En cours au Siège de l'ONU

AG/SHC/494

LES VICTIMES DE LA TORTURE APPARTIENNENT SOUVENT AU QUART MONDE

26 octobre 2000


Communiqué de Presse
AG/SHC/494


LES VICTIMES DE LA TORTURE APPARTIENNENT SOUVENT AU QUART MONDE

20001026

Le Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, considère bien que la pauvreté relève incontestablement de son mandat. Présentant ce matin son rapport devant la Troisième Commission dans le cadre des questions relatives aux droits de l’homme, Sir Nigel a expliqué que l’expérience des missions qu’il a menées en plusieurs endroits du monde lui ont permis de constater que l’écrasante majorité des victimes d’actes de torture sont des criminels de droit commun issus des couches les plus basses de la société qui ne peuvent s’offrir les services d’un bon avocat.

D’autre part, la Commission, qui avait en début de séance poursuivi le dialogue entamé hier sur le rapport relatif à la situation des droits de l’homme en Iraq, avec la participation de M. Andreas Mavrommatis, Rapporteur spécial de la Commission des droits de l’homme sur cette question, s’est penchée également ce matin sur la situation des droits de l’homme au Myanmar et au Burundi.

Le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme au Myanmar, M. Rajsoomer Lallah, n’ayant pu être présent, le Directeur du Bureau de New York du Haut Commissariat aux droits de l’homme, M. Bacre Waly Ndiaye, a lu sa déclaration. M. Lallah a regretté que les autorités continuent leur répression de toute activité politique au détriment d’un véritable dialogue politique. Il a estimé que la politique menée par le gouvernement viole les libertés fondamentales d’association, de réunion et de mouvement ainsi que la liberté d’expression qui sont consacrées par la Déclaration universelle des droits de l’homme et par les Pactes et Conventions relatifs aux droits de l’homme.

Le représentant du Myanmar a rejeté dans sa totalité le rapport établi par M. Lallah, estimant que ce dernier ne connaissait pas suffisamment les valeurs des peuples de la région.

De son côté, confirmant la pratique de la torture au Burundi, Mme Marie- Thérèse Keita-Bocoum, Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme dans ce pays, a déclaré que les atteintes au droit à la vie sont fréquentes et sont le fait d'agents de l'Etat et de groupe armés identifiés et non identifiés. Elle a indiqué que depuis le mois de juillet, date de la soumission de son rapport, tous les observateurs mentionnent une dégradation considérable de la situation des droits de l’homme.

Au cours des dialogues avec les Rapporteurs spéciaux, les délégations des pays suivants ont pris la parole: France, au nom de l’Union européenne; Iraq; Fédération de Russie; Jamahiriya arabe libyenne; et Koweït.

La Commission a ensuite entamé son débat général sur toutes les questions relatives aux droits de l’homme. Les représentants des pays suivants ont pris la parole: France, au nom de l’Union européenne et des pays associés; Sénégal; République démocratique populaire de Corée.

La Troisième Commission poursuivra ses travaux cet après-midi à 15 heures.

QUESTIONS RELATIVES AUX DROITS DE L’HOMME, Y COMPIRS LES DIVERS MOYENS DE MIEUX ASSURER L'EXERCICE EFFECTIF DES DROITS DE L’HOMME ET DES LIBERTES FONDAMENTALES

SITUATION RELATIVE AUX DROITS DE L’HOMME ET RAPPORTS DES RAPPORTEURS ET REPRESENTANTS SPECIAUX

Rapport sur la situation des droits de l’homme en Iraq Poursuite de l'examen du rapport (présenté hier)

Dialogue

Le représentant de la France a réitéré que l’Union européenne espérait toujours que le Rapporteur spécial effectuerait finalement une visite en Iraq. Le représentant de la Fédération de Russie a demandé au Rapporteur spécial d’indiquer des statistiques et de relever les taux de mortalité et de morbidité, notamment pour ce qui concerne les femmes et les enfants iraquiens, afin de mieux évaluer la situation dans ce pays. Le représentant du Koweït, évoquant la collaboration de son pays avec le CICR, a accusé l’Iraq de continuer à dissimuler la vérité sur les 605 Koweïtiens portés disparus en Iraq, tout en déclarant que son pays n’a rien à cacher sur les ressortissants de l’Iraq qui, selon ce pays, seraient détenus au Koweït. La représentante de la Jamahiriya arabe libyenne a pour sa part critiqué divers aspects du rapport présenté, notamment les sources d’informations –médias, opposition, pays voisins hostiles à l’Iraq- sur lesquelles M. Mavrommatis s’est basé et le fait que l’impact des sanctions n’a pas été suffisamment souligné. Le représentant de l’Iraq a annoncé que sa délégation reviendra ultérieurement sur le rapport et qu’il fera usage plus tard de son droit de réponse afin de réfuter les déclarations du Koweït.

Le Rapporteur spécial, M. ANDREAS MAVROMMATIS, a globalement répondu que ses conclusions n'étaient pas fondées sur ce que disent les journaux. Il a ajouté qu’il continuera de collaborer avec le CICR et toutes les parties concernées pour suivre la question des disparus.

Rapport sur la situation des droits de l'homme au Myanmar Rapport établi par le Rapporteur spécial de la Commission des droits de l'homme (A/55/359)

Le Rapporteur spécial, M. Rajsoomer Lallah, présente dans ce rapport la situation qui prévalait au 31 juillet 2000. Il précise qu'il n'a toujours pas été autorisé à se rendre au Myanmar. Il est indiqué qu’au Myanmar les droits politiques, et la liberté de pensée, d'expression, d'association et de mouvement continuent d'être bafoués, la Ligue nationale pour la démocratie, ainsi que d'autres groupes minoritaires d'opposition étant particulièrement visés. Les actes de torture et autres formes de traitement inhumain, y compris la détention arbitraire et les lourdes peines d'emprisonnement infligées aux opposants politiques, continuent d'être pratiqués. L'administration de la justice se caractérise par l'absence d'indépendance judiciaire, la précarité de la charge des magistrats, le non-respect des garanties d'une procédure régulière, les débats judiciaires à huit clos, l'absence d'accès à un conseil juridique et l'application systématique de lois répressives qui sont elles-mêmes contraires aux normes internationales établies.

