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ENV/DEV/463

LES PAYS DU SUD ESTIMENT QUE NI LES CAPITAUX PRIVES, NI L'ALLEGEMENT DE LA DETTE NE PEUVENT REMPLACER L'AIDE PUBLIQUE AU DEVELOPPEMENT

27 avril 2000


Communiqué de Presse
ENV/DEV/463


LES PAYS DU SUD ESTIMENT QUE NI LES CAPITAUX PRIVES, NI L'ALLEGEMENT DE LA DETTE NE PEUVENT REMPLACER L'AIDE PUBLIQUE AU DEVELOPPEMENT

20000427

La nécessité d'améliorer la manière dont les flux financiers, privés comme publics, sont utilisés est soulignée

La question des finances et des investissements a été au centre des débats de la réunion de haut niveau de la Commission du développement durable, ce matin. Intervenant en qualité d'expert, M. Jose Antonio Ocampo, Secrétaire exécutif de la Commission économique pour l'Amérique latine et les Caraïbes, a rappelé que le coût de la réalisation des objectifs d'Action 21 est estimé à 500 milliards de dollars en provenance du financement interne du monde en développement et à 125 milliards de dollars d'aide publique au développement. M. Ocampo a recommandé que le programme du développement durable national et international mette l'accent sur la mise en place d'une stratégie efficace d'augmentation de l'APD, sur les objectifs du développement durable de préférence aux objectifs commerciaux et politiques à court terme, et sur l'évaluation des performances des investisseurs privés étrangers dans le secteur des ressources. Il faudrait aussi s'assurer que les investissements privés permettent des améliorations dans le domaine de l'environnement. Le Directeur de l'Institut international de l'environnement à l'Université de Dartmouth (Canada), M. Konrad Von Moltke, deuxième expert entendu par la Commission, a insisté, quant à lui, sur l'institution d'un régime d'investissements internationaux. L'enjeu est de réaliser un équilibre approprié entre les droits des investisseurs et leurs obligations, dans le cadre d'un régime non discriminatoire. Pour ce faire, il a notamment suggéré d'inclure des dispositions sur les investissements dans les accords multilatéraux sur l'environnement.

Les délégations qui se sont exprimées à l'issue de ces présentations se sont accordées sur l'urgence de trouver une solution au problème récurrent des ressources et des mécanismes financiers. Soulignant qu'ils n'avaient pas les moyens de financer par des ressources internes les activités prévues à Action 21, en raison notamment du fardeau de la dette, les représentants des pays en développement, dont le Ministre de l'environnement du Nigéria, qui s'exprimait au nom du Groupe des 77 et de la Chine, ont estimé que les investissements privés étrangers ne peuvent en aucun cas se substituer à l'Aide publique au développement. Ils ont aussi affirmé que les initiatives d'allégement de la dette ne devaient pas non plus remplacer l'aide internationale. Ils ont donc insisté pour que les pays développés tiennent

les engagements financiers pris à Rio, dont celui prévoyant que 0,7% de leur PNB soit consacré à l'APD. Ce à quoi les pays développés, le Portugal au nom de l'Union européenne en tête, ont répondu que la quantité n'est pas le seul problème et qu'il faut aussi s'enquérir de la manière dont elle est utilisée par les récipiendaires. Pour cela, il faut procéder à une meilleure exécution de l'aide fournie en ayant une meilleure connexion avec les cibles du développement, telle que l'élimination de la pauvreté et la protection de l'environnement, et surtout avec les pays bénéficiaires qui élaborer des stratégies nationales claires et pratiquer "une bonne gouvernance". Cette dernière notion a suscité la perplexité d'un certain nombre de délégations des pays du Sud, qui ont souligné qu'elle n'avait jamais fait l'objet d'une définition claire et négociée entre toutes les parties concernées.

Le débat interactif qui a suivi ces interventions a donné l'occasion aux participants d'envisager plusieurs mécanismes novateurs pouvant augmenter et améliorer les différents flux financiers en faveur du développement durable.

Les ministres et personnalités des pays suivants ont fait une déclaration: Nigéria (au nom du Groupe des 77 et la Chine), Portugal (au nom de l'Union européenne et des Etats associés), Turquie, Haïti, République populaire et démocratique de Corée, Maroc, Danemark, ex-République yougoslave de Macédoine, Italie, Inde, et Kenya.

Cet après-midi, à 15 heures, la réunion de haut niveau de la Commission du développement durable poursuivra son dialogue autour du thème du commerce.

REUNION DE HAUT NIVEAU CONSACREE AUX FINANCES ET AUX INVESTISSEMENTS

Présentations des experts

M. CONRAD VON MOLTKE, Directeur de l'Institut international du développement durable, a insisté sur l'institution d'un régime d'investissements internationaux. Même si les investissements financiers ont considérablement augmenté ces dernières années, bon nombre étant des investissements privés, pour parvenir à une économie durable, il est besoin de bien plus d'investissements que les gouvernements ne peuvent faire. Le problème est de savoir quelle est la structure la plus appropriée pour s'assurer que ces flux d'investissements privés favorisent le développement durable. De plus, si la libéralisation des marchés ces dernières années a encouragé les investissements privés, la politique publique et internationale, elle, n'a pas suivi ce rythme et cette tendance. Nous en sommes dans ce domaine toujours au modèle des années 60, a constaté M. Von Moltke. Selon lui, les marchés internationaux ont besoin d'une discipline internationale. La question clef est la réalisation d'un équilibre approprié entre les droits des investisseurs et leurs obligations, dans le cadre d'un régime non discriminatoire. Le moment est venu de trouver des moyens plus novateurs, car l'Organisation mondiale du commerce (OMC) n'est pas le forum approprié pour négocier un accord sur les investissements. Pour ce faire, il a suggéré deux méthodes. La première consisterait à utiliser de manière constructive les accords régionaux, comme par exemple ceux de l'Union européenne et du Mercosur. La seconde méthode porterait sur l'utilisation des accords multilatéraux. M. Von Moltke a estimé, par exemple, que la Convention sur les changements climatiques bénéficierait grandement d'un protocole sur les investissements. Il semble en effet approprié d'examiner la question de l'inclusion de dispositions sur les investissements dans les accords multilatéraux sur l'environnement, dans la mesure où cela permettrait d'instaurer une certaine discipline.

