AG/1072

LE RESPECT DE LA SOUVERAINETE NATIONALE OPPOSE A L'INGERENCE HUMANITAIRE DEVANT L'ASSEMBLEE GENERALE

27 septembre 2000


Communiqué de Presse
AG/1072


LE RESPECT DE LA SOUVERAINETE NATIONALE OPPOSE A L'INGERENCE HUMANITAIRE DEVANT L'ASSEMBLEE GENERALE

20000927

De nombreuses délégations se prononcent en faveur d'une révision du régime des sanctions

L'Assemblée générale a repris cet après-midi l'examen du rapport du Secrétaire général sur l'activité de l'Organisation. Plusieurs délégations se sont opposées au fait que l'ingérence humanitaire soit privilégiée aux dépens de la souveraineté nationale et de l'intégrité territoriale. Intervenant en ce sens, plusieurs orateurs ont expliqué qu'il ne peut y avoir de justification aux interventions humanitaires qui porteraient atteinte à la souveraineté d’un Etat. Les pays en développement, tout comme les pays développés, attachent une grande importance à leur souveraineté, un concept qui est la clef de voûte des relations internationales.

Le nécessaire renforcement des opérations de maintien de la paix a, dans cette optique, également été évoqué. La Tunisie craint par exemple que les réformes visant à améliorer les capacités de l'ONU en la matière ne se traduisent par un empiétement sur les principes "sacro-saints" de la souveraineté des Etats, de leur intégrité territoriale et de leur indépendance politique ainsi que de la non-interférence dans leurs affaires intérieures.

Dans le prolongement de cette réflexion sur la non-ingérence dans les affaires intérieures des Etats, de nombreuses délégations sont intervenues pour demander une révision du régime des sanctions. Le Conseil de sécurité ne devrait y recourir qu'en dernier ressort et mettre en place un système d'évaluation permanente de leurs répercussions sur les populations civiles et les Etats tiers. Le représentant de l'ex-République yougoslave de Macédoine s'est, à cet égard, prononcé en faveur de la mise en place d'une nouvelle procédure qui donnerait à l'Assemblée générale le pouvoir d'entériner ou non les décisions du Conseil de sécurité impliquant la prise de sanctions ou décidant d'engager des opérations de maintien de la paix.

Par ailleurs, le représentant d'Israël s'est félicité de l’admission temporaire de son pays au sein du groupe des pays d’Europe occidentale et autres Etats, qui constitue selon lui un premier pas vers la reconnaissance, à Israël, par les Nations Unies, des mêmes droits que les autres États.

Les représentants de l’Egypte, des Philippines, de la République populaire démocratique de Corée, de l’ex-République yougoslave de Macédoine, du Népal, du Chili, de l’Italie, de la Jamahiriya arabe libyenne, du Cameroun, du Bahreïn, de l’Inde, de la Tunisie, de la Slovénie, de Cuba, de la Belgique et d’Israël se sont exprimés au cours de cette séance.

L'Assemblée poursuivra demain, jeudi 28 septembre 2000 à partir de 10 heures, l'examen du rapport du Secrétaire général sur l'activité de l'Organisation. Elle se prononcera ensuite sur les recommandations de son Bureau concernant l'examen en séance plénière du point portant sur la prévention du crime et la justice pénale ainsi que sur l'inscription à son ordre du jour d'un point concernant la coopération entre la Communauté économique des Etats d'Afrique centrale avec l'ONU.

RAPPORT DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL SUR L’ACTIVITÉ DE L’ORGANISATION

Suite du débat

M. FELIPE MABILANGAN (Philippines) a déclaré que la réforme des Nations Unies devait répondre à deux impératifs, celui du renforcement du rôle de l’Assemblée générale et celui d’une meilleure représentativité dans la composition et dans le processus de décision du Conseil de sécurité. Selon lui, les Etats Membres doivent mettre tous les moyens nécessaires à la disposition des Nations Unies afin que l’Organisation puisse remplir son mandat de maintien de la paix et de la sécurité internationales, notamment par le renforcement du concept de diplomatie préventive. Une telle démarche permettrait d’économiser sur les dépenses engagées dans les opérations de maintien de la paix qui sont de plus en plus coûteuses.

