OUVRANT LE DEBAT DE HAUT NIVEAU DE LA CDD, LA VICE-SECRETAIRE GENERALE ESTIME QU'IL FAUT RENDRE LA LIBERALISATION DES ECHANGES ET L'ENVIRONNEMENT COMPLEMENTAIRES
Communiqué de Presse
ENV/DEV/460
OUVRANT LE DEBAT DE HAUT NIVEAU DE LA CDD, LA VICE-SECRETAIRE GENERALE ESTIME QU'IL FAUT RENDRE LA LIBERALISATION DES ECHANGES ET L'ENVIRONNEMENT COMPLEMENTAIRES
20000426De nombreux intervenants s'opposent à l'introduction de la notion de "multifonctionnalité de l'agriculture" dans les stratégies de développement durable
C'est en se concentrant sur les sols et l'agriculture que la Commission du développement durable (CDD) a entamé, ce matin, sa réunion de haut niveau à participation ministérielle. Le défi qui se pose à la CDD consiste à remettre les préoccupations environnementales, négligées jusqu'alors à nos risques et périls, en première ligne, a déclaré la Vice-Secrétaire générale de lONU, Mme Louise Fréchette, qui a ouvert cette série de 5 séances où les Etats Membres exposeront leurs vues sur le développement durable. Mme Fréchette a rappelé que c'est dans cette optique que le Secrétaire général, dans son rapport du Millénaire, propose une nouvelle "éthique de la préservation", invitant notamment les Etats à ratifier le Protocole de Kyoto et à adopter au niveau national une comptabilité verte. L'enjeu est aussi de rendre la libéralisation du commerce et la protection de l'environnement plus complémentaires. Pour cela, les mesures écologiques ne doivent pas devenir des obstacles au commerce ou camoufler le protectionnisme et à linverse les règles commerciales ne doivent pas devenir des freins aux pratiques sensibles à l'environnement.
Pour de nombreux pays, ceux du Groupe des 77 et la Chine en tête, il n'est pas question d'accepter des notions nouvelles ou remodelées en matière de développement durable qui n'auraient pas été reçu au préalable l'assentiment d'un forum intergouvernemental. C'est pourquoi, l'introduction du concept de "multifonctionnalité de l'agriculture", qui au-delà de sa fonction de subsistance donne notamment à l'agriculture une mission de préservation de l'environnement, a fait l'objet de nombreuses objections. Un grand nombre d'intervenants s'est aussi fermement opposé à l'idée de renégocier le contenu et les engagements d'Action 21. Pour l'Argentine par exemple, il serait fort regrettable qu'une nouvelle fois le débat soit recentré sur les questions du commerce de l'agriculture et non plus de sa durabilité. A l'image des intervenants qui ont insisté sur la question de la mise en uvre de mesure concrètes pour l'agriculture et le développement durable, le représentant des Pays-Bas a proposé la création d'un Groupe consultatif sur l'agriculture durable et le développement rural, supervisé par la FAO, et auquel participeraient les organisations internationales, les gouvernements, ainsi que les grands groupes. Cette initiative a été appuyée par plusieurs pays, dont l'Egypte, à condition qu'elle mette l'accent sur les petits exploitants et les moyens par lesquels on peut les aider.
La Commission a également entendu les exposés de M. Gordon Conway, Président de la Rockefeller Foundation, et de M. Miguel Altieri, Professeur de l'Université de Californie, sur le thème des sols et de l'agriculture. En réponse à M. Conway, qui estimait qu'une agriculture durable est une agriculture résistante aux chocs, M. Altieri a fait remarquer que les petites exploitations utilisant des méthodes traditionnelles se sont mieux remises des dégâts provoqués par l'ouragan Mitch que les exploitations modernes. Les délégations ont ensuite eu un échange de vues sur les présentations de ces experts.
Les représentants des pays suivants ont pris la parole: Portugal (au nom de l'Union européenne et des Etats associés), Nigéria (au nom du Groupe des 77 et la Chine), Irlande, Afrique du Sud, Argentine, Chine, Etats-Unis, Australie (au nom du Groupe CANZ et des Etats associés), Samoa (au nom de lAlliance des petits Etats insulaires), Islande, Sri Lanka, Uruguay, Royaume des Tonga (au nom du Forum du Pacifique), Egypte, Hongrie, Bolivie, Mexique, Pays-Bas, Autriche, Tunisie et Bélarus. Le représentant de la Commission européenne chargé de l'agriculture s'est également exprimé.