L'économie est très affaiblie et marquée par une pauvreté extrême, l'absence de sécurité alimentaire, notamment dans les zones rurales et un niveau très insuffisant de ressources budgétaires allouées aux secteurs de la santé, de l'éducation et de la protection sociale des femmes et des enfants. Aucune mesure satisfaisante n'a encore été prise pour interdire le travail forcé et sa pratique. Il est à craindre que l'Organisation internationale du Travail (OIT) doive prendre des mesures, y compris des sanctions, si rien n'est fait pour remédier à la situation. Les réinstallations forcées dans les zones occupées par des minorités se poursuivent, entraînant des violences - meurtres, viols, actes de tortures et traitement inhumain de civils, perpétrés dans le cadre d'une stratégie anti- insurrectionnelle.

Dans ses conclusions et recommandations, M. Rajsoomer Lallah tient à recommander à nouveau au Gouvernement d'envisager d'adopter d'autres instruments internationaux et de les incorporer à la législation nationale, et l'incite aussi à abroger les dispositions discriminatoires de la loi sur la citoyenneté, et de tous les décrets et ordonnances qui criminalisent la liberté de pensée et d'expression, la liberté d'association et de mouvement et la liberté d'exercer ses droits politiques et démocratiques conformément aux normes internationales. Le Rapporteur spécial suit avec un grand intérêt les événements survenus depuis que la Commission d'enquête constituée en 1998 par l'OIT a publié ses conclusions sur la pratique du travail forcé.

Il note avec une vive inquiétude la détérioration continue de la situation des droits de l'homme au Myanmar depuis son dernier rapport. L'interdiction faite à l'opposition d'exercer toute activité politique, les traitements inhumains infligés aux membres de l'opposition et aux minorités ethniques et l'absence de tout respect et de toute protection de la liberté, de la santé, de l'éducation et du développement humain de la population restent des motifs de profonde préoccupation et il faut des mesures urgentes et concrètes pour interrompre et renverser ce triste processus.

Présentation

Le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme au Myanmar, M. Rajsoomer Lallah, n’ayant pu être présent, le Directeur du Bureau de New York du Haut Commissariat aux droits de l’homme, M. BACRE WALY NDIAYE, a lu son discours. M. Lallah rappelle dans cette intervention que les informations sur lesquelles son rapport s’appuye ont été rassemblées jusqu’au mois de juillet de cette année.

Depuis cette date, le Secrétaire général de la Ligue nationale pour la démocratie, Daw Aung San Suu Kyi, ainsi que des membres de son parti ont été immobilisés sur la route qui les menait à une réunion politique. Après environ 10 jours, ces personnes ont été ramenées de force à Yangon, où Daw Aung San Suu Kyi a été mise en résidence surveillée dans sa maison. D’autres dirigeants de son parti ont été soit détenus, soit placés en résidence surveillée et le quartier général du parti a été mis à sac puis fermé.

A ce sujet, M. Lallah a regretté que les autorités continuent leur répression de toute activité politique au détriment d’un véritable dialogue politique. Il a estimé que la politique menée par le gouvernement viole les libertés fondamentales d’association, de réunion et de mouvement ainsi que la liberté d’expression qui sont consacrées par la Déclaration universelle des droits de l’homme et par les pactes et conventions relatifs aux droits de l’homme.

M. Lallah s’est par ailleurs félicité de la libération de six prisonniers âgés. Il a également salué la libération de M. James Mawdsley, un ressortissant britannique et australien arrêté, apparemment sans mandat d'arrêt, à Tachilek le 31 août 1999. Comme M. Lallah l'a expliqué, le procès de M. Mawdsley s’était déroulé quelques heures après son arrestation. M. Mawdsley qui n’avait pas eu accès à une consultation juridique, s’était vu condamné à 12 ans de prison puis à 17 ans car une peine de 5 ans résultant d’une condamnation antérieure avait été rétablie. Le Rapporteur spécial a rappelé que l'activité reprochée à M. Mawdsley était d’avoir distribué des prospectus appelant à la démocratie et que le Groupe de travail des Nations Unies sur les détentions arbitraires avait conlu à la détention arbitraire de M. Mawdsley. Il semblerait que ce dernier a été mis en cellule d’isolement et battu en prison, a rapporté M. Lallah.

Le Rapporteur spécial a ensuite insisté sur la situation alimentaire et le travail forcé au Myanmar. La pauvreté extrême et l’absence de sécurité alimentaire résultent de la politique des Autorités qui s’appuye sur une “approche militariste”. Cette politique est mise en oeuvre à travers des déplacements forcés de grande échelle dans les “zones ethniques”, ces déplacements s’accompagnent souvent de travail forcé, de traitements inhumains et d’autres violations des droits de l’homme encore plus graves, ainsi que de confiscations des terres de la population rurale qui ont pour effet de les priver de leurs modes de subsistance. Tout ceci est exacerbé par le fait que l’armée saisit de force et sans les payer tout le riz, les volailles et les autres animaux domestiques dont elle souhaite se nourrir, puis brûle le reste des récoltes. Dans les zones où les paysans poursuivent leurs cultures, la vente obligatoire des récoltes aux Autorités doit se conformer à un très bas prix et à des quotas.

M. Lallah a également rappelé la résolution adoptée en juin 2000 par la Conférence internationale sur le travail de l’OIT suite au non-respect persistant de la Convention 29 par le Myanmar. Une mission de l’OIT a été envoyée au Myanmar et présentera son rapport à l'organe directeur le mois prochain.

Dialogue

Rejetant dans sa totalité le rapport établi par M. Rajsoomer Lallah sur la situation des droits de l’homme dans son pays, le représentant du Myanmar a rappelé qu’en 1992, la délégation de l’Union du Myanmar s’était dissociée de la résolution de la Commission des droits de l’homme par laquelle était nommé un rapporteur spécial car cette résolution n’était pas en harmonie avec un rapport relativement équilibré présenté en 1990 par l’Expert indépendant, le Myanmar appréciait l’approche méthodique et informée. Nous avons déjà autorisé cinq fois un autre rapporteur spécial, nommé avant M. Lallah, à visiter le Myanmar. En outre, nous n’avons pas encore exclu que le Rapporteur spécial actuel visite le Myanmar, a déclaré le représentant.