Le représentant des Philippines a par ailleurs insisté sur la nécessité de revoir le principe des sanctions, de promouvoir le concept de démocratie, de droits de l’homme, de bonne gouvernance et de participation des citoyens. Il a ensuite rappelé que les principes de souveraineté et de non-ingérence figurant dans la Charte doivent être respectés et le Conseil de sécurité est seul habilité à maintenir la sécurité internationale.

La question du développement du continent africain mérite une attention particulière et les pays riches doivent accroître leur aide publique au développement afin d’aider le continent africain dans ses efforts visant à éradiquer la pauvreté, notamment par une annulation de la dette. La Conférence sur les pays les moins avancés, prévue en 2001, sera l’occasion de réfléchir ensemble aux solutions à apporter pour résoudre le fossé créé par la mondialisation entre pays riches et pays pauvres. Les Philippines appuient également les initiatives des Nations Unies en matière de justice internationale, de sécurité, de désarmement et de non-prolifération. A ce titre, le représentant des Philippines s’est réjoui de l’organisation, en 2001, d’une Conférence sur la non-prolifération des armes légères.

M. AHMED ABOULGHEIT (Egypte) a déclaré qu'il se félicite de l'intérêt manifesté par les Nations Unies pour l’Afrique tout en constatant que le fossé reste très grand entre les déclarations et les actions réelles prises pour régler les problèmes. L'ONU doit reprendre l'initiative pour rétablir la stabilité dans la Corne de l'Afrique et dans d'autres régions comme le Congo ou la Sierra Leone, par exemple. Les recommandations concernant le maintien de la paix et de la sécurité figurant dans le rapport Brahimi sont si importantes en l’occurrence que nous attendons de pouvoir en parler plus avant pour pouvoir déterminer les actions à prendre pour leur mise en oeuvre. Les Nations Unies devraient s'occuper essentiellement des opérations de maintien de la paix et ne pas s’intéresser aux autres arrangements qui n'y ont pas vraiment trait, a poursuivi le représentant de l'Egypte.

Les chiffres concernant le VIH/sida montrent qu'il existe une dimension sociale à l'expansion de la pandémie. C'est l'avenir de tout le continent qui est en danger aujourd'hui. L'Egypte invite toutes les délégations a faire montre d'un esprit de coopération pour qu'une session extraordinaire soit convoquée sur le sujet afin de combattre la maladie. Concernant les sanctions, nous sommes d'avis, a encore dit le représentant, qu'il ne faut y recourir que de manière exceptionnelle en fonction de critères précis pour éviter qu'elles ne se transforment en boulet éternel pour le pays qui en est frappé. Il faut des sanctions ciblées qui répondent aux chapitres 6 et 7 de la Charte de l'ONU.

M. KIM CHANG GUK (République démocratique populaire de Corée) a expliqué qu’il ne pouvait y avoir de justification aux interventions humanitaires qui porteraient atteinte à la souveraineté d’un Etat. Les pays en développement, tout comme les pays développés, attachent une grande importance à leur souveraineté, un concept qui est la clef de voûte des relations internationales. Il a fait remarquer qu’en dépit des nombreuses discussions sur les défis posés par la mondialisation, on n’était pas parvenu à un point de vue commun sur la question. Des mesures pratiques visant à promouvoir le développement économique des pays en développement, telles que la réforme des modalités de prêts des institutions financières internationales et l’introduction de pratiques commerciales équitables, devraient être mises en place. Le représentant a indiqué que pour mener à bien ces missions, les modes de fonctionnement et le rôle des Nations Unies devaient être significativement renforcés. Il faudrait notamment instaurer un système qui donne à l’Assemblée générale le pouvoir d’approuver les résolutions du Conseil de sécurité relatives à l’usage de la force et à la mise en place de sanctions, a-t-il déclaré.

