KOFI ANNAN INVITE LES ETUDIANTS DE NOTRE-DAME A CONSACRER LEUR ANNEE DE BENEVOLAT A METTRE LEURS CONNAISSANCES EN INFORMATIQUE AU SERVICE DES PAYS PAUVRES
Communiqué de Presse
SG/SM/7406
KOFI ANNAN INVITE LES ETUDIANTS DE NOTRE-DAME A CONSACRER LEUR ANNEE DE BENEVOLAT A METTRE LEURS CONNAISSANCES EN INFORMATIQUE AU SERVICE DES PAYS PAUVRES
20000522Vous trouverez, ci-après, lallocation prononcée par le Secrétaire général à la cérémonie de remise des diplômes à luniversité de Notre-Dame, South Bend (Indiana), le 21 mai 2000:
« Je vous remercie pour cette introduction plus que flatteuse, ainsi que pour ce diplôme de Docteur en droit.
Cest pour moi un grand honneur de vivre avec vous tous une journée si importante. Cette université est justement célèbre, et nous pouvons tous être très fiers du diplôme qu'elle nous décerne aujourd'hui.
Elle a bâti sa réputation sur un lien solide avec lÉglise catholique, que même ceux dentre nous qui nen sont pas membres doivent admirer pour son message de fraternité universelle, de justice sociale et de respect de la vie.
Il y a un peu plus dun mois, jai eu le privilège, comme plusieurs de mes collègues du système des Nations Unies, dêtre reçu à Rome par S. S. le pape Jean- Paul II. Une fois de plus, jai été frappé par sa perception aiguë de lépoque dans laquelle nous vivons et par son désir profond de voir les bénéfices du progrès humain plus largement et plus équitablement partagés.
Il a évoqué linterdépendance croissante des pays. Il a indiqué, avec beaucoup de justesse, que cette évolution du monde appelait une nouvelle approche et de nouveaux types de coopération internationale.
Il a également souligné quà l'aube du XXIe siècle, nous devons bâtir un monde dans lequel les individus et les peuples acceptent pleinement et sans équivoque leur responsabilité vis-à-vis des autres êtres humains, de tous les habitants de la terre.
Ce message ma grandement encouragé car il correspond exactement à celui que jessaie moi-même de faire passer.
Dans à peine trois mois, des dirigeants politiques du monde entier se réuniront à New York pour le Sommet du millénaire. Dans la perspective de cette manifestation, jai rédigé un rapport qui traite des questions de paix et de sécurité, des problèmes relatifs à lenvironnement et de la réforme de lOrganisation des Nations Unies.
Le plus long chapitre de ce rapport, qui est, je pense, particulièrement proche du message du pape, sintitule « Vivre à labri du besoin ». Cest ce thème que jaimerais développer brièvement cet après-midi.
Lun des objectifs de lOrganisation des Nations Unies est de « favoriser le progrès social et dinstaurer de meilleures conditions de vie dans une liberté plus grande ». Les fondateurs de lOrganisation savaient que cet objectif était indissociable des autres objectifs énoncés linstauration de la paix, la défense des droits de lhomme et le respect du droit international.
En 50 ans, le monde a accompli des progrès économiques incontestables. Depuis les années 60, lespérance de vie dans les pays en développement est passée de 46 à 64 ans. Le taux de moralité infantile a été divisé par deux. La proportion denfants inscrits à lécole primaire a augmenté de plus de 80%. Laccès à leau potable et à lassainissement a doublé.
Certaines régions du monde senrichissent à une vitesse vertigineuse. Dautres, en revanche, prennent de plus en plus de retard.
À lheure actuelle, un milliard de personnes dans les pays développés se partagent 60 % du revenu mondial, tandis que les 3,5 milliards dhabitants des pays à faible revenu en gagnent moins de 20%.
Près de la moitié de la population mondiale doit vivre avec moins de 2 dollars par jour. Quelque 1,2 milliard de personnes, dont 500 millions en Asie du Sud et 300 millions en Afrique, ont moins d'un dollar par jour pour survivre.
