LE PRESIDENT DU TRIBUNAL INTERNATIONAL POUR L'EX-YOUGOSLAVIE PRESENTE AU CONSEIL UN PLAN PROSPECTIF VISANT A AMELIORER LE FONCTIONNEMENT DU TRIBUNAL
Communiqué de Presse
CS/2005
LE PRESIDENT DU TRIBUNAL INTERNATIONAL POUR L'EX-YOUGOSLAVIE PRESENTE AU CONSEIL UN PLAN PROSPECTIF VISANT A AMELIORER LE FONCTIONNEMENT DU TRIBUNAL
20000620La France propose de constituer un groupe de travail informel du Conseil de sécurité pour examiner ce plan
Présentant, ce matin, devant le Conseil de sécurité, un plan prospectif visant à améliorer le fonctionnement du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY), en vue de lui permettre d'accomplir encore mieux les missions qui lui sont confiées, M. Claude Jorda, Président du Tribunal a fait remarquer que le Tribunal est à un tournant de son histoire. Des changements politiques importants se dessinent, voire s'accélèrent dans la région des Balkans dont il convient de mesurer l'impact. Les objectifs du plan prospectif visent à déterminer l'évolution dans les mois et les années à venir de l'activité du Tribunal, à évaluer les moyens judiciaires nécessaires pour faire face à cette activité, à réfléchir sur le terme du mandat et à juger si le format actuel du Tribunal est adapté à sa mission telle que celle-ci a évolué.
En l'espace de six années, le Tribunal a adopté son règlement de procédure et de preuve, le règlement sur la détention préventive et la directive relative à la commission d'office de conseil de la défense. Il a mis en place son quartier pénitentiaire ainsi que son unité de victimes et de témoins. Le Tribunal a inculpé 96 personnes, dont 36 sont actuellement en détention, prononcé 16 jugements au fond et rendu plusieurs centaines de décisions interlocutoires et d'ordonnances de diverse nature. Mais il a surtout montré qu'une institution judiciaire internationale peut fonctionner de manière efficace.
Pour faire face au nombre important de procès qui les attendent, a préconisé M. Jorda, il faudrait constituer une réserve de juges ad litem, uniquement pour le déroulement d'un procès déterminé. Cette formule est préférable à la création de chambres permanentes. Le mandat du Tribunal pourrait ainsi être réduit à la fin 2007, au lieu de 2016. Tout en reconnaissant que ces propositions d'ajustement formulées par le Tribunal exigeraient un amendement du Statut du Tribunal, M. Jorda rappelle qu'un tel amendement est déjà intervenu en 1997.
Se ralliant à la proposition de la France visant la constitution d'un groupe de travail informel du Conseil de sécurité destiné à procéder à l'examen de ces recommandations et à présenter ses conclusions au Conseil, de sécurité dans un délai rapproché, la plupart des délégations ont exprimé leur détermination à contribuer à un examen approfondi des recommandations du Tribunal. Elles ont réaffirmé leur appui au bon fonctionnement du Tribunal, soulignant la nécessité pour la communauté internationale de respecter l'indépendance et l'impartialité de cet organe judiciaire.
La Fédération de Russie a évoqué ce qu'elle a appelé la politisation du Tribunal qui "n'apporte pas la contribution voulue à la normalisation politique dans l'ex-Yougoslavie". Il a qualifié d'incomplètes les recommandations figurant dans le rapport du Président du Tribunal. Pour sa part, le représentant des Etats-Unis s'est insurgé contre les critiques mettant en cause l'impartialité du Tribunal et il a rappelé que les auteurs de telles critiques sont signataires des Accords de Dayton. Les Etats-Unis restent engagés à traduire en justice les responsables des crimes de guerre en ex-Yougoslavie. La paix dans les Balkans ne sera pas possible tant que le pouvoir à Belgrade sera en place, a-t-il souligné. M. Holbrooke a également indiqué l'intention de son Gouvernement de pousser la création d'un Tribunal pour la Sierra Leone.