M. NASTE CALOVSKI (ex-République yougoslave de Macédoine) a insisté sur le fait que les Nations Unies se devaient de mieux remplir leur rôle au XXIème siècle. Il a indiqué que sa délégation souhaitait voir renforcer le rôle de l’Assemblée générale. Celle-ci travaille en réalité un mois et demi par an, a déclaré le représentant, et de ce fait, elle s’installe dans une routine qui, si cela continue ainsi, finira, comme c’est le cas actuellement, par la marginaliser. Il a lancé un appel pour que de nouvelles dispositions soient prises et que l’Assemblée générale fonctionne toute l’année sur le modèle des parlements nationaux, ce qui aurait pour conséquence de rendre superflus certains de ses organes subsidiaires pour le plus grand bénéfice de nombreux Etats Membres dont le personnel restreint ne leur permet pas de participer à tous les travaux au sein du Secrétariat. Le représentant a attiré l’attention sur les inquiétudes suscitées par les actions humanitaires considérées par certains comme présentant un risque pour le principe de souveraineté. Il a estimé que l’Organisation devait prendre une position claire à ce sujet.

M. MURARI RAJ SHARMA (Népal) s’est félicité des engagements pris par les Etats Membres lors du Sommet du millénaire, mais a déploré que, dans le passé, des engagements semblables soient trop souvent restés lettre morte. Il appartient maintenant à l’Assemblée de mettre en oeuvre cette vision et, à cette fin, les Nations Unies devraient être plus fortes et mieux équipées pour pouvoir mieux remplir leur rôle d’organe universel. Nous pourrons de la sorte éviter les échecs du passé. En matière de maintien de la paix, il est arrivé trop souvent que l’ONU n’ait pu remplir sa mission telle qu’elle est définie par la Charte. Ainsi, tant le Secrétariat que le Conseil de sécurité ont échoué au Rwanda et à Srebrenica, où les Nations Unies se sont retirées précipitant des conflits catastrophiques et meurtriers.

En ce qui concerne la lutte contre la pauvreté, les résultats sont également limités. Ceci est d’autant plus déplorable que les dirigeants du monde s’accordent à voir dans la pauvreté la source de nombreux conflits. La lutte contre la pauvreté doit être intensifiée et à cet égard, le Népal déplore que la conférence des Nations Unies sur les pays les moins avancés, qui doit avoir lieu en 2001, ne soit même pas mentionnée dans le rapport du Secrétaire général. Le Népal s’inquiète également de ce qu’il adviendra de la CNUCED, menacée de disparition. Le développement est un domaine où l’action des Nations Unies peut être décisive et nous regrettons que jusqu’à présent trop peu ait été réalisé.

M. JUAN GABRIEL VALDES (Chili) a déclaré que son pays accordait une importance particulière à trois questions développées dans le rapport du Secrétaire général relatives à la gouvernance planétaire. La première d’entre elles, le maintien de la paix et la promotion des droits de l’homme revêt une importance particulière au terme d’une décennie marquée par des échecs politiques et humanitaires pour les Nations Unies. Face à ces crises, les Nations Unies manquent souvent de ressources pour réagir alors même que le concert des nations condamne ces conflits sans pour autant réagir. Il importe pour les Etats Membres de donner aux Nations Unies les moyens opérationnels et politiques d’intervenir et cela passe, entre autres, par la réforme du Conseil de sécurité et par une mise en oeuvre des recommandations du rapport Brahimi.