Le représentant a ajouté que la connaissance et l’expertise que possède le Rapporteur spécial sur un pays et une région particulière du monde sont des facteurs essentiels pour qu’il puisse mener à bien la tâche que lui ont confiée les Nations Unies. Il doit, au minimum, bien connaître les cultures, traditions et valeurs des peuples de la région pour s’assurer que ses interprétations sont correctes. Le représentant a regretté que M. Rajsoomer Lallah, Rapporteur spécial de la Commission des droits de l’homme, ne possède pas ces qualités et que, chaque année, il soit flagrant que les rapports qu’il présente sont dépourvus de crédibilité, de méthodologie, de professionnalisme et surtout de bonne volonté et d’impartialité.

Le représentant a estimé que les informations contenues dans le rapport sont comparables aux graffitis que l’on pourrait trouver sur les murs des camps des groupes armés d’insurgés procolonialistes, ou qui sont continuellement “bombardés” sur l’Internet. Il a expliqué que ce qui apparaît dans le rapport de M. Lallah est une reprise d’allégations faites les années précédentes par les mécanismes de propagande insurgée. Toute personne ayant une connaissance approfondie de l’histoire de l’indépendance du Myanmar peut voir que tout cela participe d’un vaste projet de ressusciter l’insurrection de 50 ans du KNU, fondée en Grande- Bretagne en 1947 par un groupe appelé “Friends of Burma Hills Peoples”. Le représentant a ensuite cité plusieurs grands dirigeants du KNU qui sont rentrés au Myanmar depuis 3 ans. Ces dirigeants et leur famille ainsi que des milliers d’autres personnes ont été réinstallés dans l’Etat du Kayin (Karen) et, depuis, le retour de membres de la guérilla KNU retournant dans la légalité s’est accéléré. Il a estimé qu’en tenant ce qui se passe dans une petite zone de jungle infestée d’insurgents à la frontière thaïlandaise comme représentatif de la situation au sein de l’Union du Myanmar, le Rapporteur spécial démontre à quel point il est mal informé sur les réalités de la vie dans ce pays.

Au cours des cinq dernières années, et comme en témoignent les indicateurs du PNUD, la situation du Myanmar en matière de développement s’est améliorée progressivement et constamment en dépit des pressions économiques négatives et des restrictions qui lui sont imposées. Il est donc indéniable que le développement du Myanmar s’effectuerait plus rapidement si les injustifiables mesures économiques et politiques négatives que prennent certains pays occidentaux ne s’exerçaient pas sur lui. Le représentant a ajouté que le sombre tableau dressé par M. Lallah de la situation générale du pays, y compris dans le domaine de la santé et de l’éducation, est conforme au vœu secret des dissidents et de leurs soutiens étrangers qui souhaitent que leurs sanctions appauvrissent le peuple du Myanmar jusqu’à ce qu’il se soulève et renverse le gouvernement.

En ce qui concerne la liberté politique, il a souligné que son pays effectue sa transition politique d’un système de parti unique vers le multipartisme, et que dix partis politiques, y compris le NLD, ont été officiellement autorisés par le gouvernement. De ces dix partis, seul le NLD refuse de coopérer avec le gouvernement, principalement à cause de ses soutiens étrangers. Le gouvernement et ses partisans trouvent particulièrement difficile de traiter avec le NLD, qui est principalement représenté par sa Secrétaire générale appuyée par l’Occident, alors que ce parti n’a pas condamné l’insurrection armée ni encouragé les dirigeants des insurgés à retourner dans la légalité. Cette politicienne est devenue d’autant plus suspicieuse lorsqu’elle a appelé à l’application de sanctions contre son pays et son peuple tant qu’elle ne serait pas au pouvoir.

Nous sommes fermement convaincus qu’il n’est pas dans l’intérêt d’une nation de cinquante millions de personnes de soutenir une insurrection séparatiste ou d’installer à sa tête une figure politique qui a vécu trente ans à l’étranger et dont l’arbre généalogique aboutit dans un pays étranger, a poursuivi le représentant. Nous sommes également conscients, a ajouté le représentant, que notre ferme maintien de nos principes historiques nous vaudra peut-être l’hostilité de pays puissants qui pourraient exploiter leur considérable influence au sein du système des Nations Unies pour tenter d’installer au Myanmar un Gouvernement qu’ils pourraient influencer, a-t-il poursuivi. Mais nous avons par ailleurs la chance d’entretenir des relations d’amitié et de compréhension avec nos voisins, qui représentent la moitié de la population de la planète, a-t-il conclu.

La Commission est aussi saisie d’un rapport du Secrétaire général sur la situation des droits de l’homme au Myanmar (A/55/509).

Le Secrétaire général rappelle qu’il considère que le rôle que lui a confié l’Assemblée générale consiste non pas à établir des faits, tâche qui relève du mandat confié au Rapporteur spécial de la Commission des droits de l’homme, mais essentiellement à offrir mes bons offices.

Le Secrétaire général rappelle qu’il a désigné un nouvel Envoyé spécial, M. Ismail Razali, ancien représentant de la Malaisie auprès de l’ONU en remplacement de M. Alvaro de Soto. M. Razali s’est rendu au Myanmar du 29 juin au 3 juillet 2000 pour se faire connaître de ses interlocuteurs, et une deuxième fois du 9 au 12 octobre 2000 où il a eu d’autres entretiens avec diverses personnalités. L’Envoyé spécial et le Secrétaire général ont fait observer que les événements faisaient ressortir la nécessité d’une réconciliation nationale.

Le Secrétaire général se félicite que son Envoyé spécial ait pu avoir un entretien avec le général Than Shwe, Président du Conseil d’Etat pour la paix et le développement, et rencontrer deux fois Daw Aung San Suu Kyi, Secrétaire général de la Ligue nationale pour la démocratie. Le Secrétaire général a espéré que les entretiens que son Envoyé spécial a eus créeront une nouvelle dynamique favorable à la reprise du dialogue.

Rapport sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants Rapport du Rapporteur spécial de la Commission des droits de l'homme (A/55/290)

Le Rapporteur spécial, Sir Nigel Rodley, aborde des questions le préoccupant particulièrement. Étant donné le thème qui a été choisi pour le débat spécial de la dernière session de la Commission des droits de l'homme, un chapitre est consacré à la question de la pauvreté et de la jouissance des droits de l'homme.

