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SG/SM/7430

L'AVENIR DE LA PLANETE DEPEND DES FEMMES, DECLARE LE SECRETAIRE GENERAL A L'OUVERTURE DE LA SESSION EXTRAORDINAIRE DE L'ASSEMBLEE GENERALE SUR LES FEMMES

5 juin 2000


Communiqué de Presse
SG/SM/7430
WOM/1203


L’AVENIR DE LA PLANETE DEPEND DES FEMMES, DECLARE LE SECRETAIRE GENERAL A L’OUVERTURE DE LA SESSION EXTRAORDINAIRE DE L’ASSEMBLEE GENERALE SUR LES FEMMES

20000605

On trouvera ci-après l’allocution prononcée aujourd’hui par le Secrétaire général, M. Kofi Annan, à l’occasion de l’ouverture de la vingt-troisième session extraordinaire de l’Assemblée générale intitulée “Les femmes en l’an 2000 : égalité entre les sexes, développement et paix pour le XXIe siècle” :

Il y a cinq ans, des délégations nationales et des représentants d’organisations non gouvernementales se sont rendus à Beijing pour redresser des torts et défendre des droits. Pour montrer au monde que lorsque des femmes sont victimes d’injustice, nous en souffrons tous; que lorsque les femmes sont démarginalisées, nous y gagnons tous. La conférence fut un succès : le résultat en a été le Programme d’action de Beijing.

Cinq années plus tard, vous êtes venus à New York pour faire le bilan des progrès accomplis et essayer de faire encore avancer les choses.

Sans aucun doute, il y a eu progrès. La violence contre les femmes est désormais illégale presque partout dans le monde.

– On a assisté à une mobilisation à l’échelle mondiale contre les pratiques traditionnelles néfastes, par exemple ce que l’on appelle « crimes d’honneur » et qu’il me paraît plus juste d’appeler « crimes honteux ».

– Dans de nombreux pays, de nouvelles stratégies sanitaires ont sauvé la vie à des milliers de femmes. Les couples qui ont recours à la planification de la famille sont plus nombreux que jamais.

– Les femmes sont plus nombreuses que jamais à diriger et à décider – dans les cabinets ministériels, les conseils d’administration et ici même, à l’ONU.

– Et surtout, de plus en plus de pays comprennent que le développement passe nécessairement par l’égalité des femmes.

Toutefois, il reste encore beaucoup à faire. Ainsi :

Sur le plan économique, l’inégalité entre les sexes continue de s’aggraver. Les femmes sont moins bien rémunérées, sont plus souvent chômeuses, et sont généralement plus pauvres que les hommes. Le travail des femmes est encore en grande partie un travail à temps partiel, non structuré, non réglementé et précaire. On s’accorde encore trop rarement à reconnaître que les femmes doivent concilier production et reproduction.

– La plupart des pays n’ont pas encore adopté de législation en faveur du droit de la femme à posséder la terre et d’autres biens.

– Et bien que la plupart des pays aient adopté des lois contre la violence à l’égard des femmes, celle-ci progresse encore – tant au foyer que sous forme d’un nouveau type de conflit armé dont les cibles sont les populations civiles et les premières victimes les femmes et les enfants.

– Deux tiers des 110 millions d’enfants non scolarisés sont des filles, et il y a plus de filles que de garçons qui abandonnent leurs études à un stade précoce.

Outre ces vieux problèmes qui perdurent, on en voit apparaître de nouveaux. Pour prendre deux exemples :

Tout d’abord, la propagation du sida a des effets dévastateurs chez les femmes et les filles. Dans les villes les plus frappées de l’Afrique australe, 40 % des femmes enceintes sont séropositives et plus d’un enfant sur 10 a vu sa mère mourir du sida. Ce sont les grands-mères qui s’occupent des orphelins et les fillettes ne fréquentent pas l’école parce qu’elles doivent soigner des parents malades. Le tissu social auquel les femmes ont consacré tant de travail se défait.

En deuxième lieu, la traite des femmes et des enfants, scandale qui remonte à l'époque biblique, est devenue un fléau de portée mondiale.

Ces fléaux exigent une action immédiate. J’ai demandé aux États Membres, lorsqu’ils se réuniront en septembre pour le Sommet du Millénaire, de se fixer des objectifs précis visant à enrayer la propagation du VIH/sida. Et Mary Robinson a demandé que soit lancée une campagne internationale concertée contre la traite des femmes, fondée sur les droits de la personne et sur la mise en place d'un régime juridique solide.