Les membres suivants du Conseil de sécurité ont pris la parole : Fédération de Russie, Jamaïque, Etats-Unis, Pays-Bas, Canada, Royaume-Uni, Bangladesh, Chine, Ukraine, Argentine, Tunisie, Malaisie, Namibie et France. Le Président du Tribunal, M. Jorda, a ensuite répondu aux commentaires formulés par les délégations.
- 2 - CS/2005 20 juin 2000
Tribunal pénal international chargé de juger les personnes accusées de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l'ex-Yougoslavie depuis 1991
Allocution du Président du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie
M. CLAUDE JORDA, Président du Tribunal international pour l'ex-Yougoslavie, a estimé que le moment est venu de formuler des propositions visant à rendre plus efficace le Tribunal. En ce sens, les juges se situent dans le droit fil des objectifs qui étaient ceux du Groupe d'experts mandaté par le Secrétaire général à l'effet d'évaluer l'efficacité des activités du Tribunal, en application de la résolution du Conseil de sécurité du 18 décembre 1998. Les travaux très importants et très fructueux de ce Groupe ont donné lieu à 46 recommandations particulièrement importantes. Le travail de réflexion et d'analyse accompli est un travail est un travail spécifiquement judiciaire. Il s'agit du regard des juges sur l'activité du Tribunal. Mais il s'agit aussi et surtout de leur première tentative pour se projeter dans l'avenir à partir d'une évaluation critique de leur activité proprement judiciaire. Il conviendrait sur certains points tout au moins réformer le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie et s'il faut le réformer, c'est parce qu'il est en passe de réussir la mission, ou plutôt les missions qui lui ont été confiées en 1993 par le Conseil de sécurité. Derrière cet apparent paradoxe, se profile un certain nombre de réalités qu'il faut prendre en compte pour mesurer la nécessité de faire passer irrévocablement cet instrument historique de justice internationale, de l'âge de la reconnaissance formelle à celui de la crédibilité universelle.
C'est à partir d'un constat sans concession qu'il convient de suggérer des pistes de réforme pour transformer l'ébauche d'une réussite en un pas décisif et irréversible dans le progrès du droit international humanitaire. La création du Tribunal n'a pas évité la récidive. La chute de l'enclave de Srebrenica, et plus tard, les milliers d'Albanais chassés du Kosovo, demeurent comme une brûlure au coeur de ceux qui croient à la vertu exemplaire de la justice. Etablir la vérité des événements et prévenir tout révisionnisme est une finalité sous-jacente à toute justice criminelle internationale et tout particulièrement à celle qui s'exerce à La Haye. Sur ce point, des progrès considérables ont été accomplis. Poursuivre et juger les responsables est néanmoins la raison d'être majeure de toute juridiction criminelle. Mais s'agissant d'une justice aussi extraordinaire que celle qui s'exerce à La Haye, et parce qu'elle concerne les plus grands crimes commis contre l'humanité, elle se doit d'être tout particulièrement exemplaire. Elle doit être conforme aux normes les plus élevées du droit international humanitaire, tant à l'égard des victimes qu'à l'égard des accusés. S'agissant du bilan strictement judiciaire, il faut être un observateur peu impartial ou bien partisan pour ne pas créditer le Tribunal d'un certain nombre de progrès. En l'espace de six années, le Tribunal a adopté son règlement de procédure et de preuve, le règlement sur la détention préventive et la Directive relative à la commission d'office de conseil de la défense. Il a mis en place son quartier pénitentiaire ainsi que son unité de victimes et de témoins. Le Tribunal a inculpé 96 personnes, dont 36 sont actuellement en détention, prononcé 16 jugements au fond et rendu plusieurs centaines de décisions interlocutoires et d'ordonnances de diverse nature. Mais il a surtout montré qu'une institution judiciaire internationale peut fonctionner de manière efficace.
Le Tribunal est à un tournant de son histoire. Le soutien de plus en plus affirmé de la communauté internationale qui, répondant aux appels pressants du Tribunal, a fait en sorte qu'il lui soit apporté concours toujours plus actif dans les arrestations. Le Tribunal est désormais confronté à la gestion du volume des affaires sans toutefois renoncer à la qualité de ses procédures.
