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L/2945

LA COMMISSION PREPARATOIRE DE LA COUR PENALE INTERNATIONALE ENTEND LE PRESIDENT DU TRIBUNAL PENAL POUR L'EX-YOUGOSLAVIE

19 juin 2000


Communiqué de Presse
L/2945


LA COMMISSION PREPARATOIRE DE LA COUR PENALE INTERNATIONALE ENTEND LE PRESIDENT DU TRIBUNAL PENAL POUR L’EX-YOUGOSLAVIE

20000619

L’adoption de règles de procédure et de preuve souples permettra aux juges de mieux répondre aux lacunes que révèlera la pratique judiciaire

Réunie sous la présidence de M. Philippe Kirsch (Canada), la Commission préparatoire de la Cour pénale internationale, a entendu, ce matin, le Président du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie – M. Claude Jorda (France) – qui a fait une déclaration dans laquelle il a souligné combien il était difficile de prévoir et d’envisager de manière abstraite toutes les difficultés que pourrait entraîner la répression internationale des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité. Il est donc important d’adopter des règles qui soient suffisamment souples pour permettre aux juges de pallier eux-mêmes certaines lacunes et imperfections que seule la pratique judiciaire révèlera.

Les représentants de l’Australie, de la France et de la Bosnie-Herzégovine ont formulé des observations auxquelles M. Jorda a répondu.

Le Président de la Commission préparatoire, rappelant aux délégations que les projets de texte sur le règlement de procédure et de preuve et sur les éléments constitutifs des crimes doivent être finalisés à la fin de la présente session, les a priées instamment de faire de leur mieux pour conclure l’essentiel de leurs négociations à la fin de cette semaine. La semaine prochaine permettra d’affiner les textes et de les adopter.

La Commission préparatoire se réunira, de nouveau en plénière, vendredi 26 juin à 10 heures.

Déclaration du Président du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie

M.CLAUDE JORDA (France), Président du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), a rappelé que, depuis le début, les membres du Tribunal ont manifesté un vif intérêt pour les travaux qui sont à l’origine du Statut et du futur règlement de la Cour. Quelles que soient les règles de procédure et de preuve que la Commission préparatoire adoptera, il est important que ces règles soient suffisamment souples pour permettre aux juges de faire face aux imprévus que générera inévitablement la répression des violations graves du droit humanitaire qui relèvent de la compétence de la Cour.

En confiant aux juges du Tribunal la délicate mission d’adopter un règlement de procédure et de preuve, le Conseil de sécurité leur a à la fois accordé un privilège et les a confrontés à un travail difficile et ambitieux qui devait être accompli dans les plus brefs délais. Les juges étaient en quelque sorte privilégiés, parce qu’ils étaient investis d’un pouvoir législatif extraordinaire qui s’est révélé être un outil indispensable à la réalisation de leur mission. En effet, ils ont pu adapter les règles définies aux exigences sans cesse renouvelées de la poursuite et du jugement des personnes accusées. Cette fonction législative est exorbitante et critiquable. Les juges ont veillé tout particulièrement à respecter les exigences les plus élaborées de protection des droits de l’homme, telles qu’elles sont garanties dans les conventions internationales. Les juges étaient cependant confrontés à un travail difficile et ambitieux, parce que tout d’abord ils ne disposaient d’aucun précédent sur lequel ils pouvaient se baser pour choisir et rédiger les règles applicables au Tribunal. Il s’agissait en fait du premier code de procédure pénale internationale de l’histoire : les juridictions de Nuremberg et de Tokyo qui ont précédé le Tribunal étaient toutes deux dotées de règlements moins élaborés. Mais plus fondamentalement, les juges du Tribunal – comme les membres de la Commission préparatoire aujourd’hui – étaient confrontés à la difficulté d’imaginer de manière abstraite toutes les règles de procédure dont ils auraient un jour besoin pour mettre en oeuvre un droit aussi évolutif que le droit pénal international. Ils devaient enfin choisir leur règlement très rapidement, car sans celui-ci, le Tribunal, qui venait d’être créé pour contribuer à la restauration de la paix dans les Balkans, ne pouvait pas fonctionner et répondre aux attentes grandissantes de la communauté internationale.

En juillet 1994, les juges ont opté pour un code de procédure relativement succint, de nature essentiellement accusatoire. La maîtrise de la phase préparatoire du procès et de l’audience était confiée au Procureur et à la défense sous le contrôle du juge. A cette époque, on ne soupçonnait pas que ces règles puissent se révéler quelques années plus tard imparfaites pour gérér promptement et efficacement les affaires dont le Tribunal serait un jour saisi. En effet, en 1998, sur 25 personnes accusés, deux d’entre elles seulement ont été jugées, mais aucune de façon définitive. Le règlement a été progressivement réformé pour faire face à la lenteur et à la lourdeur des procédures, notamment en créant la fonction de juge de la mise en état et en adoptant de nouvelles dispositions qui régissent l’admission des preuves. Le Tribunal a mis en oeuvre les recommandations du Groupe d’experts mandaté par les Nations Unies pour évaluer le travail accompli par les juges. Au cours de cette semaine, M. Jorda présentera au Conseil de sécurité les résultats d’une réflexion d’ordre général sur les moyens de juger dans des délais raisonnables tous les accusés qui sont – et seront – en détention. Les juges ont envisagé plusieurs solutions et analysé leurs avantages et inconvénients respectifs. Ils ont même considéré la délocalisation de certaines affaires, c’est-à-dire le jugement de celles-ci par les juridictions des Etats Membres des Nations Unies, dont celle de l’ex-Yougoslavie. Même si cette mesure rend la gestion des affaires plus transparentes à l’égard des populations locales et aide dès lors à la réconciliation nationale, son choix ne favoriserait pas le développement d’une justice pénale internationale unifiée et paraît en tout état de cause prématuré. Les juges ont en fin de compte privilégié l’adoption d’une solution flexible qui permettrait d’accélérer les procès, sans toutefois bouleverser le système de procédure actuel, ni porter atteinte aux droits de l’accusé. Ce système exigerait toutefois la modification du Statut du Tribunal. Tout en reconnaissant que la future Cour pourra toujours s’adresser à l’Assemblée des Etats Parties lorsqu’elle sera confrontée à des difficultés majeures, M. Jorda a estimé toutefois que les juges sont mieux à même que quiconque pour réagir promptement et efficacement aux difficultés posées par la gestion de leurs activités quotidiennes.

Répondant aux questions posées par les délégations de l’Australie, de la France et de la Bosnie-Herzégovine, M. Jorda a précisé que les juges ont progressivement fixé un délai pour leurs délibérations, sans qu’il soit expressément prévu par le règlement de procédure et de preuve. Soulignant qu’un délai trop strict risque d’être dangereux - d’autant plus que ces délais n’ont pas de sanctions -, M. Jorda a estimé que les juges doivent s’assigner un délai raisonnable. Le Président du TPIY a regretté que le Statut du Tribunal n’ait pas prévu les mesures de protection des victimes et des témoins, comme l’a fait le Statut de la Cour pénale internationale. Dans le cadre du Tribunal, c’est le Procureur ou la défense qui fait intervenir la victime dans le procès. M. Jorda a estimé que le nombre de juges est insuffisant pour prendre en charge les affaires importantes dont est saisi le Tribunal. Le problème se pose en particulier lorsqu’un juge est empêché et doit être remplacé pour assurer la poursuite du procès.

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