ECOSOC/461

LA CREATION D'UN CADRE FAVORABLE A LA REVOLUTION NUMERIQUE ET L'ADAPTATION A UNE CULTURE D'APPRENTISSAGE CONSTANT, GAGES DE LA MAITRISE DES NOUVELLES TECHNOLOGIES

5 juillet 2000


Communiqué de Presse
ECOSOC/461


LA CREATION D’UN CADRE FAVORABLE A LA REVOLUTION NUMERIQUE ET L’ADAPTATION A UNE CULTURE D’APPRENTISSAGE CONSTANT, GAGES DE LA MAITRISE DES NOUVELLES TECHNOLOGIES

20000705

Cet après-midi, le Conseil économique et social a interrompu son débat de haut niveau sur le thème “Développement et coopération internationale au XXIè siècle : le rôle des technologies de l’information dans le cadre d’une économie mondiale à forte intensité de connaissances”, pour organiser un dialogue entre les délégations et les représentants de la Banque mondiale, de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et du Fonds monétaire international (FMI). Ce dialogue a permis aux participants d’examiner les faits nouveaux touchant l’économie mondiale et la coopération économique internationale. Les participants ont surtout concentré leurs interventions sur les questions liées à la maîtrise de l’économie mondialisée, aux modalités de participation aux processus de négociations de l’OMC, au financement du développement, à la dette extérieure et à l’accès aux nouvelles technologies de l’information. Comme l’a dit le Président du Conseil économique et social, M. Makarim Wibisono, de l’Indonésie, un consensus semble s’être dégagé sur le fait que le défi actuel consiste à aider les pays pauvres à prendre leur part de croissance par le biais des technologies de l’information. Il faudra, pour cela, des efforts d’assistance et d’appui financier d’autant plus nécessaires que l’économie fondée sur la connaissance peut jouer un rôle dans l’élimination de la pauvreté et faciliter l’intégration dans l’économie mondiale. A cet égard, le Président de la Banque mondiale, appuyé par d’autres intervenants, a tenu à souligner que l’appui financier n’est pas le facteur le plus décisif de l’accès aux technologies de l’information. Il a plutôt déploré le manque évident de la volonté politique nécessaire à la création de conditions favorables à l’avènement d’une révolution numérique. La Banque mondiale, a-t-il indiqué, tient à la disposition de chaque pays, qui en serait demandeur, un fonds de 5 millions de dollars destinés à la formation aux nouvelles technologies. D’autres intervenants ont ajouté que le problème n’est pas tant celui de l’accès à l’information rendue disponible par les nouvelles technologies mais bien celui de la capacité à s’imprégner d’une culture d’apprentissage constant qu’exige l’adaptation et la maîtrise de ces nouvelles technologies.

A l’issue de ce dialogue, le Conseil économique et social a organisé une table ronde sur le thème de l’interconnexion entre les technologies de l’information et des communications, les finances et le développement, avec les représentants des Banques régionales de développement. Ce dialogue a notamment permis au représentant de la Banque africaine de développement de rejeter l’établissement d’un parallèle entre développement et nouvelles technologies et de défendre l’idée d’un développement duquel les nouvelles technologies seront, de manière inévitable, l’élément central.

Le Conseil économique et social reprendra son débat de haut niveau demain jeudi 6 juillet, à 10 heures.

Dialogue sur les faits nouveaux importants touchant l’économie mondiale et la coopération économique internationale avec les chefs de secrétariat des institutions financières et commerciales multilatérales du système des Nations Unies