Les questions préoccupant particulièrement le Rapporteur spécial concernent, notamment, les formes de torture visant en particulier l'un ou l'autre sexe. Il continue de recevoir des informations selon lesquelles des femmes subissent des formes de torture les visant en particulier, y compris des viols, des sévices et des actes de harcèlement sexuels, des tests de virginité et des avortements ou des fausses couches forcées. Un nombre important de cas individuels ont été transmis, surtout en liaison avec le Rapporteur spécial sur la violence à l'égard des femmes, ses causes et ses conséquences, à plusieurs gouvernements au cours des années précédentes.

Le Rapporteur spécial continue de recevoir des informations concernant un nombre important de cas où les victimes de tortures ou d'autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants sont des enfants. Les conditions de détention des enfants dans les centres et les prisons où ils attendent d'être jugés continuent de préoccuper le Rapporteur spécial. Selon des informations reçues, des enfants risqueraient d'être victimes d'actes délibérés de torture, notamment de certaines formes de sévices sexuels. Ils subissent des traitements cruels, inhumains ou dégradants dans des institutions autres que les établissements pénitentiaires. A la différence de la majorité des adultes, les enfants peuvent être privés de leur liberté dans des cadres juridiques variés autres que ceux qui dépendent du système de justice pénale et sont donc en fait jugés comme étant particulièrement vulnérables à certaines formes de torture ou de mauvais traitements dans un milieu institutionnel. Des cas ont été également signalés dans lesquels la législation en vigueur autoriserait à incarcérer des enfants en raison de maladie mentale et à les enchaîner pendant leur séjour en prison.

Le Rapporteur spécial prend note du manque signalé de mécanismes de plainte et de contrôle appropriés à l'égard des institutions qui s'occupent d'enfants. Dans certains cas, ce problème serait aggravé par le refus d'affecter un avocat, même à des enfants plus âgés, à cause de leur statut de mineurs. Il est particulièrement préoccupé par les informations selon lesquelles des enfants subissent des formes extrêmes de torture suite à des situations de conflit armé. Le rapport évoque également l'emploi de la torture contre les défenseurs des droits de l'homme. Outre les formes classiques de violations telles que les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, la détention arbitraire et la torture, un grand nombre de communications reçues concernent le harcèlement systématique des défenseurs des droits de l'homme et de leur entourage, qui tend à les empêcher d'accomplir leur tâche.

Il est d'autre part souligné dans le rapport que certains instruments internationaux et régionaux relatifs aux droits de l'homme imposent aux États d'assurer l'accès aux instances judiciaires ainsi qu'une indemnisation équitable aux victimes des violations des droits de l'homme.

Le Rapporteur spécial rappelle l'obligation qui est faite aux États parties à la Convention contre la torture d'appliquer la règle de la compétence universelle à l'égard des auteurs présumés d'actes de torture et de veiller à ce que tous les actes de torture constituent des infractions au regard du droit pénal national. Aussi, il se félicite dans ce rapport de la décision de la Chambre des lords, la plus haute instance du Royaume-Uni, qui a conclu en mars 1999 qu'Augusto Pinochet Ugarte, ancien chef d'État du Chili, n'était pas à l'abri d'une extradition en Espagne en vue d'y être jugé pour violation des droits de l'homme,

dont actes de torture. De même, le Rapporteur spécial se félicite de la décision de la Cour suprême chilienne de priver le général Pinochet de son immunité, ouvrant ainsi la voie à son procès et à celui d'un escadron de la mort tristement célèbre qui aurait été responsable du meurtre de 72 prisonniers politiques.

M. Nigel Rodley estime dans ce rapport que la question de la pauvreté relève incontestablement de son mandat. Il note que l'expérience des missions menées en plusieurs endroits du monde lui a permis de constater que l'écrasante majorité des victimes d'actes de torture et de mauvais traitements sont des criminels de droit commun issus des couches les plus basses de la société qui ne peuvent s'offrir les services d'un bon avocat ou n'ont accès, le cas échéant, qu'à des avocats peu diligents fournis dans certains cas par l'État lui-même, dont les familles n'ont pas les relations qui les rendraient crédibles aux yeux de la police, des procureurs ou des juges. De fait, les victimes appartiennent souvent au quart monde qui les prive de toute chance de mener une vie décente en tant que citoyens productifs.

Enfin, le Rapporteur spécial note avec préoccupation que les agents subalternes de la force publique ont souvent reconnu qu'en raison du manque de moyens nécessaires pour enquêter en bonne et due forme sur les affaires qui leur étaient confiées, ils avaient eu recours à la violence comme méthode la plus « facile » et la plus « simple » d'obtenir des résultats. Cet état de fait, doublé d'un manque de formation adéquate, fait partie des principales causes profondes de la torture, notamment en ce qui concerne les criminels de droit commun.

En conclusion, Le Rapporteur spécial déclare n'avoir "ni la compétence, ni l'expérience requise pour offrir des solutions à ces tristes réalités". Toutefois, il pense que tant que les pays et, bien entendu, la communauté internationale ne résoudront pas les problèmes des secteurs pauvres, marginalisés et vulnérables, ils contribueront indirectement, et en ce qui concerne le risque de torture, directement, à l'existence d'un cercle vicieux de brutalités qui compromet les aspirations de l'humanité à une vie digne et au respect pour tous.

Présentation

Le Rapporteur spécial de la Commission des droits de l’homme, SIR NIGEL RODLEY, a insisté sur le fait qu’il est particulièrement préoccupé par les groupes vulnérables des femmes et des enfants, notamment les enfants touchés par les conflits. Il s’est félicité de la récente nomination par le Secrétaire général de Mme Hina Jilani au poste de Représentante spéciale pour les défenseurs des droits de l’homme et a souligné que, lui-même dans l’accomplissement de son mandat, s’appuie beaucoup sur les travaux et les informations des défenseurs des droits de l’homme. Il a expliqué que le harcèlement systématique des défenseurs des droits de l’homme, les menaces contre leur intégrité physique, y compris les menaces de mort, et autres violations de leurs droits sont des pratiques courantes visant à les empêcher de s’acquitter de leur tâche.

