AG/1046

LE RENFORCEMENT DE L'ONU PER¦U COMME MOYEN DE FAIRE DES INTERETS POLITIQUES PUBLICS LE CONTREPOIDS DES INTERETS ECONOMIQUES PRIVES

7 septembre 2000


Communiqué de Presse
AG/1046


LE RENFORCEMENT DE L’ONU PERÇU COMME MOYEN DE FAIRE DES INTERETS POLITIQUES PUBLICS LE CONTREPOIDS DES INTERETS ÉCONOMIQUES PRIVÉS

20000907

La place des Nations Unies, comme seule instance internationale susceptible d’oeuvrer à l’émergence d’un monde où l’égalité d’accès au développement durable est garantie pour tous, a été réaffirmée aujourd’hui par les participants du Sommet du millénaire qui réunit, depuis le 6 septembre, quelque 150 chefs d’Etat et de gouvernement pour développer des stratégies visant à rendre l’ONU capable de relever les défis du XXIème siècle. Parmi les défis identifiés dans le domaine du développement, les intervenants ont cité la pauvreté, les pandémies, le fardeau de la dette ou encore le manque d’accès aux avantages technologiques et économiques de la mondialisation. Malgré la création de l’ONU, en 1945, et celle consécutive de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international (FMI), censés donner un sens pratique aux aspirations de la Charte de l’Organisation, les pays pauvres attendent toujours leur émancipation, a dit le Premier Ministre du Lesotho. Le succès mitigé de ces institutions a été expliqué par le fait que le pouvoir et la volonté politiques qu’elles symbolisent se sont laissés dépasser par le pouvoir économique devenu prépondérant. Dans ce contexte, ne sommes-nous pas dans l’utopie démocratique lorsqu’on élit des politiciens et non des financiers, s’est interrogé à ce propos, le Président d’Haïti.

Le renforcement de l’ONU a été perçu comme la seule manière de susciter une convergence d’intérêts et une dynamique de solidarité entre les 189 Etats Membres et de créer ainsi un pouvoir politique propre à faire contrepoids au pouvoir économique des intérêts privés. Pour ce faire, le Ministre des affaires étrangères de la Côte d’Ivoire a estimé que l’ONU aura d’abord à s’élever du stade de froide institution de type administratif à celui d’un centre de morale et de justice, où toutes les nations du monde se sentent chez elles et développent la conscience commune d’être une famille de nations.

En la matière, les Nations Unies doivent susciter chez leurs membres une adhésion totale au concept de “sécurité humaine”, une stratégie de développement centrée sur l’homme, a souhaité le Premier Ministre du Japon. Au titre des organes chargés de la mise en oeuvre de cette stratégie, des appels ont été lancés en faveur du renforcement du Conseil économique et social, décrit par certains, comme un forum dédié aux aspirations du monde en développement. Le Président de la Confédération helvétique a, quant à lui, évoqué une nouvelle structure calquée sur le Conseil de sécurité dans laquelle la société civile serait chargée du suivi des décisions qui, selon le Président, doivent être contraignantes. Si nous avons la volonté et la détermination, les Nations Unies resteront l’institution mondiale indispensable au XXIème siècle, a dit le Premier Ministre du Canada.

Les chefs d’Etat, de gouvernement et les personnalités suivantes ont pris la parole : Géorgie, Iles Marshall, Cap-Vert, Sao-Tomé-et-Principe, Djibouti, Bulgarie, Haïti, Arménie, Tunisie, Argentine, Turquie, Albanie, Canada, Japon, Népal, Lesotho, Jamaïque, Dominique, Mauritanie, Saint-Vincent-et-les Grenadines, Estonie, République démocratique populaire lao, Liberia, Côte d’Ivoire, Tanzanie, Bénin, Iles Salomon, Seychelles et Maroc ainsi que le Président de la Confédération helvétique.

Le Sommet poursuivra ses travaux demain vendredi 8 septembre, à 9 heures.

Allocutions à l'occasion du Sommet

M. EDUARD SHEVARNADZE, Président de la Géorgie : Le nouvel ordre mondial dont nous rêvions lors de la fin de la guerre froide il y a dix ans est encore loin devant nous. Le rapport du Secrétaire général sur le rôle des Nations Unies au XXIème siècle est un document utile. Il contient nombre d’observations et de propositions à la fois prudentes et raisonnables. Mais quelles sont les garanties que de telles propositions seront suivies d’effet ? La dette est un des problèmes les plus complexes à l’heure actuelle. Nous devons mettre fin au fardeau de la dette qui pèse sur les pays pauvres et en développement. Il ne saurait y avoir de nouvelle architecture financière internationale sans annulation de la dette. Un nombre important de nouveaux pays indépendants et démocratiques rencontrent aujourd’hui des difficultés. En Géorgie, par exemple, nous avons promu les valeurs démocratiques mais nous ne sommes toujours pas parvenus à assurer le bien être de la population.

La sécurité environnementale mondiale relève de la responsabilité directe des Nations Unies et du Conseil de sécurité. Dans une certaine mesure, la sécurité alimentaire mondiale devrait faire l’objet d’une gestion centralisée. Les ressources et moyens d’action des Nations Unies doivent être singulièrement accrus, de même que le rôle et la responsabilité individuelle des Etats. Il est nécessaire de procéder à une restructuration fondamentale des Nations Unies et du Conseil de sécurité pour leur permettre de relever les défis du nouveau millénaire. Ainsi, la composition du Conseil doit-elle être élargie. La Charte des Nations Unies doit être adaptée pour prendre en compte les pires menaces qui pèsent sur le monde moderne. Le rôle et les fonctions du Conseil de sécurité doivent être clarifiés. Reprenant les termes employés par le Secrétaire général, je dirais que le Conseil de sécurité devrait disposer d’un certain nombre “d’extincteurs” pour éteindre les feux et maintenir la stabilité et la paix dans le monde.

Le Conseil de sécurité a adopté 23 résolutions relatives au conflit abkhaze, sans résultat. J'affirme que si les séparatistes n'avaient pas réussi en Abkhazie, il n'y aurait pas aujourd'hui de tragédie tchétchène.

M.KESSA NOTE, Président de la République des Iles Marshall : Je félicite le Secrétaire général pour son rapport complet et exceptionnel sur le rôle envisagé pour les Nations Unies au XXIème siècle. Je souhaite réaffirmer l’engagement des Iles Marshall en faveur des principes de la Charte de l’Organisation et souhaite la bienvenue à Tuvalu, notre voisin en tant qu’Etat Membre. En effet, les principes de la Charte ont continué et continueront d’être testés au cours des années. D’autre part, les exploitations quelles que soient leurs formes, exploitations des hommes, de la terre ou encore de la mer, constituent toujours une menace réelle et permanente pour l’existence même des Petits Etats insulaires telles que les Iles Marshall. Nos capacités doivent être renforcées, afin que la technologie et la mondialisation puissent nous venir en aide, mais pas au détriment de la vie et de la dignité des populations et de leurs pays. Le réchauffement et l’augmentation du niveau de la mer menacent notre existence et nous lançons un appel à tous les Membres de l’Organisation pour qu’ils renforcent leur aide à notre égard.

Pour respecter vraiment les principes de la Charte, les Nations Unies devront se pencher sur leurs structures et principes qui régissent ses principaux organes. Par ailleurs, les discussions sur l’élargissement de la composition du Conseil de sécurité sont encourageantes, tandis que les restrictions qui pèsent encore sur l’autorité de la Cour pénale internationale devraient être examinées. Il faut que des étapes importantes soient franchies afin que les éternelles questions financières cessent d’entraver la bonne marche de l’Organisation. Continuer de maintenir le statu quo et ne pas modifier l’Organisation face aux nouvelles perspectives, revient à se battre contre la loi immuable du changement. En dépit de nos vulnérabilités, nous désirons être un membre actif de l’Organisation et de ses organes subsidiaires et des autres institutions internationales et aider à instaurer la paix et la prospérité pour tous les Etats, quelle que soit leur taille. Nous soutenons également la promotion de cadres de travail internationaux telle que l’Alliance des Petits Etats insulaires (AIOSIS), tandis que nous défendons la survie de notre peuple et de notre monde.