Force est de constater que les perspectives qui s'ouvrent devant le Tribunal sont préoccupantes et il convient, dès maintenant, d'anticiper ce qui risque de se produire, a souligné M. Jorda. Si l'impératif de la rapidité est un problème lancinant pour tous les systèmes judiciaires de niveau avancé, il se pose dans des conditions encore plus critiques dans un système de justice pénale internationale. L'étude prospective menée par le Tribunal montre que si rien ne change, qu'il s'agisse de la politique pénale, des règles de procédure, du format du Tribunal et de son organisation et qu'au contraire si toutes les données, notamment politiques, tendent à l'accroissement inéluctable des affaires, le mandat du Tribunal devra être prorogé à plusieurs reprises. Pour faire face au nombre important de procès qui les attendent, les juges ont privilégié un modèle souple et adaptable aux situations forcément variables qu'a connues et que connaîtra encore le Tribunal. La constitution d'une réserve de juges, auxquels il est fait appel dès qu'un procès serait prêt et uniquement pour ce procès - juges ad litem -. Le mandat du Tribunal pourrait être réduit à la fin 2007, au lieu de 2016. Lorsque la Cour pénale internationale sera mise en place, on peut espérer que le Tribunal aura achevé sa tâche. Certes, il resterait les appels. La Chambre d'appel à elle seule pose des problèmes complexes et spécifiques, du fait notamment de son jumelage avec celle du Tribunal pour le Rwanda. De l'avis de M. Jorda, la solution souple des juges ad litem est préférable à la création de chambres permanentes. Le Président du Tribunal a fait remarquer que les propositions d'ajustement formulées par le Tribunal exigeraient un amendement du Statut du Tribunal. Tout en mesurant combien cela constitue un pas difficile à franchir, M. Jorda rappelle qu'un tel amendement est déjà intervenu en 1997.
En conclusion, le Président du Tribunal, rappelant qu'en créant cette juridiction en 1993, le Conseil de sécurité avait pris une décision historique - un des plus grands défis depuis Nuremberg - et que les juges de La Haye en relevant ce défi, ont le sentiment que dans leurs salles d'audience - avec impartialité, ténacité et conviction - ont su entendre le cri des victimes et contribuent ainsi à ce que dans la mémoire de l'Histoire, les événements dramatiques qui ont marqué les Balkans ne soient pas oubliés. C'est cette tâche exaltante que le Tribunal demande au Conseil de sécurité de lui permettre de poursuivre et d'achever.
Déclarations
M. SERGEY LAVROV (Fédération de Russie) a fait part de griefs sérieux à l'égard du Tribunal. Il a dénoncé les considérations politiques anti-serbes qui, à ses yeux, sont apparues dans les travaux du Tribunal. Lorsqu'il s'agit d'allégations faisant état de violations du droit international par la République fédérale de Yougoslavie, le Tribunal émet immédiatement des actes d'accusation. En revanche, les activités illégales de l'OTAN, même en présence de preuves manifestes, ne constituent pas un motif d'enquête. Il est également inacceptable de constater que le Tribunal reste inactif devant l'épuration ethnique dont sont victimes les Serbes du Kosovo. Le statut du Tribunal prévoit que celui-ci doit se contenter d'appliquer les normes du droit international en vigueur. Il n'est pas prévu que le Tribunal définisse de nouvelles normes en matière de règlement de procédure et de preuve. Profitant de l'absence de contrôle de la communauté internationale, le Représentant a dénoncé également la conclusion d'un mémorandum d'accord entre le Tribunal et l'OTAN. Le Tribunal n'apporte pas la contribution voulue à la normalisation politique dans l'ex- Yougoslavie. La situation qui s'est créée ne peut qu'être alarmante. Le règlement de procédure et de preuve ainsi que tout amendement doivent être approuvés par le Conseil de sécurité.
