LA TROISIEME COMMISION EXAMINE LA SITUATION DES DROITS DE L'HOMME EN IRAN ET AU RWANDA
Communiqué de Presse
AG/SHC/500
LA TROISIEME COMMISION EXAMINE LA SITUATION DES DROITS DE L'HOMME EN IRAN ET AU RWANDA
20001101Dans le cadre de leurs travaux en Troisième Commission, les délégations ont examiné ce matin les rapports élaborés par deux Représentants spéciaux de la Commission des droits de l'homme, portant respectivement sur la situation, dans ce domaine en République islamique d'Iran et au Rwanda.
M. Michel Moussalli, s'est dit impressionné par la situation générale au Rwanda, six ans après un génocide qui a coûté la vie de presqu'un million de personnes. Il a rappelé que de 1996 à 1998, presque trois millions de réfugiés sont retournés au Rwanda. La plupart d'entre eux ont été en grande partie réintégrés dans le pays. Selon les normes universelles, il ne fait aucun doute que ceci est exceptionnel, a souligné le Représentant spécial. Il s'est félicité de la tenue, ce mois-ci, du premier Sommet d'unité nationale et de réconciliation, mais il a ajouté que tous les efforts du Gouvernement et du peuple rwandais pour la promotion et la protection des droits de l'homme, la justice, l'unité et la réconciliation, risquent d'être réduits à néant si les crises et les conflits qui frappent la région des Grands Lacs ne sont pas résolus. La paix, la sécurité et l'éradication de la pauvreté dans les populations et les pays de la région des Grands Lacs en sont des conditions préalables et des conditions "sine qua non".
M. Maurice Copithorne, après avoir rappelé que la société iranienne est complexe et sophistiquée, a mentionné les progrès enregistrés en Iran sur le plan législatif, notamment les dispositions en faveur des filles et des femmes. Il a également souligné les progrès encourageants en matière de justice juvénile. M. Copithorne a aussi évoqué sur le plan juridique, les procès en cours contre des personnes accusées d'apostasie, ceux contre 17 activistes réformistes ainsi que le cas des Juifs iraniens accusés d'espionnage. M. Copithorne a affirmé que les droits de l'homme continuent de faire des progrès en Iran mais que ce processus est lent et fait face à de formidables obstacles.
Les délégations des pays suivants ont participé aux dialogues qui ont fait suite à la présentation des rapports: République islamique d'Iran; Israël; Jamahiriya arabe libyenne; Chine; Rwanda; et République démocratique du Congo.
La Commission a par ailleurs poursuivi son débat sur toutes les questions relatives aux droits de l'homme. Les délégations des pays suivants ont participé à ce débat général: Etats-Unis; Arabie saoudite; Thaïlande; Bangladesh; ex- République yougoslave de Macédoine; et Inde.
La Troisième Commission reprendra ses travaux cet après-midi à 15 heures.
QUESTIONS RELATIVES AUX DROITS DE LHOMME
Rapport sur la situation des droits de l'homme en République islamique d'Iran Rapport (A/55/363)
Dans ce rapport, le Représentant spécial de la Commission des droits de l'homme, M. Maurice Copithorne, décrit la situation des droits de l'homme en République islamique d'Iran sur la période allant du 1er janvier au 15 août 2000. Le Représentant spécial y note que les sept derniers mois ont été marqués par des troubles et que la question des droits de l'homme a très souvent occupé une place centrale. Il estime que, d'une certaine façon, le Gouvernement de la République islamique dIran est victime de la transparence qu'il a lui-même introduite il y a trois ans.
Il est rappelé dans ce rapport que les Iraniens sont à plusieurs reprises descendus dans la rue pour manifester contre le chômage, l'inflation et l'état des services municipaux, mais aussi pour faire entendre leur voix sur des questions plus politiques, telles que la liberté de la presse, le traitement des étudiants et des autres détenus et la passivité du Gouvernement en général. Des vigiles paramilitaires sont souvent intervenus pour faire taire les manifestants.
D'une manière générale, la situation des femmes est restée inchangée, mais le nouveau Majlis (Parlement) pourrait s'attaquer à certains problèmes institutionnels, par exemple les conditions d'obtention du divorce et l'âge minimum du mariage. La réforme de la justice est au point mort et il y a lieu de penser que cette question est âprement débattue en coulisses. Les prisons sont surpeuplées et le nombre des exécutions est encore très élevé. Il est maintenant de notoriété publique que les organes chargés du respect de l'ordre public recourent à la torture, notamment dans des centres de détention illégaux.
Les meurtres et les disparitions d'intellectuels et de dissidents politiques ne sont toujours pas élucidés. La question des minorités ethniques et religieuses est dans l'ensemble restée sans réponse.
Certaines minorités ethniques sont de plus en plus marginalisées par la politique d'assimilation subrepticement menée par le gouvernement. La démocratie électorale continue à gagner du terrain, mais d'importants obstacles institutionnels à l'exercice des pouvoirs du corps législatif commencent à se faire jour. Dans l'ensemble, le Représentant spécial estime que certains progrès tangibles constatés en 2000 ont été éclipsés par une stagnation, voire une détérioration, de la situation dans certains domaines.
Dans ses conclusions, M. Copithorne note que la période considérée a été désastreuse pour la liberté de la presse. Il invite les trois branches de l'Etat iranien à uvrer ensemble en vue d'atteindre cet objectif essentiel. Au sujet des manifestations estudiantines de juillet 1999, le Représentant spécial note également que l'appareil judiciaire a rapidement pris des mesures contre les dirigeants du mouvement estudiantin. Il remarque qu'outre un procès peu convaincant intenté contre certains policiers, l'appareil judiciaire n'a manifestement rien fait pour traduire en justice les miliciens agissant dans le cadre extrajudiciaire.