Ouvrant le dialogue, le Vice-Premier Ministre du Bélarus a préconisé la création d’un système permettant à chaque pays ou institution internationale à assumer leurs responsabilités réelles vis-à-vis de la communauté internationale, du droit international et des intérêts économiques nationaux. Il a jugé essentiel que le rythme de libéralisation et d’intégration à la mondialisation soit conforme au niveau de développement de chaque pays et à sa diversité politique, sociale et culturelle. Pour le Vice-Premier Ministre, il est de même essentiel d’appliquer les principes d’une libéralisation par étape et d’en faire un élément essentiel des négociations commerciales futures et des programmes de développement mis en place par la communauté économique internationale. A son tour, le Premier Ministre du Nigéria, s’exprimant au nom du Groupe des 77 et de la Chine, a posé la question du rôle de la technologie de l’information dans la promotion du développement dans un contexte de fossé grandissant entre les pays développés et les pays en développement. Aucun élément de réponse ne semble émerger sur la question du financement et de l’établissement de la structure de base nécessaire à une égalité de l’accès à la technologie de l’information, a dit le Premier Ministre. Le représentant de la Fédération de Russie a lui souhaité savoir si des mesures sont prises pour coordonner les efforts des Nations Unies et des institutions financières et commerciales internationales pour attaquer de front aux défis de la mondialisation. Ces mesures seront-elles reflétées dans la nouvelle stratégie de développement préparée par les Nations Unies, a-t-il demandé, avant de s'interroger, par ailleurs, sur la manière dont l’Organisation mondiale du commerce (OMC) envisage les modalités de participation au nouveau cycle de négociations commerciales des pays qui viennent d’intégrer l’OMC.

Aucun cycle nouveau de négociations n’est prévu à l’heure actuelle, a répondu le Directeur général de l’OMC en ajoutant que, dans l’éventualité où la Fédération de Russie adhère à l’OMC, rien ne l’empêchera de participer aux négociations. Dans le cas contraire, le statut d’observateur est toujours disponible. Répondant au Bélarus, le Directeur général a indiqué que rien n’empêche un pays de proposer des changements dans les règles de procédure de l’OMC. Il est vrai que le processus doit être améliorer et il faut reconnaître l’absence de consensus qui a prévalu à Seattle, a reconnu le Directeur général. Le représentant du Pakistan est revenu sur la question de la pauvreté pour demander aux institutions financières ce qu’elles entendent faire pour aider les pays à atteindre l’objectif fixé de réduire de moitié la pauvreté d’ici l’an 2015. De plus, a poursuivi le représentant, quelles sont les modalités de participation de ces institutions financières à la prochaine réunion sur le financement du développement? Enfin, le représentant s’est attardé sur la question de la dette extérieure pour demander des informations sur les mesures d’allègement de la dette des pays à revenu intermédiaire lourdement endettés. A son tour, le représentant du Rwanda a demandé comment faire, de manière pratique, pour combler le fossé numérique entre pays développés et pays en développement.

En réponse à ces questions, le Secrétaire général adjoint aux affaires économiques et sociales, a indiqué qu’en matière de coordination, les Nations Unies n’épargnent aucun effort. D’abord, le système des Nations Unies offre une plate-forme de débat intergouvernemental comme l’ont montré les conférences de Bangkok ou de Genève. L’ONU apporte aussi un appui aux pays pour qu’ils fassent face aux défis sociaux de la mondialisation. Néanmoins la chose la plus importante, a estimé le Secrétaire général adjoint, est peut-être que le fait que les Nations Unies s’emploient à faire des études pour renforcer la capacité des pays à intégrer l’économie mondialisée. Répondant, en particulier, au Rwanda, M. Desaï a attiré l’attention sur les propositions contenues dans le rapport du Millénaire du Secrétaire général. Prenant la parole, le représentant de la Banque mondiale a attiré l’attention sur la nécessité de comprendre au préalable le concept de pauvreté. Il s’agit d’une question plus vaste d’impuissance, d’humiliation et d’impossibilité de faire entendre sa voix. Au niveau pratique, seules comptent les politiques pratiques et non les dogmes. De nombreux partenaires prennent de nouvelles initiatives pour accroître l’efficacité des politiques, a dit le représentant en mettant surtout l’accent sur la coopération nécessaire pour accroître la pertinence et l’efficacité des politiques de lutte contre la pauvreté. En ce qui concerne les pays qui ne peuvent faire le premier pas en matière informatique, la question est de savoir, a-t-il dit, si les technologies de l’information peuvent aider les écoles du monde à faire ce premier pas. Répondant plus particulièrement au Nigéria, le représentant de la Banque mondiale a dit qu’il ne s’agit pas seulement d’un problème d’accès à la connaissance mais d’accès à une nouvelle culture d’apprentissage. Il faut donc une approche qui part de la base et qui soit centrée sur le premier bénéficiaire.