Bien sûr, un dollar va plus loin dans un village indien que dans un centre commercial de lIndiana. Mais imaginez-vous tout de même ce que cela représente de navoir quun dollar en poche pour répondre chaque jour à tous vos besoins et à toutes vos envies. Un seul dollar pour se nourrir, shabiller, se former, se soigner, se loger.
Comment fonder une famille ou créer une entreprise, avec quel capital? Comment jouir dun minimum de liberté? Comment échapper à la douleur et au désespoir?
Lextrême pauvreté est une atteinte à la dignité humaine. En outre, elle contribue à aggraver bien d'autres problèmes.
Ainsi, les pays pauvres, en particulier ceux où les inégalités entre groupes ethniques ou religieux sont particulièrement flagrantes, sont beaucoup plus susceptibles que les pays riches de connaître des conflits.
Cest aussi dans les pays pauvres, en particulier en Afrique, que le sida et dautres maladies ont les effets les plus dévastateurs.
En outre, les pays pauvres nont souvent pas les moyens techniques et financiers dappliquer des politiques de protection de lenvironnement.
Loin de moi lidée que la pauvreté du plus grand nombre est due à la prospérité de quelques-uns, ou vice versa. Ce n'est pas que les pauvres soient exploités. Ce qu'il y a de tragique, cest quils sont exclus du marché mondial.
Ce que je voudrais faire comprendre, cest que le succès extraordinaire de la nouvelle économie mondiale nous offre à tous un bon exemple et de nombreuses possibilités mais quà lheure actuelle, près de la moitié de lhumanité reste sur la touche.
Nous devons absolument trouver le moyen de permettre au reste du monde de participer à léconomie mondiale. Nous devons mettre le nouveau marché mondial à la portée des pauvres, pour qu'ils puissent eux aussi devenir producteurs et consommateurs.
Je propose, dans mon rapport, plusieurs moyens pour parvenir à cet objectif. La solution dépend en grande partie des pays en développement eux-mêmes, et en particulier de leurs dirigeants. Cela dit, les plus fortunés dont nous sommes tous peuvent faire beaucoup pour les aider.
Pour s'assurer un avenir meilleur, les pays en développement doivent, avant tout, pouvoir mobiliser des capitaux et attirer des investissements.
Cela suppose que les pays riches - y compris les Etats-Unis - ouvrent leurs marchés aux biens et services des pays en développement dans des conditions de loyale concurrence.
Dans de nombreux cas, cela suppose aussi que les gouvernements des pays en développement puissent investir dans léducation et la santé plutôt que de consacrer toutes leurs ressources au service de la dette extérieure.
Et lorsquun pays en développement met effectivement en place des politiques rationnelles, une aide financière extérieure peut lui apporter des avantages considérables.
Or, au cours de ces dernières décennies, pendant lesquelles les pays industrialisés ont joui dune prospérité sans précédent, laide au développement n'a cessé de baisser.
Il est vraiment déplorable que le pays le plus prospère et le plus avancé, les États-Unis, soit aussi un des moins généreux à en juger par le pourcentage de son produit national brut quil consacre à aider les pauvres dans le monde. Beaucoup dentre vous conviendront avec moi, j'en suis sûr, qu'un tel manque de générosité est indigne des traditions de ce grand pays.
Il est trois grands domaines commerce international, allègement de la dette et aide publique au développement où jespère que vous utiliserez votre privilège de citoyens dune grande démocratie pour vous faire les avocats dun nécessaire changement de politique.
Mais cest aussi en tant quindividus, et plus directement, que vous pouvez changer les choses.
Un des titres de gloire de votre université réside dans limportance quelle accorde au service public et au bénévolat comme sources denseignement. On me dit que beaucoup dentre vous ont exercé des activités bénévoles pendant leurs années détudes et pas seulement quelques heures de leçons particulières ici et là, mais un réel investissement en temps au service de la population de South Bend, ici même, et ailleurs pendant vos vacances.