Le Représentant spécial note qu'aucune disposition n'a encore été prise pour faire face aux principaux obstacles au plein exercice par les femmes de leurs droits fondamentaux et invite le gouvernement à prendre les dispositions nécessaires à cet effet. Il estime en outre qu'il faut d'urgence se pencher sur le système juridique. En premier lieu, le Représentant spécial demande à l'appareil judiciaire d'accélérer la mise en uvre du programme de réforme qui avait été promis il y a un an lorsque le chef de l'appareil judiciaire a pris fonctions. Il estime que l'Ordre des avocats est loin de faire honneur à son nom ou de vivre selon les principes internationaux régissant les associations d'avocats. Il engage l'Etat, peut-être le Majlis, à honorer les engagements pris par le Président en faveur de l'état de droit, en particulier en faveur d'un barreau véritablement indépendant.
M. Copithorne demande au gouvernement de s'engager à appliquer l'interdiction de la torture inscrite dans la Constitution. En ce qui concerne les assassinats et les disparitions d'intellectuels et de dissidents, le Représentant spécial demande au gouvernement de faire juger dès que possible les auteurs par des tribunaux ouverts sans se soucier des personnes qui pourraient être visées par les preuves.
En ce qui concerne les droits des minorités religieuses et ethniques, qui demeurent un autre domaine largement négligé par le gouvernement, le Représentant spécial demande notamment au gouvernement de répondre aux préoccupations des sunnites en ce qui concerne la construction et/ou la remise en état de mosquées sunnites; de répondre aux préoccupations des bahaïs et de certains groupes chrétiens en prenant des mesures propres à instaurer la confiance qui vont dans le sens du récent assouplissement des conditions d'enregistrement des mariages, de façon à appliquer intégralement et avec diligence la politique relative au droit à la citoyenneté approuvée par le Conseil de discernement; et d'accorder à toutes les minorités religieuses et ethniques les droits culturels énoncés dans la Constitution.
Le Représentant spécial note que la démocratisation continue à progresser en République islamique d'Iran. Toutefois, il estime qu'il faudra tôt ou tard se pencher sur le comportement du Conseil des gardiens, qui est caractérisé par l'arbitraire, le manque de transparence, voire les caprices. Celui-ci constitue, à l'heure actuelle, un obstacle aux efforts visant à rendre le gouvernement plus responsable devant le peuple iranien. Enfin, le Représentant spécial note avec regret qu'il n'est toujours pas en mesure de se rendre en République islamique d'Iran. Il demande au gouvernement de reprendre pleinement sa coopération avec la Commission des droits de l'homme à cet égard.
Le rapport contient en annexe I, un document intitulé "Déni du droit à un procès équitable et de droits connexes" qui examine, dans le cadre du procès des juifs et des musulmans iraniens à Shiraz, les questions de l'arrestation arbitraire et détention prolongée sans chef d'accusation, du défaut d'indiquer les chefs d'accusation aux termes de la loi; des aveux extrajudiciaires; de déni du droit d'être assisté par un conseiller de son choix et du droit à la présence d'un conseiller.
L'annexe II concerne la situation des bahaïs, le Représentant spécial y détaille les informations qu'il a reçues sur les trois bahaïs arrêtés à Isfahan pour avoir collaboré avec l'Institut bahaï d'éducation supérieure et dont la peine a été prononcée le 16 mars 1999; sur d'autres bahaïs détenus dans les prisons iraniennes, arrêtés de 1989 à 1998.
Présentation
Le Représentant spécial de la Commission des droits de l'homme, M. MAURICE COPITHORNE a voulu se limiter aux développements survenus depuis la publication de son rapport. Il a rappelé que la société iranienne est complexe et sophistiquée et qu'il doit donc identifier des secteurs clefs et souligner les progrès et les lacunes. L'on peut donc dire à ce sujet que le rapport pourrait être teinté d'un certain degré de subjectivité.
M. Copithorne a tout d'abord évoqué les progrès enregistrés sur le plan législatif. Il a noté que depuis l'entrée en fonction du sixième Majlis (le sixième parlement), des réformes ont été lancées et des projets de loi ont été approuvés. Il s'agit de dispositions visant entre autres, à relever l'âge minimum du mariage, à améliorer la situation des filles et des femmes, ou portant par exemple sur le droit des avocats à rencontrer leurs clients.
Le Représentant spécial a noté les progrès encourageants en matière de justice juvénile, notamment l'interdiction d'appliquer la peine capitale aux moins de 18 ans. Il a également évoqué divers procès, y compris les procès contre des personnes accusées d'apostasie. Il a notamment évoqué la procédure en cours contre 17 activistes réformistes qui ont participé à la Conférence à Berlin. Ce procès a commencé la semaine dernière. Il a ajouté que le Tribunal révolutionnaire qui en a la charge travaille à huis clos. M. Copithorne a affirmé que l'on ne connaît pas les accusations qui pèsent contre les prévenus.
Quant à la presse, le Représentant spécial a indiqué que les rumeurs faisant état d'un assouplissement des mesures contre les médias réformistes n'ont pas été confirmées par les faits. Au contraire, la semaine dernière, selon d'autres informations, des nouvelles fermetures et d'autres mesures de harcèlement judiciaire visant la presse auraient été prises. M. Copithorne a conclu en affirmant que les droits de l'homme continuent de faire des progrès lents en Iran mais que ce processus est lent et fait face à de formidables obstacles.