M. JOSE ANTONIO OCAMPO, Secrétaire exécutif de la Commission économique pour l'Amérique latine et les Caraïbes, a jugé qu'en dix ans on a peu avancé pour atteindre les buts que s'étaient fixés les gouvernements dans Action 21. Le coût de la réalisation de ces objectifs est estimé à 500 milliards de dollars à partir des financements internes du monde en développement et à 125 milliards de dollars d'aide publique au développement. M. Ocampo a dégagé cinq grandes tendances, à savoir le déclin de l'aide publique au développement, le rôle de plus en plus important des capitaux privés étrangers dans les sources de financement des pays en développement; la lente et progressive évolution des politiques nationales en matière de finances dans les pays en développement, dont beaucoup ont augmenté leurs investissements dans les domaines social et de l'environnement; L’apparition de fonds internationaux destinés à l'environnement; et enfin les nouvelles approches du financement du développement durable liées à une prise conscience de l'incidence de la production mondiale de biens sur les sociétés et les économies mondiales.

En ce qui concerne la coopération internationale et l'APD, M. Ocampo a souligné l'importance des efforts nationaux. Cependant le développement a une dimension mondiale qui suppose des transferts de fonds des pays développés vers les pays en développement. Les stratégies de développement et les politiques d'aide doivent absolument être axées sur une répartition équitable des ressources, en plus de la réduction de la pauvreté absolue. Pour ce qui est des flux privés, leur utilisation doit se concentrer davantage sur les objectifs du développement durable. Il faut aussi réussir à attirer plus d'investissements dans les pays les plus pauvres. Les pays en développement doivent établir des règles claires en matière d'investissements privés respectueux de l'environnement et renforcer leur système de gestion de l'environnement.

M. Ocampo a souligné que l'apparition d'"écomarchés" ayant des exigences plus élevées en matière de qualité des produits et de mode de production a suscité des réactions de méfiance dans les pays en développement pour qui ils représentent une pression supplémentaire sur leur économie. En outre, les pays en développement craignent qu'il s'agisse de nouvelles mesures de protectionnisme.

Pour mobiliser des ressources au niveau national, il est important d'intégrer les finances liées à l'environnement dans les finances publiques. La coopération entre les ministres est une condition incontournable pour réaliser cette intégration. Pour y parvenir, il est ressorti d'études réalisées par la Banque mondiale et l'OCDE qu'il faut renforcer les institutions publiques afin qu'elles soient en mesure de faire face aux défis des politiques économiques et sociales. Toutefois, l'efficacité des instruments de réglementation indirecte dépend de l'état des marchés, état qui est lui-même lié à la santé des institutions. M. Ocampo a préconisé la suppression des subventions qui entravent le développement durable. Il a admis qu'il s'agit d'une décision politique très difficile mais nécessaire car les subventions peuvent engendrer la corruption et réduire le développement social car ces subventions ne remplissent pas leur but initial qui est de protéger les populations pauvres.

M. Ocampo a recommandé que le programme du développement durable national et international mette l'accent sur la mise en place d'une stratégie efficace d'augmentation de l'APD, sur les objectifs du développement durable de préférence aux objectifs commerciaux et politiques à court terme, sur l'évaluation des performances des investisseurs privés étrangers dans le secteur des ressources. Il faudrait aussi s'assurer que les investissements privés permettent des améliorations dans le domaine de l'environnement et évaluer de quelle manière les mécanismes financiers novateurs, tels que les trois mécanismes du Protocole de Kyoto, peuvent contribuer équitablement au développement durable des pays en développement.

M. HASSAN ADAMU, Ministre de l'environnement du Nigéria, s'exprimant au nom du Groupe des 77 et la Chine, a souligné qu'il est grand besoin de trouver une solution au problème récurrent des ressources et mécanismes financiers. Sans cela, Action 21 n'aura jamais l'élan souhaité. Le Groupe des 77 et la Chine reconnaît que la mise en œuvre d'Action 21 doit être essentiellement financéE par les ressources intérieures. Toutefois, il souligne que la plupart des pays en développement n'ont pas les moyens de dégager les montants requis pour appliquer Action 21. Pour l'heure, de nombreux gouvernements n'ont pas satisfait aux engagements pris à Rio en matière d'Aide publique au développement (APD) et la communauté internationale doit prendre des mesures importantes pour garantir que d'ici à 2002 l’objectif de consacrer les 0,7% du PNB à l'APD soit respecté. Le Ministre a estimé ensuite que le fardeau insupportable de la dette doit soit être totalement éliminé, soit substantiellement réduit pour les pays en développement et notamment les pays les moins avancés. L'initiative en faveur des pays pauvres très endettés (HIPC) n'a été suffisante pour sauver les groupes de pays les plus marginalisés, dont les conditions environnementales sont de plus désastreuses. Le Groupe des 77 et la Chine estime que les mécanismes financiers novateurs visant à soutenir le flux des ressources vers les pays en développement ne peuvent en aucun cas constituer un substitut à l'Aide publique au développement. Il demande donc aux pays développés de tenir leurs engagements financiers inscrits au chapitre 33 d'Action 21.

M. PEDRO SILVA PEREIRA, Secrétaire d'Etat à la gestion des sols et à la conservation de la nature du Portugal, s'exprimant au nom de l'Union européenne et des Etats associés de l'Europe centrale et orientale ainsi que de Chypre, de Malte, de la Turquie et des pays de l'Association européenne de libre-échange (AELE) membres de l'espace économique européen, a affirmé que trouver les ressources adéquates pour le développement durable de tous les pays est essentiel. La Commission devrait donc accorder plus de temps à ce problème dans ses discussions tout en soulignant les aspects écologiques et sociaux de la durabilité. Ce faisant, la Commission devrait mettre l'accent sur un nombre important de principes et d'idées, à commencer par la responsabilité première des ressources internes pour le financement du développement. Les flux internationaux privés dépassant désormais ceux de l'aide publique, ils devraient également se voir accorder une attention plus grande. Les investissements directs étrangers jouent un rôle de plus en plus important et ceci demande un climat d'investissement stable, prévisible et transparent reposant sur un cadre multilatéral appuyant le développement durable. Par le biais de ces investissements, le secteur privé peut apporter une contribution majeure en matière de développement et d'élimination de la pauvreté, en ce qu'il multiplie notamment les transferts de technologie.