Ce que je trouve encore plus encourageant, cest cette tradition quont les étudiants de Notre-Dame de prendre un emploi bénévole à plein temps la première année après lobtention de leur diplôme, avec lappui de luniversité et de leurs parents. Jespère que beaucoup dentre vous honoreront cette tradition et mettront cette année-là au service de ceux dont les besoins sont les plus criants, à savoir les pays et les êtres humains les plus pauvres.
Permettez-moi de mentionner une façon au moins dont vous pourriez vous mettre au service des autres, notamment ceux dentre vous qui ont acquis des compétences en informatique, ce que je crois être le cas de la majorité dentre vous, quelle que soit la matière que vous avez étudiée.
Pour tous les pays, la maîtrise des technologies de linformation est, jen suis convaincu, une des principales voies daccès à la croissance économique et au développement.
À lheure actuelle, la répartition de ces technologies est encore plus inégale que celle dautres formes de richesse. Les États-Unis à eux seuls, par exemple, comptent plus dordinateurs que l'ensemble du reste du monde.
Or, les technologies de linformation sont bon marché, par comparaison à dautres formes de capital. Elles reposent de moins en moins sur le matériel et sur des investissements lourds, et de plus en plus sur lintellect humain qui est, Dieu merci, le capital le mieux partagé entre les différents peuples du monde.
Ce qu'elles demandent, ce sont des investissements relativement modestes pour assurer un niveau de formation élémentaire et pour mettre à la disposition de groupes de gens des outils comme des ordinateurs et des téléphones mobiles, de façon que chacun ne doive pas acheter le sien.
Ce genre dinvestissement est susceptible de donner à beaucoup de pauvres un accès aux nouvelles technologies. Et cest cela qui permettra à bien des pays pauvres de sauter quelques-unes des longues et pénibles étapes du développement par lesquelles les autres ont dû passer.
Cest ce qui se produit déjà dans certaines régions du monde en développement. Une ville de lInde, Bangalore, est ainsi devenue un des centres de lindustrie mondiale des logiciels. Le Costa Rica a réalisé le taux de croissance le plus élevé de lAmérique latine lannée dernière grâce à ses exportations de puces électroniques. Des télécentres publics ont été mis en place dans des endroits comme le Pérou et le Kazakhstan.
En Egypte, pour ne citer quun exemple, le Programme des Nations Unies pour le développement a contribué à louverture de Centres communautaires daccès à la technologie qui mettent des services de télécopie et dInternet à la disposition des régions défavorisées et des zones rurales.
Et cest là que vous intervenez. Nous sommes en train de mettre sur pied un Service des Nations Unies pour les technologies de linformation dont lacronyme anglais sera UNITES. Cest un groupement dassociations de bénévoles spécialisés dans les technologies de pointe qui enverra ses membres dans les pays en développement pour y former des groupes de personnes à lutilisation et aux applications des technologies de linformation.
Net Corps America fait partie de ce groupement. Je suis convaincu que beaucoup dentre vous pourraient lui apporter une contribution utile, et jespère que vous nhésiterez pas à entrer en contact avec cette association ou avec le Programme des Volontaires des Nations Unies.
Votre année de bénévolat pourrait apporter une aide immense à des habitants dun pays en développement. Elle représenterait aussi une expérience importante dans votre vie; une expérience que vous noublieriez ni ne regretteriez jamais, j'en suis convaincu.
En tout cas, jespère que dans vos carrières futures que ce soit dans les affaires, la fonction publique, lenseignement, la médecine ou le droit vous serez ouverts au vaste monde et vous engagerez tous en faveur de la paix et du développement.
Toutes ces carrières peuvent avoir une dimension internationale. Et elles offrent toutes à qui le souhaite loccasion de se mettre au service de ses congénères. Je sens que vous saisirez cette occasion.
Je sais que Notre-Dame représente ce quil y a de plus noble et de plus généreux dans la tradition américaine. Comme vous tous, je suis donc fier de pouvoir à partir daujourdhui m'en dire diplômé.
Je vous souhaite à tous une excellente journée; puisse votre vie être faite tant de générosité à légard d'autrui que d'épanouissement personnel.
Merci beaucoup. »
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