LE SECRETAIRE GENERAL, DANS UNE ALLOCUTION PRONONCEE LORS D'UNE CEREMONIE DE REMISE DE DIPLOMES, PLAIDE EN FAVEUR DU MULTILATERALISME
Communiqué de Presse
SG/SM/7396
LE SECRETAIRE GENERAL, DANS UNE ALLOCUTION PRONONCEE LORS DUNE CEREMONIE DE REMISE DE DIPLOMES, PLAIDE EN FAVEUR DU MULTILATERALISME
20000525On trouvera ci-après le texte de lallocution prononcée le 13 mai à la cérémonie de remise de diplômes à lUniversité Wingate (Caroline du Nord) par le Secrétaire générale, M. Kofi Annan :
Quel plaisir de me trouver à cette époque de lannée dans cette belle région quest la Caroline du Nord et de participer à lune des premières cérémonies de remise de diplômes du nouveau millénaire! En vous voyant, vous, la génération du millénaire, débordants de vitalité et prêts à marquer de votre influence notre future société, un Secrétaire général de lONU ne peut que croire en lavenir. Félicitations, à vous qui êtes maintenant diplômés. Le monde vous attend! Et félicitations également à tous les parents, les amis et les proches, sans lesquels vous ne seriez pas parmi nous aujourdhui.
Je tiens à vous remercier de mavoir accueilli parmi vous. Grâce à votre hospitalité légendaire, caractéristique du sud des États-Unis, je me suis tout de suite plu en votre compagnie. Le campus de Wingate me rappelle mes propres études au Macalester College, près de St. Paul (Minnesota).
Je pense également à déminents personnages originaires du sud des États- Unis, notamment au sénateur Cordell Hull du Tennessee et au sénateur J. William Fullbright de lArkansas et au rôle important quils ont joué au sein de lOrganisation des États-Unis et plus généralement de la communauté internationale.
Je ressens une certaine affinité avec votre État. En effet, la Caroline du Nord a été lune des premières colonies dAmérique à demander à ses délégués de voter pour lindépendance vis-à-vis de lAngleterre lors du Congrès continental. Or, mon pays dorigine, le Ghana, a été la première colonie dAfrique subsaharienne à obtenir lindépendance de lAngleterre.
Le Ghana et la Caroline sont même dans un certain sens des voisins. Si vous partez de Cape Hatteras en bateau, dans la direction est/sud-est, vous arriverez au Ghana, après avoir parcouru quelque 7 000 kilomètres. Ce nest certes pas « la porte à côté », mais à lheure actuelle, les êtres humains, les biens et les idées parcourent de telles distances de plus en plus fréquemment, rapidement et facilement. Les fermes et les usines de Caroline du Nord expédient leurs produits dans des pays du monde entier, et notamment au Ghana. Vos universités, vos centres de recherches médicales et vos splendides paysages attirent des étudiants, des visiteurs et de la main-doeuvre du monde entier, et notamment du Ghana.
Ce sont autant daspects de ce quon appelle aujourdhui « la mondialisation ». La mondialisation nest pas une simple toile de fond; elle fait partie intégrante de notre vie. De plus en plus, nous participons tous à une seule et même économie mondiale. Quil sagisse dun cinéma ou dun ordinateur, les mêmes symboles apparaissent à lécran, aussi bien dans la ville voisine de Charlotte que dans la ville sud-africaine du Cap.
Nos emplois ne dépendent plus seulement des entreprises et des usines locales, mais également des marchés lointains et des biens qui y sont produits. Notre sécurité ne dépend plus seulement des services de police de notre localité, mais aussi des mesures de lutte contre la propagation mondiale de la pollution, des maladies, des drogues et des armes meurtrières.