Dialogue
Le représentant de la République islamique d'Iran a souligné les considérations politiques qui prévalent dans son pays. Sans mettre en doute l'objectivité du Représentant spécial, il a critiqué sa perception du contexte politique iranien. Expliquant que le mouvement des réformes en Iran vise à renforcer le pluralisme, l'état de droit, les institutions démocratiques et la société civile, le représentant a estimé qu'il aurait fallu tenir compte de ces indicateurs fondamentaux. Il a ajouté que le gouvernement réformiste tient bon malgré les contre-mesures évoquées par le Représentant spécial, mesures qui ne devraient pas être la base de son évaluation. Tout en mettant en cause la pertinence d'inclure la question des minorités telle que les Azéris, démarche qu'il a considérée comme une campagne de désinformation, il a souhaité
que l'Iran ne fasse pas l'objet d'un contrôle international par les mécanismes de surveillance des Nations Unies en matière des droits de l'homme. Son point de vue a été appuyé par le représentant de la Chine.
M. Maurice Copithorne s'est dit d'accord avec le représentant de l'Iran sur l'importance du contexte politique dans son pays. Il a lui aussi reconnu que des progrès ont été réalisés en matière des droits de l'homme et que cette tendance est irréversible.
Evoquant le procès des Juifs iraniens qui sétait déroulé lété dernier, le Représentant dIsraël a parlé d'un déni de justice, a dénoncé les procédures et demandé la libération immédiate et inconditionnelle «de ces malheureux». Le Représentant de la Jamahiriya arabe Libyenne a au contraire reproché à M. Copithorne d'avoir accordé une attention trop marquée à ce groupe aux dépens d'autres minorités religieuses.
M. COPITHORNE a rappelé que dans son rapport, il avait évoqué à la fois le cas des juifs iraniens et celui de certains musulmans.
La représentante de la Jamahiriya arabe Libyenne a par ailleurs critiqué les déclarations du Représentant spécial sur le port du tchador. Elle a affirmé que le tchador est assimilable au costume indien ou à la calotte que portent les juifs. Elle a également évoqué la question de l'âge minimum du mariage, expliquant que dans la tradition islamique, il est préférable que la mariée soit relativement jeune. Elle a aussi critiqué l'appréciation de la peine de mort faite par M. Copithorne, en soulignant quelle est conforme au Coran. La représentante a enfin voulu savoir ce qu'il en est de la coopération qui semblait avoir été suspendue entre le Représentant spécial et le Gouvernement iranien.
A ces questions, M. COPITHORNE a répondu qu'il ne parlait pas du hijjab mais du tchador et que, pour ce qui est des effets négatifs que ce dernier a sur la santé des femmes, il n'a fait que rapporter les propos des femmes iraniennes mieux placés que lui pour en parler. Pour ce qui est de sa coopération avec l'Iran, il a précisé que celle-ci n'est pas interrompue, mais qu'elle n'est pas aussi pleine et substantielle qu'il serait souhaitable.
Rapport sur la situation des droits de lhomme au Rwanda Rapport (A/55/269)
Le rapport, en date du 4 août 2000, a été établi par le Représentant spécial de la Commission des droits de lhomme, M. Michel Moussalli qui fait quatre missions au Rwanda en 1999 et trois en 2000. Son mandat est de faire des recommandations sur la façon daméliorer la situation des droits de lhomme dans ce pays, y faciliter la création dune Commission nationale des droits de lhomme indépendante et efficace, et faire en outre des recommandations sur les situations qui pourraient appeler la fourniture au Gouvernement rwandais dune assistance technique dans le domaine des droits de lhomme. M. Moussalli explique que, bien que la surveillance de la situation des droits de lhomme au Rwanda nentre pas dans son mandat, le Représentant spécial a, chaque fois quil la jugé important et nécessaire, fait part des observations et formulé des recommandations.
Le Représentant spécial a noté avec satisfaction que le Rwanda séloigne du spectre du génocide et commence à préparer le terrain en vue du passage à la démocratie. En plus, des efforts tendant à supprimer les mentions dorigine ethnique et à favoriser la réconciliation ont été enregistrés, en revanche, il nexiste pas encore au Rwanda de véritable culture des droits de lhomme. Par ailleurs, les conflits, linsécurité et la peur prévalant dans la région des Grands Lacs reste une source de préoccupation extrême paralysant les efforts de réconciliation et la promotion des droits de lhomme. A propos de la coopération entre les Nations Unies et le Rwanda, les organismes du système onusien ont apporté un soutien croissant à la cause des droits de lhomme dans ce pays. Des projets de coopération technique et dappui aux deux commissions chargées respectivement de lunité nationale et de la réconciliation créés en 1999 et qui a lancé un dialogue au niveau local dans lensemble du pays- et des droits de lhomme ont été soumis à lapprobation du Comité dexamen du Haut Commissariat aux droits de lhomme à Genève.
Lamélioration de la sécurité dans le nord-ouest du Rwanda en 1999 a entraîné une diminution des exactions imputées aux forces armées rwandaises, malgré la continuation dincursions subséquentes. La sécheresse a créé de graves pénuries alimentaires qui ont provoqué des déplacements internes parmi la population. Par ailleurs, à la date de publication du rapport, plus de 75 000 réfugiés étaient revenus de la République démocratique du Congo et même si lon ne fait pas état de représailles systématiques les visant, des civils, dans le nord-ouest, seraient recrutés de force dans larmée. Au sein des forces de défense locales créées un peu partout dans le pays, des associations rwandaises des droits de lhomme ont signalé une dégradation croissante de la discipline. En outre, de plus en plus de Rwandais se sont exilés vers la Tanzanie.