Pour ce qui est du droit au recours, le Rapporteur spécial a estimé que l’indemnisation et la réparation doivent être à la hauteur de la gravité des exactions subies. Il a appelé les Etats à fournir des réparations justes et adéquates, ainsi que des programmes de réinsertion. Il a ajouté que la persistance de la torture est causée en partie par l’impunité. Il a par ailleurs souligné l’importance de la relation entre la torture et la pauvreté, tout en

expliquant que la majorité écrasante des victimes de la torture sont des personnes ordinaires à travers le monde, qui n’ont ni de grands moyens, ni une idée précise de leurs droits. Sir Nigel s’est félicité d’avoir pu réaliser des missions en Azerbaïdjan et au Brésil, mais il a affirmé que pour ce qui concerne les visites dans les autres pays, il n’a toujours pas reçu de réponse à ses requêtes.

Dialogue

Le représentant de Cuba a remercié le Rapporteur spécial d’avoir audacieusement souligné l’importance de la relation entre la pauvreté et la torture et lui a demandé, tout comme le représentant de l’Iraq, d’exprimer son point de vue sur l’incidence des sanctions internationales sur son domaine de la compétence, à savoir la torture.

SIR NIGEL RODLEY a expliqué que la torture n’est pas exclusivement une conséquence de la pauvreté. Au représentant de la Chine qui avait réitéré l’invitation faite il y a longtemps par son Gouvernement au Rapporteur spécial, Sir Nigel a précisé que cette invitation ne reflétait pas le type de visite qu’il fait habituellement dans les pays. Il a espéré que l’invitation du Gouvernement chinois sera modifiéE de telle façon que cette visite puisse être similaire à celles qu’il effectue dans les autres pays, dans un esprit de respect mutuel.

Répondant à une question de la représentante du Danemark, Sir Nigel a tout d’abord expliqué que la torture ne passe pas nécessairement par la torture physique. Ce qui caractérise la torture, c’est la souffrance qui peut être aussi bien morale que physique, au sens de la Convention pertinente. Il a ajouté que les formes mentales de torture peuvent être aussi graves que les formes de torture physique. Toutes les formes de torture n’ont pas la même incidence. La menace de torture peut être aussi terrifiante que la torture elle-même, et c’est le cas pratiquement partout où les tortionnaires veulent obtenir les aveux le plus rapidement possible, dans ce cas-là, la menace en elle-même constitue bien une torture.

Toujours à l’adresse de la représentante du Danemark, SIR NIGEL a estimé, à propos des Principes d’Istanbul, que des experts et des médecins ont essayé de mettre au point un ensemble de procédures et de moyens, mais ce qui manque dans le droit c’est une définition claire de ce en quoi consiste une telle enquête sur des accusations de torture ou de traitements cruels. Il a ajouté qu’il existe déjà des principes en ce qui concerne les exécutions sommaires ou extra-judicaires. Les mêmes principes peuvent s’appliquer à la torture. Il a suggéré d’emprunter ces principes de les énoncer et de les appliquer à un autre type de violations des droits de l’homme, en l’occurrence à la torture. Ces principes peuvent indiquer aux gouvernements ce qui peut constituer une enquête appropriée. S’appuyant sur ces principes, les gouvernements pourraient s’assurer que des enquêtes fiables ont été effectivement menées.

Rapport sur la situation des droits de l’homme au Burundi Rapport intérimaire élaboré par le Rapporteur spécial de la Commission des droits de l'homme (A/55/358)

Le rapport porte sur la période allant du 15 avril au 15 juillet 2000. Dans ce rapport, Mme Marie-Thérèse A. Keita-Bocoum, Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme au Burundi, indique que la situation générale dans ce pays est influencée par celle de la sous-région. Elle explique qu’une constante “imbrication” des différents pays des Grands Lacs dans les conflits internes qui les secouent, faisant du problème de l’imperméabilité des frontières une source d’insécurité permanente. La Tanzanie héberge 500 000 réfugiés burundais.

La situation des droits de l’homme au Burundi est influencée par une détérioration constante des conditions économiques et sociales. Malgré la levée de l’embargo, l’économie n’a pas connu de relance et la paupérisation s’est accentuée. Le Burundi, compte tenu de cette situation économique désastreuse, apparaît comme un pays surpeuplé au sein duquel se posent aujourd’hui des problèmes d’alimentation accentués par la question de la répartition des terres, d’éducation et de santé. Au plan social, le pays demeure fortement influencé par l’exploitation abusive des différences ethniques à laquelle s’ajoute celle des particularités régionales.

Ces données expliquent les nombreuses violations des droits de l’homme, même si des réformes dans le domaine de la justice, en particulier l’application du nouveau Code de procédure pénale entraînent quelques améliorations. Cependant, les atteintes au droit à la vie se manifestent essentiellement par des massacres de populations civiles qui sont le fait d’agents de l’État et de groupes armés identifiés et non identifiés. Des violations détaillées ont été attribuées aux agents de l’État. La population civile a aussi été victime de violations attribuées aux rebelles. D’autres violations sont attribuées à des auteurs inconnus, comme les tueries sélectives de plusieurs civils. De nombreuses atteintes aux droits et à la liberté et à la sécurité des personnes, ainsi que des atteintes à l’intégrité physique des personnes, la torture, les mauvais traitements et les viols ont également été enregistrés.

La liberté d’opinion et d’expression a également été violée par les pouvoirs publics qui ont empêché la tenue de réunions, notamment celles des opposants au processus d’Arusha. Selon les responsables des syndicats, la liberté syndicale n’est pas respectée. Malgré une légère amélioration pour ce qui est des atteintes aux droits des personnes privées de liberté, de nombreuses irrégularités persistent. Les établissements pénitentiaires sont toujours caractérisés par des insuffisances et des irrégularités dues à la promiscuité.