L'Union européenne reste très attachée néanmoins à la coopération pour le développement, a poursuivi le Secrétaire d'Etat à la gestion des sols. L'Union européenne reconnaît qu'il faut endiguer le déclin de l'APD par rapport au pourcentage de PNB et atteindre les cibles fixées. Elle estime en outre que la qualité et la quantité de l'APD doivent être améliorées. Pour cela, la CDD doit reconnaître qu'il faut procéder à une meilleure utilisation de l'aide fournie. Il faut de plus concentrer cette aide sur les secteurs où prédomine la pauvreté. L'importance de la coordination avec les pays récipiendaires qui doivent s'approprier leur stratégie nationale de développement durable doit aussi être soulignée. Ces principes sont la base du nouveau partenariat que l'Union européenne signera en juin prochain avec les pays de l'Afrique, de la Caraïbe et du Pacifique (ACP). M. Silva Pereira a expliqué ensuite que l'insuffisance des flux financiers internationaux n'est pas l'obstacle principal au développement durable. Les gouvernements nationaux doivent d'abord en effet créer un environnement stable et favorable aux investissements intérieurs et étrangers. Les pays développés devraient donc aider les pays en développement à instaurer cet environnement qui passe par la bonne gouvernance et des politiques sensées. L'Union européenne estime que la CDD, dans sa décision finale, devrait insister sur l'importance de la bonne gouvernance. L'Union européenne reconnaît aussi le principe de responsabilité commune mais différenciée de Rio. Elle espère également que la CDD prendre dûment en considération l'initiative HIPC dans son document final.

M. FEVZI AYTEKIN (Turquie) a fait observer que les investissements publics sont passés de 0,2 pour cents à environ 0,4 pour cents en Turquie, s'alignant ainsi de la moyenne des pays de l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE). Au cours des vingt dernières années, de grands progrès ont été réalisés en termes d'organisation et de législation pour résoudre les problèmes dans le domaine de l'environnement. Mais la Turquie n’est pas parvenue à intégrer les questions liées à l'environnement dans les décisions économiques et sociales. Les objectifs qu’elle s'était fixés dans le cadre d'un plan de développement quinquennal n'ont pas été atteints à cause du manque de coordination des organes de mise en œuvre du plan et du manque de contrôle sur les avancées du processus. Le représentant a ajouté que les modalités de privatisation en cours prévoient la mise en place de processus de production moins dangereux pour l'environnement. En outre, les investisseurs étrangers sont encouragés à investir dans des projets sains pour l'environnement. Par ailleurs, les 3 200 municipalités turques fournissent des infrastructures et des services dans le domaine de l'environnement qu'elles entretiennent et gèrent également. Une nouvelle loi cadre est discutée au Parlement pour renforcer les pouvoirs financiers des autorités locales dans le domaine de l'environnement.

M. PIERRE LELONG (Haïti), au nom des délégations des pays ayant le français en partage et membres du Groupe francophone de New York, a déclaré qu'il convient d'adjoindre à l'objectif essentiel d'un développement agricole et rural durable d'assurer un accroissement soutenu de la production alimentaire, de promouvoir le bien-être des communautés rurales et d'améliorer la sécurité alimentaire, l'engagement pris par les Chefs d'Etat et de Gouvernement à Rome, lors du Sommet de l'alimentation en 1996, de réduire de moitié d'ici 2015 le nombre de personnes souffrant de malnutrition chronique. Cet engagement exige des efforts concertés pour hâter le développement agricole rural, promouvoir le bien-être des communautés rurales et accroître la production agricole, en particulier dans les pays en développement et notamment dans les pays les plus pauvres. Pour le développement agricole et rural durable comme pour la gestion des terres, une approche écosystémique s'impose, valorisant les diversités biologique et culturelle existantes et permettant de faire face à des défis globaux tels les changements climatiques et la désertification qui revêtent une importance particulière pour les pays francophones. Dans cette approche, l'agriculture occupe une place particulière par la diversité des objectifs qu'elle permet d'atteindre, tant d'un point de vue économique que social, commercial, et environnemental qu'au niveau de la sécurité alimentaire, et par conséquent, il convient de soutenir des politiques transparentes qui n'entraînent pas de distorsion de la production et du commerce.

Haïti encourage tous les pays qui n'ont pas rejoint la Convention sur la lutte contre la désertification à le faire et invite les gouvernements et la société civile, notamment le secteur privé et les ONG, à appuyer la mise en œuvre de celle-ci et à soutenir les actions du Mécanisme mondial. Haïti encourage, dans ce cadre, la conclusion d'accords de partenariat entre les pays développés et les pays en développement ainsi qu'entre le secteur public et le secteur privé. Les flux des capitaux internationaux, publics ou privés, revêtent pour les pays en développement une importance particulière et afin de créer les conditions d'un niveau d'investissement adéquat permettant l'implication des populations dans la gestion rationnelles des ressources, il convient de renforcer les réformes engagées dans le but de créer un environnement macroéconomique porteur, d'encourager le développement d'un secteur privé dynamique et efficient et de renforcer les capacités de l'administration en tant qu'instance de coordination et de régulation. Les délégations des pays ayant le français en partage s'inquiètent, par ailleurs, de la tendance à la baisse des flux d'aide publique au développement (APD) et de la concentration, dans un petit nombre de pays, des investissements étrangers directs (IDE) et autres flux de capitaux privés. Les pays donateurs devraient s'efforcer d'atteindre, le plus tôt possible, l'objectif agrée au niveau international consacrer 0,7% de leur PNB à l'APD. Ils devraient aussi contribuer, par des programmes de coopération technique multiforme, à créer dans les pays en développement les conditions et les capacités nécessaires pour attirer l'IDE susceptible de promouvoir le développement durable. Il conviendrait également de mettre rapidement en application les initiatives prises en matière d'allègement de la dette extérieure et celles visant un plus grand accès aux marchés internationaux des pays en développement.

Enfin, les pays francophones proposent d'intituler la Conférence Rio +10 « Sommet mondial du développement durable ». Cette session de la Commission du développement durable doit donner le coup d'envoi des préparatifs du Sommet et adopter des recommandations susceptibles de mobiliser les différents acteurs. Par la suite, la Commission devrait servir de Comité préparatoire du Sommet auquel doit être assurée la participation effective des pays en développement, notamment des pays les moins avancés (PMA) et l'implication des représentants de la société civile, en particulier des ONG. Les pays francophones sont favorables à l'organisation du Sommet dans un pays du Sud, au niveau des Chefs d'Etat et de Gouvernement, et souhaitent qu'il soit rappelé à cette occasion que l'éradication de la pauvreté se situe au premier plan de la problématique du développement durable. Le Sommet devra favoriser l'analyse approfondie des obstacles à la mise en œuvre du contenu d'Action 21 et permettre une plus grande intégration des dimensions environnementale, économique et sociale du développement durable pour répondre aux défis de la mondialisation et de l'irruption des nouvelles technologies. Les pays francophones soutiennent la tenue dans un pays du Sud de l'une des prochaines conférences des parties des conventions nées à Rio, notamment la Convention sur les changements climatiques.