Quant à la société civile, le rapport note que les associations rwandaises des droits de lhomme, qui dépendent complètement des bailleurs de fonds étrangers, et dont les besoins sont immenses, se remettent dune période difficile, qui peut être améliorée par le renforcement des capacités et un environnement juridique favorable. Cependant, le Représentant spécial sest réjoui du fait que la Commission nationale des droits de lhomme soit maintenant en mesure de remplir son rôle dorgane national de liaison. Il sest également réjoui des progrès accomplis par la Commission nationale pour lunité et la réconciliation. Par ailleurs, les conditions pour la révision constitutionnelle semblent réunies.
123 000 détenus sont entassés dans des prisons et des cachots. Malgré quelques initiatives audacieuses prises par les autorités et lappui du Comité international de la Croix-Rouge, la situation de ces prisons est demeurée critique, notamment sur le plan de lalimentation, gravement insuffisante, et les conditions de détention, effroyables et inacceptables. Le Représentant spécial a invité instamment les autorités à mettre plus rapidement en liberté les personnes âgées, les malades chroniques, les femmes enceintes et les enfants tout en leur demandant vivement dêtre moins réticents au travail des organisations intéressées aux cachots, symboles potentiels de violence et obstacles éventuels à la réconciliation. Tout en applaudissant laudace du gacaca, système judiciaire inspiré par le droit coutumier rwandais dont lobjectif déclaré est daccélérer ladministration dune justice surchargée, le Représentant spécial a observé que lorganisation du gacaca, ainsi que sa conformité avec les normes juridiques internationales, suscitent certaines préoccupations. Ainsi, lappui international au gacaca pourrait éviter que les appréhensions des donateurs ne se confirment.
Le Représentant spécial a lancé un appel aux bailleurs de fonds pour quils accroissent leur aide aux rescapés du génocide dont beaucoup sestiment abandonnés par la communauté internationale et à leurs organisations. Le moment est venu, cependant, de dépasser lhorizon du génocide et de prendre en compte de façon plus générale les besoins des enfants rwandais, et notamment des orphelins du VIH/sida, des victimes des violences sexuelles, des petits mendiants et des enfants des rues. LUNICEF pousse actuellement le Gouvernement à sacquitter des ses importantes obligations vis-à-vis de la Convention relative aux droits de lenfant, ratifiée par le Rwanda en 1991.
Il y a au Rwanda une pénurie croissante de terres, à laquelle les autorités ont répondu en lançant un programme ambitieux de villagisation, un regroupement collectif qui serait plus acceptable si les villages déjà en place étaient bien équipés, déplaçant la question de la villagisation à celle de la viabilité des villages. Mais pour que la paix durable, la sécurité, le développement économique, les droits de lhomme et la prospérité deviennent des objectifs réalistes, il est essentiel de parvenir à un règlement densemble des conflits qui déchirent les pays des Grands Lacs.
Entres autres recommandations, le Représentant spécial demande instamment en particulier au Gouvernement rwandais dhonorer lengagement quil a pris de nourrir les détenus et de continuer à préparer lopinion publique à de nouvelles libérations. Par ailleurs, il appuie vivement la recommandation de lOrganisation de lunité africaine (OUA) dinclure dans le programme détudes de toutes les écoles un programme relatif aux droits de lhomme traitant expressément du génocide et des leçons à en tirer et visant à inciter les enfants à la réconciliation, au règlement des conflits, aux droits de lhomme, aux droits de lenfant et au droit humanitaire. LAssemblée nationale de transition devrait soumettre une législation interdisant toute propagande incitant à la haine raciale et à la violence. En outre, le Représentant spécial engage vivement les associations rwandaises des droits de lhomme à renforcer leurs activités. Il demande instamment à la Commission nationale des droits de lhomme de promouvoir les droits de lhomme, en accordant une attention particulière aux populations isolées et de diffuser le rapport du Représentant spécial.
La communauté internationale pour sa part devrait donner effectivement suite à la recommandation de lOUA tendant à ce que tous les organisateurs du génocide soient jugés le plus rapidement possible et à ce que tous les pays, soit procèdent à lextradition de ceux qui se trouvent sur le territoire, soit les jugent sur la base des obligations que leur impose la Convention pour la prévention et la répression du crime du génocide. Par ailleurs, le Fonds monétaire international (FMI), la Banque mondiale et la Banque africaine de développement devraient sensiblement augmenter les fonds quils versent au Rwanda sous forme de subventions. La lourde dette du Rwanda devrait être intégralement annulée sans délai. Le Représentant spécial engage les donateurs bilatéraux à redonner le premier rang de priorité aux projets intéressant la justice et la détention. Il engage également les organisations non gouvernementales internationales à accorder une attention particulière aux initiatives de la société civile et aux aspects de laide au développement concernant les droits de lhomme.
Soulignant en outre le rôle crucial que lONU joue dans la transition du Rwanda, le Représentant spécial recommande vivement que le Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de lhomme approuve les propositions de demande dassistance venant de la Commission nationale des droits de lhomme et de la Commission pour lunité nationale et la réconciliation au Rwanda. Le Haut Commissariat pour les réfugiés est quant à lui engagé à consacrer suffisamment de fonds à la réinsertion des nouveaux rapatriés. Le Représentant spécial a tenu à lancer un nouvel appel à la communauté internationale pour quelle collabore pleinement avec le Tribunal pénal international en ce qui concerne les individus suspectés davoir participé au génocide. Finalement, il demande instamment que les Accords de cessez-le-feu de Lusaka soient scrupuleusement respectés et appuie chaleureusement la résolution 1291 (2000) du Conseil de sécurité dans laquelle le Conseil demandait la convocation dune conférence internationale extraordinaire sur la sécurité, la paix et le développement dans la région des Grands Lacs, tout en atteignant lobjectif dassurer le respect des droits de lhomme dans la région et instaurer une culture durable de ces droits.