Le deuxième point évoqué par le représentant du Chili est celui du développement dans un monde où les inégalités se creusent de plus en plus entre pays riches et pauvres. Plus de justice dans la redistribution des richesses doit être assurée et les Nations Unies sont à même de jouer ce rôle de moteur du progrès économique international face à des institutions financières internationales qui ont contribué à accroître ces inégalités. Il faut selon lui, entre autres mesures, procéder à un examen de la question de la dette et lancer une grande réflexion sur les grands problèmes économiques mondiaux. Il a appelé à une revitalisation de l’ONU dans le sens du développement mondial par la mise en oeuvre d’un partenariat entre pays riches et pays pauvres.

La troisième question soulevée par la délégation du Chili est celle des droits de l’homme, le Chili étant attaché aux principes fondamentaux contenus dans la Charte. A ce titre, il souhaite que les engagements pris lors de la Conférence de Pékin sur les femmes soient mis en oeuvre afin de garantir un meilleur équilibre au sein de la population mondiale. Enfin, le représentant du Chili a déclaré que le Sommet du millénaire avait relancé l’esprit de solidarité internationale qui doit aider les Nations Unies à atteindre les objectifs de développement, de paix et de sécurité qui leurs sont assignés.

M. SERGIO VENTO (Italie) a déclaré que l'expérience d'un nombre croissant d'opérations de maintien de la paix a montré la nécessité urgente d'une vision intégrée des trois étapes menant à la paix et la sécurité internationale: la prévention des conflits, le maintien et la consolidation de la paix après les conflits. Le triplement du budget des opérations de maintien de la paix au cours de la seule année écoulée amène les Etats Membres à verser de plus grandes contributions. L'Italie par exemple est sollicitée pour augmenter sa contribution en tenant compte des dépenses de l'an dernier. Les considérations financières sont une raison suffisante pour mieux définir nos priorités, a déclaré M. Vento.

Nous devrions donc allouer un capital politique et humain plus important ainsi que les ressources financières suffisantes à la prévention des conflits et au soutien des pays dont les structures sociales, civiles et économiques sont instables a-t- il ajouté. Selon lui, une autre leçon à tirer des épisodes précédents d'un passé récent consiste en la nécessaire rationalisation et valorisation des structures déjà existantes de l’Organisation.

Le représentant italien a par ailleurs rappelé que les situations d'urgence dans les Balkans et en Afrique en particulier ont permis de mettre en évidence le rôle de soutien fondamental rempli par la base logistique de Brindisi dont les stocks de matériel adéquat devront être réassortis dans des délais rapides. Evoquant la gestion des opérations de maintien de la paix, le représentant de l'Italie a estimé que des liens plus étroits devaient en outre être noués entre les processus de prise de décision, relevant au premier chef de la responsabilité des membres du Conseil de sécurité, et le soutien en ressources humaines et financières pour les missions émanant souvent de pays non membres du Conseil de sécurité.

M. GUMA AMER (Jamahiriya arabe libyenne) a déploré qu’en dépit des efforts du Secrétaire général, de nombreux conflits n’aient toujours pas trouvé d’issue, notamment en Afrique où pourtant l’OUA est un partenaire actif des processus de paix. M. Amer a rappelé que la coopération internationale est essentielle au développement de l’Afrique et qu’il est urgent que des aides concrètes soient apportées, tout particulièrement pour lutter contre la pandémie de sida. Il est en effet inacceptable que les traitements disponibles pour lutter contre la maladie ne soient pas accessibles à tous.

La Libye est aujourd’hui victime de sanctions du fait de deux individus dont la culpabilité n’a pas été prouvée; les sanctions ont donc été établies en violation du principe de présomption d’innocence. Le représentant a renouvelé ses appels pour que les sanctions soient levées.

M. Amer a rappelé que la Libye est partie à la plupart des traités sur le désarmement et a manifesté le souhait que le Tribunal pénal international soit amendé pour que tous ceux qui ont perpétré des crimes puissent être traduits devant ce tribunal, même les trafiquants de drogues. Il a enfin déploré que certains pays continuent de voter des lois coercitives et de les appliquer à l’encontre d’autres pays, alors que les normes du droit international devraient prévaloir.