Répondant également aux questions, le représentant du Fonds monétaire international (FMI) a souligné l’importance qu’il y a à examiner les questions de la mondialisation de manière détaillée et à parvenir à des conclusions agrées par tous. Sur la question du financement du développement, le représentant a indiqué que le FMI l’aborde de manière pragmatique et réfléchit à la manière d’apporter une réelle contribution au processus préparatoire de la prochaine réunion. Abordant aussi la question de la dette des pays à revenu intermédiaire, il a rappelé l’existence de différents mécanismes. Pour sa part, le Secrétaire général de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED) s’est concentré sur l’utilisation des technologies de l’information dans des projets concrets. Il existe, a-t-il dit, un nombre important d’initiatives pratiques qui ont toutes en commun l’utilisation de logiciels pour améliorer la capacité des pays en développement de faire face aux problèmes réels. En 1999, la CNUCED a lancé un programme pour créer 120 points commerciaux dans des pays en développement dont certains ont déjà donné de très bons résultats. Une deuxième initiative concerne l’utilisation des technologies de l’information pour améliorer l’efficacité des douanes et permettre ainsi aux pays d’attirer des investissements dont dépend la bonne gestion des services douaniers. La gestion de la dette extérieure a également fait l’objet d’un projet qui a permis, dans certains cas, d’épargner des dizaines de millions de dollars. Ces exemples montrent que lorsque l’on quitte le terrain de l’abstraction, on peut voir combien de choses utiles sont déjà réalisées. La seule manière de faire face à la mondialisation est de passer par cette culture d’apprentissage constant, a insisté le Secrétaire général de la CNUCED.

Intervenant après le Secrétaire général de la CNUCED, le Directeur général de l’OMC, est revenu sur la question de l’assistance aux pays en développement, qui avait fait l’objet d’une recommandation ministérielle en 1998. Il a dit que les pays devaient, un par un, faire part à l’OMC de leurs besoins en information et en formation. Des négociations se poursuivent sur cette question. Il est important, d’autre part, a-t-il souligné, que les Etats honorent les Accords existant dans le cadre du système commercial international, accords qui sont issus du Cycle d’Uruguay. Nous savons que certain ont besoin d’aide pour y arriver. Le commerce international a augmenté en volume, certes, mais c’est surtout la vitesse des échanges qui a énormément évolué, le commerce des pays les plus développés se caractérisant par l’allure à laquelle ils effectuent entre eux leurs transactions. Reprenant la parole, le Président du Conseil économique et social a fait remarquer que le Conseil devait porter une attention particulière aux questions d'interconnexion. Comment pouvons-nous, au niveau mondial, répondre aux problèmes posés par les changements économiques intervenus sur la scène internationale du fait des TIC, s’est-il demandé. Le Président de la Banque mondiale a proposé que les documents rédigés par le Conseil sur ces questions, et notamment celui sur la question des TIC, fassent l’objet d’une lecture en profondeur. La Banque déplore que le fossé entre pays développés et pays en développement aille en s’élargissant dans ce domaine. Les gouvernements et le secteur privé peuvent agir, mais il est indispensable d’avoir un leadership engagé sur la question des TIC. Nous l’avons constaté partout où nous avons été, et notamment en Asie, où les dirigeants s’intéressent énormément à la question. On pourrait opter pour l’entrée en force du privé dans les actions à prendre en matière de développement de ces technologies. La Banque est prête à investir 5 millions de dollars par pays pour créer des classes Internet, avec l’accord des gouvernements. Nous avons besoin de ces accords pour assurer la transmission effective des donnés et des cours. L’Egypte et l’Estonie sont deux pays qui ont opté pour ce choix. D’autre part, il est de plus en plus évident que les gens eux-mêmes sont prêts à investir pour se mettre à l’heure du numérique. Nous avons des exemples concrets sur le terrain, où les gens font des sacrifices pour y arriver. Nous pensons que le Conseil ne devrait pas se perdre dans les détails, mais qu’il devrait plutôt demander aux Gouvernements de mettre en place un cadre favorable à l’Internet et aux ordinateurs. Jetez-vous tout de suite dans le bain au lieu de mener de longues études! Voila notre conseil.