Présentation
M. MICHEL MOUSSALLI, Représentant spécial de la Commission des droits de l'homme au Rwanda, a indiqué qu'il revient d'une mission de onze jours au Rwanda qui lui a permis de recueillir des informations récentes et de participer au premier Sommet national d'unité et de réconciliation organisé par la Commission nationale d'unité et de réconciliation, ouverte par le Président du Rwanda, M. Paul Kagame, et par le Président de l'Afrique du Sud, M. Thabo Mbeki. Le Représentant spécial s'est dit impressionné par la situation générale au Rwanda, six ans après un génocide qui a coûté la vie de presque un million de personnes. De 1996 à 1998, presque trois millions de réfugiés sont retournés au Rwanda; ceux qui avaient fui en 1959 et ceux qui avaient fui en 1994-1995. La plupart d'entre eux ont été en grande partie réintégrés dans le pays. Selon les normes universelles, il ne fait aucun doute que ceci est exceptionnel, a souligné le Représentant spécial.
M. Moussalli a ajouté que la sécurité dans le pays s'est considérablement accrue depuis 1997 bien que des meurtres et des disparitions isolés continuent de se produire. Dans l'ensemble, et comparé à la situation qui prévaut dans certains pays de la région des Grands Lacs, le Rwanda peut être considéré comme un îlot de stabilité et de relative sécurité, a-t-il souligné. Avec 88 000 détenus, accusés de crime de génocide ou de crime apparenté dans les prisons et 24 000 dans les centres communaux appelés "cachots", le nombre de prisonniers a légèrement décru mais reste extrêmement élevé. Le nombre des détenus de droit commun s'élève à 119 000. Les conditions de détention sont déplorables, notamment à cause du manque de ressources. En dépit des différentes mesures prises par le Ministère de l'intérieur et le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), certains prisonniers restent sans manger pendant 3 à 4 jours.
Dans ce contexte, le Représentant spécial a jugé hautement louable l'initiative du gouvernement de recourir au système de justice traditionnel rwandais, ce système est nommé "Gacaca" et s'appuie sur les traditions locales au niveau communautaire. Il a souligné la nécessité que cette initiative se fasse dans le respect des garanties fondamentales. Le nouveau système de Gacaca a été adopté par l'Assemblée nationale après un grand débat national, il entrera
en vigueur l'année prochaine après l'élection de 256 000 juges au niveau des cellules. Une Sixième Chambre a été établie à la Cour de justice pour coordonner les activités relatives au Gacaca.
M. Moussalli a également indiqué que le Ministre de la justice lui a fait part de la décision du gouvernement de libérer tous les enfants qui étaient mineurs, c'est-à-dire âgés de moins de 14 ans, lors de leur arrestation. Ces quelque 400 enfants seront libérés vers la fin de l'année après avoir passé deux mois dans un camp de rééducation supervisé par la Commission d'unité et de réconciliation. Le système de Gacaca examinera en priorité les affaires concernant les enfants âgés de 14 à 18 ans au moment de leur arrestation (environ 4 600) et s'ils sont reconnus coupables, leur peine sera réduite de moitié. La situation des enfants des rues reste très préoccupante, a-t-il ajouté. Il a également déploré la situation particulièrement tragique des femmes qui ont survécu au génocide. La plupart d'entre elles ont été violées mais n'osent pas porter plainte. Ces femmes doivent recevoir un soutien et des compensations, a souligné M. Moussalli. Il a salué les efforts déployés par les organisations internationales et par les organisations non gouvernementales pour aider la population.
En conclusion, le Représentant spécial s'est félicité de la tenue du premier Sommet d'unité nationale et de réconciliation. Il a également jugé positive la conclusion à Kigali, le 25 octobre d'un programme d'assistance et de coopération entre le Haut Commissariat aux droits de l'homme et la Commission nationale des droits de l'homme, qui devrait faciliter le fonctionnement de la Commission nationale grâce au développement de ses capacités techniques et générales, ce qui contribuera à la promotion et la protection des droits de l'homme au Rwanda. En conclusion, le Représentant spécial a déclaré que tous les efforts du Gouvernement et du peuple rwandais pour la promotion et la protection des droits de l'homme, la justice, l'unité et la réconciliation, risquent d'être réduits à néant si les crises et les conflits qui frappent la région des Grands Lacs ne sont pas résolus. La paix, la sécurité et l'éradication de la pauvreté dans les populations et les pays de la région des Grands Lacs en sont des conditions préalables et des conditions "sine qua non". Il est donc du devoir impératif de ceux qui veulent promouvoir les droits de l'homme, la justice, la démocratie et le développement dans cette partie du monde de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer le plein respect des Accords de paix de Lusaka par toutes les parties.
Dialogue
Le représentant du Rwanda a salué les efforts déployés par M. Moussalli. Après le génocide, a-t-il souligné, nous avons fait tout notre possible pour accorder une place de plus en plus importante aux droits de l'homme dans nos esprits et dans notre politique. Toutefois, si la paix ne s'installe pas dans la région des Grands Lacs, le Rwanda ne pourra pas mener ces efforts durablement. Le représentant a ensuite regretté le silence mortel qui plane sur les violations des accords de Lusaka commises par le Président Kabila et ses alliés. Si on ne respecte pas ces accords, il ne pourra y avoir de paix dans la région et en remettre l'application ne fait que provoquer une augmentation du nombre des violations des droits de l'homme et des réfugiés. Le représentant a appelé toutes les parties à «avaler leur fierté» et travailler à la paix. Il a également estimé que les Nations Unies sont capables de donner forme à la paix et doivent faire face à cette responsabilité. Il a souligné que tous les responsables de crimes de génocide doivent être poursuivis.