Malgré le déséquilibre ethnique dans la magistrature et au barreau, les progrès, dans le domaine de la justice, ont été sensibles grâce au nouveau Code de procédure pénale entrée en vigueur le 1er janvier 2000, avec notamment, la régression des arrestations arbitraires. Mais un autre frein à l’application d’une justice équitable reste la non-comparution des témoins et les nombreux cas de faux témoignages. Pour ce qui est droits économiques, sociaux et culturels, il faut noter que le droit à la santé n’est pas respecté pour tous au Burundi et que la pénurie en personnel médical est manifeste dans les hôpitaux publics. Au Burundi, des enfants se retrouvent impliqués dans les conflits et sont utilisés par tous

les belligérants. La condition de la femme se définit par un statut socioéconomique marqué par la pauvreté, une charge ménagère excessive et une grande dépendance à l’égard du mari. Alors que les femmes représentent au moins 52% de la population active, elles n’occupent que peu de postes de responsabilité.

Le Rapporteur spécial formule de nouvelles recommandations. A l’intention des parties en conflit, le Rapporteur spécial les exhorte à respecter le droit des populations, et en premier lieu, leur droit à la vie. Mme Keita-Bocoum invite les belligérants à respecter pleinement les dispositions du droit international humanitaire à l’égard de la protection des enfants touchés par les conflits armés. A l’intention des autorités burundaises, elle insiste, entre autres, sur la nécessité de lutter contre le phénomène des disparitions forcées et invite le Gouvernement à déployer tous les efforts pour améliorer les conditions de vie des populations réfugiées, sinistrées, retournées ou déplacées, en particulier les femmes et les enfants. Elle appuie tous les efforts en faveur de l'éradication de l'impunité. Elle fait également une série de recommandations à l’intention de la communauté internationale.

Présentation

Le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme au Burundi, MME MARIE-THERESE A. KEITA BOCOUM, a complété son rapport par des informations relatives à des événements survenus après juillet 2000.

Depuis notre dernière mission, a-t-elle déclaré, quelques-unes de nos préoccupations ont certes connu un début de réalisation. Ainsi, les Accords de paix d'Arusha ont été signés le 28 août, avec beaucoup de réserves par 16, puis 19 partis. Mais elle a regretté que deux groupes de rebelles, Forces pour la défense de la démocratie (FDD) et celui des Forces nationales pour la libération (FNL), proches des Hutus demeurent en dehors du processus de paix et continuent les combats sur le terrain. De plus, a-t-elle noté, les partis radicaux protutsi, regroupés au sein de l'Accord Cadre, restent opposés aux négociations d'Arusha et, mènent une série d'actions pour tenter de soulever la population de Bujumbura contre le gouvernement. Les espoirs placés dans la rencontre du 20 septembre à Nairobi, en vue de la signature du cessez-le-feu ont été vains, et de nombreux civils en particulier les femmes, les enfants et les vieillards sont tués quotidiennement.

Depuis la fin du mois de juillet, tous les observateurs mentionnent une dégradation considérable de la situation des droits de l'homme au Burundi, suite à une recrudescence de la violence, a-t-elle poursuivi. Les groupes de rebelles et l'armée se rendent responsables d'importants massacres de populations. Le taux d'arrestations arbitraires et de détentions au-delà du délai légal, semble avoir subi une hausse très sensible. En outre, les forces de l'ordre se seraient rendues coupables d'exécutions arbitraires ou extrajudiciaires.

Mme Keita Bocum a réitéré les observations et les recommandations déjà faites. A son avis, il est inadmissible que les affrontements continuent dès lors qu'un accord de paix a été signé. La communauté internationale doit donc user de toute son influence pour obtenir rapidement des belligérants un accord de cessez- le-feu, faute de quoi, tous les efforts déployés jusqu'à ce jour pour sortir le peuple burundais des affres de la guerre s'avèreront stériles.

Dialogue

Le représentant du Burundi a estimé que l’éclatement brutal de la crise la plus sérieuse de l’histoire de son pays a provoqué tellement d’actes de violence et d’actes de haine et de vengeance qu’il serait plutôt étonnant de trouver de quoi être fier en matière de respect des droits de l’homme. Les amis du Burundi feraient bien d’aider les Burundais à sortir au plus vite de la guerre: c’est le meilleur médicament que l’on puisse prescrire pour y améliorer la condition des droits de l’homme, a-t-il ajouté. Ensuite, la reconstruction nationale et la reprise des actions de développement parachèveront le travail par l’amélioration des conditions de vie sur les collines, dans les villages, et par un nouvel accès des citoyens aux écoles et aux infrastructures médicales. Il a salué le fait que le Rapporteur spécial ait souligné l’influence des conditions économiques et sociales sur la situation des droits de l’homme au Burundi.

Après la signature, le 28 août 2000, de l’Accord de paix et de la réconciliation au Burundi, l’espoir est permis, a ensuite déclaré le représentant. Signalant que des appels sont lancés de toutes parts à la rébellion afin qu’elle accepte de négocier et de signer le cessez-le-feu et rejoigne le processus de paix auquel travaillent les 19 signataires de l’Accord depuis deux ans. Il a notamment cité le Facilitateur des pourparlers interburundais, M. Nelson Mandela, qui a demandé aux rebelles de prouver à leurs détracteurs qu’ils ne sont pas “des agents des forces extérieures qui souhaitent l’extermination de la communauté tutsi, qu’elle se trouve au Burundi, au Rwanda et dans d’autres régions.”

Le représentant a indiqué que le Gouvernement fait tout son possible pour punir et décourager les civils et les militaires qui commettent des crimes contre des populations civiles innocentes. Il a cependant précisé que la rébellion prend souvent des populations comme bouclier humain, ce qui cause la confusion quant à l’identité des victimes des affrontements avec l’armée; rien n’indique avec certitude que les personnes tuées sont des civils innocents. Il a ajouté que le Rapporteur spécial devrait faire attention aux sources qui l’informent sur ce genre de situations.