M. MARTIN BELINGA EBOUTOU (Cameroun) a renouvelé la proposition faite par le Président Paul Biya, au cours du Sommet du millénaire, de créer, au sein du Secrétariat général des Nations Unies, un Comité ou un Observatoire international d’éthique chargé de promouvoir, entre les nations et à l’intérieur de celles-ci, les valeurs humaines fondamentales universelles. Il a ensuite fait état des défis auxquels la communauté internationale aurait à faire face au seuil du nouveau millénaire et a souhaité un élargissement du Conseil de sécurité afin que les Nations Unies prennent en compte l’évolution du monde. Il a également ajouté que les Etats Membres devaient fournir davantage de moyens à l’Organisation afin qu’elle puisse accomplir ses missions de maintien de la paix et de la sécurité.

Par ailleurs, le Cameroun suggère un renforcement du concept de régionalisation du maintien de la paix et de la sécurité à l’image des efforts déployés par les pays d’Afrique centrale en vue de se doter d’un système sous- régional de prévention et de gestion des conflits armés et des crises. Le représentant du Cameroun souhaite vivement que les Nations Unies et l’ensemble de la communauté internationale continuent de soutenir ces efforts de structuration de mécanismes régionaux de maintien, de consolidation ou de rétablissement de la paix. En matière de prévention des conflits, l’un des défis que les Nations Unies auront à relever sera celui de la prolifération et la circulation des armes légères et le Cameroun suggère que la conférence de 2001 soit l’occasion de mettre en oeuvre un plan d’action national, régional et international afin de lutter contre ce fléau.

Enfin, le représentant du Cameroun a évoqué le fardeau de la dette et de la pauvreté comme obstacles au développement et en a appelé à plus de solidarité en matière d’aide au développement. Celle-ci s’essouffle alors même que le contexte actuel en Afrique nécessiterait son renforcement. Au premier rang des questions urgentes, le VIH/sida doit être considéré comme une grave menace pour la stabilité internationale. Pour finir, le Cameroun a dénoncé les inégalités nées de la mondialisation et a appelé l’ONU à agir afin de faire en sorte que les richesses mondiales soient mieux partagées. Pour cela, les Nations Unies doivent promouvoir les partenariats internationaux, notamment avec les institutions financières internationales afin de promouvoir le développement.

M. JASSIM MOHAMMED BUALLAY (Bahreïn) a déclaré en ce qui concerne la gestion du maintien de la paix et de la sécurité internationale que les déplacements de populations ont engendré des crises au moins aussi graves que celles provoquées par les guerres dont elles ont découlé. Sans parler du terrorisme international qui menace la sécurité et l'économie de nombreux Etats de par le monde. Les Nations Unies doivent donc revoir leur processus de prise de décision en la matière.

En ce qui concerne les engagements humanitaires, le représentant de Bahreïn a rappelé que le rapport du Secrétaire général évoque les situations les plus pessimistes. Bahreïn estime qu'il faut coordonner l'action de l'ONU et des organisations non gouvernementales pertinentes dans ce domaine. Le rapport du Secrétaire général sur l'activité de l'Organisation met aussi en relief les problèmes économiques et sociaux auxquels les Etats Membres sont confrontés. Les missions de maintien de la paix sont, notamment, en butte à une crise grave à laquelle les Nations Unies n'ont pas jusqu'ici trouvé de solution. Selon le représentant de Bahreïn, le rapport Brahimi est excellent mais où trouverons-nous les fonds nécessaires pour mettre en oeuvre ses recommandations, a-t-il demandé.

