AG/SHC/490

LE FONCTIONNEMENT DES ORGANES CONVENTIONNELS AU CENTRE DU DEBAT SUR LES DROITS DE L'HOMME

24 octobre 2000


Communiqué de Presse
AG/SHC/490


LE FONCTIONNEMENT DES ORGANES CONVENTIONNELS AU CENTRE DU DEBAT SUR LES DROITS DE L’HOMME

20001024

Dans le cadre de leur débat sur l’application des instruments relatifs aux droits de l’homme, en Troisième Commission, les délégations qui ont pris la parole ce matin se sont concentrées sur le fonctionnement des organes conventionnels de l’ONU créés par ces instruments, sur l’intégration des droits de l’homme et du développement ainsi que sur la nécessité d’éviter toute politisation de ces questions. Le représentant de l’Inde a rappelé l’évolution historique, depuis 1947, du débat sur les droits de l’homme et il a affirmé que la tendance qui consiste à accorder moins d’importance aux droits économiques, sociaux et culturels ou à ne pas reconnaître les droits collectifs, alors qu’en même temps on insiste sur la priorité des droits civils et politiques, a créé un déséquilibre dans l’application des traités relatifs aux droits de l’homme. Le représentant a affirmé par ailleurs la ferme opposition de son pays à l’établissement d’indicateurs relatifs aux droits civils et politiques par le Haut Commissariat aux droits de l’homme.

Le représentant de la Norvège a souligné que le système conventionnel des Nations Unies est entravé par le fardeau, de plus en plus lourd, du travail et des retards accumulés, par le fardeau que l'élaboration des rapports représente pour les Etats, ainsi que par le manque de ressources allouées au Haut Commissariat aux droits de l'homme pour soutenir ces organes conventionnels.

Trois projets de résolution ont été présentés traitant des questions suivantes: Réalisation universelle du droit des peuples à l’autodétermination présenté par le Pakistan au nom des coauteurs; Utilisation de mercenaires comme moyen de violer les droits de l’homme et d’empêcher l’exercice du droit des peuples à l’autodétermination présenté par Cuba au nom des coauteurs; et Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, présenté par la Belgique au nom des coauteurs.

Les délégations des pays suivants ont participé au débat: Norvège au nom de l'Australie, du Canada, du Chili et de la Nouvelle-Zélande; République tchèque; Philippines; Inde et Ukraine.

La Commission entendra, cet après-midi à partir de 15 heures, des présentations par la Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, Mme Mary Robinson; par le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme en Afghanistan, M. Kamal Hossain; et par Mme Asma Jahangir, Rapporteur spécial sur les exécutions extradiciaires, sommaires ou arbitraires.

ELIMINATION DU RACISME ET DE LA DISCRIMINATION RACIALE

Présentation d’un projet de résolution

Par un projet de résolution sur la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (A/C.3/55/L.24) présenté par le représentant de la Belgique, au nom des coauteurs, l’Assemblée générale demanderait aux Etats parties à la Convention de s’acquitter de l’obligation qui leur incombe, à savoir présenter en temps voulu leurs rapports périodiques sur les mesures prises pour appliquer la Convention. Elle encouragerait les Etats parties à la Convention dont les rapports sont sérieusement en retard de recourir aux services consultatifs et à l’assistance technique que le Haut Commissariat aux droits de l’homme peut leur apporter, sur leur demande, pour l’établissement des rapports, et à incorporer une perspective sexospécifique dans leurs rapports au Comité.

En ce qui concerne la situation financière du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale, l’Assemblée générale inviterait instamment les Etats parties à la Convention à hâter leurs procédures internes de ratification de l’amendement concernant le financement du Comité et à notifier par écrit au Secrétaire général, dans les meilleurs délais, leur acceptation de cet amendement. Elle prierait le Secrétaire général de continuer à prendre les dispositions financières voulues et à fournir les moyens et l’appui nécessaires, y compris une assistance appropriée de la part du Secrétariat, pour assurer le bon fonctionnement du Comité et lui permettre de faire face à sa charge de travail, qui ne cesse d’augmenter.

En ce qui concerne l’état de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, l’Assemblée générale prierait instamment tous les Etats qui ne sont pas encore parties à la Convention de la ratifier ou d’y adhérer dès que possible et prierait instamment les Etats de limiter la portée de toute réserve qu’ils peuvent être amenés à formuler à la Convention.