Prenant la parole après le Président de la Banque mondiale, le Secrétaire exécutif de la Commission économique pour l’Asie et le Pacifique (CESAP), a estimé qu’il faudrait établir des collectivités communales et communautaires de l’Internet et ensuite y introduire tout ce qui est relatif aux besoins de santé et d’éducation. Ensuite, même si la langue anglaise continue d’être utilisée, il faudrait veiller à mettre en valeur les cultures locales. Il s’avère aussi qu’il faut avoir à disposition des services de communication performants. Certains ont pensé résoudre ce problème par la privatisation des sociétés de télécommunication, mais l’efficacité de cette mesure ne semble pas supérieure à celle que l’on a observé dans les pays où ces prestations sont restées aux mains des gouvernements et ont été gérées avec rigueur. D’autre part, la communauté internationale devrait faire attention aux disparités. Le commerce électronique continue d’être trop concentré entre les mains de quelques pays, au moment où d’autres craignent que cette activité ne vienne entamer leur base fiscale.

Le Secrétaire général adjoint aux affaires économiques et sociales a proposé que le Conseil entende les représentants de certains pays pauvres qui ont mené des expériences dignes d’intérêt pour combler le fossé numérique qui les sépare des pays riches et des pays en développement les plus avancés. A cet égard, il serait intéressant d’entendre le Président de la République du Mali qui s’exprimera demain devant le Conseil, a-t-il dit. Le Directeur général de l’OMC a fait remarquer qu’après tout, le pouvoir de décision se trouve entre les mains des dirigeants et notamment des Chefs d’Etat. D’autre part, a-t-il ajouté, il faudrait insister sur le rôle que peuvent jouer les enfants dans la révolution numérique. Grâce à leur adaptabilité et leur flexibilité, ils peuvent efficacement aider à combler le fossé numérique Nord-Sud.

Reprenant la série de questions, le représentant du Suriname est revenu sur celle de financement nécessaire à la réduction du fossé numérique. Que pense la Banque mondiale de la création d’un Fonds en la matière, semblable au Fonds pour l’environnement, afin que les Etats puissent jouer le rôle qui est le leur, a demandé le représentant. Pour sa part, le représentant de la Pologne a demandé au Président la Banque mondiale s’il établit un parallèle entre le nouveau consensus proposé par le Secrétaire d’Etat au Trésor des Etats-Unis, ce matin, et le consensus dit de Washington. Reprenant la parole, le représentant du Rwanda a insisté sur l’appui à apporter aux pays en développement pour qu’ils puissent exploiter tout le potentiel de leurs systèmes numérisés. Comment apprendre aux populations concernées à exploiter ce potentiel, a-t-il insisté. En réponse à ces questions, le Président de la Banque mondiale a convenu de la pertinence d’un mécanisme comme celui du Fonds de l’environnement compte tenu de la nécessité de rétrécir le fossé numérique. Mais l’argent ne suffira pas, a-t-il dit. “Si vous venez me trouver avec le cadre et les conditions nécessaires à la numérisation, je vous trouve l’argent”, a dit le Président de la Banque mondiale en soulignant l’importance qu’il y a à ce que les faiseurs d’opinion et les gouvernements sachent user de l’Internet. Or la plupart des gouvernants ont une peur panique de ces nouvelles technologies, a-t-il dit. “Ayez d’abord la volonté de créer l’environnement nécessaire” parce qu’invoquer le manque de financement est trop facile, a dit le Président de la Banque mondiale. Il a ajouté que le consensus de Washington n’existe plus, et qu'il convient plutôt de mettre l’accent sur le nouveau consensus dit de Santiago.