M. KAMALESH SHARMA (Inde) a regretté qu’au cours des dernières années, le Conseil de sécurité ait étendu ses compétences et son domaine d’intervention bien au-delà des pouvoirs que la Charte lui conférait. Certes, les problèmes économiques et sociaux peuvent menacer la paix et la sécurité mais il n’incombe pas au Conseil de sécurité de traiter de ces questions. M. Sharma a fait remarquer que le concept d’intervention humanitaire, rejeté l’année dernière par une majorité d’Etats Membres, n’était pas mentionné dans la Déclaration du

millénaire. Si ce devoir d’intervention pour des raisons humanitaires ne s’est pas imposé dans l’année écoulée, et si la communauté internationale a laissé perpétrer sous ses yeux des violations massives des droits de l’homme, ce n’est pas par manque de fondement théorique de l’intervention, mais du fait de l’absence de volonté politique. L’intervention humanitaire n’est pas la solution.

Par ailleurs, M. Sharma a souligné que la composition du Conseil de sécurité n’est pas représentative et que cela nuit à sa crédibilité. Le Conseil doit être élargi et réformé. Après avoir souligné l’irruption du concept de bonne gouvernance dans les discours du Secrétaire général et plus généralement des Nations Unies, M. Sharma a déclaré que la bonne gouvernance est une affaire de norme, et que dans ce domaine c’est la norme des démocraties qui s’est imposée. Les recommandations de bonne gouvernance devraient être proférées sans discrimination à tous les pays; en conséquence, M. Sharma appelle le Secrétaire général à utiliser son autorité morale pour condamner les juntes militaires qui ont fomenté des coups d’Etat contre les démocraties.

Selon le représentant de l’Inde, l’élimination de la pauvreté doit demeurer l’objectif essentiel des Nations Unies. A cette fin, les Nations Unies doivent promouvoir la coopération internationale, favoriser les transferts de technologie et permettre aux pays en développement d’accéder sans entrave aux marchés mondiaux. Or il est regrettable que les Nations Unies soient marginalisées dans ce domaine. Les Nations Unies devraient assumer leur responsabilité et ne pas rejeter sur l’OMC, qui a connu plusieurs échecs récemment, la négociation des mesures de facilitation du commerce en faveur des pays en développement. L’instabilité financière et la volatilité des mouvements de capitaux mettent en danger la croissance des pays en développement et l’Inde salue la tenue d’une Conférence sur le financement du développement en 2001.

M. SAID BEN MUSTAPHA (Tunisie) a déclaré que l'Organisation est à un moment charnière de son action dans le domaine des opérations de maintien de la paix. La Tunisie partage le point de vue du Groupe d'étude présidé par M. Brahimi en ce qui concerne le renforcement des capacités du Secrétariat, à savoir le renforcement des consultations entre le Conseil de sécurité et les Etats contributeurs de troupes et l'amélioration des conditions de déploiement de ces opérations. Le représentant de la Tunisie a insisté sur le fait que ces réformes visant à améliorer les capacités de l'ONU ne devaient pas se traduire par un empiètement sur les principes sacro-saints de souveraineté des Etats, de respect de leur intégrité territoriale et de leur indépendance politique ainsi que de la non- interférence dans leurs affaires intérieures.

La prévention des conflits doit, a encore estimé le représentant, être érigée en stratégie globale et intégrée visant à inscrire dans la durée non seulement l'absence de conflits armés mais aussi à assurer les conditions les plus favorables aux facteurs de la paix, qu'ils soient politiques, économiques, sociaux ou culturels. Selon le représentant de la Tunisie, la communauté internationale a les moyens de cette stratégie et il faut qu'elle en ait constamment la volonté. Enfin, le représentant a estimé que le recours aux sanctions ne devrait être envisagé qu'en ultime choix après l'épuisement de toutes les voies pacifiques, de manière limitée dans le temps avec des conditions claires quant à leur suspension ou leur levée, avec en outre une évaluation continue de leurs répercussions sur les populations des pays ciblés et leurs incidences directes sur les intérêts des pays tiers.

