CS/2003

LE CONSEIL EXIGE LE RETRAIT DE L'OUGANDA ET DU RWANDA DE LA REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO ET LA FIN DE TOUTE ACTIVITE MILITAIRE ETRANGERE DANS CE PAYS

16 juin 2000


Communiqué de Presse
CS/2003


LE CONSEIL EXIGE LE RETRAIT DE L'OUGANDA ET DU RWANDA DE LA REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO ET LA FIN DE TOUTE ACTIVITE MILITAIRE ETRANGERE DANS CE PAYS

20000616

Il demande une enquête sur les massacres et atrocités commis en RDC et une évaluation des torts causés à Kisangani en vue de réparations

A l'issue d'une réunion de deux jours avec le Comité politique des parties au conflit en République démocratique du Congo (RDC), chargé d'appliquer l'Accord de cessez-le-feu signé à Lusaka en août 1999, le Conseil de sécurité a exigé que les forces ougandaises et rwandaises, ainsi que les forces de l'opposition armée congolaise et d'autres groupes armés, se retirent immédiatement et complètement de Kisangani et a demandé à toutes les parties à l'Accord de cessez-le-feu de respecter la démilitarisation de la ville et de ses environs. Par la résolution 1304 (2000) qu'il a adoptée ce soir à l'unanimité, le Conseil, agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte, exige que l'Ouganda et le Rwanda qui ont porté atteinte à la souveraineté et à l'intégrité territoriale de la République démocratique du Congo, commencent à retirer toutes leurs forces de son territoire sans plus tarder, conformément au calendrier prévu dans l'Accord de cessez-le-feu de Lusaka et le Plan de dégagement de Kampala du 8 avril 2000. Le Conseil exige également qu'il soit mis fin à toute présence et à toute activité militaires étrangères, directes ou indirectes, sur le territoire de la RDC. Il demande à toutes les parties de faciliter la tâche de la Mission d'observation des Nations Unies en RDC (MONUC) pour ce qui a trait à la surveillance de la cessation des hostilités, du dégagement des forces et du retrait des forces étrangères.

Le Conseil demande à toutes les parties congolaises de prendre pleinement part au dialogue national et demande en particulier au Gouvernement de la RDC de réaffirmer sa volonté de voir aboutir le dialogue national et de coopérer avec le facilitateur nommé par l'Organisation de l'unité africaine ainsi que de permettre que l'opposition et les diverses composantes de la société civile puissent pleinement participer à la concertation. Le Conseil exige que toutes les parties mettent fin à toutes formes d'assistance aux groupes armés, notamment les ex- Forces armées rwandaises et les milices Interahamwe, et leur demande instamment, en particulier au Gouvernement de la RDC et au Gouvernement du Rwanda, de poursuivre les efforts afin d'engager un dialogue sur la question du désarmement, de la démobilisation, de la réinstallation et de la réinsertion des membres de tous les groupes armés.

Le Conseil exige que toutes les parties se conforment aux dispositions concernant la normalisation des conditions de sécurité le long des frontières entre la RDC et ses voisins. Il condamne tous les massacres et atrocités commis sur le territoire de la RDC et demande instamment qu'une enquête internationale sur ces méfaits soit ouverte en vue de traduire les responsables en justice. Le Conseil est d'avis que les Gouvernements ougandais et rwandais devraient réparer les pertes en vies humaines et les dommages matériels qu'ils ont infligés à population civile de Kisangani et prie le Secrétaire général de lui présenter une évaluation des torts causés, sur la base de laquelle puissent être déterminées les réparations à prévoir.

Le Conseil se déclare prêt à examiner les mesures qui pourraient être imposées au cas où certaines parties manqueraient de se conformer pleinement aux dispositions de la présente résolution.

Le Ministre des affaires étrangères de l'Ouganda et Président du Comité politique a pris la parole, ainsi que le représentant de la Tunisie.