M. ANTONIO MASCARENHAS MONTEIRO, Président de la République du Cap-Vert : Il est navrant de voir le nombre d'êtres humains, un peu partout sur la planète et surtout en Afrique, pour qui la pauvreté constitue l'obstacle principal à un minimum de dignité dans leur vie et à la réalisation de leurs droits les plus élémentaires. Il est urgent de mettre un terme à cette réalité dramatique qui engage notre responsabilité commune. La tâche est de taille et doit être mise en perspective dans un cadre synergique qui puisse assurer la cohérence, l'efficacité et la durabilité des différents politiques et programmes au niveau national. Il est nécessaire que la communauté internationale tout entière mais surtout les Etats les plus avancés sur la voie du progrès fasse preuve de son aptitude à la solidarité. Il faut parler en particulier d'une aide publique au développement accrue et d'un engagement ferme en faveur de mesures pour éliminer le fardeau d'une dette qui contribue indéniablement à l'étouffement des faibles ressources de nombreux de nos pays et qui limite sérieusement leurs politiques de développement.

Les valeurs qui guident l'ONU lui confèrent la responsabilité de mobiliser tous ceux qui comptent pour le succès du destin commun de l'humanité et s'il faut témoigner d'une reprise africaine, elle ne saura se confirmer sur le plan historique que si l'Afrique est reconnue, sans délais injustifiés, comme une priorité dans l'agenda international. Il importe de ne pas perdre de vue le fait que le progrès et la stabilité du continent africain apporteront une contribution de poids à la stabilité et à la sécurité globales, une contribution essentielle au monde équilibré, juste et humain que nous souhaitons tous bâtir en ce nouveau siècle et sous les auspices des Nations Unies.

M. MIGUEL DOS ANJOS DA CUNHA LISBOA TROVOADA, Président de la République démocratique de Sao Tome et Principe : L'évolution scientifique et technologique a permis la réalisation de progrès spectaculaires dans le domaine matériel. Il n’en demeure pas moins que cette évolution n’a pas entraîné d’amélioration substantielle dans la nature profonde de l’homme, toujours dominée par l’égoïsme. L’égoïsme continue d’être le moteur de toutes les actions personnelles ou étatiques. Il en résulte cette conjoncture sombre et déplorable qui caractérise l’humanité en ce début de XXIème siècle. La récurrente et insoluble question du fardeau de la dette extérieure, la maladie, la famine, l’ignorance, le chômage, les violations des droits de l’homme et de l’enfant constituent le lot quotidien

d’une partie de l’humanité, devant l’indifférence du reste du monde. Ce qui fait défaut aujourd’hui, c’est une volonté politique ferme et déterminée d’agir en vue de juguler une situation qui se détériore. Seule la conviction profonde de l’appartenance de tous à une même entité peut apporter une impulsion.

L’ONU a un rôle décisif à jouer pour assurer la liberté, le progrès, la justice et la paix pour tous. Notre organisation devrait toutefois faire l’objet d'une restructuration qui lui permette d’être mieux à même de faire face aux réalités géo-politiques actuelles. Certains pays comme Taiwan, qui participe de façon active et solidaire grâce à la coopération internationale aux efforts de développement d’autres peuples, ne devraient pas être tenus à l’écart de notre organisation.

La guerre est l’un des fléaux qui causent le plus de dommages à l’Afrique, empêchant le développement économique et social de ses populations. Il est urgent de mettre en oeuvre les mesures qui s'imposent en vue d’un contrôle effectif de la production, de la vente et de la circulation de toutes les catégories d’armes de guerre.

M. ISMAEL OMAR GUELLEH, Président de la République de Djibouti : Le problème qui nous semble le plus urgent est celui du développement et de l’élimination de la pauvreté. Aujourd’hui, quelque trois milliards de personnes souffrent de la faim ou de carences alimentaires. Dans un monde qui produit suffisamment de nourriture pour satisfaire les besoins de chaque homme, voilà qui est totalement inacceptable. Par ailleurs, la mondialisation qui favorise la déréglementation des marchés, le libre échange et la privatisation, piège de nombreux pays pauvres en développement dans une “spirale d’appauvrissement et de désintégration sociale”. Et, les organismes de prêts internationaux qui ont exigé que ces pays se serrent davantage la ceinture au nom des “politiques économiques rationnelles”, semblent avoir contribué à faire empirer la crise. En outre, pour que les pays pauvres puissent opérer un réel revirement et afficher une croissance vigoureuse, le grave problème du fardeau de la dette doit être résolu. L’ajustement structurel préconise une réduction des dépenses internes pour que ces pays puissent davantage exporter et, partant, rembourser leurs dettes. Mais les contraintes internes, le montant de l’endettement, la dégradation des termes de l’échange et l’accès toujours restreint aux marchés des pays développés font qu’actuellement, à l’ère numérique, les perspectives sont peu encourageantes.

De toute évidence le principal défi que nous devons relever aujourd’hui consiste à faire en sorte que la mondialisation devienne une force positive pour tous les peuples de la planète, pauvres et riches. La responsabilité de gérer les problèmes internationaux ainsi que les risques et les menaces qui pèsent sur la paix et la sécurité doit être partagée par tous. L’effondrement de l’économie mondiale représenterait la menace la plus grave que l’on puisse imaginer pour l’ordre mondial. Pour l’éviter, le système mondial ne peut rester totalement indifférent au sort de la majorité des peuples du globe. Nous sommes témoins de la mise en place d’un nouveau système de valeurs internationales et d’une prise de conscience générale, qui prend ses racines dans la Déclaration universelle des droits de l’Homme. Mais nous savons aujourd’hui que ces droits ne confèrent que des avantages limités sans un milieu social favorable et des moyens de subsistance au moins minimaux.

L’incroyable sauvagerie de certains conflits et les souffrances inacceptables qu’ils nous infligent nous ont obligés à trouver de nouveaux moyens d’aider nos semblables pris dans l’étau des crises. Dans cet ordre d’idée, nous devons activer et utiliser de toute urgence le nouveau Tribunal pénal international de façon à faire comparaître devant la justice les criminels qui défient la loi. De toute évidence, il faut renforcer considérablement les capacités de maintien de la paix de l’Organisation et pallier ses faiblesses structurelles. Il convient en outre d’améliorer ses compétences en matière de maintien de la paix pour y inclure, comme ce fut le cas au Kosovo ou au Timor oriental, l’administration civile. Pour faire face efficacement à certaines crises, l’Onu doit pouvoir faire appel à ses Etats Membres, qui peuvent lui fournir des contingents bien entraînés et bien équipés, prêts à intervenir rapidement pour ouvrir un passage qu’emprunteront les forces de maintien de la paix.

M. PETAR STOYANOV, Président de la République de Bulgarie : En ce qui concerne la région des Balkans, la mise en oeuvre d’une stratégie à long terme de stabilisation de l’économie et l’intégration de la région aux organisations européennes est le facteur clef d’une solution durable à la crise et du rétablissement de la paix. Le Pacte de stabilité de l’Europe du sud-est constitue donc un instrument déterminant. En outre, la reconstruction économique des Balkans et l’engagement de nombreux pays non européens d’y participer peuvent être vus comme une tentative, jamais faite jusqu’ici, d’intégrer toute une région dans les processus de mondialisation. Il convient pourtant d’examiner avec soin l’impact de cette mondialisation et de le contrôler par une législation pertinente dans le domaine de la propriété intellectuelle qu’il s’agisse des connaissances traditionnelles ou de la biodiversité. Convaincue du potentiel des nouvelles technologies de l’information et de la communication pour le développement, la Bulgarie lance un appel urgent aux pays les plus développés pour qu’ils facilitent l’accès aux autoroutes de l’information. Le rétrécissement du fossé numérique ne peut qu’encourager les pays en développement et les pays à économie en transition à développer un contenu local sur l’Internet. La Bulgarie croit aussi que les Nations Unies continueront d’être un acteur majeur du développement socioéconomique, scientifique et technique; de la protection de l’environnement et de la coopération humanitaire. La Bulgarie appuie particulièrement les efforts de réforme et de restructuration dans le domaine socioéconomique.

M. RENE PREVAL, Président de la République d’Haïti : Je tiens à féliciter le Secrétaire général pour la qualité de son rapport sur le rôle des Nations Unies au 21ème siècle. L’histoire de la communauté internationale ne saurait être écrite sans une référence constante à l’ONU. Aujourd’hui encore, nous retrouvons l’ONU comme instrument privilégié pour aménager le XXIème siècle.