Le consensus de Washington posait en effet la croissance comme moteur de la lutte contre la pauvreté alors que le consensus de Santiago revient sur ce credo et met l’accent sur la croissance mais aussi sur l’établissement d’un système juridique fiable, la lutte contre la corruption ou encore la protection des droits des individus. Sans ces éléments, la croissance ne peut être équitable, a souligné le Président de la Banque mondiale qui a cité, en outre, au nombre des conditions préalables, l’investissement dans la santé, dans l’éducation, dans les stratégies urbaines et rurales, dans l’environnement et même dans la culture. L’expérience a montré que sans ces éléments, la croissance n’empêche pas l’enrichissement des riches et l’appauvrissement des pauvres. La croissance est donc fondamentale mais les conditions structurelles et sociales qui protègent l’individu sont une condition essentielle d’une croissance de qualité qui est toujours assortie à la paix sociale, gage d’un développement équitable, a ajouté le Président de la Banque mondiale.

Table ronde avec les représentants principaux des Banques de développement régional sur le thème “Interconnexion entre les technologies de l’information et des communications, les finances et le développement”

Introduisant cette table ronde, le Président de l’ECOSOC a déclaré que l’analyse de l'interconnexion entre les technologies de l’information et le financement du développement donnerait aux Nations des bases sures en vue de l’élaboration d’une nouvelle conception du développement. Prenant ensuite la parole, le Président de la Banque interaméricaine de développement, M. ENRIQUE EGLESIAS, a dit que l’Amérique latine et les Caraïbes menaient une réflexion pour trouver des réponses au phénomène des TIC, qui touche tous les aspects de la vie économique et social de la région. Si rien n’est fait au niveau national et régional, les risques de marginalisation s’accroîtront de façon exponentielle, a- t-il estimé. Les disparités pourraient s’aggraver à tous les niveaux, a-t-il dit, en faisant remarquer que si les activités générées par les TIC avaient accru de taux de 8% les revenus économiques des principales économies occidentales ces dernières années, ce n’était pas le cas en Amérique latine où les pays commencent tout juste à améliorer les processus de gestion des principaux domaines d’intervention publique. L’intérêt du secteur privé en la matière va croissant, mais il faut trouver des solutions pour susciter plus de synergies entre le privé et le public. Une autre question est de savoir si l’on est en train de passer à un tout nouveau paradigme du développement. Il faudrait arriver ici à faire la différence entre les instruments d’un côté, et les politiques de l’autre. Du point de vue de la Banque interaméricaine de développement, nous pensons qu’il faut trouver des réponses aux questions fondamentales de l’accroissement de la production et du taux de croissance tout en apportant des réponses aux questions sociales traditionnelles, dont une meilleure répartition de la richesse et des revenus. Nous appelons cela un nouveau paradigme de développement de la croissance. Nous avons tenu un séminaire pour voir quel rôle pouvait jouer la Banque dans ce cadre. Nous essayons aussi de voir quel rôle peut jouer le secteur public dans l’introduction des nouvelles technologies tout en étudiant la place à accorder au secteur privé. Nous pensons aussi que la santé et l’éducation sont des domaines cruciaux, et nous mettons en ce moment un accent accru sur l’éducation. A travers des projets-pilotes nous étudions la manière d’améliorer le fonctionnement de la “communauté numérique”, la gouvernance y jouant un rôle central. Sur les 5 ou 6 pays faisant partie des marchés dits émergents, aucun ne fait partie de notre région, bien qu’un pays comme le Costa Rica montre des signes positifs d’adhésion à l’ère numérique. Nous pensons qu’un système de régulation s’impose au commerce électronique et nous travaillons avec les pays de la région sur la meilleure démarche à adopter en ce sens. L’Amérique latine a une longue expérience de coopération interrégionale, et nous y pensons en matière de formation, en prenant l’exemple de l’Inde, qui est pour nous est une référence en la matière. Le défi est sérieux et complexe, et nous pensons qu’il doit être étudié sous l’angle du concept de “démocratie numérique” et de démocratie tout court et d’équité sociale.