LA SITUATION CONCERNANT LA REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO

Texte du projet de résolution (S/2000/587)

Le Conseil de sécurité,

Rappelant ses résolutions 1234 (1999) du 9 avril 1999, 1258 (1999) du 6 août 1999, 1265 (1999) du 17 septembre 1999, 1273 (1999) du 5 novembre 1999, 1279 (1999) du 30 novembre 1999, 1291 (2000) du 24 février 2000 et 1296 (2000) du 19 avril 2000, ainsi que les déclarations de son Président en date des 13 juillet 1998 (S/PRST/1998/20), 31 août 1998 (S/PRST/1998/26), 11 décembre 1998 (S/PRST/1998/36), 24 juin 1999 (S/PRST/1999/17), 26 janvier 2000 (S/PRST/2000/2), 5 mai 2000 (S/PRST/2000/15) et 2 juin 2000 (S/PRST/2000/20),

Réaffirmant les buts et principes énoncés dans la Charte des Nations Unies et la responsabilité principale qui lui incombe en matière de maintien de la paix et de la sécurité internationales,

Réaffirmant également que tous les États ont l’obligation de s’abstenir de recourir à l’emploi de la force soit contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique d’un État, soit de toute autre manière incompatible avec les buts des Nations Unies,

Réaffirmant la souveraineté, l’intégrité territoriale et l’indépendance politique de la République démocratique du Congo et de tous les États de la région,

Réaffirmant également la souveraineté de la République démocratique du Congo sur ses ressources naturelles et prenant note avec préoccupation des informations faisant état de l’exploitation illégale des ressources du pays et des conséquences que peuvent avoir ces activités sur la sécurité et la poursuite des hostilités,

Exhortant, à cet égard, toutes les parties au conflit dans la République démocratique du Congo et les autres intéressés à coopérer pleinement avec le groupe d’experts sur l’exploitation illégale des ressources naturelles et autres richesses de la République démocratique du Congo (S/PRST/2000/20) dans le cadre de son enquête et de ses visites dans la région,

Se déclarant profondément préoccupé par la poursuite des hostilités dans le pays,

Se déclarant indigné par la reprise des combats entre les forces ougandaises et les forces rwandaises à Kisangani (République démocratique du Congo) le 5 juin 2000, ainsi que par le manquement de l’Ouganda et du Rwanda à l’engagement de mettre fin aux hostilités et de se retirer de Kisangani qu’ils ont pris dans leurs déclarations conjointes du 8 mai 2000 et du 15 mai 2000 (S/2000/445), et déplorant les pertes en vies civiles, les risques pour la population civile et les dommages matériels infligés à la population congolaise par les forces de l’Ouganda et du Rwanda,

Réaffirmant son appui résolu à l’Accord de cessez-le-feu de Lusaka (S/1999/815) et insistant pour que toutes les parties honorent les engagements pris dans cet accord,

Déplorant les retards enregistrés dans l’application dudit Accord et du Plan de désengagement de Kampala en date du 8 avril 2000, et soulignant qu’il importe de donner une nouvelle impulsion au processus de paix afin de le faire progresser,

Se déclarant profondément préoccupé par le manque de coopération du Gouvernement de la République démocratique du Congo avec le facilitateur du dialogue national nommé par l’Organisation de l’unité africaine, et notamment par le fait que des délégués ont été empêchés de se rendre à la réunion préparatoire de Cotonou tenue le 6 juin 2000,

Remerciant le Secrétaire général de son rapport du 13 juin 2000 (S/2000/566),

Rappelant qu’il incombe à toutes les parties au conflit dans la République démocratique du Congo d’assurer la sécurité du personnel des Nations Unies et du personnel associé dans tout le pays,

Se félicitant que les membres du Comité politique de l’Accord de cessez-le- feu aient participé à ses séances des 15 et 16 juin 2000,

Se déclarant gravement préoccupé par la situation humanitaire dans la République démocratique du Congo, qui résulte pour l’essentiel du conflit, et soulignant qu’il importe d’apporter une assistance humanitaire substantielle à la population congolaise,

Se déclarant également alarmé par les conséquences funestes de la prolongation du conflit pour la sécurité de la population civile sur tout le territoire de la République démocratique du Congo, et profondément préoccupé par toutes les violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire et les atteintes qui y sont portées, en particulier dans l’est du pays, notamment dans le Nord et le Sud-Kivu et à Kisangani,

Constatant que la situation dans la République démocratique du Congo continue de faire peser une menace sur la paix et la sécurité internationales dans la région,

Agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies,

1. Demande à toutes les parties de mettre fin aux hostilités sur tout le territoire de la République démocratique du Congo et de s’acquitter des obligations qui leur incombent en vertu de l’Accord de cessez-le-feu et des dispositions pertinentes du Plan de désengagement de Kampala en date du 8 avril 2000;

2. Condamne à nouveau sans réserve les combats qui se poursuivent entre les forces ougandaises et rwandaises à Kisangani, en violation de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de la République démocratique du Congo, et exige que ces forces et celles qui leur sont alliées mettent fin aux affrontements;

3. Exige que les forces ougandaises et rwandaises, ainsi que les forces de l’opposition armée congolaise et d’autres groupes armés, se retirent immédiatement et complètement de Kisangani, et demande à toutes les parties à l’Accord de cessez-le-feu de respecter la démilitarisation de la ville et de ses environs;

a) Exige également :

1. Que l’Ouganda et le Rwanda, qui ont violé la souveraineté et l’intégrité territoriale de la République démocratique du Congo, retirent toutes leurs forces du territoire de la République démocratique du Congo sans plus tarder, conformément au calendrier prévu dans l’Accord de cessez-le-feu de Lusaka et le Plan de désengagement de Kampala en date du 8 avril 2000;

b) Que chaque étape du retrait accomplie par les forces ougandaises et rwandaises fasse l’objet d’une action réciproque de la part des autres signataires, conformément au même calendrier;

c) Qu’il soit mis fin à toute autre présence et activité militaires étrangères, directes ou indirectes, sur le territoire de la République démocratique du Congo, conformément aux dispositions de l’Accord de cessez-le-feu de Lusaka;

5. Exige, dans ce contexte, que toutes les parties s’abstiennent de toute action offensive pendant le processus de désengagement et de retrait des forces étrangères;

6. Prie le Secrétaire général de garder à l’étude les arrangements relatifs au déploiement du personnel de la Mission de l’Organisation des Nations Unies en République démocratique du Congo, comme autorisé et dans les conditions définies par la résolution 1291 (2000), aux fins de la surveillance de la cessation des hostilités, du désengagement des forces et du retrait des forces étrangères, tels qu’ils sont décrits aux paragraphes 1 à 5 ci-dessus et d’aider à la planification de ces tâches, et le prie également de recommander tout ajustement qui pourrait devenir nécessaire à cet égard;

7. Demande à toutes les parties, tout en se conformant aux dispositions des paragraphes 1 à 5 ci-dessus, de coopérer aux efforts de la MONUC pour ce qui a trait à la surveillance de la cessation des hostilités, du désengagement des forces et du retrait des forces étrangères;

8. Exige que les parties à l’Accord de cessez-le-feu coopèrent au déploiement de la MONUC dans les zones d’opérations jugées nécessaires par le Représentant spécial du Secrétaire général, notamment en levant les restrictions à la liberté de circulation du personnel de la MONUC et en assurant sa sécurité;

9. Demande à toutes les parties congolaises de prendre pleinement part au dialogue national prévu dans l’Accord de cessez-le-feu, et demande en particulier au Gouvernement de la République démocratique du Congo de réaffirmer sa volonté de voir aboutir le dialogue national, d’honorer ses obligations à cet égard et de coopérer avec le facilitateur nommé par l’Organisation de l’unité africaine ainsi que de permettre que l’opposition et les diverses composantes de la société civile puissent pleinement participer à la concertation;

10. Exige que toutes les parties mettent fin à toutes formes d’assistance aux groupes armés visés au paragraphe 9.1 de l’annexe A de l’Accord de cessez-le- feu, ou de coopération avec eux;

11. Accueille avec satisfaction les efforts accomplis par les parties afin d’engager un dialogue sur la question du désarmement, de la démobilisation, de la réinstallation et de la réinsertion des membres de tous les groupes armés visés au paragraphe 9.1 de l’annexe A de l’Accord de cessez-le-feu, et demande instamment aux parties, en particulier au Gouvernement de la République démocratique du Congo et au Gouvernement du Rwanda, de poursuivre ces efforts en étroite coopération;

12. Exige que toutes les parties se conforment en particulier aux dispositions du paragraphe 12 de l’annexe A de l’Accord de cessez-le-feu, qui concerne la normalisation des conditions de sécurité le long des frontières entre la République démocratique du Congo et ses voisins;