Haïti est particulièrement préoccupé par la nécessité de garantir des conditions de vie dignes à tous les êtres humains. En effet, nous savons que des milliers de personnes vivent dans l’indigence absolue et dans le risque constant d’explosion sociale, alors que jamais dans l’histoire de l’humanité, la capacité de création de richesses n’a été aussi grande. Haïti est également préoccupé par la nécessité de démocratiser réellement la nouvelle économie de la connaissance et de l’information. L’accroissement considérable du savoir et les progrès technologiques impressionnants sont réservés à quelques-uns. Mon pays s’inquiète par ailleurs de la tendance à la dérive du pouvoir du domaine de la politique à celui de l’économique et du financier. Les incessants flux de capitaux et

d’échanges commerciaux semblent se jouer des Etats nationaux et donner naissance à des instances supranationales non choisies par les peuples. Dans ce contexte, ne sommes-nous pas en train de rendre utopique la démocratie dans la mesure où nous élisons les politiciens et non les financiers ? Haïti est enfin préoccupé par les pandémies qui ravagent certaines nations et vont jusqu’à menacer leur survie. Comment faire face à de tels drames en plaçant les intérêts supérieurs de l’humanité au-dessus des intérêts mercantiles ?

L’ère de l’autarcie a vécu. Les politiques conçues par les Etats s’inscrivent nécessairement dans une perspective globale. Sans règle du jeu et sans arbitre, la mondialisation serait une jungle. Telle est la mission des organisations internationales, avec à leur sommet les Nations Unies. Nous devons consolider l’autorité et la légitimité de l’ONU en la démocratisant. Il en va du renforcement de son efficacité et de sa capacité à confronter avec succès les nouveaux défis.

M. ROBERT KOCHARIAN, Président de la République d'Arménie : L´Arménie partage largement les opinions exprimées par le Secrétaire général dans le Rapport du millénaire. A l’aube du XXIe siècle, l’environnement international a profondément changé de nature et l’ONU reste la seule organisation susceptible de relever avec succès les nouveaux défis. Ne lésinons pas sur les moyens qui permettront à l’Organisation de jouer pleinement son rôle.

Bien que l’ONU ait contribué à la résolution de nombreux conflits locaux, ces derniers restent encore trop fréquents à la surface du globe. Or les guerres ont leur histoire et leur logique et elles peuvent par conséquent être anticipées et évitées. Il est souhaitable de renforcer la capacité de l’ONU non seulement à résoudre, mais également à prévenir, les conflits. A l’heure de la mondialisation, rares sont les problèmes qui pourront être résolus au niveau des Etats. Il est nécessaire de travailler à élaborer des réponses collectives, soient-elles locales, régionales ou globales.

Pour l’Arménie, ce nouveau millénaire est l’occasion de célébrer le 1700ème anniversaire de l’adoption du christianisme comme religion d’Etat. Et même si notre pays, ainsi que la région du Caucase, ont hérité de conflits qui fragilisent les relations sociales et politiques, nous restons résolument attachés à la démocratie et à l’Etat de droit. C’est dans cette dynamique qu’il faut replacer notre intégration progressive dans les institutions internationales: Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), Communauté des Etats indépendants (CEI), Conseil de l’Europe. L´Arménie souhaite pouvoir trouver une résolution pacifique au conflit du Nagorny-Karabak et est sur le point d’intensifier la coopération économique avec l’Azerbaïdjan. Malheureusement, il semble que nous soyons destinés à franchir le pas du nouveau millénaire avec notre fardeau: la Turquie refuse toujours de reconnaître le génocide des Arméniens sous l’empire Ottoman. Le repentir n’est pas synonyme d’humiliation, et je souhaite vivement qu’un dialogue avec la Turquie puisse être établi.

M. ZINE EL ABIDINE BEN ALI, Président de la République tunisienne : Les conditions tragiques dans lesquelles vivent certains peuples du monde, du fait de la pauvreté et des maladies qu’ils endurent, nous ont incité à lancer un appel en faveur de la consécration de la solidarité et de la coopération entre Etats, en tant qu’impératifs humains et moraux auxquels nous ne saurions nous soustraire. A cet égard, nous avons préconisé la conclusion d’un contrat de partenariat et de co-développement entre pays en développement et développés, ainsi que le recyclage de la dette dans des projets de développement ou de protection de l’environnement. Nous avions également proposé la création d’un “Fonds mondial de solidarité et de lutte contre la pauvreté”, en tant qu’instrument appelé à consolider les mécanismes d’intervention humanitaire, à servir à la lutte contre la pauvreté dans les régions les plus démunies du globe. Tout en nous félicitant de l’écho que notre initiative a trouvé auprès des dirigeants d’un grand nombre de pays, de responsables des Nations Unies, ainsi que d’organisations et de conférences internationales et régionales, nous comptons sur l’humanisme et la bonne volonté qui vous animent tous, pour oeuvrer à la concrétisation de cette proposition, à brève échéance.

Je voudrais évoquer en cette circonstance une question qui figure au centre des discussions en cours au sein des Nations Unies concernant les droits de l’homme qui sont désormais pris comme prétexte pour l’ingérence, au nom de ces même droits. La Tunisie qui a ratifié les conventions et tous les traités internationaux pertinents, est déterminée à contribuer à la définition d’une approche plus démocratique des relations internationales, dans le cadre d’une diplomatie globale qui se fonde sur la Charte des Nations Unies et notamment sur ses dispositions qui stipulent de manière expresse l’impératif de respect du principe de souveraineté et de non-ingérence dans les affaires intérieures des Etats, ainsi qu’un traitement sérieux, honnête et équitable, de tous les dossiers et problèmes qui se posent.

Ce sommet est une occasion historique qui nous impose de confirmer la responsabilité dont nous sommes investis vis-à-vis du peuple palestinien frère, afin qu’il recouvre ses droits légitimes et construise son propre Etat national indépendant sur le sol de sa patrie, avec pour capitale Al-Qods Al-Sharif. Ces même responsabilités nous commandent également de réaffirmer notre attachement à l’Organisation des Nations Unies et notre entière adhésion à sa Charte et aux nobles principes et objectifs qui y sont énoncés.

M. FERNANDO DE LA RUA, Président de la République d’Argentine : L’élimination de la pauvreté étant un facteur essentiel à la prévention des conflits, elle doit devenir la question la plus urgente aux yeux de la communauté internationale. Les pays développés et les pays en développement doivent œuvrer de concert pour contenir les conflits et prévenir les nouveaux foyers de tension. Les stratégies visant le développement des pays les moins avancés est une composante fondamentale des moyens d’éviter la violence. Il faut trouver de nouvelles mesures préventives pour éliminer la pauvreté et tel doit être le rôle de l’ONU durant ce siècle. Pour prévenir les conflits, il faut élaborer des programmes de coopération économique qui contribueraient ainsi à créer un environnement de paix. Aucune des recommandations contenues dans le rapport du millénaire ne sera durablement réalisée tant que des programmes de développement à long terme ne seront pas mis en oeuvre pour répondre aux besoins en matière d’éducation, de santé et d’emploi.

Les pays développés ont un rôle décisif à jouer et une responsabilité plus grande dans l’élimination de la pauvreté. L’Aide publique au développement (APD) ne saurait suffire, il faut aller plus loin et faciliter l’accès au commerce international. Il faut prendre un engagement clair en faveur des responsabilités communes, fondé sur l’équité et la solidarité. Il faut adopter les mesures requises pour arriver au développement durable des régions les plus défavorisées afin qu’elles ne s’exténuent pas à mettre en oeuvre des solutions à court terme qui ne sauraient empêcher l’émergence de nouveaux conflits. L’Argentine voudrait, en outre, rappeler que le différend territorial qui l’oppose au Royaume-Uni a fait l’objet de résolutions de l’Assemblée générale enjoignant à ce dernier de reprendre les négociations pour trouver une solution au différend et mettre ainsi fin à une situation coloniale imposée par la force en 1833.

M. AHMET NECDET SEZER, Président de la République de Turquie : La mondialisation offre de nouvelles opportunités à l'humanité. Mais nous devons faire preuve de vigilance pour que les pauvres ne deviennent pas plus pauvres et que les riches ne s'enrichissent pas davantage. La communauté internationale doit répondre énergiquement et sincèrement à l'appel lancé par le Secrétaire général en vue de réduire puis d'éliminer ce qui constitue l'une de nos plus grandes préoccupations : la pauvreté. L'expérience de mon pays nous a enseigné une leçon importante. Le respect de la volonté des peuples est la valeur la plus importante qu'il faut défendre. Nous devons faire en sorte que la société civile joue un rôle de plus en plus important au sein du processus de promotion de la démocratie. Nous devons garder à l'esprit que la démocratisation et le développement économique sont deux processus parallèles. De plus, accorder la plus grande attention à l'éducation des jeunes permettra de dégager des résultats en termes aussi bien moral que matériel.