Le représentant de la République démocratique du Congo (RDC) a déclaré que l'intervention militaire rwandaise en RDC viole l'article 2 de la Charte des Nations Unies. Rappelant que le Représentant spécial de la Commission des droits de lhomme cite au paragraphe 24 de son rapport un passage de la Déclaration universelle des droits de l'homme qui établit un lien direct entre la sécurité et les droits de l'homme, le représentant a estimé que si cette formule s'applique parfaitement au Rwanda, elle s'applique aussi à la RDC. Ce passage de la Déclaration universelle ne peut certainement pas donner au Rwanda le droit de violer l'intégrité territoriale de la RDC, de piller ses ressources naturelles, de violer ses femmes, d'enterrer vivantes des femmes congolaises, de causer la mort de 700 000 Congolais, et ne l'exempte pas de ses obligations au titre du droit international, notamment à légard des réfugiés. Depuis 1996, le Gouvernement rwandais proclame qu'il n'existe plus de réfugiés rwandais de par le monde mais le rapport note cependant que des réfugiés rwandais en RDC ont été rapatriés. A cet égard, le représentant a souligné que ces personnes ont reçu une protection particulière du Gouvernement de la RDC. En retour, aucun geste similaire n'a été fait par le Gouvernement rwandais en faveur des milliers de civils congolais déportés au Rwanda, a regretté le représentant.
Si les droits de l'homme sont acquis à tous y compris à ceux qui sont soupçonnés de crimes, comment pouvez-vous qualifier l'invasion de la RDC par le Rwanda, a demandé le représentant. Il a demandé quel est le sentiment du Représentant spécial au sujet des milliers de victimes faites par l'armée rwandaise parmi la population civile. Le représentant a également rappelé que le rapport du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme en RDC dit très clairement que le conflit rwandais a été transposé en RDC, ce qui signifie que le Rwanda est donc à la base de la déstabilisation dans la région des Grands Lacs.
Reprenant la parole, le représentant du Rwanda a souligné que son Gouvernement a toujours dit qu'il y a des Rwandais réfugiés en RDC. Au sujet des Congolais qui auraient été déportés vers le Rwanda, le représentant a souligné que des recherches ont été effectuées, y compris par des organisations non gouvernementales, mais qu'on n'en a pas découvert la moindre trace de déportations. Il a expliqué que les Congolais qui se trouvent au Rwanda sont des réfugiés. Le Gouvernement rwandais souhaite que les Rwandais qui sont partis se battre en RDC reviennent au pays, a-t-il ajouté.
Prenant à son tour la parole, la représentante de la Jamahiriya arabe libyenne a estimé que les frontières établies par les puissances coloniales ont provoqué des conflits entre des groupes ethniques qui étaient auparavant en contact régulier. Elle a demandé lopinion du Représentant spécial à ce sujet. La représentante a rappelé que la Jamahiriya arabe libyenne a invité les dirigeants africains à se réunir sur son territoire pour parvenir à une solution pacifique et "semer la paix" dans la région. Elle a rappelé que la communauté internationale est intervenue trop lentement lorsque le génocide s'est produit au Rwanda et doit à présent tout faire pour que la région se stabilise. La représentante a ajouté qu'il faut aider le Rwanda par tous les moyens à améliorer la situation des droits de l'homme sur son territoire. Elle a salué le retour à un système judiciaire, le Gacaca, en estimant que l'on ne peut imposer fructueusement la justice à la mode européenne ou étrangère. Elle s'est prononcée en faveur des procédés traditionnels de réconciliation qui existent depuis longtemps en Afrique.
Répondant à ces commentaires, M. MOUSSALLI a dit bien comprendre les remarques ayant trait à l'histoire de l'Afrique et à la nécessité de se fonder sur des modes de fonctionnements traditionnels. Tout en jugeant toutes ces remarques très intéressantes, il a souligné que dans le cadre de son mandat, il n'est pas censé se lancer dans des considérations politiques dépassant les frontières du Rwanda. Toutefois, il a dit être sévèrement préoccupé par la situation qui règne dans la région des Grands Lacs. M. Moussali a fait part d'entretiens qu'il a eus avec M. Garreton, le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme en RDC, et a déploré la situation épouvantable qui prévaut dans ce pays, où les populations civiles sont prises en otage. M. Moussali a souligné que la communauté internationale a la responsabilité de mettre un frein à toutes ces exactions dont les populations civiles payent le prix. Il a appelé les dirigeants à appliquer les Accords de Lusaka. Il a ajouté qu'il est important qu'il y ait des partenaires internationaux qui veillent à ce que les accords soient appliqués au Rwanda car tous les acteurs de ce pays ne sont pas également engagés dans la recherche de la réconciliation et de l'unité nationales, ce qui est pourtant la seule solution possible pour ce pays.