M. KIM CHANG GUK (République populaire démocratique de Corée) s'associe à la déclaration faite par le représentant du Nigeria au nom du Groupe des 77 et de la Chine. Il considère que l'annulation de la dette extérieure des pays en développement est la meilleure méthode pour atteindre l'éradication de la pauvreté d'ici 2015. Son élimination doit être inconditionnelle et totale. Il convient également que la tendance à la baisse du niveau de l'aide publique au développement soit renversée pour atteindre 0,7% du produit national brut des pays industrialisés comme agrée lors du Sommet de Rio. Ceci implique une volonté politique sans faille de la part de ces pays. La réduction de la pauvreté et le problème de la dette sont deux problèmes indéniablement liés entre eux et dont la résolution conditionne la réalisation du développement durable, et par conséquent, la République populaire démocratique de Corée se félicite de l'Initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE) et souhaite son extension aux pays à faibles revenus, et comme l'a suggéré le Secrétaire général, aux pays en situation de conflit ou qui subissent les conséquences de catastrophes naturelles. En accordant une attention particulière au problème de la dette, la Commission du développement durable, contribuera de manière tangible à la réalisation d'un développement économique durable pour tous les pays et à l'élimination de la pauvreté.

M. AHMED IRAQI (Maroc)a déclaré que la présente session de la Commission du développement durable a la possibilité de provoquer un sursaut qualitatif en transformant l'approche de la coopération pour la protection de l'environnement d'une approche de négociation à une approche de concertation dans laquelle la logique de genèse de détérioration de l'environnement sera abandonnée. La communauté internationale est appelée, en particulier, à permettre au continent africain de jouer pleinement son rôle dans la sauvegarde des moyens de vie et à lier les bénéfices dégagés de l'exploitation de l'environnement aux obligations de la préserver. Il a indiqué que la lutte contre la détérioration de l'environnement doit devenir la référence des efforts et de l'action de la communauté internationale et qu'à cette fin, le Maroc apportera son appui à l'ensemble des initiatives articulées autour de la transversalité et de la prééminence de l'environnement sur les volontés et les activités humaines. Le Maroc encourage l'organisation de Rio +10 dans l'un des pays du Sud et souhaite que ces pays aient l'occasion de contribuer de manière plus évidente au débat mondial sur l'environnement.

M. JAN TROJBORG, Ministre de la coopération pour le développement du Danemark, a souligné l'ampleur des besoins en matière de financement du développement durable des pays les plus pauvres. La croissance économique exige des politiques économiques solides et des réformes structurelles, ce qui requiert de la part des pays en développement des efforts continus en vue de la bonne gouvernance. Ces efforts doivent être soutenus par la communauté internationale. La plus grande partie des ressources financières doit venir de l'intérieur et des investissements privés étrangers, mais un bon niveau d'APD est aussi très important. Le Danemark pour sa part consacre chaque année 1% de son PNB à l'APD. Le problème est que le niveau mondial de l'APD a baissé depuis Rio et il faut renverser cette tendance. Les pays industrialisés doivent impérativement satisfaire les engagements pris à Rio. Les investissements doivent soutenir le développement durable dans tous ses aspects sociaux et économiques. Il serait bon, par exemple, de créer un régime international sur les investissements, mais il faudrait toutefois se limiter à des règles générales portant sur tous les secteurs au lieu d'instaurer des réglementations spécifiques à certains domaines.

Le fardeau de la dette des pays les plus pauvres accapare littéralement les maigres ressources de ces pays, a poursuivi le Ministre, ajoutant qu'ils ne peuvent par conséquent financer leurs activités de développement durable. L'initiative HIPC est, à cet égard, un grand progrès. L'esprit de Rio a souligné l'importance d'une approche holistique en matière de développement durable, qui comporte des aspects économiques, sociaux et écologiques aussi essentiels les uns que les autres, a conclu le Ministre.

M. MARJAN DODOVSKI (ex-République yougoslave de Macédoine) a déclaré que le Gouvernement de la Macédoine a inclus le concept de développement durable dans sa Stratégie nationale de développement. Le Gouvernement est en train de mettre en place un Conseil national et une Stratégie nationale pour le développement durable. Il a également adopté un Plan d'action pour l'environnement dans le but de définir des politiques et des priorités dans ce domaine, ainsi que d'identifier les dangers pour la santé humaine et pour l'environnement.

Dans le domaine de l'agriculture, le Gouvernement s'efforce de développer les régions rurales grâce à la promotion d'une agriculture durable. A ce stade, un appui international est absolument nécessaire. L'aide publique au développement reste l'un des instruments les plus importants pour le financement des activités de développement des pays en développement et des pays en transition. Le représentant a déploré la baisse de cette aide. Soulignant l'importance croissante de l'investissement étranger privé, il a appelé les pays à créer des possibilités d'investissement favorables à l'environnement. Il a également appelé à une réduction du fardeau de la dette et à l'ouverture des marchés des pays développés aux matières premières des pays en développement et en transition. Il a appelé à la réduction ou à la suppression des subventions, et particulièrement des subventions à l'exportation de produits agricoles, ainsi qu'à une pleine participation de tous les pays au réseau commercial mondial et au sein de l'Organisation mondiale du commerce.

M. PIER BENEDETTO FRANCESE (Italie) s'associe à la déclaration du Portugal faite au nom de l'Union européenne. Il a déclaré qu'à l'aube d'un nouveau siècle, la viabilité future du développement économique et social dépend strictement de certains facteurs environnementaux et que par conséquent, si des changements radicaux n'intervenaient pas dans la gestion mondiale des ressources, il n'y aura pas assez de ressources disponibles et la détérioration de l'environnement entraînera le déclin économique. Afin de viser le développement durable, il est donc impératif de réaliser des investissements conséquents dans le domaine de l'environnement et de mettre en place un commerce juste et équitable, notamment en encourageant le développement des pays en développement, en particulier les plus démunis. Non seulement il faut inverser la tendance à l'abaissement de l'aide publique au développement (ADP) mais aussi trouver d'autres sources de financement du développement, notamment privées.