En fait, les évènements du siècle dernier nous dictent la nécessité de redistribuer équitablement, au plan national et mondial, les bénéfices des économies de marché et des nouvelles technologies. Nous devons également respecter l'environnement qui est notre patrimoine commun et nous devons renforcer la paix et la sécurité internationales dans l'intérêt de tous. L'interdépendance entre les nations est nécessaire. Elle n'est pas un vice. Les nobles objectifs inscrits dans la Charte des Nations Unies sont tout autant valides aujourd'hui qu'hier. En même temps, nous nous souvenons des nombreux moments tragiques où l'Organisation est restée spectatrice face au spectacle de la guerre, des catastrophes humaines, du dénuement, des violations des droits de l'homme et de la famine. Le Secrétaire général avait raison de mettre en avant la nécessité de développer une culture de prévention et d'élaborer pour les Nations Unies un rôle central de prévention des conflits. Je voudrais également souligner l'importance d'éviter l'adoption de résolutions stéréotypées qui ne contribuent pas à la résolution des conflits et des différends. Nous pensons également qu'il faut réformer le Conseil de sécurité pour qu'il soit plus représentatif, transparent, responsable de ses actions et dans un sens qui reflète le principe de l'égalité souveraine.

M. REXHEP MEIDANI, Président de la République d’Albanie : Aujourd’hui, les enjeux économiques et sécuritaires sont bien différents de ceux de la guerre froide. Mais les valeurs actuelles sont encore remises en cause par des dictateurs, des démagogues autoritaires, et, dans certains cas, le fascisme est toujours une menace dans certaines parties d’Europe. Je crois qu’au lieu du concept classique d’indépendance, nous devons appliquer un nouveau concept

d’interdépendance. Là réside une voie pour l’Europe et les Balkans susceptible de rendre compatibles le principe d’auto-détermination et celui d’interdépendance au sein des Etats-Unis d’Europe. Ce qui ne veut pas dire dissolution de la souveraineté nationale, mais plutôt choix souverains faits par les Etats nations pour accorder davantage de pouvoir aux autorités locales et régionales, ou pour unir leur souveraineté sous l’égide d’autorités supranationales. C’est aussi une façon de rendre compatibles le concept de souveraineté nationale et de mondialisation ainsi que les phénomènes de régionalisation qui en découlent. Mais pouvons-nous atteindre notre objectif de bonne gouvernance alors qu’il y a encore des membres des Nations Unies qui persistent à maintenir un état de guerre avec d’autres membres ?

Il nous semble évident que là où existe un fort engagement national envers de saines politiques, la contribution internationale peut être hautement productive. Avec une vision adéquate, un engagement international clair et un partenariat honnête, nous pouvons réagir contre la pauvreté et l’éradiquer. Une division plus inexorable que celle de la guerre froide a lieu, cette fois-ci fondée sur la technologie. J’en appelle aux pays riches pour créer des possibilités afin que les régions exclues technologiquement adoptent ces technologies. Le monde industrialisé pourrait notamment faire une énorme différence en soutenant l’annulation de la dette des pays pauvres.

On doute de plus en plus du futur de la politique, de l’économie et des civilisations mondiales, en particulier du rôle et des pouvoirs des organisations. Nous devons encourager tous les changements destinés à en accroître l’efficacité et le dynamisme. Une solution pourrait être de réduire l’obligation de consensus en adoptant un processus innovateur dans la prise de décisions, avec vote pondéré ou délégation de pouvoirs. Dans ce contexte, des efforts devraient être faits pour parvenir à un accord sur l’augmentation du nombre de membres permanents et non-permanents du Conseil de sécurité et la présence de pays développés et en développement parmi les membres permanents.

M. JEAN CHRETIEN, Premier Ministre du Canada : Je débuterai en exprimant la profonde indignation de mon pays à l’égard du meurtre de travailleurs innocents et non armés au Timor occidental. Ceux qui attaquent le personnel des Nations Unies attaquent cette organisation et s’opposent aux principes et aux objectifs que nous sommes venus réaffirmer. Il incombe au Gouvernement indonésien de traduire en justice les auteurs de ces crimes. Au seuil d’un nouveau millénaire, les Nations Unies représentent l’institution mondiale indispensable. Je salue la décision du Secrétaire général de profiter de cette année charnière pour concentrer notre attention sur la réforme des Nations Unies. Le Canada tâchera d’apporter une contribution créatrice à cet effort.

L’ONU nous offre le meilleur moyen de mobiliser les volontés d’agir et de réaliser la vision d’un monde où les bienfaits profitent à tous les citoyens de la planète. Pour cela, l’ONU doit se résoudre au changement. La montée des nationalismes ethniques rend beaucoup plus complexe les opérations de maintien de la paix. A ce titre, nous encourageons tous les Etats membres à se laisser guider par les recommandations du Groupe de travail du Secrétaire général sur les opérations de paix de l’ONU. Nous devons redoubler d’efforts pour couper les agents de la violence et des conflits de leurs sources d’approvisionnement, en mettant un terme à la prolifération des armes légères et de petit calibre et en contrôlant le commerce illicite des diamants. Par ailleurs, nous devons continuer

à faire de la sécurité des personnes notre grande priorité. La Convention d’Ottawa sur l’interdiction des mines terrestres et l’accord sur le Statut de la Cour pénale internationale sont à cet égard des étapes importantes. Les pays les plus pauvres doivent avoir accès à des débouchés pour leurs produits. L’initiative HIPC doit vigoureusement accélérer, approfondir et élargir l’allègement de la dette. Il nous faut aussi combler les écarts découlant de la révolution de l’information. C’est pourquoi le Canada appuie la création d’un service des technologies de l’information aux Nations Unies. Si nous avons la volonté et la détermination, les Nations Unies resteront l’institution mondiale indispensable au XXIème siècle.

M. YOSHIRO MORI, Premier Ministre du Japon: A l’aube de ce nouveau siècle, nous sommes confrontés à divers problèmes tels notamment les conflits, les violations des droits de l’homme ou encore la pauvreté, qui menacent l’existence et la dignité de chaque personne. Nous devons traiter ces problèmes en ayant à l’esprit l’importance que représente chaque individu. Il s’agit du concept de “sécurité humaine”. Le Japon qui a fait de ce concept un des principes majeurs de sa diplomatie ne ménagera pas ses efforts pour faire du XXIe siècle, un siècle centré sur la personne humaine. Les Nations Unies ont d’ailleurs un rôle à jouer dans la promotion de cette approche. Le Japon a déjà versé quelque 80 millions de dollars au Fonds pour la sécurité humaine qui avait été établi par l'ONU en mars 1999. Dans un proche avenir, il a l'intention de verser une contribution supplémentaire d'environ 100 millions de dollars. Le Japon entend également établir un Comité international sur la sécurité humaine, avec la participation des dirigeants du monde et développer et renforcer le concept de cette approche centrée sur l’homme. Garantir un financement plus sûr à l’Organisation permettrait également d'améliorer son fonctionnement. Le Conseil de sécurité doit être réformé. Je lance un appel à tous les Etats Membres présents ici aujourd'hui, leur demandant de travailler à une réforme rapide du Conseil.

La question du désarmement et de la non prolifération ne doit pas être oubliée, tandis que nous nous intéressons au siècle prochain. Un grand pas en avant à été franchi lors du dernier examen de la Conférence du TNP qui s’est tenue au printemps dernier en vue de l’élimination des armes nucléaires, les Etats possédant l’arme nucléaire s’étant engagés à détruire leurs arsenaux. Le Japon qui a souffert de la dévastation nucléaire, souhaite vivement que tous les Etats se mobilisent pour faire en sorte que le XXIe siècle soit libéré de la menace nucléaire.