Jai récemment lu une bonne description de notre époque. Le XXIe siècle, y était-il dit, se caractérisera par « la disparition des frontières et par des rapports complexes au sein des entreprises et des pouvoirs publics et sur le plan des relations humaines ». Cette citation nest pas tirée dun manuel de sciences politiques, ni dun article de la presse économique, ni même encore dun rapport de lONU. Elle est extraite dune brochure de lUniversité Wingate, dans laquelle sont présentés vos programmes détudes et de voyages à létranger. Jai été ravi dapprendre que beaucoup dentre vous ont saisi loccasion de découvrir le monde et de faire la connaissance de ses habitants. Vous vous êtes ainsi bien préparés à vivre dans notre village planétaire actuel.
Vous savez probablement que je suis venu ici grâce aux efforts dun des plus célèbres diplômés de Wingate, le sénateur Jesse Helms. Au fil des ans, M. Helms a été lun des plus ardents détracteurs de lorganisation à laquelle je suis fier davoir consacré la majeure partie de ma vie dadulte : lOrganisation des Nations Unies. Mais il a récemment souhaité que les relations entre les États-Unis et lONU prennent un « nouveau départ », ce que je souhaite vivement et ce qui, je lespère, se produit déjà.
Le monde a besoin de la coopération efficace des États-Unis et de lONU. Mais les relations entre les États-Unis et lONU se sont gravement détériorées, du fait des mythes, des idées fausses et des malentendus, ainsi que de linsuffisance de certains résultats et du manque de volonté politique. Mon propos nest pas aujourdhui danalyser le passé ou de désigner des coupables; cest avant tout lavenir qui mintéresse. Ce nest quen comprenant la véritable nature du monde qui nous entoure et le rôle que lONU devra y jouer que nous bâtirons de solides relations entre les États-Unis et lONU.
Notre coopération ne sera bénéfique que si nous savons précisément ce quest lONU et ce quelle nest pas, ce quelle peut et ce quelle ne peut pas faire et en quoi elle peut promouvoir les valeurs et les intérêts américains. Je suis donc ravi de pouvoir aujourdhui plaider moi-même en faveur de la coopération internationale dans le cadre de lONU, en madressant directement à vous, jeunes diplômés appelés à devenir les dirigeants et les citoyens du monde de demain.
Jimagine que, de lONU, vous connaissez surtout les opérations de maintien de la paix, en particulier celles, minoritaires, dont les objectifs nont pas été atteints, plutôt que les nombreux cas où les forces des Nations Unies ont effectivement aidé des pays ravagés par la guerre à rétablir la paix. Vous connaissez probablement notre action en matière de protection des réfugiés, de vaccination des enfants, daide alimentaire et dhébergement des victimes des catastrophes naturelles ou dues à lhomme. Tant que subsisteront les conflits, la misère et la répression, cette action se poursuivra, indépendamment de la mondialisation.
Mais la mondialisation engendre une multitude de nouveaux impératifs. Les villes et les villages ont leurs équipes de dirigeants, leurs sapeurs-pompiers et leurs services municipaux. Les nations ont leurs organes législatifs et judiciaires. Mais entre le niveau local et le niveau mondial, le gouffre ne fait que croître. Pour y remédier, pour surmonter les menaces et les problèmes mondiaux, notre monde interdépendant a également besoin dinstitutions, de mécanismes et de réglementations. Les défis qui se présentent peuvent de moins en moins être résolus par une seule nation agissant isolément, aussi puissante soit-elle.
Ce principe est le fondement même de la coopération qui caractérise lONU. LOrganisation na pas de force armée indépendante et dispose de fonds très limités. Linfluence que nous pouvons avoir vient de la force des idées que nous défendons, dont notamment la tolérance et légalité, qui sont également les valeurs fondatrices des États-Unis. Notre seule ambition est daider les États Membres souverains au nombre de 188 à défendre leurs intérêts et à améliorer les conditions de vie de leur population.
Ces intérêts prennent des formes très diverses. Les États ont établi des règles garantissant le libre-échange à léchelle mondiale et protégeant les contrats, les droits dauteur et les droits de propriété. Ils ont instauré des normes dans les domaines de laviation, des transports, des télécommunications, de la météorologie et même des services postaux, normes qui permettent deffectuer des transactions à léchelle mondiale.