Cet après-midi, à partir de 15 heures, la Commission poursuivra sa réunion de haut niveau. Elle se consacrera plus particulièrement aux préparatifs de l'examen en 2002 des progrès réalisés depuis la Conférence des Nations Unie sur l'environnement et le développement (Rio, 1992).
REUNION DE HAUT NIVEAU CONSACREE AUX SOLS ET A LAGRICULTURE
Allocution de la Vice-Secrétaire générale des Nations Unies
Mme LOUISE FRECHETTE, Vice-Secrétaire générale des Nations Unies, a déclaré que le défi qui se pose à la Commission du développement durable est clair, il consiste à remettre les préoccupations en matière denvironnement en première ligne lesquelles ont été négligées à nos risques et périls. Mme Fréchette a rappelé que, dans son rapport du Millénaire, le Secrétaire général consacre une partie importante aux questions denvironnement et de développement et compte tenu de la situation actuelle, il appelle la communauté internationale à se fixer comme objectif de diminuer de moitié le nombre de personnes vivant dans la pauvreté absolue dici lan 2015. Les pays pauvres, a reconnu Mme Fréchette, nont souvent ni les capacités ni les moyens de mettre en uvre des politiques écologiquement saines; ce qui compromet la durabilité des maigres moyens de subsistance de leur peuple en même temps et accentue les effets de la pauvreté. Il faut briser ce cercle vicieux, a dit Mme Fréchette en soulignant que les succès obtenus en matière denvironnement ne doivent pas faire oublier que les êtres humains continuent dabîmer lenvironnement mondial et que les pratiques non durables sont toujours imbriquées dans le tissu de nos vies quotidiennes. A quelques exceptions près, les réponses aux défis que pose le développement durable ont été trop rares, trop faibles et trop tardives.
Cest pourquoi, a souligné Mme Fréchette, le Rapport du Millénaire appelle à une nouvelle éthique de préservation, en ce qui concerne, en particulier, des mesures telles que la ratification du Protocole de Kyoto et lintégration du compte vert du système des Nations Unies dans les comptabilités nationales. La Commission du développement durable, a dit Mme Fréchette peut faire en sorte que les gouvernements et les Nations Unies avancent en tandem et de cette manière holistique et intégrée quenglobe la définition du développement durable. Mme Fréchette a notamment relevé que la Commission aura à évaluer limpact de la mondialisation et a souligné, dans ce contexte, la nécessité de faire une analyse plus approfondie de la relation entre les investissements directs étrangers et le développement afin didentifier les types dinvestissements étrangers qui contribuent le mieux au développement durable. Il faut, a insisté Mme Fréchette rendre la libéralisation du commerce et la protection de lenvironnement plus complémentaires. Les mesures écologiques ne doivent pas devenir des obstacles au commerce ou servir à camoufler le protectionnisme et à linverse, les règles commerciales ne doivent pas devenir des obstacles aux pratiques sensibles à lenvironnement.
La feuille de route du développement durable se trouve dans Action 21 mais sans un leadership durable, le développement durable restera hors de portée. Il revient aux membres de la Commission non seulement de faire des progrès ici à New York mais aussi, dans leurs pays, dans le feu des actions nationales, a conclu Mme Fréchette.
Déclarations
M. JOSE SOCRATES CARVALHO PINTO DE SOUSA, Ministre de l'environnement et de la planification de l'exploitation des terres du Portugal, a déclaré, au nom de l'Union européenne et des pays associés, que la promotion d'une gestion durable des ressources en terre passe par la sécurité alimentaire et la conservation des ressources, elles-mêmes indispensables pour l'élimination de la pauvreté et la création d'emplois. Il a appelé la CDD à mettre l'accent, dans ses décisions, sur la bonne gouvernance, sur le fait que les ressources nationales sont et resteront les principales de financement pour le développement durable dans tous les pays. Le représentant a également insisté sur le rôle de la société civile, ainsi que sur l'interdépendance des zones rurales et des zones urbaines.