M. GIRIJA PRASAD KOIRALA, Premier Ministre du Royaume du Népal : A l'ère de la mondialisation, le défi que nous devons relever est d'apporter paix, prospérité et justice dans un monde de plus en plus interdépendant. Nous, au Népal, croyons que les Nations Unies sont à même d'atteindre cet objectif. Jamais auparavant les impératifs de la paix n'ont été aussi contraignants et les perspectives de paix aussi claires. Bien trop souvent nous avons échoué à prévenir les causes profondes des conflits que sont la pauvreté et l'exclusion. La mondialisation a pour effet d'accentuer les disparités entre les riches et les pauvres et de faciliter le terrorisme, la criminalité, le trafic illicite des drogues, les maladies et la pollution. De plus, le flux des réfugiés est devenu alarmant en raison des conflits inter-Etat. Face à cette évolution inquiétante, nous devrions

agir collectivement. A cet effet, les Etats devraient mettre en œuvre les politiques appropriées et agir ensemble pour éliminer la menace nucléaire et celle des autres armes de destruction massive. Il faudrait également exercer un contrôle sur les armes légères, prévenir les conflits et les résoudre pacifiquement. Les efforts devraient tendre à restaurer la confiance dans la sécurité collective en oeuvrant en faveur de la sécurité collective et en luttant contre le terrorisme et la criminalité.

Pour favoriser la croissance des pays pauvres, la communauté internationale devrait agir sur plusieurs fronts: accroître l'aide, éponger la dette extérieure et encourager l'investissement étranger. Des mesures devraient également être prises pour partager équitablement les bénéfices de la mondialisation, réduire les disparités et ouvrir les marchés des pays riches aux produits des pays pauvres. Le développement doit respecter le marché et l'environnement pour être durable. Les structures financières et commerciales mondiales doivent mieux répondre aux besoins des pays pauvres. De plus, il y a lieu d'amener les pays concernés à soutenir les pays les moins avancés, notamment les pays enclavés, en leur fournissant les ressources appropriées pour alléger les contraintes à leur développement et en abolissant les barrières qui entravent leurs exportations. Les pays de transit doivent faciliter les conditions du transit des marchandises en provenance des pays enclavés afin qu'ils puissent s'intégrer à l'économie mondiale.

Les Nations Unies ont besoin d'une réforme complète afin de relever les défis du XXIe siècle. Il faut restaurer un équilibre optimal entre l'Assemblée générale et le Conseil de sécurité et élargir la composition du Conseil de sécurité. L'Organisation doit améliorer la coordination entre ses fonds d'affectation, ses programmes et ses activités ainsi qu'avec les institutions de Bretton Woods et l'Organisation mondiale du commerce. Les peuples devront nous juger sur notre capacité à promouvoir la paix, la prospérité et la justice pour tous, hommes, femmes et enfants.

M. PAKALITHA BETHUEL MOSISILI, Premier Ministre du Lesotho : Lorsque les Nations Unies ont été créées en 1945, les attentes des peuples étaient grandes de la part d’une institution qui promettait une ère de paix, de sécurité et d’amélioration des conditions de vie des peuples. Il a fallu pourtant attendre 1994 pour que soit mis fin à la discrimination raciale institutionnalisée en Afrique du sud. Dans le même ordre d’idées, les pays pauvres de l’Afrique sub- saharienne attendent toujours leur émancipation économique malgré la création de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international censés concrétiser les aspirations de la Charte des Nations Unies. La démocratie en Afrique devait être accompagnée de gains économiques et de la réduction de la pauvreté. Pourtant, la majorité d’entre nous qui avons épousé les principes démocratiques attendent toujours de cueillir les fruits de ce changement. Nous avons attendu trop longtemps et le changement doit intervenir maintenant. Le vrai défi du XXIè siècle est donc de trouver les moyens de combler le fossé en matière de développement entre les pays développés et les pays en développement. Dans ce contexte, le rôle du Conseil économique et social des Nations Unies qui traduit nos aspirations doit être renforcé. Il sera, en conséquence, nécessaire de repenser les pouvoirs du Conseil pour qu’ils soient à la mesure de son importance. Les éléments constitutifs du nouvel ordre mondial méritent toute l’attention requise au cours de ce siècle et doivent être considérés comme la base d’une coopération et d’un partenariat revigoré dans la lutte contre la pauvreté. Il faut espérer que les Nations Unies auront l’audace de faire les bons choix et de servir ainsi l’humanité au mieux.

M. PERCIVAL JAMES PATTERSON, Premier Ministre de la Jamaïque : La reconnaissance de l’humanité comme formant un tout unique doit être le point de départ de notre Assemblée. Au cours du 50ème anniversaire des Nations Unies, des propositions importantes avaient été faites pour renforcer la capacité de la communauté internationale à traiter des principales questions auxquelles elle est confrontée. Des réformes institutionnelles significatives avaient été proposées pour renforcer la coopération multilatérale. Des discussions furent entamées, mais l’enthousiasme faisait défaut et c’est finalement l’inertie qui triompha. Nous entrons donc dans un nouveau millénaire en l’absence d’un organe représentatif, doté d’une autorité lui permettant de traiter des questions mondiales en matière économique, sociale et environnementale.

La pauvreté demeure le principal défi posé à l’humanité. Nous devons saisir l’opportunité unique du Sommet du millénaire pour forger des partenariats à l’échelle mondiale en vue d’une action décisive contre ce phénomène. La révolution digitale qui pourrait être une source de bienfaits pour toute l’humanité, s’avère en fait être une force puissante d’exclusion. Exploitons au contraire cette révolution pour assurer le développement humain.

Il est indiscutable que nous devons répondre aux signaux d’autodestruction dans un esprit de solidarité mondiale. Il n’y a pas de meilleur moyen, ni de moyen plus concret et efficace de le faire qu’en conférant aux Nations Unies les capacités et la compétence de traduire en réalisations concrètes cet esprit de solidarité. Nous devons renforcer l’Organisation pour en faire l’instrument véritablement démocratique du progrès humain.

M. ROOSEVELT DOUGLAS, Premier ministre et Ministre des affaires étrangères, des affaires juridiques, du travail et des affaires des Caraïbes du Commonwealth de Dominique : L’homme de demain nous jugera à l’aune de l’héritage que nous lui aurons laissé. La destruction des forêts, la surpêche, la pollution de l’air et des sols se produit plus vite qu’elle ne peut être réparée. Or, nous, les Petits Etats insulaires sommes particulièrement vulnérables à ces phénomènes, dans la mesure où nous en subissons plus fortement les effets. La sécurité économique est pour nous de première importance, et nous sommes aujourd’hui, à l’aube du nouveau millénaire, confrontés à des problèmes graves. Sans une sécurité économique nous ne pouvons maintenir la bonne gouvernance et la stabilité auxquelles nous aspirons tous. La viabilité de l’Organisation serait remise en question si certains de ses membres sont forts et puissants, tandis que la majorité reste faible et marginalisée. La majorité des Etats des Caraïbes est formée de petits Etats structurellement faibles, qui ne disposent pas des moyens et des capacités institutionnelles nécessaires pour survivre dans l’économie mondiale actuelle et pour bénéficier des opportunités commerciales qui peuvent se présenter.

Tandis que nous nous efforçons de nous intégrer au nouvel ordre mondial, nous n’avons pu identifier les bénéfices tangibles des Accords internationaux tels que ceux qui régissent l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Nous appelons l’OMC à prendre conscience et à reconnaître les particularités des Petits Etats insulaires et de prendre des dispositions spéciales en faveur de ces Etats lors de la formulation de ses politiques et réglementations. Il est par ailleurs évident que nous ne pouvons nous permettre de passer à côté de la révolution des technologies de l’information, ce qui reviendrait non seulement à nous marginaliser, mais remettrait en question la viabilité et la stabilité des Etats eux-mêmes.

Le Rapport du millénaire plaide pour qu’un milliard de personnes échappent à la pauvreté d’ici à 2015. Ceci est louable. Toutefois, nombreux sont les pays en développement qui sont incapables de financer des programmes d’élimination de la pauvreté, en raison du fardeau de la dette. Nous pensons que les Nations Unies peuvent jouer un rôle majeur en plaidant en faveur d’un nouveau régime économique multilatéral auprès des institutions financières internationales, en les incitant à mettre en place des politiques d’allègement de la dette, afin d’éliminer les causes de l’endettement et de briser le cycle de la pauvreté.