Il faut créer un système dans lequel l'APD et l'investissement privé, grâce à une approche ciblée sur les ressources disponibles, se soutiennent l'un l'autre dans la lutte contre la pauvreté. Afin de mettre les pays en développement sur la voie du développement durable, il convient non seulement d'annuler leur dette extérieure, mais également d'établir un partenariat spécial, entre les pays riches et les pays pauvres, fondé sur l'élimination par les pays industrialisés des barrières tarifaires et des quotas qui limitent les exportations des pays pauvres. A cet égard, l'Organisation mondiale du commerce (OMC) doit établir un système de préférences généralisé fondé sur le traitement préférentiel de toutes les importations venant de ces pays. Par ailleurs, les règles du Mémorandum sur les accords environnementaux doivent être pleinement observées lors du règlement de différends commerciaux afin d'encourager la croissance durable grâce au commerce durable. Ces règles doivent avoir le même statut que les règles de l'OMC. Il est également impératif que le Protocole de Kyoto soit ratifié et entre en vigueur le plus tôt possible. L'Italie considère qu'il faut casser le lien entre développement économique, augmentation de la pollution et sur-utilisation des ressources et qu'un des moyens de commencer dans cette voie est de mettre en place de nouvelles mesures économiques et fiscales qui pourraient devenir la base d'une coopération renouvelée avec les pays en développement.

M. T.R. BAALU, Ministre de l'environnement et des forêts de l'Inde, a estimé que la CDD doit adopter une approche intégrée dans le domaine de la sécurité alimentaire, de l'élimination de la pauvreté, de la protection de l'environnement et de la croissance économique. Ses travaux ne seront productifs que s'ils reflètent correctement les perspectives des pays en développement sur ces points. Le Ministre a estimé que des mesures doivent être prises pour contourner les effets négatifs de la libéralisation des échanges sur l'environnement. Il faut aussi davantage de ressources pour permettre aux pays en développement d'atteindre le développement durable. La communauté internationale doit créer un marché permettant aux pays en développement d'accéder aux techniques. Les pays industrialisés doivent en outre éliminer les subventions et réduire les pratiques nuisibles au commerce loyal. Un autre enjeu est aussi d'assurer une meilleure mobilisation des ressources extérieures. Mais l'allégement financer ne doit pas se faire au détriment de l'APD et plutôt provenir de ressources supplémentaires, a insisté le Ministre.

Le Ministre a invité la Banque Mondiale et le FMI à redoubler d'efforts pour lutter contre la pauvreté. Des fonds stables et prévisibles sont pour cela nécessaires. La baisse continue de l'APD qui préoccupe fortement le monde en développement signifie-t-elle que l'esprit de Rio a disparu, s'est ensuite demandé M. Baalu, ajoutant que les reconstitutions du Fonds de l'environnement mondial ont été, par exemple, très décevantes. Le capital privé est un outil économique important, mais les investisseurs privés s'attendent à des bénéfices et les investissements privés ne sauront donc remplacer l'APD. Il faut en 2002 renouveler les engagements de Rio et parvenir à de nouveaux arrangements institutionnels.

M. ADAWA (Kenya) a réaffirmé les engagements pris à la Conférence de Rio en 1992 et à la session extraordinaire de l'Assemblée générale en 1997. Il a déclaré que le processus de mondialisation et de libéralisation rapides du commerce qui se sont manifestés depuis ont accru les risques pesant sur le développement des pays en développement, en particulier les pays d'Afrique sub-saharienne. L'éradication de la pauvreté requiert des politiques microéconomiques sûres aux niveaux national et international ayant notamment pour objectif de mobiliser des ressources financières nouvelles.

Pour les pays en développement et particulièrement ceux de l'Afrique subsaharienne, l'APD reste la principale source de financement du développement durable et ne peut pas être remplacée par des flux de capitaux privés. Le représentant a ensuite préconisé des mesures élargies d'allègement de la dette au plus vite. Il est urgent de faire bénéficier plus de pays pauvres de l'initiative pour les pays en développement fortement endettés. Pour obtenir davantage d'investissements privés, les gouvernements devraient établir des conditions microéconomiques sûres et un régime du commerce extérieur ouvert, a notamment recommandé le représentant.

Dialogue interactif

Quels sont les mécanismes qui permettraient de faire en sorte que les flux d'investissements, y compris ceux privés, contribuent de manière positive au développement durable, a demandé le Président de la Commission, M. JUAN MAYR MALDONADO (Colombie), lançant le débat.

Le Ministre de la coopération du Royaume-Uni a estimé qu'il faudrait une sorte de régime international en matière d'investissements. Il faut aussi entendre les propositions des pays en développement sur les moyens d'encourager et d'attirer davantage les investissements étrangers directs. L'élimination de la pauvreté doit être centrale à toute initiative. L'APD est sans aucun doute très importante et il faut honorer les engagements pris à Rio, mais il faut considérer également de quelle manière les pays en développement dépensent cet argent. Il faut par exemple veiller à ce que la protection de l'environnement soit effectivement prise en compte.

Le représentant du Honduras a affirmé que la recherche des moyens d'éliminer la pauvreté doit être la base de toutes les réunions comme celles d'aujourd'hui. A cet égard, les institutions régionales et sous-régionales peuvent jouer un rôle clef. C'est pourquoi, il a regretté que la Banque interaméricaine de développement n'ait pas été invitée à la session. Il faut de plus rechercher des mécanismes de financement en assurant une meilleure coordination entre les bailleurs de fonds et les récipiendaires. Une meilleure coopération entre les diverses organisations est aussi nécessaires pour éviter les doubles emplois et les gaspillages.

Faisant écho à son homologue britannique, la Ministre de l'environnement et de la coopération du développement de la Finlande a insisté sur la qualité de l'APD. La quantité n'est pas ce qui compte uniquement et il convient de s'enquérir des activités entreprises par les bénéficiaires de cette aide. Une bonne utilisation de l'APD passe par un effort de réflexion stratégique mené par les pays en développement.

La représentante de l'Argentine a mis l'accent sur le mécanisme de développement propre mentionné dans les documents mis à disposition de la Commission. Elle a estimé que dans le cadre de la Convention sur les changements climatiques notamment, un tel instrument novateur pourrait être très intéressant. La Commission devrait recenser d'autres domaines, comme l'eau, qui pourraient bénéficier d'instruments spécifiques canalisant les flux financiers. Les ressources internes des pays en développement sont très ténues, a insisté la représentante, et c'est pourquoi il est tant besoin d'aide internationale.

Le représentant de l'Egypte a déclaré que tous les thèmes et problématiques abordés aujourd'hui sont les mêmes que depuis la première session de la Commission en 1993. La question de savoir comment sont utilisés les fonds venus de la communauté internationale doit être réglée dans un cadre de consultations bilatérales officieuses et non dans un tel forum. Pour l'heure, il faudrait définir de manière plus précise ce que l'on entend par "bonne gestion et bonne utilisation des fonds" de la part des pays en développement. En réponse au représentant qui lui demandait des précisions sur sa proposition d'introduire des dispositions relatives aux investissements dans les accords multilatéraux, M. VON MOLTKE a indiqué qu'on assiste à la convergence de divers intérêts qui s'inscrivent sur un arrière fond de changements dramatiques des marchés. Il faut donc établir des priorités et sur ce point l'environnement durable relève sans nul doute un intérêt commun. Traiter des investissements est bien différent de traiter des biens, le lien entre investissements et pays hôte est donc très différent du lien commercial. Il faut en fait commencer par envisager les domaines où il est urgent d'agir. Or, à ce stade, il ne semble pas raisonnable de conclure un accord global sur les investissements, car l'on a pas les moyens actuellement de régir un tel système. C'est pourquoi, il faut profiter des accords qui ont déjà été conclus.