Le représentant a souligné que l'UE est en faveur d'un accès égal à la terre et d'une sécurisation par des voies légales des droits de propriété de tous. L'urbanisation rapide contribue également à une dégradation de l'environnement, c'est pourquoi la protection des ressources agricoles doit aussi se faire par une planification urbaine responsable.
Prenant ensuite la parole, M. FRANZ FISCHLER, Commission de l'Union européenne responsable de l'agriculture, du développement rural et des pêcheries, a précisé que l'UE a conçu sa réforme de la politique agricole commune pour renforcer l'orientation vers le marché et s'éloigner progressivement de l'application de mesures de distorsion pour protéger des intérêts non commerciaux. La réforme vise en outre à renforcer les politiques de développement rural. Des "bonnes pratiques agricoles" respectant la législation en matière d'environnement sont mises en place.
M. Fischler a déclaré que l'UE est déterminée à diviser par deux le nombre de personnes vivant dans la pauvreté et l'insécurité d'ici à 2015. Des stratégies nationales de développement durable doivent être mises en place d'ici à 2002. Il faut également mettre en place des institutions responsables, garantir la participation des citoyens, l'accès au crédit des petits fermiers et établir des partenariats afin de renforcer les transferts de technologies respectueuses de l'environnement.
L'agriculture a plusieurs rôles à jouer dans la production d'aliments et de fibres, l'instauration de la sécurité alimentaire, la conservation des campagnes et des ressources naturelles, ainsi que de la biodiversité et des sols. Le représentant a déclaré qu'il faut moduler la production alimentaire en fonction des capacités des écosystèmes, en particulier pour ce qui concerne les ressources en eau. L'Union européenne s'apprête à signer le Protocole de Carthagène sur la sécurité biologique au mois de mai, à Nairobi. Elle appuie l'instauration d'un système commercial multilatéral et la réduction de toutes les formes de soutien aux produits à l'exportation.
M. TENIOLA OLUSEGUN APATA (Nigéria), s'exprimant au nom du Groupe des 77 et la Chine, a déclaré que les objectifs du développement durable ne pourront être atteints qu'en adoptant une approche holistique. Par conséquent, tous les aspects de l'environnement, qu'ils soient économiques, sociaux ou autres ayant un fort impact sur le développement des pays en développement, doivent être considérés. Cette approche globale exige que l'on accorde une attention particulière au problème du fardeau de la dette, à la limitation de l'incidence de la volatilité financière, à l'accès aux marchés des pays développés, au transfert des technologies écologiquement sûres et à l'identification des besoins des pays en développement pour renforcer leurs capacités nationales. Le Groupe des 77 estime que la solution idéale au problème de la dette serait l'élimination de l'ensemble de la dette des pays en développement, ainsi que l'a dégagé clairement le récent Sommet des pays du Sud. Par ailleurs, il estime que des mécanismes financiers novateurs ne peuvent pas remplacer des sources de finances telles que l'Aide publique au développement, l'investissement étranger direct et l'investissement étranger via les portefeuilles boursiers. Les gouvernements des pays développés doivent impérativement réaliser l'objectif de consacrer 0.7% de leur PNB à l'APD, source la plus sûre et la plus régulière du développement durable.
Conformément à cette approche, le Groupe réaffirme la nécessité d'une planification intégrée et équilibrée pour la croissance économique, le commerce et linvestissement par rapport à l'environnement. Il faut donc tenir compte des conditions économiques, environnementales et sociales spécifiques de chaque région pour établir les systèmes commerciaux internationaux. Il faut examiner les éléments interactifs agissant dans la planification intégrée des ressources foncières telles que l'eau, notamment. L'objectif de la gestion intégrée des ressources doit se concentrer sur l'élimination de la pauvreté, la sécurité alimentaire, le développement économique et la protection de l'environnement. Le nombre des personnes vivant dans la pauvreté exige que des mesures urgentes soient prises. Le Groupe des 77 et la Chine n'acceptera pas que l'on tente d'introduire des notions nouvelles n'ayant pas été acceptées au préalable par un forum intergouvernemental. C'est pourquoi, il est réticent à la notion de multifonctionnalité de l'agriculture, ainsi quà celle d'évaluation de l'impact de la durabilité. Selon lui, ces notions ne devraient pas encore être utilisées dans les négociations sur le développement durable ni dans celles sur le système commercial international. Le Groupe des 77 et la Chine résistera aussi à toute tentative de renégocier Action 21. Il estime que Rio +10 devrait être organisé au niveau de Sommet et dans un pays en développement; la Commission du développement durable servant, pour sa part, de comité préparatoire. Un fonds d'affectation spéciale devrait être créé pour faciliter la participation des pays en développement et notamment des pays les moins avancés.
