culturelle et des spécificités de chaque civilisation ait été reconnu comme facteur de créativité humaine. La liberté, la justice, la solidarité et la morale sont des éléments indispensables dans le projet commun en faveur du développement humain, de la paix, de la sécurité et des relations amicales entre les peuples, a-t-il ajouté.

Le représentant a déploré qu’en dépit des idéaux promus par l’Assemblée générale, des sentiments de méfiance et d’animosité prévalent encore. Evoquant un film présenté il y a quelques semaines dans l’enceinte des Nations Unies, qui faisait état de meurtres injustifiés de femmes au nom de «l’honneur», il a regretté que ce film ait donné l’impression que l’Islam tolère ces «meurtres au nom de l’honneur». Les stéréotypes négatifs véhiculés sur l’Islam ne traduisent pas seulement un manque de connaissance et de compréhension de cette religion, mais également une absence de sensibilité envers le milliard de Musulmans de notre monde, a-t-il déclaré. La perpétuation de tels stéréotypes sur l’Islam, surtout dans le monde occidental, ne contribue pas à promouvoir la compréhension entre les peuples et les cultures et empêche l’approfondissement du dialogue qui a été initié entre les civilisations, a regretté le représentant. Il a par ailleurs souligné que la société malaise, qui est composée de plusieurs races, cultures et religions, vit en paix et dans l’harmonie. Cette paix est la résultante d’un dialogue inter-communautaire élaboré entre les peuples et d’une attitude de tolérance et d’ouverture entre les différentes religions de la Malaisie. Le représentant s’est félicité de ce que la promotion du dialogue, sur la base de la tolérance et du respect de la diversité, permette de réduire les tensions et les conflits entre les peuples et les nations. Mais l’unité entre les nations doit prendre en compte les valeurs et les normes de toutes les sociétés humaines, a-t- il conclu, elle ne doit pas ratifier la domination d’un groupe de nations ou de sociétés sur les autres.

M. FELIPE MABILANGAN (Philippines) a déploré que dans l’histoire, les relations entre les civilisations aient davantage été marquées par la domination que par le dialogue. Il s’est félicité que le Gouvernement de l’Iran, les Nations Unies, les nations et la société civile aient pris des initiatives en faveur du dialogue entre les civilisations. Le dialogue est l’outil principal de notre Organisation, et même si on a pu nous accuser d’en abuser, des progrès considérables ont été réalisés grâce au dialogue et à la diplomatie, a-t-il déclaré. Mais il s’est aussi inquiété que beaucoup d’occasions aient été manquées et que les malentendus et la méfiance restent prépondérants. Il a plaidé en faveur d’un véritable dialogue, qui ne soit pas seulement l’occasion de faire passer un message mais également celle d’écouter ce que l’autre a à dire. Le représentant s’est félicité des événements et activités qui vont prendre place pour promouvoir le dialogue entre les civilisations et a recommandé que chacun laisse de côté ses préjugés sur les autres civilisations. Ce dialogue doit s’élever entre des partenaires et des amis, entre des égaux unis par l’objectif d’apporter de vraies réponses aux problèmes de notre monde, de nos civilisations et de l’humanité, a-t-il conclu.

M. MAHDI NASSER (Yémen) a fait valoir que le point de l’ordre du jour portant sur le dialogue entre les civilisations ne soulignait pas seulement l’importance de ce dialogue mais aussi la détermination des pays du monde d’inaugurer ce nouveau millénaire en s’efforçant de promouvoir les principes qui le sous-tendent et qui sont aussi ceux des Nations Unies, notamment le respect des droits de l’homme et de la diversité des cultures, déjà mis en avant dans la résolution de l’Assemblée générale.

C’est pour toutes ces raisons que mon pays a suivi avec beaucoup d’intérêt les travaux de ces deux dernières années, notamment ceux de la Conférence de Kuala Lumpur, a déclaré le représentant. Le dialogue est la seule alternative à une société de confrontation et d’exclusion et les Nations Unies ont un rôle à jouer pour le promouvoir. Le projet de résolution présenté aujourd’hui est le témoignage des engagements que nous avons pris et constitue une étape positive dans la voie de la compréhension.

M. ELDAR KOULIEV (AzerbaÏdjan) a précisé que l'entrée dans le nouveau millénaire et le dialogue entre les civilisations étaient très symboliques et que la communauté internationale doit s'adapter pour faire face aux menaces de la «fin de l'Histoire», pour reprendre l'expression de Francis Fukuyama, ou celle des «heurts des civilisations» développée par Samuel Huntington. Il a ajouté que le heurt des civilisations avait favorisé le développement du dialogue entre les cultures avant de plaider pour une nouvelle éthique mondiale qui supprimerait les lignes de division et favoriserait une compréhension mutuelle plutôt que la confrontation. Il a souhaité la mise en oeuvre d'un nouvel ordre mondial reposant sur le dialogue et la mondialisation culturelle que l'on peut caractériser de nouvelle civilisation. Il a souhaité que les Etats se mobilisent face au système de valeurs, de mentalités et de modèles de comportement véhiculés par certains producteurs de «pop culture» qui imposent leurs valeurs notamment à la jeunesse.