DROIT DES PEUPLES A L’AUDETERMINATION

Présentation de projets de résolution

Par un projet de résolution sur la Réalisation universelle du droit des peuples à l’autodétermination (A/C.3/55/L.22) présenté par le représentant du Pakistan, au nom des coauteurs, l’Assemblée générale se déclarerait fermement opposée à tous actes d’intervention, d’agression et d’occupation militaire étrangères, qui ont réduit à néant le droit des peuples à l’autodétermination et autres droits fondamentaux dans certaines régions du monde. Elle demanderait aux Etats responsables de tels actes de mettre fin immédiatement à leur intervention et à leur occupation militaire en pays et territoires étrangers ainsi qu’à tous actes de répression, de discrimination et d’exploitation et à tous mauvais traitements infligés aux peuples de ces pays et territoires, et de renoncer en particulier aux méthodes cruelles et inhumaines qui sont apparemment employées à ces fins.

Par un projet de résolution sur l’Utilisation de mercenaires comme moyen de violer les droits de l’homme et d’empêcher l’exercice du droit des peuples à l’autodétermination (A/C.3/55/L.23) présenté par le représentant de Cuba, au nom des coauteurs, l’Assemblée générale demanderait instamment à tous les Etats d’adopter les mesures législatives voulues pour empêcher que leur territoire et les autres territoires relevant de leur autorité, de même que leurs nationaux, ne soient utilisés pour le recrutement, le rassemblement, le financement, l’instruction et le transit de mercenaires en vue d’activités visant à déstabiliser ou renverser le gouvernement de tout Etat, à menacer l’intégrité territoriale et l’unité politique d’Etat souverain, à encourager la sécession ou à combattre les mouvements de libération nationale qui luttent contre la domination coloniale ou autres formes de domination ou d’occupation étrangères. Elle demanderait également à tous les Etats qui n’ont pas encore signé ou ratifié la Convention internationale contre le recrutement, l’utilisation, le financement et l’instruction de mercenaires d’envisager de le faire.

L’Assemblée générale prierait le Secrétaire général d’inviter les gouvernements à proposer les éléments d’une définition juridique plus claire du mercenaire et, à cet égard, prierait instamment le Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme d’organiser, avant la cinquante-septième session de la Commission des droits de l’homme, un atelier consacré aux formes traditionnelles et nouvelles de l’utilisation de mercenaires comme moyen de violer les droits de l’homme et d’empêcher l’exercice du droit des peuples à l’autodétermination.

APPLICATION DES INSTRUMENTS RELATIFS AUX DROITS DE L’HOMME

Débat

M. ROALD NAESS (Norvège au nom de l'Australie, du Canada, du Chili et de la Nouvelle-Zélande) a déclaré que les traités relatifs aux droits de l'homme sont au centre des efforts menés par les Nations Unies pour promouvoir et protéger les droits de l'homme. Par conséquent, les organes conventionnels jouent le rôle crucial de gardiens du système de mise en oeuvre. Toutefois, l'efficacité de leur fonctionnement et leur pérennité sont sources de préoccupations, a ajouté le représentant. Nous sommes conscients du fait que l’efficacité du système conventionnel des Nations Unies est entravée par: le fardeau, de plus en plus lourd du travail et des retards accumulés; le fardeau que l'élaboration des rapports représente pour les Etats; et le manque de ressources allouées au Haut Commissariat aux droits de l'homme pour soutenir les organes conventionnels.

Dans ce contexte, le représentant a estimé que les travaux de l'Expert indépendant sur le renforcement de l'efficacité à long terme du système de surveillance de l'application des traités ainsi que les réunions annuelles des présidents d'organes conventionnels vont dans la bonne direction. Toutefois, il faut approfondir cette démarche et prendre des mesures concrètes pour améliorer le fonctionnement de ces organes.

En outre, le représentant a estimé que la discussion sur la présentation de rapports devrait déboucher sur l'élaboration de rapports plus courts et plus spécialisés. Le premier rapport devrait être global mais les suivants devraient être axés sur des points spécifiques préalablement identifiés, en fonction de la situation dans chaque pays. Il faudrait mettre en place de nouvelles façons

de travailler, notamment à travers des groupes de travail pré session ou des groupes d'experts. Il faudrait également fournir des ressources plus importantes aux organes conventionnels. Le manque de ressources humaines et financières entrave notamment l'apport d'une assistance technique aux Etats parties, a noté le représentant. Le représentant a suggéré que les organes conventionnels utilisent toutes les sources d'information à leur disposition, mettent en place des collaborations plus nombreuses et élaborent des observations qui aident concrètement et utilement les Etats parties à prévenir les violations des droits de l'homme et à créer une culture des droits de l'homme.