13. Condamne tous les massacres et autres atrocités commis sur le territoire de la République démocratique du Congo et demande instamment qu’une enquête internationale sur ces événements soit ouverte en vue de traduire les responsables en justice;

14. Est d’avis que les Gouvernements ougandais et rwandais devraient fournir des réparations pour les pertes en vies humaines et les dommages matériels qu’ils ont infligés à la population civile de Kisangani, et prie le Secrétaire général de lui présenter une évaluation des torts causés, sur la base de laquelle puissent être déterminées ces réparations à prévoir;

15. Demande à toutes les parties au conflit dans la République démocratique du Congo de protéger les droits de l’homme et de respecter le droit international humanitaire;

16. Demande également à toutes les parties de faire en sorte que le personnel des organismes de secours ait accès, sans entrave ni risque pour sa sécurité, à ceux qui ont besoin d’assistance, et rappelle que les parties doivent également offrir des garanties en ce qui concerne la protection, la sécurité et la liberté de circulation du personnel des Nations Unies et des organismes de secours humanitaires apparentés;

17. Demande à toutes les parties de coopérer avec le Comité international de la Croix-Rouge afin de lui permettre de s’acquitter de ses mandats ainsi que des tâches qui lui sont confiées dans l’Accord de cessez-le-feu;

18. Réaffirme qu’il importe d’organiser, au moment opportun, sous les auspices de l’Organisation des Nations Unies et de l’Organisation de l’Unité africaine, une conférence internationale sur la paix, la sécurité, la démocratie et le développement dans la région des Grands Lacs, à laquelle participeraient tous les gouvernements de la région et toutes les autres parties concernées;

19. Se déclare prêt à examiner les mesures qui pourraient être imposées, conformément aux attributions que lui confère la Charte des Nations Unies, au cas où certaines parties manqueraient de se conformer pleinement aux dispositions de la présente résolution;

20. Décide de demeurer activement saisi de la question.

Déclarations

M. AMAMA MBABAZI, Ministre d'Etat des affaires étrangères de l'Ouganda et Président du Comité politique chargé de l'application de l'Accord de cessez-le-feu de Lusaka, a indiqué qu'il était venu à New York avec l'espoir que les deux jours que le Conseil a consacrés à l'examen de la situation en République démocratique du Congo (RDC) donneront l'élan nécessaire à l'accélération du processus de Lusaka. Il a réaffirmé l'engagement total du Comité politique à cet Accord en déclarant: " Nous partirons confiants dans le fait que cet échange de vues entraînera une application rapide de l'Accord de Lusaka". Le Ministre d'Etat a ensuite donné lecture d'une déclaration que le Comité politique a publiée à la suite des réunions du Conseil de sécurité. La déclaration contient une évaluation de la situation actuelle et les engagements du Comité politique pour accélérer le processus de paix en RDC.

A la suite de cette intervention, le Président du Conseil de sécurité, M. JEAN-DAVID LEVITTE (France) a demandé que la Mission permanente de l'Ouganda auprès des Nations Unies fasse circuler cette déclaration comme document officiel du Conseil de sécurité.

M. SAID BEN MUSTAPHA (Tunisie) s'est lui félicité des réunions que le Conseil vient de tenir en formulant l'espoir que le partenariat se développera plus avant en vue de la réalisation de la paix et de la sécurité en RDC. Il a ajouté que le déploiement de la MONUC revêt une importance capitale pour la réalisation de la paix telle que prévue par l'Accord de Lusaka. Il a annoncé, à cet égard, que l'unité tunisienne sera prête à intégrer la MONUC à une date qui coïncidera avec le 40ème anniversaire de l'indépendance de la RDC, à savoir le 30 juin prochain.

Avant de conclure la séance, le Président du Conseil de sécurité a souligné que c'est la première fois dans l'histoire des Nations Unies que l'on voit la présence à la table du Conseil, au moment de l'adoption d'une résolution, de Ministres des pays concernés. Ce symbole, a dit le Président du Conseil, scelle un partenariat. Le Conseil « est à vos côtés pour la mise en œuvre de l’Accord de Lusaka. Mais il faut d’abord votre volonté et sur le chemin du retour vers vos pays respectifs, pensez à trois mots, la paix, la paix, la paix », a ajouté le Président du Conseil.

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