S’exprimant sur le regroupement des populations, mené par le Gouvernement pour résoudre provisoirement le problème de la sécurité suite à la recrudescence des attaques de la rébellion, le représentant a indiqué que le démantèlement des camps a été terminé au mois de juillet. Cependant, des milliers de Burundais vivent encore dans les camps car ils ont toujours peur de rentrer chez eux. Le représentant a en outre indiqué que le processus de réforme de la justice a notamment permis la mise en oeuvre du code de procédure pénale en janvier 2000. Il a cependant regretté des irrégularités et des insuffisances liées à la fois à la crise et au manque de moyens. Des “magistrats itinérants“ vont se déplacer en divers endroits pour accélérer les procédures judiciaires. Le Gouvernement va poursuivre la campagne d’inspection des prisons pour libérer progressivement les détenus dont les charges sont mineures et libérer conditionnellement les prisonniers ayant purgé le quart de leur peine et démontré une bonne conduite. Entre janvier et septembre 2000, ces mesures combinées ont permis la libération de 1335 détenus sur une population carcérale de 8000. En outre, le Gouvernement vient de créer une Commission nationale des droits de l’homme dont les membres seront bientôt désignés.

Débat

M.PATRICK HENAULT, (France, au nom de l’Union européenne et des pays associés) a déclaré qu’il souhaitait réserver l’expression de sa sérieuse préoccupation quant à la situation des droits de l’homme en République démocratique du Congo, au Soudan, en Irak et en Iran à la présentation des résolutions que l’Union européenne a décidé de déposer sur ces situations.

Le représentant a par ailleurs expliqué que l’Union européenne a retenu une approche centrée sur les évolutions car il lui semble essentiel non seulement de prévenir et d’enrayer les dégradations mais aussi d’accompagner et d’appuyer les mouvements positifs. L’Union européenne considère que la réalisation des droits de l’homme, la promotion de l’état de droit et de la démocratie sont le fruit de processus qui ne sont pas instantanés et ne sont jamais acquis. Elle souhaite contribuer à ces processus par tous les moyens d’action dont elle dispose, y compris par sa politique de développement, en étant soucieuse de la promotion de tous les droits de l’individu. La défense des droits de l’homme est, avec la préservation de la paix et le renforcement de la sécurité internationale, au cœur des principes qui fondent la politique étrangère de l’Union européenne.

L’Union européenne est au regret de déclarer que de graves insuffisances en matière de droits de l’homme persistent dans nombre de pays où aucun progrès notable n’a pu être relevé ces derniers mois. C’est le cas de la Chine avec laquelle l’Union européenne entretient un dialogue sur les droits de l’homme dont elle attend des progrès concrets. C’est le cas de nombre de pays où les institutions ne font pas place au pluralisme et où l’expression de l’opposition ou de la dissidence est systématiquement réprimée. C’est le cas de la Syrie, du Laos, de la République populaire et démocratique de Corée, de Cuba, du Pakistan. C’est encore le cas du Tchad. C’est le cas du Rwanda et de l’Ouganda où, malgré certains progrès ponctuels, la situation générale des droits de l’homme continue à la préoccuper.

L’Union européenne est disposée à soutenir les autorités Sierra-léonaises et les Nations Unies en vue de la mise en place du tribunal spécial et d’un système judiciaire garant du respect des droits de l’homme. A Timor, elle compte sur le Gouvernement indonésien pour, comme il s’y est engagé, poursuivre et traduire en justice les auteurs des exactions commises au Timor-Est en 1999. Préoccupée par la situation en Tchétchénie, elle appelle la Russie à procéder sans tarder à une enquête indépendante, répondant aux critères internationaux, sur les exactions commises par toutes les parties du conflit et à permettre la venue de le Haut Commissaire aux droits de l’homme et des rapporteurs spéciaux de la Commission des droits de l’homme qui le souhaitent.

L’Union européenne a manifesté dès les premiers jours de la crise sa réprobation devant les tragiques conséquences des affrontements dans les territoires palestiniens occupés, a poursuivi le représentant. Elle appelle au respect des droits de l’homme et du droit humanitaire international et soutient les efforts entrepris pour mettre fin à la violence et relancer le processus de paix. Dans ce cadre la décision prise à Charm el-Cheikh de créer une mission d’établissement des faits, doit permettre de faire la lumière nécessaire sur les événements récents et contribuer à éviter qu’ils se répètent.

L’Union Européenne condamne d’autre part les récentes incursions armées venant de pays voisins en Guinée qui ont créé un climat d’insécurité dans la zone frontalière. Elle encourage la Guinée à poursuivre sa mission de protection des nombreux réfugiés qu’elle accueille de longue date sur son territoire. Elle est consciente que le chemin vers la réconciliation, qui doit être basée sur le plein respect des droits de chacun, peut être long, et considère que l’engagement déterminé des dirigeants est indispensable à sa réussite. Au Kosovo, elle dénonce fermement les violences à caractère ethnique ou politique, quelle qu’en soit l’origine. Elle souligne l’importance du scrutin municipal du 28 octobre pour l’enracinement d’un processus démocratique et d’une société de tolérance où chacun puisse jouir pleinement de ses droits.

Le représentant a estimé que les mois qui viennent de s’écouler depuis la Commission des droits de l’homme ont vu des signes encourageants en matière de droits de l’homme. Ils doivent se traduire par des progrès réels. Il a dans ce cadre noté avec satisfaction l’accueil par l’Algérie de plusieurs ONG internationales de défense des droits de l’homme. Il s’est aussi réjoui de la signature des Pactes relatifs aux droits de l’homme par la Turquie et souhaite qu’ils soient ratifiés et appliqués dans les meilleurs délais. L’Union européenne encourage les autorités turques à prendre toutes les mesures nécessaires pour le plein respect des droits de l’homme y compris la liberté d’expression. Elle rappelle à cet égard son attachement au respect des droits des personnes appartenant à des minorités en Turquie.

La lutte contre l’impunité a récemment connu des évolutions remarquables a aussi souligné le représentant ajoutant que la décision de la Cour suprême du Chili de lever l’immunité du général Pinochet est à cet égard historique et doit être accueillie avec respect, a poursuivi le représentant. L’Union européenne invite à la ratification rapide du Statut de la Cour pénale internationale et souligne son attachement à la préservation de l’intégrité de son statut. L’Union européenne qui considère l’abolition de la peine de mort contribue au renforcement de la dignité humaine et au développement progressif des droits de l’homme, s’inquiète que dans plusieurs pays les normes minimales en matière d’application de la peine de mort ne soient pas respectées en particulier s’agissant des mineurs au moment des faits, et des personnes frappées d’aliénation mentale.