Le représentant des Philippines a estimé qu'il faut que les ministres des finances disposent d'un mécanisme leur permettant de se concerter en vue d'accéler les progrès en matière d'aide au développement.

Le Président de la CDD, M. JUAN MAYR MALDONADO (Colombie), a déclaré que la Commission ferait en sorte qu'à l'avenir des ministres des finances soient également présents afin de dialoguer avec leurs homologues chargés de l'agriculture.

Le représentant du Japon a souligné l'importance de l'APD en tant que facteur clé du développement durable et a reconnu qu'elle est en déclin. Il a cependant ajouté qu'il y a des limites à la croissance de l'APD notamment à cause des limites à la croissance économique dans les pays développés. Il a préconisé une gestion plus efficace de l'APD et l'instauration d'un dialogue avec les pays bénéfiaires afin de préparer concrètement la mise en oeuvre de mesures de développement. Des moyens de financement novateurs sont nécessaires. Il a estimé qu'il faut des capitaux de démarrage pour encourager les flux d'investissements directs étrangers. Le représentant du Guyana a déclaré que l'assistance a permis au Guyana d’enrayer le déboisement mais qu'il n'existe pas de mécanisme offrant des prêts aux petits entrepreneurs qui souhaitent monter une entreprise. En- dehors du travail préparatoire fourni par les agences d'aide multilatérales, il n'existe pas de recours aidant les bénéficiaires à faire un pas supplémentaire pour sortir de la pauvreté. Le représentant de l'Indonésie a préconisé de mettre l'accent sur la coopération et les partenariats entre les gouvernements. L'aide ne devrait pas être assortie de conditions mais s'inscrire dans le courant général du développement. Il faudrait promouvoir le renforcement des capacités, ainsi que la participation des ONG pour garantir le fonctionnement durable des mécanismes de développement. Le représentant du Maroc a affirmé que presonne n'est prêt à investir à fonds perdus, ce qui explique les résultats auxquels on est pavenu depuis Rio. Il a recommandé que les pays pauvres créent un environnement économique porteur. La représentante de l'Allemagne a déclaré que les principes fondamentaux de droit et de sécurité en matière d'investissement ne sont pas respectés dans certains pays en développement. Elle a demandé quelle est la gamme de mesures prises par les pays en développement pour faire en sorte que les capitaux étrangers n’ignorent pas leurs pays. Elle a demandé ce que font les pays africains pour attirer ces capitaux. En ce qui concerne le fardeau de la dette, elle a déclaré que son Gouvernement a décidé d’annuler dans sa totalité la dette des pays qui remplissent les conditions établies par la Banque mondiale et le FMI. Le représentant de l'Inde a déclaré que les investissements privés ne sauraient remplacer l'APD. Faisant observer que les pays développés n'ont pas respecté les engagements qu’ils avaient pris précédemment en matière d'aide au développement, il s'est demandé ce qu’il en sera des décisions de Rio +10.

M. JOSE ANTONION OCAMPO, Secrétaire exécutif de la Commission économique pour l'Amérique latine et les Caraïbes, a déclaré qu'il n'y a pas le moindre doute que les investissements étrangers, ainsi que l'APD jouent un rôle important dans le développement et dans la lutte contre la pauvreté. Cependant, il s'agit de flux de natures tout à fait différentes. En Amérique latine et dans les Caraïbes, les investissements privés permettent d'introduire des technologies de production "propres" dont les bénéfices peuvent être acheminés vers d'autres secteurs de l'économie. Il y a aussi des investissements massifs dans certaines ressources naturelles. M. Ocampo a toutefois souligné que leurs effets sont moins importants que ceux de l'aide publique au développement. Il a suggéré de mettre en place des mécanismes qui garantissent au niveau international qu'une distinction claire est faite entre le flux d'investissements introduisant des productions nocives et les investissements "sûrs".

Le représentant du Fonds international de développement agricole a rappelé que le processus de Rio avait déjà mis en place des mécanismes financiers novateurs, qu'il existe un Fonds de l'environnement mondial ainsi que d'autres mécanismes globaux nouvateurs, et qu'il revient aux gouvernements et à la communauté internationale qui les a créés de faire en sorte qu'ils fonctionnent bien. Si ces mécanismes ne fonctionnent pas, les gouvernements n'ont qu'à s'en prendre à eux-mêmes, a-t-il estimé. Le représentant de la Nouvelle-Zélande a reconnu l'importance de l'apport de capitaux de démarrage pour favoriser la mise en place de projets privés dans les pays en développement.

Le représentant du Soudan a estimé que le présent dialogue omettait certains faits fondamentaux. Lorsque l'on parle d'APD par exemple, il convient de tenir compte de la situation bien particulière de l'Afrique, soulignée à plusieurs reprises par le Secrétaire général. On parle de l'industrie durable en Afrique mais il y a aucun financement reçu pour soutenir des activités dans ce sens. De même, l'initiative HIPC tant évoquée, n'a pas, à ce jour, reçu les ressources nécessaires. On ne peut donc pas se passer de l'APD.

La représentante de la République tchÈque a exposé la situation particulière de son pays, qui a l’expérience de bénéficiaire de l’aide publique mais qui est aussi désormais donateur. Elle a expliqué que pour des pays en développement ou en transision, il n'est pas toujours aisé de comprendre quelle est la meilleure manière d'utiliser cette aide. Une stratégie nationale ayant des priorités claires et une structure institutionnelle stable, assurant notamment la propriété des ressources de production, sont nécessaires. En tant que pays donateur, la République tchèque saisit combien il est important de bien comprendre les pays bénéficiaires et combien il faut demeurer à leur écoute. C'est ainsi que l'on peut optimiser l'emploi des ressources. Il faudrait donc ici trouver le moyen d'améliorer la communication entre les bailleurs de fonds et les récipiendaires.