M. CHEIKH EL AVIA OULD MOHAMED KHOUNA, Premier Ministre de la Mauritanie : Si l’ONU, depuis sa création, a réalisé d’importants acquis dans les domaines politique, économique et social, le phénomène de mondialisation qui marque cette fin de siècle et l’ampleur des défis auxquels notre monde se trouve confronté exigent plus que jamais davantage de coopération et de solidarité internationales en vue de parvenir à un développement équitable et harmonieux. Les bouleversements que connaît le monde et les défis auxquels l’humanité fait face exigent la rénovation des méthodes et des structures de l’Organisation. A cet égard, la Mauritanie réitère son appui à l’idée d’élargir la représentation au sein du Conseil de sécurité et d’augmenter le nombre de ses membres permanents par l’admission de pays en développement et d’autres pays industrialisés afin qu’il reflète le caractère universel de l’Organisation.

M. JAMES FITZ-ALLEN MITCHELL, Premier Ministre de Saint-Vincent-et-les Grenadines : Notre héritage religieux nous a appris à passer outre les frontières en « aimant nos voisins comme nous-même ». Aujourd'hui nous sommes sensibles aux impératifs du village global et nos voisins, du fait de la révolution technologique, sont partout. La compétition entre les peuples du monde est devenue plus féroce et le fossé entre les riches et les pauvres ne fait que s'élargir. Pour les pays pauvres, l'accès aux marchés des pays développés est la clef du développement économique à long terme. Les petits Etats insulaires qui enregistrent des bons comportements en matière de bonne gouvernance et de droits de l’homme, ont gravement souffert des règles internationales en matière de commerce des bananes, règles qui ont ralenti notre croissance économique. De la même manière, le verdict imposé par les pays de l’OCDE sur les services financiers représente un irrespect. Où est la justesse du libre-commerce ? Les services financiers des zones franches font parties des choix de nos pays en matière de diversification économique. C’est notre tentative de survie économique. Nous reconnaissons que notre système financier doit fournir les opportunités de la jouissance des fruits du travail de chacun. Cependant nous voulons être reconnus comme membres responsables de la communauté internationale, jouant notre rôle dans la lutte contre le commerce de la drogue et le blanchiment de l’argent.

Dès lors que nous, les dirigeants du monde, amélioreront la qualité de vie des peuples du monde, et seulement à cette condition, la mondialisation sera acceptée en tant que politique créant l’égalité des chances pour le développement humain.

Le défi du XXIe siècle est la bataille contre le virus du Sida. Le développement des ressources humaines est la priorité principale pour des Etats- nations comme Saint-Vincent-et-les Grenadines. Les Nations Unies doivent trouver le moyen de se concentrer continuellement sur la distribution équitable de la richesse mondiale. L’imposition unilatérale par les riches et les forts sur les pauvres et les petits n’offrira pas les conditions de stabilité, de sécurité et de paix auxquelles nous aspirons.

M. MART LAAR, Premier Ministre de l’Estonie : Les Nations Unies ont réalisé des oeuvres conséquentes durant les cinquante-cinq dernières années mais n’ont pas toujours répondu aux attentes que le monde avait lors de la création de l’Organisation. A titre d’exemple, je rappellerai qu’en 1972 les combattants pour la liberté en Estonie, qui était alors occupée, ont adressé un appel aux Nations Unies et se sont retrouvés malgré cela dans les camps de prison de l’URSS, sans intervention de cette haute institution. Nous avons tous besoin d’une organisation qui représente autant les petits que les grands pays. Corrélativement, les États Membres eux-mêmes doivent en donner les moyens, c’est- à-dire, montrer l’exemple. L’Estonie s’attache particulièrement à trois points, le premier étant un redressement et une croissance de l’économie qui ne sont possibles qu’avec un gouvernement et des marchés ouverts, sans lesquels aucune aide et aucune remise de dette ne peuvent atteindre le but poursuivi. Des petits pays, comme l’Estonie, peuvent fournir un bon exemple de la façon de mener un redressement de l’économie. Le PNUD a sans doute montré le meilleur exemple de l’efficacité de notre approche puisqu’en deux ans, l’Estonie a gagné trente places dans l’Index de développement humain.

En deuxième lieu, l’Estonie estime que le secteur des technologies de l’information est d’une importance cruciale pour le développement. Les objectifs proposés dans le rapport du Secrétaire général en matière de technologie de l’information et de communication (accès à Internet pour la totalité de la population mondiale d’ici 2004) sont ambitieux mais faisables. Cependant, nous devons être vigilants à ne pas surestimer l’importance d’Internet et les gouvernements nationaux doivent veiller à orienter leurs citoyens vers de nouveaux horizons de qualité. L’Estonie s’est engagée à garantir dans tout le pays, à chaque écolier et écolière, un accès gratuit à l’Internet et figure aujourd’hui parmi les vingt pays les plus informatisés au monde. Cela n’est toutefois pas suffisant et la prochaine étape est d’investir dans les technologies écologiques pour rendre l’environnement plus sûr. L’Estonie est prête à travailler dans ce sens avec les Nations Unies.

En troisième lieu, l’Estonie est d’avis qu’aucun pays ne peut se permettre d’avoir une “sécurité au rabais”. Aussi, concernant sa contribution financière, l’Estonie a-t-elle décidé d’abandonner le dégrèvement de 80% qu’elle utilisait jusqu’à ce jour et de payer sa part entière du budget des opérations de maintien de la paix. Si tous les États Membres payaient la totalité de ce qui leur incombe, un grand pas en avant serait fait. En tous les cas, les mécanismes du maintien de la paix doivent être plus efficaces et mieux adaptés, et permettre surtout de créer un environnement de paix, qui que soient les acteurs, l’OTAN ou les Nations Unies elles-mêmes. L’Estonie est favorable à un mandat plus fort donné aux Nations Unies pour établir et préserver la paix.

M. ADOLF OGI, Président de la Confédération suisse, : Le XXe siècle a été celui des grandes découvertes mais aussi celui des conflits et des drames humains et ce malgré nos efforts. Aujourd’hui, nous entamons un nouveau millénaire et ce que nous laisserons aux générations futures dépend de notre volonté commune. La Suisse partage les mêmes valeurs que les Nations Unies et entend approfondir ses relations avec l’Organisation. Le peuple suisse se prononcera d’ailleurs sur son adhésion à l’ONU en 2002. Devant la nature des conflits actuels, le droit international classique ne suffit plus. Il faut explorer de nouvelles pistes et peut-être de nouvelles structures à l’intérieur des Nations Unies. Pendant et après les conflits, il faut rechercher et punir les coupables. Il faut aussi

guérir les blessures de l’histoire en prenant exemple sur l’Afrique du Sud et sa Commission “Vérité et Réconciliation”. La sécurité humaine passe par la lutte contre la pauvreté et les inégalités. C’est une des priorités de la Suisse qui reste convaincue que la mondialisation doit profiter à tous. L’ONU est appelée à jouer un rôle essentiel pour atteindre cet objectif. Elle est la seule organisation mondiale, ayant une vision globale des problèmes actuels. Mais les résolutions décidées à l’occasion de ces réunions sont une chose. Encore faut-il qu’elles soient appliquées. Là aussi ne faut-il pas imaginer de nouvelles structures. La Suisse pense à une nouvelle structure qui ressemblerait au Conseil de sécurité mais dans le domaine de la société civile pour assurer la prise de décisions contraignantes et le suivi de leur mise en oeuvre.

M. SOMSAVAT LENGSAVAD : Vice-Premier ministre de la République démocratique populaire lao : Dans la deuxième moitié du siècle dernier, le monde a connu des performances économiques jusqu’alors jamais atteintes, grâce à l’avancement rapide de la science et de la technologie. En conséquence, de nombreux pays ont atteint un niveau élevé de développement, mais malheureusement le fossé s’est creusé plus profondément entre les pays développés et ceux qui en développement (1,2 milliards de personnes vivent avec moins de $1 par jour). La Déclaration du millénaire qui offre des solutions pour l’éradication de la pauvreté est très importante dans la mesure où elle appelle les pays les plus développés ou les plus favorisés à laisser un libre accès à leurs marchés aux produits provenant des pays pauvres et à fournir à ceux-ci une aide au développement plus généreuse. Les Nations Unies continueront à jouer un rôle crucial. Le Gouvernement lao a donné une priorité à l’éradication de la pauvreté, mais, malheureusement, nos efforts n’ont pas produit de résultats satisfaisants. Le lourd endettement est devenu un obstacle au développement économique dans les pays en développement et des solutions doivent être trouvées auxquelles la communauté internationale doit contribuer. Les pays les moins développés trouveraient là de quoi à se doter de moyens fondamentaux pour construire les fondements d’une économie nationale et aboutir, à long terme, à une auto-suffisance. Une autre question, qui concerne une majorité de pays dans le monde et particulièrement les nations faibles, est le concept de “l’intervention humanitaire” qui ne doit pas être le prétexte à une immixtion dans les affaires intérieures des Etats souverains. Il est donc impératif que tous les principes généraux du droit international et la Charte des Nations Unies, notamment le principe de l’égale souveraineté de tous les Etats Membres, soient strictement respectés.