M. NOEL DAVERN, Ministre dEtat au Département de lagriculture, de lalimentation et du développement rural de lIrlande, a indiqué que dans son pays, lagriculture continue dêtre une force motrice de léconomie rurale en précisant toutefois que, comme dans la plupart des pays développés, son importance est en déclin. Cette situation, a-t-il dit, a conduit le Gouvernement à mettre davantage laccent sur une approche multisectorielle pour appuyer les communautés rurales et à la conjuguer à des politiques en faveur dun développement régional équilibré. Ainsi une stratégie intégrée pour le développement rural a été adoptée en août 1999, sous la forme dun Document blanc. Outre sa portée économique, le Document porte sur les questions de la protection de lenvironnement, de la durabilité du développement, de la pauvreté, de lexclusion sociale, de la préservation de la culture rurale, et de la promotion des communautés rurales. Il y a dix ans, le pays a mis au point un Schéma de protection de lenvironnement rural qui facilite lintégration des politiques agricoles et environnementales. Le représentant a ajouté que la réforme récente de la politique agricole commune a permis de consolider les liens entre la durabilité et la réalisation des meilleures pratiques dexploitation agricole.
Le représentant a poursuivi sur la politique internationale en matière de développement durable en indiquant que la Stratégie nationale cherche à établir un équilibre entre lutilisation des terres et des ressources naturelles à des fins agricoles, dune part, et les besoins et lattitude des sociétés en ce qui concerne la protection de lenvironnement et lhéritage culturel, dautre part. LIrlande, a souligné le représentant, appuie fermement les efforts visant à renforcer les capacités commerciales des pays en développement. La Stratégie nationale met non seulement laccent sur le bien-être économique mais aussi sur les aspects sociaux et environnementaux du développement. La durabilité est un élément clé de la gestion des ressources limitées, a dit le représentant avant de conclure quil faut développer plus avant et redéfinir les mécanismes dintégration des critères de durabilité dans de nombreuses politiques. Il aussi évoqué lAutorité irlandaise de la sécurité alimentaire qui a pour principal objectif de développer et de promouvoir une culture de la sécurité alimentaire couvrant chaque maillon de la chaîne alimentaire.
M. DIRK C. DU TOIT (Afrique du Sud) a déclaré que la technique et la science ont été source d'espoir au cours du siècle dernier mais qu'il convient à présent de donner la priorité à l'apport de biens et de services fondamentaux aux populations les plus défavorisées. Le représentant a déclaré que la réforme agraire joue un rôle très important en Afrique du Sud, où la répartition des terres entre agriculteurs noirs et blancs est très inéquitable. D'une manière plus générale, il a estimé qu'il faut renforcer le principe de démocratie dans le monde et redécouvrir les valeurs qui reposent dans des organisations telles que l'ONU. Il a préconisé une approche globale à l'échelle mondiale du développement durable. L'Afrique du Sud s'est proposée pour accueillir la prochaine Conférence de Rio +10, si cette réunion doit se tenir ailleurs qu'à New York.
Mme ELSE KELLY (Argentine), s'associant à la déclaration du Groupe des 77 et la Chine ainsi qu'à celle du Groupe CANZ (Canada, Australie et Nouvelle-Zélande), a estimé que les conditions essentielles de l'agriculture durable est la viabilité économique, l'équité et le respect de l'intégrité, ainsi que la disponibilité des techniques appropriées. Selon elle, il est possible de parvenir à un vaste consensus international pour atteindre l'agriculture durable. Une discussion pragmatique sur ce point serait très utile, en ce qu'elle permettrait didentifier les activités qui ont des effets nocifs et qu'il convient de limiter ou d'éliminer. Le débat cependant contient un point de discorde fondamental en raison de la tentative d'incorporer subrepticement la notion de la multifonctionnalité de l'agriculture, laquelle ne fait pourtant qu'éloigner l'agriculture durable de l'esprit d'Action 21. Pour l'Argentine, il serait fort regrettable qu'une nouvelle fois le débat soit alors recentré sur les questions du commerce de l'agriculture et non plus de sa durabilité. Il faut parvenir à une décision qui éveille la volonté politique. C'est pourquoi, la représentante a demandé au secrétariat de la Commission d'éliminer de tous les documents de la session les termes "multifonctionnalité de l'agriculture".