M. MARTIN PALOUS (République tchèque) a déclaré que même si son pays respecte les particularités historiques, spirituelles, politiques et morales des cultures à travers le monde, ceci ne diminue en rien sa conviction à défendre les principes d’universalité et d’indivisibilité des droits de l’homme, conformément aux valeurs que la République tchèque partage avec la communauté des nations démocratiques. Convaincu que seule, l’ouverture à la critique peut ouvrir la voie à un dialogue fructueux résultant à une meilleure protection des droits de l’homme, notamment par le travail des rapporteurs thématiques et des groupes de travail, le représentant, à l’image du Canada et de la Norvège, a invité le Haut Commissariat aux droits de l’homme à collaborer en ce sens avec la République tchèque.

M. Palous a affirmé que l’une des priorités de son pays sur le plan multilatéral est la participation au processus législatif international et la réalisation des engagements pris. Le représentant a indiqué que l’article 10 de la Constitution tchèque stipule que les traités internationaux ratifiés et promulgués sur les droits de l’homme et les libertés fondamentales ont force de loi dans les pays et ont préséance sur les lois internes. Il a par ailleurs souligné l’importance des questions relatives aux enfants dans les conflits armés et d’une manière générale, de la promotion et la protection du droit des enfants. Il a indiqué que sa délégation appuie sans réserve les recommandations de Mme Graça Machel telles que présentées à la Conférence de Winnipeg. M. Palous a aussi appuyé la nomination de Mme Hina Jinali comme Représentante spéciale du Secrétariat général pour les défenseurs de droits de l’homme.

Le représentant a déclaré que la procédure de ratification du Statut de la Cour pénale internationale est un défi important pour la République tchèque, puisque cette démarche nécessite certains amendements de la Constitution du pays, ce qui pourrait éventuellement ralentir le processus notamment au niveau du Parlement. L’entrée en fonction de la Cour devrait être une priorité de la communauté internationale. En conclusion, le représentant a affirmé que la réforme du système de l’ONU constitue l’élément clé dans le fonctionnement efficace des mécanismes internationaux relatifs aux droits de l’homme, dans la mesure où ces mécanismes peuvent contribuer substantiellement à la paix mondiale et permettre à l’humanité à relever les défis du XXIe siècle.

MME MARY JO B. ARAGON (Philippines) a mis l'accent sur les questions relatives aux travailleurs migrants dont elle a souligné la contribution au développement tant de l'Etat dont ils sont originaires que de l'Etat dans lequel ils vivent et travaillent. De nombreux pays, y compris les Philippines, doivent aujourd'hui la richesse de leur société multiraciale et multiethnique aux travailleurs migrants. La représentante a poursuivi en déclarant que les raisons qui ont provoqué des migrations au cours des siècles précédents sont loin d'avoir disparu, à commencer par d'importants décalages entre les revenus selon les Etats.

Les problèmes du passé se répètent sous des variantes modernes, a poursuivi la représentante. Le fait que voyager soit devenu facile et la constitution de groupes fortement organisés qui profitent du trafic illicite de travailleurs migrants sont très préoccupants pour les Philippines. La représentante a d'autre part rappelé que, selon les estimations des Nations Unies, le nombre de personnes âgées aura triplé d'ici à 2050 et atteindra 2 milliards de personnes. En outre, le taux de fertilité est en baisse rapide dans les pays développés. De ce fait, il est à prévoir que les taux d'émigration vers ces pays augmenteront parallèlement à la nécessité de remplir les places laissées par les personnes âgées.

La représentante a ajouté que le nombre de femmes parmi les travailleurs migrants augmente en même temps que la part de travail qui est confiée à ces derniers dans la communauté internationale. Dans ce contexte, la représentante a mis en garde contre une augmentation des risques de violation des droits des travailleurs les plus vulnérables, en particulier les femmes. La représentante a donc accordé une grande importance à l'entrée en vigueur de la Convention internationale sur la protection des travailleurs migrants et de leur famille. Elle a jugé décevante la lenteur avec laquelle cet instrument s'achemine vers son entrée en vigueur. La représentante a également salué les efforts de la société civile pour la protection des migrants.

M. SWADESH CHAKRABORTY (Inde) a rappelé l’évolution historique, depuis 1947, du débat sur les droits de l’homme. Il a expliqué que les pays qui vivaient encore sous le joug colonial parlaient d’une même voix de cette question. Aujourd’hui, le fait de maintenir délibérément la confusion entre les symptômes du sous-développement et les violations des droits de l’homme ne renforce aucunement la crédibilité internationale accordée aux traités et protocoles pertinents et l’adhésion la plus large à ces instruments. Selon M. Chakraborty, la tendance qui consiste à vouloir accorder moins d’importance aux droits économiques, sociaux et culturels ou de ne pas reconnaître les droits collectifs, alors qu’en même temps, la priorité des droits civils et politiques est soulignée, a créé un déséquilibre dans l’application des traités relatifs aux droits de l’homme. La démocratie, le développement et les droits de l’homme sont liés et constituent un tout indivisible, a-t-il affirmé.