Tous ces défis, anciens et nouveaux, font partie du monde complexe et interdépendant dans lequel nous vivons aujourd’hui. Nous ne pourrons les relever que si nous permettons aux femmes d'exploiter ce que ce monde a de meilleur, plutôt que de les condamner à pâtir de ce qu’il a de pire.

Cela veut dire, avant tout, que les femmes doivent être instruites et pouvoir jouer leur rôle dans l’économie mondiale.

C’est parce qu'elles ne sont pas instruites que les filles ne savent pas comment se prémunir contre le VIH. Et c’est souvent parce qu'elles n'ont pas de possibilités d’emploi que les femmes risquent l’infection par des relations sexuelles précoces. De même, c’est parce qu'elles n'ont aucune perspective économique que beaucoup de femmes veulent émigrer et risquent d'être victimes de la traite; leur manque d’instruction les rend vulnérables, quelles que soient les lois que nous adoptions.

Autrement dit, l’éducation est à la fois la porte d’entrée dans l’économie mondiale et la meilleure défense contre ses pièges.

La mondialisation implique des changements techniques qui favorisent les travailleurs les plus qualifiés aux dépens de ceux qui le sont moins.

Cette évolution creuse encore davantage l’écart entre les salaires des hommes et ceux des femmes. Seule l’éducation permettra aux femmes de combler cet écart.

D’ores et déjà, partout dans le monde, de très nombreuses femmes participent aux activités de production, dans des secteurs allant des textiles au traitement des données. Mais la plupart d’entre elles travaillent dans des conditions scandaleuses, pour des salaires de misère. Cette situation ne changera que lorsque les femmes prendront des décisions économiques – en tant que gestionnaires, entrepreneuses et employeuses, dirigeantes syndicales et avocates du droit du travail – et lorsqu’elles prendront les décisions sociales et politiques, en tant que chefs de collectivités, négociatrices, juges ou ministres.

D’ores et déjà, les femmes représentent l’essentiel de la main-d’oeuvre agricole, en Afrique et dans de nombreuses autres régions du monde. Et pourtant, la plupart d’entre elles se voient encore refuser le droit au crédit, à la propriété foncière et à l’héritage. Leur travail n’est ni reconnu ni rémunéré à sa juste valeur. Leurs besoins ne sont pas considérés comme prioritaires. Même au sein des ménages, elles n'ont pas toujours leur mot à dire.

Ici encore, l’éducation peut faire toute la différence, en permettant aux femmes de se faire les championnes des droits de leurs soeurs: droit à la terre, au crédit, aux moyens de commercialisation et à la technologie, et voix au chapitre, sur un pied d’égalité, dans les réformes foncières.

Une fois qu’elles seront instruites et intégrées dans la population active, les femmes seront mieux en mesure de choisir l’âge auquel elles se marient et le nombre d'enfants qu'elles veulent avoir. Elles pourront, ainsi que leurs enfants, être mieux nourries, mieux soignées et mieux instruites. Leur exemple en inspirera d’autres, car les parents comprendront qu’il vaut la peine d’investir dans leurs filles – au moins autant que dans leurs fils.

En fait, de nombreuses études ont confirmé qu’il n’y a pas de stratégie de développement plus bénéfique pour la société dans son ensemble – hommes et femmes – que celle qui accorde aux femmes un rôle fondamental.

J’espère que dans le courant de ce siècle, nous prouverons en outre que la meilleure stratégie pour prévenir les conflits est d’élargir le rôle des femmes en tant qu’architectes de la paix. À l’ONU même, nous devons trouver des moyens de confier à davantage de femmes des fonctions liées aux opérations de maintien et de rétablissement de la paix. Et c’est pourquoi, dans mon Rapport du Millénaire, puis au Forum mondial sur l’éducation, j’ai demandé aux gouvernements qu’ils fassent de l’éducation des filles leur priorité. En fait, j’estime que l’application du Programme d’action de Beijing sera cruciale pour la réalisation de tous les objectifs que j’ai invité les dirigeants mondiaux à adopter pour le compte de tous les peuples du monde.

Il y a cinq ans, les femmes sont allées à Beijing en disant simplement : « Nous ne sommes pas des invitées sur cette planète. Nous sommes chez nous». Aujourd'hui, je crois que nous le savons tous: cette observation était très en deçà de la vérité. J’espère que la présente session fera comprendre au monde entier non seulement que les femmes sont chez elles sur notre planète, mais aussi que l'avenir de cette planète dépend d'elles.

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