M. WANG YINGFAN (Chine) a déclaré que les pays en développement ont rencontré des obstacles dordre financier et technologique en matière de promotion de lagriculture durable. Lagriculture durable devrait commencer par la promotion dun développement agricole et la sécurité alimentaire, et il est par conséquent impératif dintensifier laide aux pauvres afin déliminer la pauvreté. La communauté internationale doit prendre des mesures pour réaliser lobjectif décidé lors du Sommet de lalimentation de diminuer de moitié la population mondiale en situation de malnutrition à lhorizon 2015 A cette fin, laide publique au développement joue un rôle essentiel. La coopération internationale en matière de développement agricole durable, à laquelle doivent contribuer les Nations Unies ainsi que ses institutions spécialisées, doit être renforcer.
La promotion de lagriculture durable implique de renforcer la planification intégrée et la gestion des terres, des ressources en eau et de lenvironnement écologique, daméliorer la productivité agricole grâce à lusage des technologies avancées, et enfin de protéger les ressources agricoles et lenvironnement écologique notamment au moyen de législations appropriées. Il est impératif que la communauté internationale aide les pays en développement à acquérir la technologie nécessaire à la réalisation de cet objectif. Le représentant de la Chine a également exprimé le souhait que la Commission du développement durable conduise une étude comparative sur les différentes expériences des pays sur cette question. Compte tenu que les régimes de propriété foncière varient dun Etat à un autre, chaque Etat doit explorer les voies de lagriculture durable en tenant compte des conditions nationales fondées sur la culture et les traditions. Il convient, cependant, de renforcer les échanges afin dapprendre de lobservation des meilleures pratiques et que la réforme des régimes de propriété foncière dans chacun des Etats vise le développement équilibré de léconomie, de la société et de la protection de lenvironnement. La Chine lance un appel aux Etats développés pour quils prennent des mesures pour quils augmentent laide publique au développement au niveau de 0.7% de leur produit national brut et encourage par ailleurs le financement privé à jouer un rôle plus actif dans la promotion du développement durable. La communauté internationale doit également prendre des mesures pour établir un cadre financier international stable et pour améliorer les capacités de tous les Etats, en particulier des Etats en développement, à faire face et à prévenir les risques financiers. Lintégration des pays en développement à léconomie mondiale, qui implique un régime de commerce multilatéral ouvert, équitable et non-discriminatoire, est une condition du développement durable. A cet égard, lOrganisation mondiale du commerce (OMC) doit se pencher à titre prioritaire sur la libéralisation des produits pour lesquels les pays en développement ont des avantages comparatifs, notamment le textile.
A loccasion de lexamen décennal à venir de lapplication des résultats de la Conférence des Nations Unies sur lenvironnement et le développement, il conviendra de réaffirmer les principes de lAgenda 21 et de renforcer leur mise en uvre, dutiliser les ressources multiples afin daider les pays en développement à faire face aux obstacles quils rencontrent en matière de développement durable, en particulier les transferts de technologie et le financement. Il conviendra également dassurer lentière participation des pays en développement à la conférence spéciale et à cet égard, la dixième session de la Commission du développement durable devrait servir de comité préparatoire, a proposé le représentant de la Chine.