M. ERNEST PETRIC (Slovénie) a déclaré que le rapport du Secrétaire général sur l’activité de l’Organisation des Nations Unies ainsi que son Rapport du millénaire présentent un certain nombre d'idées nouvelles et une opportunité unique de discuter des problèmes qui se présentent à nous, et d'essayer de tracer la voie pour les futures actions de l'Organisation et de cette Assemblée.

Il y a tout d'abord le dilemme de l'intervention. Les Nations Unies, de plus en plus souvent, sont confrontées à des conflits internes. Aussi n'est-il pas surprenant que l'ONU doive faire face au dilemme entre "l'intervention humanitaire" et le respect de la souveraineté des Etats. Le représentant est d'avis que la communauté internationale ne peut pas demeurer passive face aux atrocités de crainte de voir se répéter des drames comme ceux qui se sont déroulés à Srebrenica ou au Rwanda. Nous devons, a-t-il dit, continuer maintenant, sans attendre, pour identifier des moyens d'action préventifs, y compris l'intervention, lorsque cela s'avère nécessaire. De telles actions doivent être encadrées par l'ONU, particulièrement par le Conseil de sécurité qui a un rôle directeur. Il est urgent d'élaborer les règles et la doctrine de l'action humanitaire, sur la base d'une interprétation moderne de la Charte et en harmonie avec les normes et relations internationales.

Dans ce cadre, le représentant a aussi tenu à souligner qu’aucun article de la Charte des Nations Unies ne devrait être interprété comme pouvant justifier les crimes contre l’humanité ou permettre aux responsables de ces crimes d’échapper à la justice. L’adoption du Statut de Rome de la Cour pénale internationale par la grande majorité des Etats a clairement démontré leur volonté de mettre fin à l'impunité. La mise en place de la Cour pénale internationale est une avancée historique. Pour la première fois dans l’histoire, un mécanisme permet de poursuivre les responsables des crimes de génocide, de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre. Le représentant de la Slovénie a espéré que les ratifications nécessaires au fonctionnement de la Cour seront rapidement déposées. L’Assemblée nationale de la République de Slovénie fera le nécessaire pour ratifier le Statut de Rome avant la fin de l’année.

Par ailleurs, le représentant a soutenu les recommandations avancées par le Groupe d'étude sur les opérations de maintien de la paix présidé par M. Lakhdar Brahimi et souhaité qu’il y soit rapidement donné suite. Sachant que certaines recommandations nécessitent des ressources supplémentaires, la Slovénie se propose de contribuer à ces dépenses. Il a réaffirmé la volonté de son pays de renoncer à la réduction de sa quote-part aux dépenses des opérations de maintien de la paix dont il a bénéficié. A partir de cette année, la Slovénie versera sa contribution totale.

M. RAFAEL DAUSA CESPEDES (Cuba) a regretté que le prétendu «dilemme de l’intervention», repris par le Secrétaire général, serve en fait à légitimer un interventionnisme déguisé sous prétexte d’intervention humanitaire. Ce débat place les Nations Unies dans une position de sujétion aux intérêts et aux desseins hégémoniques de certains. L’ordre international, injuste et profondément inéquitable, ne peut être fondé sur une interprétation encore plus primitive de la Charte et du droit international.

«Certes, la prévention coûte beaucoup moins cher que les conflits», a déclaré M. Cespedes. «Mais une prévention efficace exige des efforts soutenus, discrets et sans battage publicitaire, et exige que l’on s’attaque aux causes profondes des conflits, c´est-à-dire au sous-développement”. Si l’écart entre les pays développés et les pays en développement se creuse encore, l’exacerbation des crises est inéluctable. Ce n’est pas un hasard si plus de la moitié des 45 pays les plus pauvres du monde ont connu des conflits armés dans les 10 dernières années. Et bien que le Conseil de sécurité ait fait un usage plus large des sanctions, le nombre de conflits n’a pas diminué. Les sanctions ne doivent pas être un outil punitif au service des intérêts nationaux de certains Membres du Conseil de Sécurité ni devenir un instrument de lutte entre les pays riches et les pays pauvres, alors que 70% des sanctions frappent des pays africains.