Pour ce qui est des recommandations figurant dans le rapport du président du Tribunal, il a jugé qu'elles avaient un caractère inachevé. Il y a deux ans le Conseil avait déjà augmenté le nombre de ses juges mais cette pratique n'a pas donné de résultats. Le pronostic du Président selon lequel il faudra 20 ans au Tribunal pour achever son mandat est préoccupant. La proposition de créer des juges ad litem ne nous inspire pas un optimisme particulier. Nous sommes disposés à examiner les propositions du juge Jorda mais également les autres idées exprimées dans le rapport du Groupe d'experts chargé d'évaluer le fonctionnement des Tribunaux pour le Rwanda et pour l'ex- Yougoslavie. Nous apporterons notre soutien aux activités du Tribunal à condition qu'il se conforme au mandat qu'a approuvé le Conseil de sécurité.
M. CURTIS A. WARD (Jamaïque), rappelant que le Tribunal pénal pour l'ex-Yougoslavie est un organe créé par le Conseil de sécurité pour juger les responsables des crimes les plus graves contre l'humanité, a souligné qu'il est essentiel que cette juridiction bénéficie de l'appui de la communauté internationale pour lui garantir un bon fonctionnement. Le représentant a estimé que les modifications du règlement de procédure et de preuve intervenues jusqu'ici ont contribué considérablement à améliorer le travail du Tribunal. Les propositions formulées par le Président du Tribunal, M. Jorda, concernant notamment la désignation de juges ad litem méritent un examen approfondi. Préoccupée par la structure de la Chambre d'appel, la délégation jamaicaïne estime qu'il ne faudrait pas affaiblir la procédure d'appel. Les recommandations visant à amender le Statut du Tribunal doivent être examinées et approuvées par le Conseil de sécurité.
M. RICHARD HOLBROOKE (Etats-Unis) a fait part de l'appui ferme de son Gouvernement aux efforts de Claude Jorda. Il faut trouver tous les moyens possibles d'appréhender les personnes qui échappent à la loi. Cette question est si importante que Madeleine Albright a créé un poste à cet effet. Les Etats-Unis restent engagés à traduire en justice les responsables des crimes de guerre en Ex-Yougoslavie. L'objectif des Accords de paix de Dayton ne pourront pas être atteints tant que les responsables de crimes contre l'humanité n'auront pas été arrêtés. La paix dans les Balkans ne sera pas possible tant que le pouvoir à Belgrade sera en place.
Le représentant a fait siennes les recommandations du Juge Claude Jorda visant à améliorer le fonctionnement du Tribunal, en particulier la recommandation portant sur la délégation des responsabilités de gestion et la nomination de juges afin d'augmenter la capacité du Tribunal à traduire en justice les criminels. Le représentant a évoqué la situation en Sierra Leone qui selon lui est liée à cette question. Nous ne pensons pas que le pays pourra connaître un avenir stable sans que les membres du RUF ne seront pas traduits en justice. Nous attendons les vues des experts pour savoir comment procéder. Nous voudrions faire rapidement tout ce qui est en notre pouvoir pour créer un nouveau tribunal pour la Sierra Leone. Le représentant a rappelé que lors de la signature de l'Accord de Lomé le Secrétaire Général des Nations Unies avait émis une réserve à savoir que l'Accord de paix ne peut constituer un obstacle à la poursuite des responsables présumées de crimes contre l'humanité. Le représentant s'est insurgé contre les critiques mettant en cause l'impartialité du Tribunal et il a rappelé que les auteurs de telles critiques ont signé les Accords de Dayton.
M. PETER VAN WALSUM (Pays-Bas) a fait remarquer que les négociations sur la création d'une cour pénale internationale ont montré combien il est essentiel d'appuyer le bon fonctionnement du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie. Le rapport présenté ce matin par le Président du Tribunal, M. Claude Jorda, souligne à juste titre qu'il est difficile pour le Tribunal d'appréhender les véritables responsables des graves violations commises contre l'humanité. Le TPIY a joué un rôle crucial dans le processus de création d'une cour pénale internationale. Le rôle exemplaire du Tribunal doit être soutenu et c'est pourquoi, sa délégation appuie fermement ses activités.