A ce jour, une paix durable semble illusoire. Les armes nucléaires et autres armes de destruction massive constituent une grave menace à la survie de l’humanité, d’autant plus que certaines puissances ont trouvé de nouvelles raisons de recourir aux armes nucléaires. Toutefois, lors de la dernière conférence d’examen du traité sur la non-prolifération nucléaire, les Etats dotés de l’arme nucléaire se sont mis d’accord pour la première fois pour détruire tout leur arsenal nucléaire. La République démocratique populaire lao avec les pays de l’ASEAN ont décidé de faire de l’Asie du sud-est une zone exempte d’armes nucléaires et le processus de ratification du Traité sur l’interdiction complète des essais nucléaires en est à son dernier stade.

La communauté mondiale doit construire un vingt-et-unième siècle prospère, plus sûr et plus équitable et il faut procéder d'urgence à des réformes des Nations Unies, en particulier du Conseil de sécurité. A ce sujet, nous maintenons notre position en faveur de son extension aux deux catégories de membres permanents et non-permanents. Le Conseil de sécurité gagnerait ainsi plus de légitimité. Tout aussi importante est la question des ressources nécessaires qui doivent être assurées aux Nations Unies pour accomplir sa lourde tâche dans l’aide au développement. Enfin, notre mission commune est d’assurer que la mondialisation bénéficie à tous et non seulement à quelques-uns uns.

M. MONIE R. CAPTAN, Ministre des affaires étrangères de la République du Libéria : Ce Sommet du millénaire doit être l'occasion de dépasser les formules de politesse et l'indulgence qui président à ce genre de rencontres pour aborder avec franchise les questions qui nous interpellent tous, à savoir celle de l'égalité des droits, de la justice sociale et des valeurs universelles. Si nous devons, par cette approche, offenser d'autres participants, nous le faisons sans regrets. Nous, Libériens, avons rejoint l'Organisation des Nations Unies au nom des principes d'égalité et du droit des peuples à l'autodétermination. Par l'égalité des droits, nous entendons le respect des diversités culturelles dans le monde. Nous ne parlons pas en terme de ratios mais uniquement d'égalité en terme de droit, le droit à l'autodétermination et à la diversité, ainsi qu'à la liberté de ses choix. Cette reconnaissance de la diversité culturelle se manifeste dans la doctrine moderne de l'Etat-nation, qui garantit le même droit à tous les peuples à l'autodétermination.

Aujourd'hui, il y a une disparité dans la grandeur, particulièrement en ce qui concerne la richesse, la technologie ou la puissance militaire. Une grandeur si importante que les richesses, la technologie, et la force militaire, si elles étaient partagées pourraient contribuer à réduire la pauvreté. Cette grandeur a été utilisée pour perpétuer les disparités entre le Nord et le Sud. Ces disparités sont énormes et les supprimer nécessiterait, outre la volonté, un véritable miracle. La première étape devrait être de supprimer le fardeau de la dette, une dette contractée lors de la guerre froide sans aucun bénéfice pour les emprunteurs. Cette dette continuera d'hypothéquer les chances du Sud au cours de ce nouveau millénaire. Au-delà de la dette, nous tenons également à souligner l'importance d'oeuvrer pour le transfert de technologies car un développement technologique qui libèrerait uniquement le Nord et délaisserait le Sud est une double blessure, une arme utilisée à la fois pour blesser et pour tuer. En effet, les Etats du Sud resteront-ils condamnés à n'être que des pourvoyeurs de ressources naturelles ? Nous ne demandons pas l'éradication des disparités crées par le Nord mais juste de pouvoir bénéficier de meilleurs termes de l'échange.

La grandeur du Nord s'exprime aussi dans les technologies de l'information et de la communication. Les petits Etats sont marginalisés et incapables de s'adapter au contexte de communication globale. Le Sud est alors victime de stéréotypes, d'une vision ethnocentrisme et raciste véhiculée par les médias du Nord. Et, victimes de l'influence des médias, les gouvernements du Nord succombent à cette vision des médias. Doit-on, dans un tel contexte, rester cependant optimiste face à cette nouvelle tendance qui consiste à mettre en avant la doctrine des droits de l'homme ? Certes mais la base de l'optimisme, c'est la sincérité et les actions que nous menons n'ont de raison d'être que dans la mesure

où elles nous sont bénéfiques. Afin de garantir nos droits, nous devons, afin de préserver l'intégrité des Nations Unies, lutter pour une meilleure représentation des peuples du monde au sein du Conseil de sécurité, rejeter le processus de décision antidémocratique en cours au sein du Conseil et refuser la violation permanente des principes de la Charte des Nations Unies par les plus puissants.

M. CHARLES GOMIS, Ministre des relations extérieures de la Côte d’Ivoire : Les pays en développement en général, et ceux d’Afrique en particulier, voudraient voir ce Sommet prendre des engagements résolus en faveur de l’éradication de la pauvreté, du droit au développement et de l’épanouissement de la personne humaine. Nous nous réjouissons de la place accordée à la situation en Afrique dans le rapport du Secrétaire général. Nous espérons sincèrement que l’appel lancé en faveur du continent africain trouvera un écho favorable auprès de la communauté internationale. Mon pays est de ceux qui restent persuadés que la plupart des problèmes des pays en développement proviennent de la pauvreté. A ceci s’ajoutent les difficultés de maîtriser l’exploitation et la gestion de leurs immenses ressources naturelles, car ils ne possèdent pas les techniques et technologies appropriées et n’ont qu’un faible poids dans la prise des décisions au niveau de la finance et du commerce international. Nous pensons qu’une gestion juste et équitable des affaires du monde, sous-tendue par une solidarité dynamique et agissante, contribuerait à réduire le fossé entre pays riches et pays pauvres.

En ce début de millénaire, l’Organisation des Nations Unies devra s’élever du stade de froide institution de type administratif à celui d’un centre de morale et de justice, où toutes les nations du monde se sentent chez elles et développent la conscience commune d’être une famille des nations. L’ONU du XXIe siècle a le devoir historique de favoriser un élan qualitatif de solidarité agissante. Notre organisation devra donc susciter et encourager la volonté politique afin que les idées contenues dans le rapport du Secrétaire général soient rapidement mises en oeuvre sur le terrain. Pour que l’ONU soit réellement efficace, il faut qu’elle soit dotée de moyens à la mesure des nombreux défis qui l’assiègent.

Voilà le modèle des Nations Unies qu’il faut réaffirmer et s’employer à réaliser, au besoin avec les adaptations nécessaires, pour tenir compte des changements intervenus depuis la création de notre Organisation, notamment l’accès de tant de nouveaux peuples à l’expérience de la liberté, mus par leur aspiration légitime à être et à compter davantage sur la scène internationale.

M. JAKAYA MRISHO KIKWETE, Ministre des affaires étrangères et de la coopération internationale de la République-Unie de Tanzanie : En matière de maintien de la paix et de la sécurité, les Nations Unies doivent mettre davantage l’accent sur l’action préventive dont une composante est la lutte contre la circulation des armes légères. Les Nations Unies doivent aussi continuer de défendre les droits de l’homme en ce qu’ils forment la base de la stabilité politique. Dans le domaine économique, les Nations Unies doivent faire de la lutte contre la pauvreté une priorité et renforcer la lutte contre le VIH/sida en Afrique qui décime une grande partie de la population active.

Les Nations Unies ont toujours défendu les pauvres et les faibles durant son existence. Aujourd’hui pourtant, elles doivent le faire de façon plus énergique compte tenu des difficultés qui sont nées avec la mondialisation et du fait que la plus grande partie des pays en développement sont toujours tenus à l’écart des bénéfices de cette mondialisation. L’ONU doit donc aider à promouvoir les mesures

d’assistance technique et d’acheminement des ressources vers les pays en développement. Il faut aussi que les Nations Unies prennent la conduite des affaires dans la recherche de solutions à la question de la dette. Les Nations Unies doivent aussi promouvoir l’accès des pays en développement aux marchés internationaux. L’ONU est aussi pertinente aujourd’hui qu’il y a 55 ans. Elle doit être renforcée dans sa structure et dans ses ressources. La Tanzanie demande aux Etats membres de payer leurs contributions en temps voulu et sans condition aucune.