M. RICHARD E. ROMINGER, Vice-Secrétaire d'Etat à l'agriculture des Etats-Unis, a expliqué que la politique agricole américaine favorise la conservation et se fonde sur des actions volontaristes. Elle encourage largement la participation transparente et ouverte de tous au processus de prise de décisions. Les Etats-Unis estiment en effet que ce sont avant tout les peuples et non les gouvernements qui parviennent au développement durable. L'un des soucis principaux de la politique agricole américaine est l'accès équitable à la propriété des terres, ainsi que le renforcement du rôle des communautés rurales, notamment. Les programmes américains visent à renforcer la viabilité des petites fermes, ainsi qu'à satisfaire les besoins techniques et de formation des exploitants. Ils apportent un soutien important aux jeunes exploitants et aux femmes, qui constituent désormais la plus grande catégorie de petits exploitants agricoles dans le pays. Les Etats-Unis investissent également largement dans les universités pour favoriser la recherche agronomique et encouragent les partenariats entre les coopératives d'exploitants et l'ensemble du secteur de l'agroalimentaire. Ces orientations s'expliquent par le fait que les Etats-Unis estiment que la politique agricole n'est pas seulement un politique économique. En effet, l'agriculture contribue à obtenir un air et une eau propres, à préserver la faune et le tisse social des communautés tout en protégeant le paysage.
Mais la délégation américaine juge aussi tout important que les mesures prises au niveau national n'interférent pas avec les possibilités des autres agriculteurs du monde de vendre leurs produits. Des efforts doivent donc être fournis pour parvenir à une gestion intégrée et durable de l'agriculture. Cela passe, selon les Etats-Unis, par la sécurité des régimes fonciers, des mesures initiatives pour la conservation, la prise en compte du rôle du consommateur, la recherche axée sur l'exploitant agricole et l'établissement de partenariats entre secteur public et privé. Pour M. Rominger, le débat d'aujourd'hui témoigne déjà de certains changements dans les modes de pensée et il faut continuer à persévérer sur cette voie.
M. ROBERT HILL, Ministre de l'environnement et du patrimoine de l'Australie, a déclaré que la conservation et la protection de l'environnement australien se sont faites par le biais de partenariats avec les autorités rurales, notamment grâce au concept de "soin de la terre" (Landcare) et à des mesures de formation. Le représentant a ensuite exprimé la préoccupation de son Gouvernement face à la réintroduction de certaines mesures protectionnistes sous le prétexte de protéger le développement durable. Il a estimé que les pays sont responsables de la sécurité alimentaire et de la conservation de l'environnement sans que cela justifie des politiques protectionnistes qui sapent l'emploi et divers autres volets du développement économique. Le représentant a critiqué le fait que ces mesures protectionnistes aient augmenté et, déjà, beaucoup coûté à certains pays. Il a ajouté qu'elles nuisent au développement agricole des pays en développement ainsi qu'à la sécurité alimentaire. Il s'est dit en faveur de mesures souples dans les cas de certains pays défavorisés. Le représentant a jugé regrettable de voir la multifonctionnalité apparaître, sans consensus quant à sa définition, dans les débats de la CDD. Il a dit ne pas pouvoir accepter l'utilisation qui est faite de ce concept. Il a appelé la CDD à se concentrer sur tout ce qui sert réellement le développement durable.
M. TUILOMA NERONI SLADE (Samoa), Président de l'Alliance des petits Etats insulaires, a déclaré que les 43 pays membres de l'Alliance ont en commun un certain nombre de problèmes structurels: leur petite taille, leur isolement, un nombre réduit de ressources, la fragilité écologique, leur faible résistance à l'égard des catastrophes naturelles et leur vulnérabilité économique. Leur capacité à attirer les investissements est limitée. L'agriculture continue à être le pilier de l'économie dans la plupart d'entre eux, étant à la fois la source principale de revenus pour la population et celle de devises pour les Etats.
Au cours des deux dernières années, dans les Caraïbes, l'Océan Indien et le Pacifique, on a assisté à une diminution importante de la production due aux graves cyclones, inondations ou sécheresses liés au phénomène El Nino. Les politiques adoptées par les petits Etats insulaires ne soutiennent pas toujours le secteur agricole, en dépit de l'importance de ce dernier pour leurs économies. Les produits agricoles des petits Etats insulaires sont sérieusement désavantagés par les mesures protectionnistes imposées dans les échanges commerciaux et subissent l'impact de la fluctuation des prix sur les marchés mondiaux.
L'agriculture durable et les forêts, dans ces Etats, subissent les pressions dues à la nécessité de nourrir un nombre croissant d'habitants, et de répondre aux besoins du développement industriel et touristique. Il est essentiel pour ces Etats de mettre en place des plans et mécanismes de gestion durables et tenant compte de leurs spécificités, c'est-à-dire du lien entre les ressources terrestres et marines. Le représentant, dans ce contexte, a fait valoir l'approche holistique qui sous-tend les Systèmes de gestion des îles.