M. Kouliev a ensuite regretté l'image négative du musulman, considéré comme un terroriste, alors que la terreur n'a pas de nationalité ou de culture et il a jugé que cette attitude sélective vis-à-vis de l'Islam n'est pas acceptable car la civilisation musulmane a contribué de manière décisive aux cultures occidentales, notamment par ses apports à la culture greco-romaine ou encore au siècle des Lumières. Il a ajouté que la religion musulmane préconise le respect des Saints des autres religions, notamment le Judaïsme et la christianisme. Il a ajouté que l'Azerbaïdjan était une mosaïque de diverses cultures, notamment Turque et Perse, ce qui renforce le dialogue entre les civilisations, essentiel et préconisé entre toutes les communautés de l'Azerbaïdjan, juive, musulmane et chrétienne.

Le représentant de l'Azerbaïdjan a regretté que depuis 10 ans cette cohésion bâtie sur le dialogue intercommunautaire dans son pays soit menacé par la guerre injustement présentée comme une lutte entre chrétiens et musulmans. Il a rejeté cette approche religieuse de la guerre qui repose plutôt, selon lui, sur la volonté hégémonique d'un Etat voisin, ajoutant que la tolérance religieuse et culturelle est propre aux peuples d'origine turque. M. Kouliev a ajouté que les valeurs démocratiques sont universelles et émanent de toutes les civilisations, considérant que le dialogue entre les civilisations suppose l'égalité des droits et des cultures entre celles-ci. En conclusion, le représentant s'est félicité de la contribution de l'UNESCO pour le renforcement du dialogue entre les civilisations et exhorté les Etats à renforcer la coopération culturelle.

M. MAKMUR WIDODO (Indonésie) a fait valoir que l’importance accordée par l’Indonésie au dialogue s’était manifestée dans la présence de son Président Abdurrahman Wahid à la Table ronde organisée en septembre 2000 par l’Iran et l’UNESCO. A cette occasion, le Président Wahid a indiqué qu’il ne pouvait pas y avoir de dialogue entre les civilisations, s’il n’y avait pas une intensification du dialogue interne. En fait, il ne saurait y avoir de dialogue entre les nations, s’il n’y en a pas à l’intérieur des nations. C’est particulièrement vrai pour ce qui est de l’Indonésie, compte tenu du nombre et de la diversité des groupes ethniques et des religions qui la composent.

Après plus de trente ans d’un système politique rigide, a indiqué le représentant, nous commençons à assister au développement et à l’expression de la démocratie en Indonésie. Cette expression a toutefois mis en lumière les contradictions qui existent entre modernisation et traditionalisme et ceux qui s’accrochent à une vision unique du monde. Nous, en Indonésie, devons privilégier ce dialogue et commencer à définir une approche qui allie tradition et modernité. Nous pensons que le dialogue national alimentera notre détermination en faveur du succès du dialogue parmi les civilisations tandis que, dans un même temps, le dialogue entre les civilisations constitue le cadre des discussions au niveau national.

M. MOHAMMED AL-HUMAIMIDI (Iraq) a fait observer que cette démarche du dialogue entre les civilisations devenait de plus en plus importante, au seuil du troisième millénaire, en tant que moyen incontournable de parvenir au développement et à la paix. Différentes civilisations se sont construites dans l’histoire et ont constitué une chaîne dont chaque maillon a permis de faire avancer l’humanité, a-t-il déclaré. L’Iraq est un pays héritier d’importantes civilisations, sumérienne, acadienne et babylonienne. Bagdad a été la capitale d’un Etat islamique dont les contributions dans les domaines de la science et de la littérature ont favorisé les progrès de l’humanité. La nation arabe dans son ensemble peut encore continuer à contribuer à la marche de la civilisation humaine, a-t-il fait valoir.

Le représentant a indiqué que l’humanité était la proie de conflits destructeurs alimentés par la haine et la primauté de la force, entre autres facteurs. La communauté internationale se doit de mettre fin à ces tendances destructrices, le dialogue entre les civilisations étant la meilleure façon d’y parvenir, a-t-il déclaré. Ce dialogue doit s’appuyer sur des principes fondamentaux respectueux de la diversité, ce qui veut dire notamment respect des points de vue, respect des valeurs, reconnaissance des sources de connaissances. Tout cela enrichit nos civilisations humaines. Nous devons renoncer à considérer qu’une culture est supérieure à une autre, renoncer à l’ingérence, accepter un ordre international où aucun Etat ne sera chargé de l’ordre mondial, renoncer à la menace ou à l’utilisation de la force brute, autant de notions qu’il est nécessaire de rappeler si l’on veut que le dialogue entre les civilisations soit une réalité.

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