M. KOLAWOLE A. IDJI, Ministre des affaires étrangères et de la coopération du Bénin : Les analyses judicieuses et perspicaces contenues dans le rapport du Secrétaire général, ainsi que ses recommandations avisées sont une fois de plus le témoignage de son engagement et de son ambition visant à faire de l’Organisation un instrument performant et à la hauteur de nos aspirations et des défis auxquels nos peuples sont confrontés. Toutefois, les initiatives de l’Organisation pour soutenir la plupart des pays nouvellement arrivés sur la scène internationale sont encore très fragiles et ont connu des fortunes diverses largement en deçà des espérances qu’elles ont suscitées. L’Organisation, depuis 1997, a entamé un processus interne de réformes rendues nécessaires par le nouveau contexte mondial afin d’être plus apte à relever ces nouveaux défis. Les résultats de cette laborieuse et fastidieuse entreprise sont encourageants et confirment la nécessité de sa poursuite.

La crédibilité de l’Organisation sera mesurée désormais en fonction de sa capacité de mettre, plus que par le passé, l’être humain et la sauvegarde de sa dignité au centre de ses activités. L’économie et les moyens de communication se sont mondialisés, il reste à mondialiser le développement, par la mobilisation de la communauté internationale en faveur d’une responsabilité commune partagée mais différenciée, par l’amélioration effective des conditions socio-économiques aptes à favoriser le plein épanouissement de l’être humain.

Nous pensons que l’ONU devra au XXIème siècle fonder son action sur: la responsabilité collective; Le droit au développement et au progrès équitablement partagés; Le devoir de solidarité universellement accepté. Trois valeurs fondamentales dont nous ne pourrions concrètement jouir qu’à travers le renforcement d’un partenariat véritable entre les trois acteurs de la vie internationale que sont désormais les gouvernements, la société civile et le secteur privé.

M. JEREMIAH MANELE, Chef de la délégation des Iles Salomon : Le maintien de la paix et de la sécurité internationales doivent rester au coeur de l’action des Nations Unies au cours du prochain siècle. Le nombre des conflits, particulièrement les conflits internes, s’accroît, alors que nous entrons dans le nouveau millénaire. Mon propre pays n’échappe pas à ce phénomène. Les crises des 20 derniers mois ont mis au défi les capacités de notre jeune pays à préserver sa sécurité et sa stabilité. Mon Gouvernement a lancé un Plan de paix national et un Programme d’action visant à promouvoir un règlement pacifique du conflit à travers le dialogue et la discussion. Un accord de cessez-le-feu signé le 3 août 2000 a créé un environnement favorable au déroulement du processus de paix en cours actuellement. Mon Gouvernement, déterminé à garantir la paix et la sécurité à l’ensemble de ses citoyens, a besoin de l’appui de ses partenaires de développement. En cette période de difficultés nous avons besoin de leur assistance.

L’accès aux technologies de l’information pourrait être l’un des moyens les plus efficaces pour mieux répartir les bénéfices de la mondialisation et réduire le fossé entre le monde développé et le monde en développement. Ceci étant, sans électricité, l’accès à l’information et à la communication restera impossible pour nos communautés rurales. La troisième Conférence des Nations Unies sur les pays les moins avancés qui se tiendra l’année prochaine, devra parvenir à des résultats permettant de produire des changements significatifs dans la vie des pays pauvres. Nous appuyons les recommandations faites par le Secrétaire général sur les moyens de faire face aux changements climatiques et aux dégradations de l’environnement. Enfin, les Nations Unies doivent être réformées pour être à même d’effectuer la tâche qui leur incombe. Les Etats Membres capables et prêts à jouer un plus grand rôle au sein du Conseil de sécurité, y compris le Japon et l’Allemagne, devraient se voir conférer des sièges permanents dans cet organe.

M. CLAUDE MORAL, Représentant permanent des Seychelles : Revitaliser l’ONU équivaut à la doter d’instruments efficaces pour qu’elle poursuive ses nobles objectifs. Le processus de réforme serait inapproprié si la transformation du Conseil de sécurité en un organe démocratique et représentatif, reflétant à la fois son caractère universel et les réalités contemporaines, n’avait pas lieu. Après sept années de débats, il est urgent de rapprocher les positions et de faire des progrès. Tout aussi important pour ma délégation est d’inclure dans le processus de réforme le renforcement de l’Assemblée générale comme initiateur des politiques à suivre aux Nations Unies.

Ma délégation estime que la solution pour redresser les conséquences inégales de la mondialisation réside dans le renforcement des mesures multilatérales ainsi que dans l’engagement de l’ONU envers la coopération internationale pour le développement. A cet égard, ma délégation estime qu’il devrait y avoir une collaboration et une coopération encore plus étroites entre les Nations Unies, les institutions de Bretton Woods et l’Organisation mondiale du commerce pour s’occuper de la question cruciale du développement. Nous estimons d’importance le besoin d’étendre les privilèges commerciaux sur de plus longues périodes afin de faciliter l’intégration des pays en développement au système économique mondial et garantir que nous serons bénéficiaires de la mondialisation, et non pas seulement ses victimes.

Les pays développés devraient accepter les faiblesses et les besoins particuliers des petits Etats insulaires en développement, accepter que le PNB par habitant de ces pays ne soit pas le seul critère pour estimer leurs besoins en matière de développement, que les changements climatiques sont des conséquences directes des politiques de développement durable du Nord, que le poids de la dette sur les pays du sud est la cause principale de stagnation économique et de sous- développement, qu’il faut élaborer des stratégies pour permettre l’accès des pays en développement à la science et à la technologie et qu’il est injuste que seul un petit pourcentage de l’humanité consomme une part démesurée des ressources de la planète.

Son Altesse Royale Le PRINCE MOULAY RACHID, Chef de la délégation du Maroc : Nous les chefs d’Etat et de gouvernement avons le devoir de prendre l’engagement solennel d’entrer dans le nouveau millénaire en traçant une Nouvelle Frontière de l’humanité, faite de performance dans la justice et de compassion dans la solidarité. Cette Nouvelle frontière de l’Humanité s’appuie, d’abord, sur un concept de “Solidarité globale”. Elle s’appuie également sur une cohérence

stratégique et institutionnelle, la bonne gouvernance locale ne pouvant réussir pleinement que dans le contexte d’une démocratie internationale accomplie, animée par un système des Nations Unies performant. A cet égard, il conviendra de réformer la Charte de l’ONU en actualisant certaines de ses dispositions obsolètes, tout en préservant la somme de principes de portée universelle qui ont présidé à la fondation d’une organisation aux caractéristiques uniques, appelée à jouer un rôle moteur dans la macro-gestion des problèmes planétaires. Il convient aussi de saisir l’occasion de ce Sommet pour faire avancer la restructuration du Conseil de sécurité afin que cet organe reflète mieux la nouvelle architecture géopolitique mondiale.

Par ailleurs notre conviction est forte qu’un ordre international de justice et d’équité doit juguler les dysfonctionnements de l’économie mondiale, réduire les effets pervers des mouvements financiers à caractère spéculatif et agir avec plus de détermination sur les déséquilibres sociaux et régionaux de par le monde. La session extraordinaire de haut niveau qui se tiendra l’an prochain sous le thème du “partenariat mondial pour le développement” offre l’exceptionnelle opportunité d’arrêter des formules imaginatives et de dégager des ressources supplémentaires au bénéfice du monde en développement pris aujourd’hui en étau entre la réserve du donateur et l’indifférence de l’investisseur. Une telle initiative constituerait le début d’une sorte de “patriotisme planétaire”.

A cet égard, l’Afrique qui est marginalisée dans tous les secteurs de la vie internationale a l’impérieux besoin d’une stratégie de mise à niveau multifrontale comportant, entres autres, une réduction substantielle de sa dette extérieure, l’élimination des barrières protectionnistes qui pénalisent ses produits, des programmes d’ajustement compatibles avec l’apaisement de ses conflits, un développement accéléré de ses ressources humaines, des transferts de technologies adaptés et une assistance financière adéquatement structurée. A ce titre, le royaume du Maroc propose que l’ONU instaure un mécanisme permanent de haut niveau chargé de mettre en application les décisions de la communauté internationale en faveur de l’Afrique.

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