M. BEDOUMRA, Directeur de la Division “développement des utilisations de l’ordinateur et entretient” de la Banque africaine de développement (BAD), a souligné que la situation de l’Afrique est particulière en ce sens que les défis à relever semblent plus importants que ceux des autres continents. L’Afrique se trouve dans une situation difficile et caractérisée par un taux de population pauvre très élevé –40% de la population vit en-deça du seuil de pauvreté-, par la réduction de sa part de marché et par le faible flux des investissements directs étrangers. Il existe aujourd’hui un consensus au niveau des pays africains et des différents bailleurs de fonds sur les actions à mener pour relever ces défis, a souligné M. Bedoumra. Le premier accord, a-t-il dit, porte sur le développement du capital humain par le biais de l’éducation, des services de santé et de l’alimentation. Le deuxième accord concerne les efforts qui doivent être faits pour réaliser un développement durable par le biais de politiques de protection de l’environnement et d’égalité entre les sexes et de bonne gouvernance, celle-ci étant le seul moyen de réaliser des économies d’échelle. Le troisième accord concerne la nécessité d’une réforme économique et de la promotion du secteur privé pour accroître le volume et la qualité des investissements. Voici le cadre dans lequel il faut examiner le rôle que peuvent jouer les technologies de l’information pour permettre à l’Afrique d’effectuer un bond dans le développement, a estimé M. Bedoumra.

Au niveau de l’enseignement supérieur, a-t-il poursuivi, quelques pays africains ont déjà expérimenté les structures d’éducation à distance. Mais la vraie possibilité qu’offrent les nouvelles technologies à l’Afrique concerne surtout l’éducation de base, sa population étant jeune donc plus ouverte aux nouveautés. En matière de santé, M. Bedoumra a cité le cas de pays comme le Zimbabwe où le développement de réseaux informatiques a permis une meilleure diffusion des informations, des commandes plus rapides de médicaments et une distribution plus efficace. Revenant sur la question de la bonne gouvernance, M. Bedoumra a indiqué que la BAD a fait de cette question une des priorités du développement. Il apparaît, en effet, que l’absence de bonne gouvernance est un obstacle réel au développement de l’Afrique. Il est important que les ressources publiques soient gérées, de façon saine, que les populations, en particulier la société civile, soit en mesure de contribuer aux choix du développement. Les nouvelles technologies peuvent donc permettre aux populations d’avoir accès aux informations sur la gestion des ressources.

En ce qui concerne le financement, la réponse passe notamment par l’intégration régionale, a estimé M. Bedoumra en indiquant qu’aujourd’hui, grâce aux nouvelles technologies, des marchés des capitaux commencent à se mettre en place par réseau satellitaire, comme c’est le cas à Abidjan. M. Bedoumra a tenu à insister sur le potentiel qu’il y a à investir dans le secteur des nouvelles technologies. En appui à sa conviction, il a cité l’exemple du Maroc qui, l’année dernière, grâce à un appel d'offres transparent a obtenu d’un opérateur cellulaire la somme d’1,2 milliard de dollars. D’autres pays ont ainsi pu mobiliser des ressources importantes qui ont permis des investissements dans les secteurs sociaux. Il faut donc encourager l’investissement dans ce secteur porteur, a dit M. Bedoumra avant de mettre l’accent sur les retards que l’Afrique accumule encore notamment en matière de commerce électronique. Il a expliqué ce retard par l’existence d’un système bancaire qui continue de souffrir de l’absence d’infrastructures nécessaires à la réalisation d’opérations de paiement fiables. La BAD fait un effort permanent pour contribuer au développement des technologies de l’information en Afrique, a assuré M. Bedoumra en soulignant qu’elle intègre désormais ces technologies dans le financement des projets. La BAD, qui voudrait jouer un rôle de référence pour les pays, a beaucoup investi dans le développement de ses moyens pour devenir ainsi un centre de connaissances et d’excellence pour l’Afrique. En collaboration avec le FMI et la Banque mondiale, la BAD a mis en place un institut de formation de cadres africains qui fonctionnera bientôt en