En Haiti, l’Union européenne appelle à nouveau à la réforme du Conseil électoral provisoire, en concertation avec l’opposition, pour permette la tenue de l’élection présidentielle dans des conditions libres et équitables, seules à même de lui assurer le soutien international. Elle est par ailleurs gravement préoccupée par les derniers développements de la situation en Côte d’Ivoire. L’Union européenne en appelle au sens des responsabilités de tous les Ivoiriens et en particulier des dirigeants politiques du pays, pour que cessent les affrontements fratricides et que le retour à l’ordre constitutionnel puisse se dérouler dans la paix civile.

M. SHEN GUOFANG (Chine) a regretté qu'aujourd'hui, comme pendant la guerre froide, les droits de l'homme soient brandis lors de confrontations politiques entre les Etats et constituent de fait un prétexte d'ingérence dans les affaires internes d'autres pays, en violation du principe de souveraineté nationale énoncé dans la Charte des Nations Unies. Reprenant la déclaration du Président Jiang Zemin lors du Sommet du millénaire, il a déclaré que le dialogue et la coopération dans le domaine des droits de l'homme doivent être fondés sur le respect de la souveraineté nationale, et que c'est là le moyen le plus efficace de protéger et

de promouvoir ces droits. Les pays ont des histoires, des cultures, des systèmes sociaux, des valeurs et des niveaux de développement différents, et la façon dont ils contribuent à la protection et à la promotion des droits de l'homme varie en fonction de ces facteurs. Ces variations ne sauraient cependant être l'aune à laquelle on mesure la performance des pays en termes de droits de l'homme, a déclaré le représentant, et il est préférable que les pays recherchent la coopération et la complémentarité à travers un dialogue mené sur un pied d'égalité.

Le représentant a fait remarquer qu'aujourd'hui, alors que les pays en développement sont marginalisés du processus de mondialisation, il est urgent d'oeuvrer pour la promotion des droits économiques, sociaux et culturels. La pauvreté et la dette extérieure sont des obstacles majeurs à la réalisation de ces droits, et la communauté internationale doit donc s'atteler sans délai à réduire et à éradiquer la pauvreté. C'est pourquoi la Chine considère avec un oeil tout à fait bienveillant l'engagement pris par les Etats lors du Sommet du millénaire en faveur du droit au développement.

Le représentant a en conclusion réaffirmé le soutien de son pays à la Conférence mondiale contre le racisme qui se tiendra en Afrique du Sud d'août à septembre 2001 et rappelé qu'aujourd'hui grâce à une croissance économique rapide et saine, à la stabilité sociale, à l'amélioration des niveaux de vie et au respect de la démocratie et de l'état de droit, la protection des droits de l'homme n'a jamais été aussi effective en Chine.

M. IBRA DEGUENE KA (Sénégal) a déclaré que les événements en Côte d’Ivoire confortent le Sénégal dans ses convictions démocratiques et dans sa volonté d’assurer le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales, de poursuivre et de consolider l’état de droit, le pluralisme politique, la liberté d’opinion, d’expression, de pensée, de religion, la liberté de la presse, en somme, toutes ces libertés qui apparaissent si fondamentales. Le Sénégal a la ferme conviction qu’aucun particularisme national, qu’aucune tradition sociale ou culturelle ne saurait servir de prétexte pour justifier la violation des droits de l’homme. Il n’y a pas et il ne devrait pas y avoir de «droits de l’homme» pour les pays du Nord et «droits de l’homme» ou pourrait-on dire de «sous-droits de l’homme» pour les pays du Sud.

Selon le représentant, il importe de briser le clivage qui veut que les pays du Nord mettent toujours l’accent sur les droits civils et politiques et ceux du Sud s’attachent toujours à faire prévaloir les droits économiques, sociaux et culturels et le droit au développement. Le Sénégal est pour une approche intégrée des droits de l’homme.

Il appuie les efforts déployés par le Haut Commissaire aux droits de l’homme dans le domaine de la prévention. Il est favorable à la mise en place d’un dispositif permettant d’envoyer rapidement des observateurs des droits de l’homme et des observateurs de la situation humanitaire ou des enquêteurs en cas de besoin. Il salue le rôle important des organisations non gouvernementales et considère qu’une plus grande attention devrait être accordée à la protection des défenseurs des droits de l’homme.

Le représentant a fait état des mesures prises dans son pays depuis l’alternance démocratique intervenue le 19 mars dernier, mentionnant la création d’un Guichet des droits de la personne directement rattaché à la Présidence de la République et indiquant qu’une nouvelle constitution sera soumise au peuple sénégalais par référendum au mois de janvier 2001. Un statut du chef de l’opposition sera bientôt adopté. D’autres mesures sont envisagées pour élargir la participation des femmes et des jeunes au processus de prise de décision à tous les niveaux de la vie publique. Des réformes juridiques et politiques sont en cours visant le renforcement des mécanismes de lutte contre la corruption, la transparence et la bonne gouvernance dans la gestion des affaires publiques.

M. JONG CHOL (République populaire démocratique de Corée) a regretté la tendance que l’on observe actuellement au sein de la communauté internationale à accorder la priorité aux droits politiques en marginalisant par conséquent les autres droits. Il a appelé la communauté internationale à corriger cette approche. Appelant les pays à unir leurs efforts pour édifier un siècle pacifique et prospère, il a souligné la nécessité de respecter les principes d’équité et d’objectivité dans l’interprétation des normes et règles du droit humanitaire international. Le représentant a également estimé qu’il faut accorder aux droits économiques, sociaux et culturels, et particulièrement au droit à la vie, toute l’attention qu’ils méritent.

Le représentant a ensuite souligné que personne ne doit utiliser les droits de l’homme pour s’ingérer dans les affaires d’un pays ou politiser la question des droits de l’homme pour ses propres problèmes. Il a condamné toute tentative de faire croire que les droits de l’homme l’emportent sur la souveraineté d’une nation, alors que la souveraineté est justement l’âme de la nation. Il a appelé la communauté internationale à faire preuve d’objectivité et d’impartialité dans ses travaux relatifs aux droits de l’homme. Le représentant a en outre souligné la volonté de son Gouvernement de garantir au peuple coréen la jouissance de tous ses droits et libertés fondamentales. Il a assuré que la République populaire démocratique de Corée fera tout son possible pour promouvoir et protéger les droits de l’homme.

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