Les États ont oeuvré en faveur de la démocratie en veillant, au moyen de missions, à ce que la volonté des peuples sexprime lors des élections. Ils ont pris, dun commun accord, des mesures visant à protéger la couche dozone terrestre. Ensemble, ils ont entrepris de traduire en justice les criminels de guerre du Rwanda et de lex-Yougoslavie.
Malgré tout ce quils ont déjà accompli, de nombreux efforts restent à faire. La nouvelle ère de la mondialisation lexige. Cest pour cela que les États Membres luttent contre le réchauffement planétaire dans le cadre du Protocole de Kyoto, que les États-Unis ratifieront bientôt, je lespère.
Cest également pour cette raison que les États ont décidé dinstaurer un Tribunal pénal international, de façon à ce quaucun criminel de guerre, où quil se trouve, ne puisse bénéficier de limpunité. Jespère que les États-Unis en ratifieront également le statut.
Dans ces différents domaines, lONU a été lun des instruments de prédilection des États Membres; elle a permis aux États souverains de se réunir et dunir leurs efforts, de coordonner leurs politiques nationales, de maîtriser leurs différends et de dépasser leurs divergences. Ils ont compris quil était dans leur intérêt national de défendre lintérêt collectif.
Mais lONU nest pas seulement un outil; on attend delle quelle propose de nouvelle idées et de nouvelles analyses. Cest pourquoi jai récemment soumis aux États Membres un rapport qui vise à définir les défis que nous aurons à relever au cours des prochaines décennies et la manière de les relever, grâce au pouvoir de léducation, des technologies de linformation et de la coopération.
LONU tiendra un Sommet du millénaire à New York en septembre, auquel des dizaines de chefs dÉtat et de gouvernement devraient participer. Mon voeu le plus cher et le vôtre également, je suppose est quils saisissent cette occasion pour sengager résolument sur la voie du progrès.
Il est vrai que ce genre de coopération, et dopinion, se heurte parfois à une opposition virulente. Mais il est faux que la majeure partie des Américains sy opposent. Au contraire, les sondages dopinion révèlent le soutien indéfectible du pays à lOrganisation. Lancien Secrétaire dÉtat, M. Henry Kissinger, a lui-même déclaré quil ne faisait aucun doute que les multiples activités de lONU étaient indispensables. La résistance est plutôt le fait dune portion réduite, mais influente de la population. Son expression la plus visible et la plus fâcheuse est le refus dhonorer lobligation qui incombe en droit aux États-Unis de verser leur contribution à lOrganisation.
Ceux qui jugulent ainsi lONU ont tendance à craindre ce que George Washington a appelé les « alliances astreignantes ». Mais ils ne devraient pas pour autant refuser à leur pays les avantages quoffrent le partenariat et le règlement pragmatique des problèmes.
Ils ont tendance à donner une définition étroite de lintérêt national et, partant, gâchent des occasions inespérées de faire cause commune, de partager les tâches, les risques et les coûts. Ils imaginent souvent un gouvernement mondial qui empièterait sur la souveraineté des États et imposerait une vision utopique et une autorité arbitraire. Rien nest moins souhaitable et lONU na absolument rien à voir avec cela. Au contraire, elle peut contribuer à renforcer la souveraineté nationale en aidant à bâtir des sociétés plus sûres et plus stables.
La loi Helms/Biden et la visite du sénateur Helms à lONU en janvier représentent un progrès important dans la bonne direction et révèlent une évolution dans lair du temps.
Mais pour ce qui est des solutions à plus long terme, la communauté mondiale compte sur vous, la promotion de lan 2000; vous la génération dInternet; vous et vos partenaires de par le monde, pour qui la coopération internationale est déjà, et continuera dêtre, une seconde nature un acte de foi, dans certains cas, mais la plupart du temps, une simple question de bon sens.
Mon intention nest pas de soutenir que la coopération est la panacée à tous les problèmes. Il se trouvera toujours des occasions où la coopération échouera. Il se dressera toujours des obstacles imprévus sur le chemin de la paix.