vidéos conférences afin d’accélérer les échanges d’information. Vu les besoins immenses de financement, un effort conjoint des gouvernements et des donateurs peut aider à faire faire un bond à l’Afrique. Le développement et les nouvelles technologies ne sont pas deux choses distinctes, a conclu M. Bedoumra. Il faut parler du développement en sachant que de façon inévitable l’élément central en restera pour longtemps les technologies de l’information.

M. RAJAT NAG, Directeur adjoint du Département des programmes (zone Ouest) de la Banque asiatique de développement –BAD-, a déclaré que l’Asie est en elle même une dichotomie en matière de nouvelles technologies de l’information et de la communication (TIC). Certains pays de la région, comme le Japon, Singapour, Taïwan ou l’Inde sont producteurs et exportateurs de ces technologies ou de ses composantes. Singapour est un exemple frappant de la manière dont les TIC peuvent transformer un pays. Les activités liées aux TIC défient le principe de l’économie d’échelle, contrairement à l’économie traditionnelle, car avec les TIC, plus vous avez d’utilisateurs, plus vous générez de croissance. Ceux qui y sont reliés en tirent des bénéfices énormes et ceux qui ne le sont pas sont totalement exclus des échanges et de la croissance qu’ils entraînent.

Il y a deux aspects majeurs dans la dissémination des avantages de cette révolution: l’accès aux ordinateurs et l’utilisation que les gens peuvent en faire, et qui dépend énormément de la formation et de l’éducation qu’ils ont reçue. L’Internet, et le développement qu’il peut générer, doivent être fondés sur des infrastructures saines et performantes que n’ont pas la plupart des pays. Il faut donc les équiper. Chaque pays doit adopter une stratégie qui lui permette de prendre part à la révolution en cours et l’intégrer à ses propres politiques nationales. Le Président de la Banque mondiale a dit, au cours des débats qui ont précédé celui-ci, que ce n’était pas seulement une question d’argent. Cela est peut être vrai dans certaines régions nanties du monde, mais dans la notre, l’argent est rare en matière d’éducation et de santé, des éléments qui conditionnent la participation des populations à toutes activités économiques. Nous avons donc besoin de financements, en vue de jeter les bases en équipements et en soins de santé et d’éducation dont les populations de notre région ont besoin

Intervenant après le Président de la BAD, la représentante du Brésil a exprimé le soutien de sa délégation aux idées avancées auparavant par le Président de la Banque interaméricaine de développement. Ces idées, a-t-elle estimé, ne sont pas seulement valables pour l’Amérique latine et les Caraïbes; elles expriment les besoins de la plupart des pays en développement, a-t-elle dit. Le Brésil aimerait que les conclusions des réunions régionales des Banques de développement figurent au document final de la présente session de l’ECOSOC et que soit créé à cet effet un groupe de travail. Prenant la parole, le représentant de la Bolivie a soutenu la demande exprimée par le Brésil. La fracture numérique exige que les pays en développement trouvent des terrains d’entente et expriment les besoins qui leur sont communs en vue d’obtenir de la communauté internationale

les mesures qui s’imposent en vue de réduire le fossé qui se creuse, a-t-il suggéré. Les gouvernements sont certes responsables des décisions à prendre, mais nous souhaiterions, comme l’a demandé le Brésil, que soit constitué un groupe de travail qui recueillerait toutes les propositions avancées par les organismes régionaux de l’ONU et les Banques régionales.

Dans ses remarques de conclusion, le Président de l’ECOSOC a assuré les participants que le fruit des débats de cette journée ferait partie intégrante des documents finaux de la session du Conseil.

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