M. MICHEL DUVAL (Canada), tout en reconnaissant les coûts élevés de la justice pénale internationale, a estimé que le Tribunal pénal international doit être appuyé par la communauté internationale. Comme l'indiquait M. Jorda, le TPIY a contribué à faire progresser les négociations sur la création de la cour pénale internationale. Le Canada appuie la proposition de la France visant à mettre en place un groupe de travail qui sera chargé d'examiner les recommandations présentées ce matin par le Président du Tribunal. La délégation canadienne a demandé des précisions sur la réserve de juges ad litem.
M. JEREMY GREENSTOCK (Royaume-Uni) a indiqué que son pays est attaché au fonctionnement des deux Tribunaux pour le Rwanda et l'ex-Yougoslavie qui, selon, lui sont impartiaux. Le succès obtenu à ce jour par le Tribunal pour l'ex-Yougoslavie a conduit à une charge de travail accrue. Il est donc important de consolider les acquis du Tribunal ainsi que sa contribution au rétablissement de la paix. Le représentant s'est félicité de l'initiative prise par le Juge Jorda pour améliorer les méthodes de travail du Tribunal. La durée des procès est en effet une question préoccupante pour le Royaume-Uni mais nous ne sommes toutefois pas en faveur de la création d'un deuxième tribunal dans les Balkans. Le représentant a demandé comment, dans la pratique, l'utilisation accrue de juristes de haut niveau serait en mesure d'accélérer la procédure de mise en état? La question se pose également de savoir quels sont les avantages de nommer des juges ad litem. La création d'une salle d'audience supplémentaire est également à examiner.
M. ANWARUL KARIM CHOWDHURY (Bangladesh) a fait part de la nécessité pour le Tribunal de se prononcer rapidement. Compte tenu de l'énormité de sa tâche et des impératifs de rapidité, le Tribunal devrait disposer de moyens adéquats. Nous sommes disposés à examiner les recommandations 20 et 21 du Groupe d'experts visant l'accroissement du nombre de juges et des membres du personnel. La nécessité d'accorder davantage de ressources est évidente et nous souhaitons souligner que les ressources doivent être à la mesure des responsabilités du Tribunal. Le Représentant a soutenu la recommandation selon laquelle il faut, en premier lieu, traduire en justice les prévenus ayant eu de grandes responsabilités, plutôt que les prévenus de moindre importance. Nous sommes particulièrement préoccupés par le fait que des personnalités politiques et militaires sont toujours en liberté. Le Conseil de sécurité devrait envisager les moyens de garantir que ces personnes se rendent à la justice ou qu'elles soient appréhendées. Le représentant a également plaidé en faveur du renforcement des programmes d'information relatifs aux activités du Tribunal. Il a fait sienne, dans ce contexte, la recommandation du Procureur visant à rendre publiques les délibérations du Tribunal. Le représentant a souhaité que le rapport contenant les recommandations du Groupe d'expert fassent l'objet d'un examen par un Groupe de travail informel pour une période limitée, par exemple, trois mois, qui soumettrait à son tour ses recommandations au Conseil de sécurité.
M. SHEN GUOFANG (Chine) a estimé que le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie est une juridiction dont l'impartialité doit être préservée par la communauté internationale. Il a émis l'espoir que le TPIY oeuvrera dans l'indépendance et l'impartialité. Comme l'a indiqué M. Jorda ce matin, le Tribunal manque des capacités nécessaires permettant de lui garantir un fonctionnement efficace. Concernant la création de juges ad litem visant à accélérer le déroulement des procès, le Conseil de sécurité ne saurait se prononcer de manière hâtive à cet égard, a souligné M. Shen. La Chine entend toutefois continuer à coopérer étroitement avec le Tribunal. Si des juges ad litem sont désignés, il est nécessaire de tenir compte du principe de répartition géographique équitable.