Pour sa part, le représentant du Cameroun, a déclaré que très peu de progrès ont été enregistrés depuis Rio et toutes les rencontres qui ont eu lieu depuis n'ont guère donné de résultats. le problème n'est pas la mauvaise volonté des pays en développement, mais l'absence des financements promis à Rio. Le représentant a ensuite mis l'accent sur la nécessité de mettre clairement en lumière le lien entre financement et protection de l'environnement. Un pays comme le Cameroun qui jouit d'une large superficie forestière a par exemple bien conscience de la nécessité de préserver ses forêts s'il veut un jour parvenir au développement durable. Les mécanismes évoqués aujourd'hui doivent être spécifiques et tenir compte des particularités des pays.

Le représentant du Kenya a reconnu qu'il y a déjà des mécanismes verticaux et horizontaux qui pourraient favoriser les flux financiers. Le problème est que, par manque de ressources, on n’a pas donné assez de poids à ces mécanismes. Par ailleurs, on constate que les nombreux programmes internationaux pour l'Afrique, dont ceux des Nations Unies, ne sont que partiellement appliqués. On parle ensuite de bonne gouvernance et de conditionnalité, mais ces concepts n'ont jamais été clairement définis de manière coordonnée entre les parties prenantes, a objecté le représentant.

Le représentant de la Banque Mondiale a indiqué qu'en matière de développement durable, il faut tenir compte des conséquences à long terme d'une part, et d'autre part de la situation des domaines qui ne participent pas des marchés. La question est de savoir comment traiter les marchés, alors que le secteur privé ne s'intéresse pas aux questions qui sont les plus importantes, comme la préservation et la durabilité. Il faut donc voir comment discipliner ou réguler en partie ces marchés, dans la mesure où les capitaux privés revêtent de plus en plus d'importance.

Remarques de conclusion

M. NITIN DESAI, Secrétaire général adjoint aux affaires économiques et sociales, a reconnu que les flux de financement d'Action 21 n'ont pas été à la hauteur des besoins. Si, à l'inverse, l'argent est disponible pour le secteur social, c'est que les cibles ont été claires et que l'on s'en est tenu aux priorités intéressant les bénéficiaires. Il faut en tirer des enseignements. Au niveau mondial, il faut donc voir si l'on peut traduire la politique générale en matière de développement durable de manière plus ciblée et pratique. Ne pourrait- on pas relier davantage la lutte contre la pauvreté et la préservation écologique ? Plutôt que de regretter le manque de réaction, il vaut mieux s'interroger sur ce que l'on peut faire à tous les niveaux, international, national et régional.

Reprenant la parole, M. JOSE ANTONIO OCAMPO a partagé l'opinion de M. Desaï sur l'importance de combiner la protection de l'environnement à la lutte contre la pauvreté. Il faut distinguer clairement les problèmes de développement. Une solution passe effectivement par une réduction de la dette et de plus grands flux de ressources, mais le thème essentiel doit être de savoir comment réduire les activités qui ont des coûts écologiques négatifs et encourager celles qui apportent des services écologiques. Ce défi doit être relevé à la fois par les pays développés et les pays en développement. A cet égard, il faudrait approfondir l'idée "pollueur/payeur". On pourrait aussi envisager une contrepartie financière à des services écologiques mis en oeuvre par des pays en développement. L'aide internationale peut jouer un rôle très spécifique, mais le développement de programmes concrets au niveau national est essentiel.

De son côté, M. KONRAD VON MOLTKE, a rappelé que depuis Rio on a vu apparaître un énorme marché de l'investissement. Il convient donc de trouver un équilibre avec l'APD.

Documentation

Le rapport du Secrétaire général sur les ressources et mécanismes de financement (E/CN.17/2000/2) étudie les progrès accomplis dans la réalisation des objectifs énoncés au chapitre 33 d'Action 21 en ce qui concerne les ressources et les mécanismes de financement. Il propose des éléments de réflexion et examine les tendances et stratégies nouvelles de financement externe, tant pour l'Aide publique au développement (APD) que pour les flux de capitaux privés. Il considère ensuite le financement national du développement durable, et plus particulièrement l'intégration de la protection de l'environnement aux finances publiques et les moyens d'action des pouvoirs publics. En dernier lieu, il traite des nouveaux mécanismes de financement sectoriel, tout particulièrement pour l'énergie, l'eau, les transports et la sylviculture.

Le financement international du développement durable a été marqué ces dernières années par la crise financière qui, venue d'Asie de l'Est, a gagné en 1997-1998 de nombreuses économies émergentes. Ainsi, bien que les montants du financement public du développement aient augmenté de 15 milliards de dollars depuis 1996, cela n'a pas suffi à empêcher le niveau du flux total net de ressources en direction du monde en développement de chuter brutalement en 1998 (51,9 milliards de dollars, soit 7,3 milliards de moins qu'en 1994). En outre, la crise financière a entraîné dès 1997 une brusque raréfaction des fonds privés destinés aux pays en développement, et notamment des prêts bancaires. Le volume net du flux total de ressources provenant des pays membres du Comité d'aide au développement (CAD) et des organisations multilatérales à destination des pays en développement, après avoir connu un pic en 1996 (369,2 milliards de dollars) a chuté d'environ 35%, n'atteignant plus que 239,6 milliards en 1998. Ce phénomène correspond à une véritable inversion des modes de financement du développement depuis le début des années 90, durant lesquels les investissements étrangers directs n'ont cessé d'augmenter et les flux des marchés financiers ont connu un essor spectaculaire. Entre 1997 et 1998, la dette extérieure totale des pays en développement et des pays en transition a augmenté d'environ 6%, passant de 2 300 milliards de dollars à 2 500 milliards. Si la dette à court terme a baissé et représente désormais moins de 17% du total, trois des quatre grands indicateurs de la dette se sont détériorés; les ratios de la dette aux exportations et de la dette au Produit national brut (PNB) ont atteint 146% et 37% respectivement, alors que les montants totaux versés pour le service de la dette sont demeurés pratiquement inchangés alors que les arriérés de paiement des intérêts et du capital augmentaient légèrement. Cette situation empêche les pays les plus pauvres d'attirer du capital étranger privé.