Je suppose que vous suivez lactualité concernant la Sierra Leone où les forces de maintien de la paix des Nations Unies ont été la cible dattaques et où laccord de paix est soudain compromis.
La situation en Sierra Leone est extrêmement changeante, précaire et tendue. Je peux dire aujourdhui que lONU semploie activement à déterminer les causes de léchec des opérations de maintien de la paix et à tirer les enseignements du Rwanda et de Srebrenica. À cette fin, jai nommé un groupe de travail auquel participent des Américains de renom. Il risque de nous faire passer un mauvais quart dheure. Jimagine quil en sera de même pour les États
Membres qui nous ont trop souvent confié des mandats irréalistes ou ne nous ont pas fourni les moyens adaptés pour nous acquitter de notre tâche. Les soldats de la paix doivent être correctement entraînés et équipés, et disponibles dans les délais les plus brefs. Les opérations de maintien de la paix doivent être planifiées et gérées par un personnel adéquat au Siège de lOrganisation.
En parallèle, nous nous employons du mieux que nous pouvons à sauver le processus de paix en Sierra Leone. Ce, dans lintérêt du pays mais également pour que les opérations de maintien de la paix puissent continuer ailleurs, surtout en Afrique où trop dinnocents souffrent encore.
Jespère sincèrement que vous ne serez pas dissuadés pour autant de participer à nos travaux. Cest dans les épreuves que le monde a le plus besoin de vous. Je sais aussi que lONU peut paraître inaccessible. Mais quelle que soit votre spécialité, il y a de grandes chances quil existe un lien direct entre vous et lOrganisation.
Bon nombre dentre vous viennent dobtenir un diplôme détudes commerciales. Le concert « NetAid » organisé conjointement lan passé par lONU et les milieux des affaires visait la lutte contre la pauvreté dans le monde grâce à Internet.
Certains dentre vous ont étudié la psychologie. Le personnel des Nations Unies chargé des secours humanitaires est généralement composé dhommes et de femmes qui conseillent les réfugiés et ceux qui souffrent de traumatismes dus aux conflits ou aux catastrophes naturelles.
Plusieurs dentre vous ont lintention de devenir enseignants. LONU vient de lancer une grande initiative en faveur de léducation des filles, que nous considérons comme lune des clefs de la prospérité.
Ceux dont la spécialité est la communication seront peut-être intéressés de savoir que lONU est en train de créer un corps de volontaires pour former les populations des pays pauvres à lutilisation des dernières techniques de linformation.
Les scientifiques contribueront peut-être aux activités de développement de lONU en participant aux travaux de recherche sur un vaccin contre le VIH et des traitements du sida financièrement accessibles aux populations des pays en développement.
Peu importe que vous rejoignez le secteur privé, que vous intégriez la fonction publique ou une organisation communautaire ou caritative. Peu importe que vous travailliez pour un cabinet davocats à Wall Street, une soupe populaire ou un programme dalphabétisation en Afrique.
Ce qui importe ce que le monde a besoin que vous fassiez cest que vous vous atteliez aux nobles projets doeuvrer ensemble à la création dun monde meilleur pour vos semblables. LONU, entièrement réformée et opérationnelle dotée des moyens de sacquitter des mandats qui lui sont confiés peut à partir des diverses initiatives tisser un réseau solide de coopération internationale à lintention de la communauté mondiale.
Le grand poète américain Carl Sandburg, qui choisit de passer les 20 dernières années de sa vie au milieu des habitants hospitaliers et des paysages splendides de la Caroline du Nord, a écrit que rien narrive qui nait dabord été un rêve.
Le monde semble peut-être plus petit de jour en jour mais il reste encore de la place pour les rêves vos rêves. Nous vivons une époque de transition et de mutation extraordinaires, une époque qui se prête vraiment au changement, est réceptive aux idées nouvelles en bref, une époque où il est possible de réaliser ses rêves.
Avec votre dynamisme, vos idées et votre regard neuf, je suis persuadé que vous réaliserez vos rêves qui viendront enrichir le monde. Je vous souhaite bonne chance et vous remercie.
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