M. VOLODYMUR YEL'CHENKO (Ukraine) a rappelé qu'il était indispensable pour le Tribunal de maintenir les plus hautes normes d'impartialité et de demeurer exempt de toute considération politique. C'est dans cette optique que nous devons examiner toute mesure visant la rationalisation et l'accélération de ses délibérations. Nous reconnaissons la lourde charge de travail qui revient au Tribunal et le nombre important de dossiers à traiter. La nécessité d'apporter des modifications aux méthodes de travail du Tribunal est évidente. Nous soutenons l'approche adoptée par le Tribunal ainsi que tout examen des questions soulevées par le Conseil de sécurité.
Le représentant a fait part de la préoccupation que lui inspire le fait qu'aucun juge d'Europe orientale ne siège au Tribunal. Peut-on imaginer le Tribunal pour le Rwanda sans juges africains ? Une représentation large de juges de tous les groupes régionaux est essentielle à la crédibilité et à l'efficacité du Tribunal. Lorsque le Conseil de sécurité examine les moyens d'améliorer les activités du Tribunal, a précisé le représentant, il ne devrait en aucun cas donner l'impression que les problèmes similaires que connaît le Tribunal pour le Rwanda sont moins importants. Si nous n'adoptons pas la même approche pour répondre à la surcharge de travail du Tribunal pour le Rwanda, il sera difficile d'approuver les modifications que nous examinons actuellement. Le représentant a insisté sur la nécessité de garantir une plus grande diffusion des informations relatives aux activités et au rôle du Tribunal dans la promotion de la réconciliation dans les Balkans. Il a accueilli favorablement le lancement en automne dernier dans les pays de l'ex Yougoslavie d'un programme d'information et il a souhaité qu'il soit élargi à d'autres pays. Le représentant a demandé au Président du Tribunal si d'autres aspects du statut du Tribunal exigeaient l'attention du Conseil et quelle devrait être la durée de ce processus d'évaluation.
M. ARNOLDO M. LISTRE (Argentine) a indiqué qu'au moment de la création du Tribunal, l'absence de précédent relatif aux pratiques et règles du Tribunal ont donné lieu à des mesures novatrices. Son expérience riche a ainsi pu profiter à la Cour pénale internationale. Evoquant le rapport du Groupe d'experts et celui du Juge Jorda, il a souhaité que les recommandations qui y sont contenues soient à leur tour examinées par un Groupe de travail informel. La nomination de juges ad litem est une excellente idée dans la mesure où ils seraient désignés par voie d'élection et non pas par voie de nomination. Il conviendrait également d'examiner les limites de leur pouvoir. M. OTHMAN JERANDI (Tunisie), à la lumière des informations contenues dans le rapport présenté par le Président du Tribunal pénal pour l'ex-Yougoslavie et par le Groupe d'experts, a déclaré que sa délégation appuie la proposition de la France visant à créer un Groupe de travail qui sera chargé d'examiner les propositions sur l'élargissement du rôle du Tribunal.
M.AGAM HASMY (Malaisie) a fait part de sa préoccupation quant aux retards pris dans les travaux du Tribunal. Il s'est félicité de la proposition du Président du Conseil de sécurité de mettre en place un Groupe de travail visant l'examen des recommandations du Juge Jorda. Il a dit appuyer toute approche visant à traduire en justice les responsables de crime contre l'humanité et il a rendu hommage au Tribunal pour son professionnalisme et son souci d'impartialité. Le fonctionnement du Tribunal ne doit pas être perturbé par des critiques injustes. Le représentant a ajouté que la raison pour laquelle une majorité ethnique figure parmi les accusés du Tribunal est évidente. Il a ajouté qu'il était en faveur de la nomination de juges ad litem, de la création d'une nouvelle salle d'audience et de la délégation des pouvoirs de gestion à des juristes confirmés.