«Le rapport du Secrétaire général est un texte bref qui évite toute une série de questions importantes pour Cuba», a jugé M. Cespedes. «Un petit groupe de pays impose sa vision et procède à une manipulation politique des droits de l’homme». Au sujet du désarmement, le représentant de Cuba a condamné l’attitude contradictoire des Etats qui professent le désarmement et augmentent leurs dépenses militaires. De plus, la crise des contributions et l’objectif de croissance zéro imposés par le principal contributeur empêchent l’ONU de s’engager pleinement dans son action. M. Cespedes a plaidé en faveur d’une révision du barème des quotes-parts et de l’élimination de leur plafonnement.

M. ANDRE ADAM (Belgique) a rappelé que le Sommet du millénaire était parvenu à une conclusion majeure à savoir que, en dépit des critiques qui lui sont régulièrement adressées et qui sont parfois justifiées, l’ONU joue et continuera à jouer un rôle central dans la réponse que la communauté internationale doit apporter aux multiples défis auxquels elle est confrontée. Il a indiqué que sa délégation souscrivait pleinement aux leçons tirées par le rapport Brahimi mais que la mise en oeuvre de ses recommandations aura un coût qu’il conviendra d’assumer de manière équitable. Nous devons nous inquiéter tout comme le Secrétaire général, a-t-il par ailleurs déclaré, qu’il n’ait été répondu aux besoins annoncés dans l’appel global interagences qu’à raison de 34% alors que les besoins en aide humanitaire sont immenses et que la croissance économique permettrait de dégager des marges financières inespérées voilà quelques années encore. Il a déploré que la question des personnes déplacées dans leur propre pays pour des raisons de conflit interne n’ait pas donné lieu à un accord dans le cadre de l’ECOSOC et a souhaité que l’Assemblée générale y remédie.

M. YEHUDA LANCRY (Israël) a déclaré que les questions soulevées par le Secrétaire général dans son rapport, notamment celles se rapportant au VIH/sida, au rôle des Nations Unies dans le maintien de la paix, et à la gestion concertée de la mondialisation méritaient que les États membres y prêtent une attention particulière. Concernant le continent africain, le représentant d’Israël s’est inquiété des conséquences du virus du VIH/sida sur le développement socioéconomique de ce continent menacé. Israël appuie l’initiative visant à lancer un plan d’action international pour combattre la pandémie et remédier à ses conséquences.

Concernant les opérations de maintien de la paix, le représentant d’Israël a souligné la pertinence des recommandations du rapport Brahimi et a apporté son soutien à la proposition de réforme des mécanismes de contribution des Etats. A ce titre, il a annoncé que son pays verserait la totalité de sa quote-part au titre des opérations de maintien de la paix. Il a ensuite abordé la question de la mondialisation et de ses conséquences et a appuyé les initiatives de Pacte mondial et de coalition pour le changement, lancées par le Secrétaire général.

Concernant les relations entre Israël et l’ONU, M. Lancry s’est félicité de l’admission temporaire de son pays au sein du groupe des pays d’Europe de l’Ouest et autres Etats, ce qui constitue, a-t-il dit un premier pas vers la reconnaissance, à Israël, par les Nations Unies, des mêmes droits que les autres États. Par ailleurs, il s’est réjoui de la collaboration efficace entre Israël et les Nations Unies dans le processus de retrait des forces israéliennes du Sud- Liban, en mai 2000 conformément à la résolution 425. Il a souhaité que ce retrait ouvre la voie à une nouvelle dynamique de paix dans la région et à une coopération accrue avec les Nations Unies.

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