Au vu de cette tendance, il importe pour les donateurs comme pour les récipiendaires, en particulier les pays les moins avancés et d'autres pays d'Afrique subsaharienne, d'accroître l'efficacité de l'aide apportée. Cela peut se faire, par exemple, en améliorant la coordination et la gestion de l'aide en faisant plus pour décourager la corruption et garantir que les investissements réalisés dans le secteur public ne vont pas à l'encontre des objectifs de développement durable environnementaux et sociaux. Les donateurs devraient en outre renoncer à la pratique de l'aide liée, qui fait augmenter les prix d'environ 10 à 30% pour les bénéficiaires de l'aide. Il faudrait aussi donner un rôle plus important aux institutions régionales, car de nombreux problèmes écologiques, comme la déforestation et la désertification, sont transnationaux et ne peuvent être convenablement réglés par un seul gouvernement. Au niveau international, l'aide devrait également servir à assurer la transition entre les crises humanitaires et le développement durable, les projets devant être choisis sur la base de leur potentiel de renforcement des capacités et de contribution aux objectifs de viabilité dans les pays bénéficiaires. Une autre gageure est d'arriver à la fois à attirer davantage d'investissements étrangers et de les canaliser vers des activités de développement durable. Les pays en développement doivent donc absolument veiller à ce que les investissements étrangers directs favorisent un développement durable, en se préoccupant de leurs effets par rapport aux objectifs environnementaux et sociaux, sans se limiter aux objectifs économiques. Les pays d'origine comme ceux d'accueil des investissements étrangers directs devraient appliquer des normes internationalement reconnues pour fournir aux éventuels investisseurs du secteur privé des règles prévisibles, cohérentes et claires sur leurs responsabilités économiques.

Concernant le financement intérieur, il est essentiel que les gouvernements s'emploient plus activement à faciliter la mobilisation de capitaux d'origine nationale. Il faut pour cela commencer par créer un climat favorable en procédant aux réformes fiscales et monétaires souhaitables. Mettre des crédits à la disposition de petits groupes d'emprunteurs au sein d'une communauté, par exemple, peut constituer un mécanisme efficace de financement de l'effort de production des couches les plus défavorisées de la société, et par-là même faciliter la réalisation des objectifs sociaux du développement durable. Le rapport du Secrétaire général aborde aussi la question de l'intégration des dépenses d'environnement dans le budget de l'Etat, et les mesures et instruments de politique générale, comme les subventions, les taxes et redevances environnementales.

Concernant les mécanismes de financement novateurs, tels les partenariats publics/privés, les nouvelles formes de garanties de crédit ou le financement sous-national sous garanties souveraines, le Secrétaire général fait remarquer que s'ils ont permis de faire appel à des sources financières auparavant inaccessibles pour les investissements sectoriels, ils n'ont toutefois pas nécessairement amélioré la viabilité écologique.

Le rôle du Groupe de travail spécial intersessions sur les ressources financières, le commerce et les investissements et la croissance économique (rapport E/CN.17/2000/10) était de préparer la huitième session de la Commission et de l'aider à obtenir des résultats tangibles, d'intérêt pratique. Les discussions tenues par le Groupe de travail ont donné lieu à l'élaboration de deux documents, non formellement négociés, contenant d'une part les éléments pouvant figurer dans des projets de décision ou de résolution, ou pourraient servir de point de départ de nouvelles délibérations et négociations et d'autre part, les résumés des débats établis par les Coprésidents.

Le rapport du Groupe de travail spécial présente en premier lieu un certain nombre d'éléments pouvant figurer dans un projet de décision de la CDD concernant les ressources et mécanismes financiers. Tout d'abord, les principaux objectifs des activités, dans le domaine des ressources et des mécanismes financiers, devront être entièrement conformes aux dispositions d'Action 21 et au Programme relatif à la poursuite de sa mise en œuvre. Il est important que les pays appréhendent la notion de développement durable de façon synthétique, compte tenu des nombreuses relations qu'entretiennent les aspects commerciaux, financier, environnementaux et sociaux du développement durable. De façon générale, le financement de l'application d'Action 21 devra être assuré par des ressources intérieures. Mais, pour beaucoup de pays en développement, en particulier les pays les moins avancés, l'aide publique au développement est la principale source de financement d'origine extérieure et ils continueront d'avoir besoin de moyens financiers nouveaux, supplémentaires et substantiels pour assurer leur développement durable et pour être en mesure d'appliquer Action 21. Au titre des priorités pour les futurs travaux de la Commission, le Groupe de travail suggère que la question des ressources et des mécanismes financiers continue d'être une question générale d'importance. Le prochain examen détaillé de cette question aura lieu lors de l'examen approfondi, en 2002, des progrès réalisés depuis la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement. Cet examen s'inspirera de la Réunion de haut niveau sur le financement du développement, qui aura lieu en 2001. La promotion du financement international du développement durable; la mobilisation de ressources financières intérieures pouvant être consacrées au développement durable; l'étude préparatoire de mécanismes financiers novateurs; et l'amélioration des institutions compétentes et la promotion des partenariats publics et privés, sont les domaines identifiés comme prioritaires pour les travaux futurs de la CDD.

S'agissant de la croissance économique, du commerce et de l'investissement, le Groupe spécial suggère aussi plusieurs éléments à éventuellement incorporer dans une décision de la CDD. Bien entendu, les activités ayant trait à ces questions devraient être conformes à Action 21 et au Programme relatif à la poursuite de sa mise en œuvre, mais les nouvelles mesures prises devraient aussi développer l'acquis de la dixième session de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED). Dans ce contexte, il faudrait renforcer la coopération et la coordination entre la CNUCED, l'Organisation des Nations Unies pour le développement industriel (ONUDI), l'Organisation mondiale du commerce (OMC), le Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE) et d'autres organisations intéressées. L'objectif du développement durable appelle une conception équilibrée et intégrée du commerce et de l'environnement, compte tenu des aspects économiques, environnementaux sociaux ainsi que des différents niveaux de développement des pays, sans compromettre l'ouverture, l'équité et la non-discrimination du système commercial multilatéral ou créer des obstacles invisibles au commerce. Il est important, en particulier pour les pays en développement et les pays à économie en transition, de stimuler les investissements intérieurs et d'attirer des investissements étrangers directs pour le développement durable. En même temps, la communauté internationale devra chercher à éviter des risques éventuels liés à la volatilité des mouvements de capitaux privés à court terme et accroître la contribution que les investissements peuvent apporter au développement durable. Le Groupe de travail recommande à la Commission, lors de ses travaux futurs, de s'attacher en priorité à promouvoir le développement durable par le commerce et la croissance économique; de favoriser la synergie du commerce et de l'environnement; à promouvoir le développement durable par l'investissement; et de renforcer la coopération institutionnelle et de promouvoir le partenariat.

La Commission du développement durable était également saisie d’une Note verbale datée du 14 février 2000 (E/CN.17/2000/9) par laquelle la Mission permanente du Kenya transmet au Secrétaire général le texte du résumé du Président sur les travaux de la cinquième réunion du Groupe d’experts consacrée au financement d’Action 21, qui s’est tenue à Nairobi du 1er au 4 décembre 1999.

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