Suite de débat général
MME BETTY KING (Etats-Unis) a déclaré que la fin du colonialisme représentait le premier grand triomphe des Nations Unies. La chute du Pacte de Varsovie a permis aux peuples de la Baltique et ceux de l'Europe centrale et de l'Europe de l'Est de pouvoir enfin choisir leurs gouvernements, mais les régions des Balkans sous le joug de Milosevic ont ainsi raté, jusqu'au renversement de ce dernier, le train de l'histoire et des droits de l'homme. Mme King a ajouté qu'en ex-Yougoslavie, la transition ne sera pas facile et, dans toute la région, les blessures de la haine ne se cicatriseront qu'avec le temps. Elle s'est félicitée de l'avènement d'un nouveau gouvernement en Croatie et a affirmé que l'ancienne République yougoslave de Macédoine fait montre d'une maturité politique considérable face au piège des conflits ethniques. La représentante s'est félicitée du déroulement du scrutin municipal au Kosovo, tout en regrettant la non-participation de la minorité serbe.
Mme King a indiqué qu'à l'exception du Bélarus sous la dictature de Lukashenko, l'Europe est, quelques 55 ans après la Deuxième guerre mondiale, totalement libre et démocratique. Pour ce qui est de la Russie, elle a affirmé que ce pays est un monument à la chute de l'URSS et du communisme soviétique. Mais à propos du conflit en Tchétchénie, elle a souligné que la solution ne pouvait pas être militaire et elle a souhaité une réconciliation et la restauration de la stabilité dans la région, tout en insistant que la Fédération de Russie respecte ses obligations internationales.
Après avoir exprimé sa préoccupation sur l'absence des libertés et du pluralisme politique en Asie centrale, Mme King a déploré les graves violations de droits humains et plus particulièrement, de ceux de la femme, commises sous le régime des Taliban en Afghanistan, pays devenu le premier producteur d'héroïne et qui offre refuge à d'Osama Bin Laden et son équipe. Par ailleurs, la représentante a estimé qu'un Tribunal spécial devrait juger les crimes de guerre
perpétrés par Saddam Hussein . Elle a affirmé que la Birmanie, où le Prix Nobel Aung San Suu Kyi continue d'être harcelée, est l'un des pays où les droits de l'homme sont le plus largement violés. Mme King a fait remarquer que la Chine, pour sa part, continue de réprimer toute dissidence, y compris le groupe spirituel Falun Gong, les Tibétains et les Musulmans.
A propos de l'Afrique, Mme King a déclaré que les Etats-Unis sont heureux que le peuple de la Côte d'Ivoire ait défendu la démocratie et obligé le Général Guei à quitter le pouvoir. Elle a espéré que les derniers arrangements politiques reflèteront le désir des Ivoiriens pour un gouvernement plus large et démocratique. Sa délégation a souhaité le retour de la stabilité en Sierra Leone. A propos de ce pays, elle a souligné que les auteurs des crimes cruels commis particulièrement par des membres du RUF, devaient être punis. Se tournant vers les Caraïbes, la représentante a particulièrement souligné la poursuite des violations des droits de l'homme à Cuba malgré des améliorations temporaires enregistrées lors de la visite du Pape en 1998. Elle a fait remarquer que les Etats-Unis ont fait parvenir au peuple cubain plus d'un milliard de dollars sous différentes formes, a-t-elle ajouté. Mme King s'est par ailleurs félicitée des progrès enregistrés en Colombie, pays que les Etats-Unis aideront dans sa lutte contre le trafic de la drogue. En conclusion, elle a invité les délégations à consulter le site de son gouvernement pour plus d'informations sur les Etats-Unis et d'autres pays.
M. FAWZI BIN ABDUL MAJEED SHOBOKSHI (Arabie saoudite) a déclaré que celui qui a créé l'univers est la source des droits de l'homme dans l'Islam. Il a ajouté que les principes de l'Islam sont éternels et indivisibles et ne peuvent pas être violés à moins de le faire intentionnellement. Notre système de gouvernement est fondé sur le choix, la justice et l'égalité. Les principes de l'Islam sont appliqués à tous les aspects de la vie. Le Royaume de l'Arabie Saoudite considère que le respect des droits de l'homme fait partie intégrante de sa religion. Par conséquent, il a appelé la communauté internationale à accomplir son devoir en tenant compte des particularités entre les différentes régions, ainsi que des héritages des autres peuples. Le représentant a estimé qu'il serait erroné, pour certains Etats, de vouloir imposer ses propres valeurs.
Le représentant a ensuite indiqué que son gouvernement a promulgué des législations instituant l'égalité des droits. Il a indiqué que les travailleurs migrants accordent une grande importance au principe de la liberté de religion et précisé que les autorités ont pris de nombreuses mesures destinées à faciliter la liberté de pratiquer le culte en Arabie saoudite. Le représentant a appelé la communauté internationale à faire disparaître toutes les violations des droits de l'homme, partout dans le monde y compris dans les territoires arabes occupés.
M. ASDA JAYANAMA (Thaïlande), rappelant l'indivisibilité, l'universalité et l'interdépendance des droits de l'homme, a déclaré que les nations ne peuvent pas prospérer si leurs populations vivent dans la pauvreté. Mais pour que le développement soit durable, les individus doivent jouir de leurs droits fondamentaux. Le représentant a donc engagé les Etats à s'attaquer aux disparités économiques et à assurer les droits fondamentaux. Tout en respectant la diversité des nations, il a indiqué que ces particularités ne devraient pas servir de prétexte aux violations des droits de l'homme.
Pour ce qui est plus spécifiquement de son pays, il a indiqué que la Thaïlande accorde une attention particulière à l'état de droit et à la bonne gestion des affaires publiques. La Constitution garantit tous les droits humains, a-t-il ajouté. Il a expliqué que son pays a adapté sa législation aux normes internationales. Par le biais de l'éducation, le gouvernement sassure que les individus ont conscience de leurs droits. Le représentant a indiqué que malgré la crise économique, son pays est déterminé à défendre les droits de l'homme, la bonne gouvernance et la démocratie. Par ailleurs, une Commission nationale des droits de l'homme entamera ses activités vers la fin de l'année en cours.