M. MARTIN ANDJABA (Namibie) a noté que le rapport présenté ce matin par le Président du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie analyse de manière globale les activités du Tribunal. La Namibie émet l'espoir que les procédures judiciaires en cours en ex-Yougoslavie et au Rwanda permettront de tirer les leçons nécessaires pour garantir le bon fonctionnement de la future Cour pénale internationale. Le représentant a demandé au Président du Tribunal de préciser les similarités et les complémentarités éventuelles qui existent entre le Tribunal pénal pour l'ex-Yougoslavie et le Tribunal pénal pour le Rwanda. Dans la mesure où le Tribunal opère dans un contexte politique, comment les juges peuvent-ils faire face aux pressions politiques exercées par certains Etats Membres ou individus? Est-ce que cette institution judiciaire aura une incidence sur la future cour pénale internationale? Toutefois, la délégation namibienne exprime sa volonté d'oeuvrer en étroite coopération avec les autres membres du Conseil de sécurité ainsi qu'avec l'ensemble du système des Nations Unies au sein d'un groupe de travail informel chargé d'examiner les recommandations et les propositions formulées par les juges en ce qui concerne l'amélioration des méthodes de travail et de la pratique des deux Tribunaux ad hoc.
M. JEAN DAVID LEVITTE (France) a rappelé qu'en créant les Tribunaux pénaux internationaux pour l'ex-Yougoslavie et pour le Rwanda, le Conseil de sécurité avait montré sa conviction qu'il était possible de concilier les exigences d'une justice indépendante et celles d'une politique pénale consciente des enjeux de la paix, de la démocratie et de la réconciliation nationale. Afin d'assurer cette convergence, il est indispensable d'oeuvrer toujours pour une plus grande efficacité des procédures des Tribunaux. Les délais, la longueur des procédures, acceptées au plan interne, nuisent davantage aux juridictions internationales. La question du délai dans lequel la justice est rendue n'est pas seulement une question de technique juridique, elle constitue une question politique. Si la justice doit attendre, c'est aussi la paix qui attend. Comment espérer un retour rapide à la paix dans les régions concernées si les procédures des tribunaux internationaux se prolongent encore pendant une quinzaine d'années, voire davantage.
Faisant observer que le nombre des juges a déjà été augmenté du fait de la création d'une troisième chambre pour chacun des deux tribunaux il y a deux ans, M. Levitte a estimé que ce nombre ne pourra être augmenté indéfiniment. A titre de comparaison, il faut garder à l'esprit que les juges du Tribunal pour l'ex- Yougoslavie, qui ont une compétence géographique limitée, sont au nombre de 14 et le nombre des juges du Tribunal pour le Rwanda est de 9. La création des juges ad litem - proposée par les juges du TPIY - est une voie qui mérite d'être examinée. Elle soulève certaines questions touchant au statut de ces juges, à leur nombre et à leur mode d'élection. La France se dit disposée à en débattre dans un esprit ouvert. Les juges du Tribunal pour le Rwanda estiment quant à eux que le renforcement de l'effectif de la Chambre d'appel devrait être privilégié. C'est là que semblent en effet se situer les principaux goulots d'étranglement. Cette proposition vise à créer deux postes supplémentaires de juges au sein du Tribunal pour le Rwanda afin de remplacer ceux qui seraient appelés à servir dans la Chambre d'appel - unique - des deux Tribunaux. Il est par ailleurs important que les juges disposent de l'autorité nécessaire pour conduire véritablement les débats. Les experts désignés par le Secrétaire général ont insisté sur ce point, recommandant un meilleur contrôle des juges sur la procédure, en particulier un élargissement des fonctions du juge de la mise en état. Cette idée mérite d'être examinée, a estimé M. Levitte.