M. Chakraborty a déclaré que les informations fournies par le Secrétariat selon lesquelles le Bureau du Haut Commissaire aux droits de l’homme est en train de mettre au point des indicateurs pour évaluer la réalisation des droits civiques et politiques laissent sa délégation perplexe. Même si l'Inde note l’assurance donnée sur le fait que ces indicateurs n’ouvriront pas la voie à une classification des pays ni à un système de réprimande, le représentant a souligné que l’Inde désapprouve fermement cette initiative du Haut Commissariat aux droits de l’homme. Il s’agit-là d’un exercice arbitraire qui n’a pas l’appui des gouvernements, a-t-il ajouté. Le Bureau du Haut Commissaire peut-il mesurer l'abjection de la misère ou les délices de la liberté totale?

Pour ce qui est de la torture et des autres traitements inhumains et dégradants, le représentant s’est félicité des travaux de Sir Nigel Rodley, le Rapporteur spécial sur cette question, particulièrement du fait que ce dernier a attiré l'attention sur le lien fréquent mais rarement présenté entre la torture et la pauvreté. M. Chakraborty a estimé que tant que la communauté internationale ne relève pas les défis auxquels sont confrontés les pauvres, les marginalisés et

les groupes vulnérables, elle contribue directement ou indirectement au cercle vicieux des fléaux qui menacent la dignité et le respect de tous. Le représentant a regretté que malgré les plaintes formulées par l’Inde, le Fonds de contributions volontaires pour les victimes de la torture continue de financer des organisations qui utilisent les actes terroristes et les armes à des fins politiques. Par ailleurs, il a affirmé que le statut du Fonds de contributions volontaires pour la lutte contre les formes contemporaines d’esclavage est pathétique, dans la mesure où les contributions importantes des donateurs vont prioritairement au Fonds de contributions pour les victimes de la torture, alors que la question de l’esclavage passe pratiquement inaperçue.

M. MYKOLA MELENEVSKY (Ukraine) a déclaré que les durs efforts déployés pendant des années par la communauté mondiale ont permis d'élaborer une série d'instruments juridiques internationaux extrêmement importants dans le domaine des droits de l'homme, et de mettre en place un large éventail de mécanismes chargés de surveiller l'application de ces instruments. Le représentant a estimé qu'il est grand temps que le bon fonctionnement de ce système à deux composantes devienne le point focal des activités des Nations Unies. A cet égard, il a appuyé les activités du Haut Commissariat aux droits de l'homme en vue de la ratification des six traités fondamentaux des Nations Unies dans le domaine des droits de l'homme d'ici à 2003. Cependant, il a souligné que la ratification n'est que la première étape d'un processus consistant à faire observer les droits de l'homme dans la pratique quotidienne des Etats parties.

Soulignant ensuite que l'Ukraine a présenté ses rapports nationaux dans les délais impartis, le représentant a regretté que personne ne puisse dire combien de temps sera nécessaire avant que les organes conventionnels soient en mesure d'examiner ces rapports. Ce n'est pas de leur faute, a souligné le représentant. Pour réduire la charge de travail qui pèse sur les organes conventionnels, le représentant a préconisé que la pratique des rapports "exhaustifs" sous leur présentation actuelle soit éliminée au profit de rapports suivant des directives élaborées en fonction de la situation dans chaque Etat. Il a également souligné la nécessité de renforcer la coopération entre les organes conventionnels et les mécanismes de procédure spéciale.

Le représentant a déclaré que l'Ukraine ne peut accepter que, dans certains cas, les rapporteurs spéciaux ne remplissent pas complètement leur mandat et utilisent des informations obsolètes ou ne reposant sur aucune preuve. Il a cité à ce propos le rapport présenté par le Rapporteur spécial sur l'intolérance religieuse à la 56e session de la Commission des droits de l'homme, qui, selon lui, contient une information fallacieuse et donc une accusation infondée d'intolérance religieuse contre l'Ukraine. Mon pays est toujours ouvert à un dialogue constructif avec les rapporteurs spéciaux et prêt à leur fournir des informations complètes sur les questions qui les préoccupent mais ils doivent avancer les faits dont elles découlent, a-t-il souligné.

Le représentant a également rappelé que le fonctionnement efficace des mécanismes des droits de l'homme est étroitement lié à la question de la réforme de la Commission des droits de l'homme. Il s'est dit favorable à la rationalisation de certains mandats existants. Il a mis en garde contre une extrême politisation des questions des droits de l'homme.

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