Sur le plan régional, M. Jayanama a affirmé que la Thaïlande a activement appuyé les efforts visant à l'établissement d'un mécanisme ayant trait aux droits de l'homme au sein de l'Association des pays du Sud-Est asiatique (ASEAN). Pour conclure, il a souligné que son gouvernement coopère avec la communauté internationale afin de protéger et de promouvoir les droits de l'homme, car ceux-ci sont inaliénables et universels, et ignorent les frontières.
M. ANWARUL KARIM CHOWDHURY (Bangladesh) a déclaré que le Bangladesh est partie aux principaux traités relatifs aux droits de l'homme. Mais la ratification universelle, a-t-il dit, n'est pas un but en elle-même. C'est la mise en oeuvre qui compte. Le représentant a notamment préconisé que les Nations Unies promeuvent des approches du développement, du maintien de la paix et des affaires humanitaires centrées sur les droits. En ce qui concerne le droit au développement, le représentant a rappelé qu'aucun droit n'est plus important que les autres mais le droit au développement englobe les autres et donc sa réalisation est à la fois indispensable et dépendante de celle des droits civils, culturels, économiques, politiques et sociaux.
Pour ce qui est de la mondialisation et des droits de l'homme, le représentant a déclaré que la communauté internationale doit se mettre d'accord sur la question du transfert de connaissances relatives aux nouvelles technologies et sur les effets négatifs des régimes commerciaux sur les droits de l'homme. La mondialisation a également aggravé la pauvreté et contribué à l'augmentation de la traite des êtres humains.
Le représentant a ensuite déclaré que tous les acteurs doivent travailler ensemble, aux niveaux national et international, pour éliminer une culture de l'impunité face aux violations des droits de l'homme. La communauté internationale devrait aider les gouvernements à mettre en place des structures leur permettant de lutter contre l'impunité. Le représentant a également reconnu que les défenseurs des droits de l'homme sont au centre des mouvements des droits de l'homme dans le monde. Etant donné qu'ils sont confrontés à des problèmes particuliers, le représentant a salué la décision du Secrétaire général de nommer un représentant spécial chargé d'étudier la situation des défenseurs des droits de l'homme ainsi que les moyens d'améliorer leur protection.
MME DONKA GLIGOROVA (Ex-République yougoslave de Macédoine) a déclaré que son pays accorde une attention particulière aux droits des minorités nationales. Elle a ajouté que le Parlement a récemment adopté une nouvelle loi ouvrant la voie à la protection et à la promotion des langues des minorités, notamment dans le domaine de l'éducation supérieure. L'interdépendance entre droits de l'homme, démocratie et développement s'impose de plus en plus, a dit Mme Gligorova, mais la promotion et la protection des droits de l'homme n'est pas possible dans un contexte de pauvreté, et l'élimination de celle-ci doit être la priorité première.
La représentante a souligné l'importance qu'il faut accorder aux groupes vulnérables, notamment les femmes et enfants, premières victimes en période de conflits. En outre, elle a rappelé la nécessité d'éliminer toutes les formes de discrimination à l'encontre des femmes. Mme Gligorova a ajouté que la préparation du Protocole optionnel à la Convention contre la torture est également très importante. Elle a enfin insisté sur limportance de s'attaquer aux causes profondes des conflits par des stratégies de prévention efficaces.
MME J.G. MOHANTA (Inde) a déclaré que la promotion des droits de l'homme est la meilleure manière de les protéger. Elle a en outre estimé que la meilleure manière pour le Haut Commissariat aux droits de l'homme de comprendre tous les aspects des problèmes dans ce domaine est d'avoir une composition tenant compte du principe de répartition géographique équilibrée, ce qui n'est pas le cas actuellement. La représentante a notamment commenté le rapport de la Rapporteuse spéciale sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, en regrettant qu'il ne contienne pas d'informations sur ce type de crimes commis en Afghanistan contre les femmes. Cette sélectivité lance un mauvais signal et peut rendre ce rapport soupçonnable de préférences politiques. Au sujet des enfants enrôlés par des acteurs militaires non étatiques, la représentante a souligné qu'ils ne sont pas seulement endoctrinés dans le but de les amener à se livrer à des violences mais aussi, dans certains pays, endoctrinés religieusement afin de susciter et d'aggraver leur haine religieuse.
En outre, la représentante s'est dite abasourdie de voir l'Inde inclue sur la liste concernant les violations du droit à la vie de personnes exerçant leur droit à la liberté d'expression. La liberté d'expression n'est nulle part plus soutenue qu'en Inde. Des milliers de publications véhiculant des opinions indépendantes sont librement diffusées dans les langues nationales et vernaculaires. Les manifestations et les actions publiques sont monnaie courante, a-t-elle ajouté en s'étonnant que la Rapporteuse spéciale n'en ait pas eu connaissance. La représentante a également réfuté les allégations selon lesquelles l'Inde serait le théâtre d'exécutions extrajudiciaires massives". Elle a ensuite critiqué le fait que la Rapporteuse spéciale se limite à décrire les violations dont les coupables ont un lien avec l'Etat. Elle a jugé trop expéditives les conclusions contenues dans ce rapport.
La représentante a en outre salué le rapport de M. Abdelfattah Amor sur l'intolérance religieuse mais a estimé que ses observations devraient avoir des bases plus solides. Elle a cependant reconnu avec lui que l'éducation est une arme efficace pour vaincre les forces qui croient l'exclusion et en l'exclusivité.
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