Les Statuts des Tribunaux ad hoc ne contiennent que des articles sur la protection des victimes et la restitution de leurs biens. En revanche, le Statut de la Cour pénale internationale prévoit des dispositions précises instaurant un droit de participation des victimes à la procédure, un véritable régime de protection des témoins menacés ou traumatisés et, surtout, un mécanisme de réparations en leur faveur. Les victimes peuvent transmettre des informations au Procureur en vue de l'ouverture de poursuites. Elles ont également le droit d'être informées de l'évolution de la procédure et d'intervenir pendant le procès de manière autonome. Le Conseil de sécurité n'a pas pour objectif de confisquer aux Etats, même émergents ou sortant d'un conflit, la possibilité d'accomplir le travail de justice et de mémoire nécessaire à la réconciliation nationale. Il lui incombe de contribuer à assurer le fonctionnement efficace de cette justice internationale qu'il a créée. Le Conseil doit rester attentif à la réforme et au renforcement des systèmes judiciaires nationaux, qui devront un jour prendre la relève. Il ne faut pas toutefois considérer que l'existence même des juridictions pénales internationales permet au Conseil de sécurité d'abdiquer ses responsabilités premières dans le domaine de la paix.
Reprenant la parole M. CLAUDE JORDA a estimé que la création du Groupe de travail du Conseil est souhaitable compte tenu du nombre important de propositions qui méritent un examen approfondi. Il a répondu aux critiques sur la "politisation" du Tribunal en expliquant que les deux organes du Tribunal, à savoir le bureau du Procureur et les Juges, sont indépendants. Les chiffres parlent de façon éloquente. Sur l'ensemble des personnes mises en accusation, la majorité est d'origine serbe. Il n'a jamais été question de dire que le nombre des accusés devrait être le même pour les trois groupes
ethniques. Au sujet de l'OTAN, le Juge a rappelé que seule la preuve disponible peut permettre de lancer des poursuites. Dans ce cas précis, cette preuve est apportée grâce à la coopération des Etats mais il faut noter que ceux qui se plaignent le plus sont les plus défaillants en matière de fourniture d'informations. Le Juge a également indiqué que la majorité des fugitifs sont d'origine serbe.
Pour ce qui est des juges ad litem et de la procédure de mise en état, il a expliqué qu'il y avait eu unanimité à La Haye sur la nécessité d'avoir recours à des juges ad litem. Reste à savoir quel mode d'élection sera choisi. Le coût sera également un domaine privilégié d'analyse. Ce coût dépendra du nombre de juges ad litem que l'on désignera. Une légère majorité à La Haye est en faveur d'un panachage entre des juges permanents et des juges ad litem. Pour ce qui est de la mise en état, le Juge Jorda a expliqué que cette procédure telle qu'elle existe n'a rien à voir avec la Chambre préliminaire prévue par le Statut de la Cour de Rome qui va disposer de nombre de pouvoirs juridictionnels. La Chambre préliminaire de La Haye vise à accélérer les procès. A l'heure actuelle, chaque Chambre est chargée de quatre affaires et les activités de mise en état se déroulent tous les jours. La procédure de mise en état, qui a été institutionnalisée en 1998 et qui vient d'être perfectionnée à la suite du rapport du Groupe d'experts, est indispensable à l'efficacité des procès.
Pour ce qui est des 46 recommandations du Groupe d'experts mandatés par la résolution du 12 décembre 1998 de l'Assemblée générale, il a expliqué que celui-ci a examiné tout le fonctionnement le Tribunal et il n'a pas émis de critiques majeures. Sur ces 46 recommandations, toutes celles qui vise l'accélération des procédures avaient été anticipées par le Tribunal. Au sujet du Rwanda et de la Chambre d'appel, il a rappelé qu'une session plénière avait eu lieu entre les juges des Tribunaux du Rwanda, de La Haye et de la Chambre d'appel. Nous avions souhaité l'adjonction de deux juges à la Chambre d'appel, compte tenu du nombre important d'affaires, de l'instabilité de sa composition et de l'effet de contamination des juges. Il s'agit ainsi d'un problème normatif. Le Juge a demandé de nouveaux moyens à condition qu'ils s'inscrivent dans le cadre d'un plan prospectif. Il a également demandé un calendrier serré pour que ces modifications soient coordonnées avec le calendrier budgétaire. Il a également rappelé que l'année 2001 est une année d'élection des juges et ceux-ci, avant leur départ, doivent achever les procédures. D'où l'idée de faire intervenir des juges ad litem avant l'élection des juges en 2001.
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