Mme SIV FRIDLEIFSDOTTIR (Islande) a affirmé que la gestion durable des sols a des conséquences fondamentales pour la sécurité alimentaire des peuples. L'histoire de l'Islande témoigne des catastrophes auxquelles on peut s'attendre si la population dépasse la capacité de la terre. L'Islande a par exemple depuis le siècle dernier perdu 95% de sa superficie forestière, ceci en raison de l'abattage des forêts et des pâturages non durables utilisés pour les ovins. Aujourd'hui la pression sur la terre exercée par les troupeaux de moutons a été réduite suite à la décision du gouvernement de cesser de subventionner la viande ovine. Le service de conservation des sols islandais est parvenu ainsi à arrêter la pire des érosions et à récupérer une partie de la végétation du pays.
Dans son rapport, le Secrétaire général rappelle que 25% de la surface de la terre est sujette à l'érosion, ce qui est catastrophique. L'Islande estime que le maintien de la fertilité des sols est au cur du développement durable. Il faut donc trouver des solutions qui limitent la pression sur les sols tout en répondant aux besoins des populations croissantes. Les biotechniques semblent à cet égard représenter une partie très importante de cette solution. Il y a un certain nombre d'options où tout le monde est gagnant, comme par exemple "les pièges à carbone", a précisé la représentante.
M. D.M. JAYARATNE, Ministre de l'agriculture et des sols du Sri Lanka, a déclaré que les problèmes des pays en développement dans le domaine agricole sont bien connus: les agriculteurs ne peuvent pas vendre leurs produits alors que, simultanément, 800 millions de personnes souffrent de la faim et que de nombreuses autres meurent de faim dans le tiers monde. En outre, on prédit une pénurie alimentaire dans un avenir proche. Au Sri Lanka, 1,8 million de familles vivent de l'agriculture et doivent affronter les défis du développement inégal. Leur prospérité repose sur les avantages comparatifs, la capacité d'investissement et la capacité à rivaliser, des conditions qui sont liés à la maîtrise des technologies.
Dans les pays en développement, les agriculteurs sont confrontés aux problèmes des coûts de production élevés, de la faible productivité et de la valeur peu élevée des produits. Les pays pauvres n'ont pas les moyens de fournir à leurs agriculteurs les moyens technologiques pour lutter contre ces problèmes. Le représentant du Sri Lanka a donc appelé la communauté internationale à fournir des fonds afin d'améliorer durablement la productivité et la qualité du système agricole des pays en développement. Il a regretté que les agriculteurs des pays en développement n'aient pas accès au marché international.
M. JULIO BENITEZ SAENZ (Uruguay) a déclaré qu'alors que le deuxième examen quinquennal des résultats de la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement approche, il est manifeste que les progrès escomptés n'ont pas été au rendez-vous. La malnutrition et la pauvreté mondiale se sont aggravées et la production agricole mondiale par habitant s'est ralentie, a-t-il déploré.
Le représentant a appelé à la lutte contre les effets de l'agriculture chimique et de la mondialisation de l'agriculture intensive. Il a poursuivi par une critique des mesures de subvention à la production agricole combinées à des mesures protectionnistes, qu'appliquent les pays développés. Il a estimé que les obstacles techniques aux importations des produits de pays en développement mis en place par les pays développés sont totalement injustifiés, y compris pour parvenir au développement durable. Au contraire, ces mesures ont entravé le développement durable des pays en développement, a souligné le représentant.
M. SONATANE TUA TAUMOEPEAU TUPOU (Royaume des Tonga), s'exprimant au nom du Groupe des pays du Forum du Pacifique, a déclaré que compte tenu de la très grande diversité de la planète, il faut rester ouvert à toutes les solutions et alternatives possibles en matière de développement durable. Pour leur part, les pays du Pacifique ont récemment développé un nouvel indicateur du développement qui est l'indice de vulnérabilité écologique (IEC). Ils utilisent désormais cet indice, qui présente un potentiel prometteur, plutôt que le Produit national brut (PNB). L'environnement est bien souvent la principale ressource des 25 entités du Pacifique, a expliqué ensuite le représentant. Le rapport du Secrétaire général évoque les incidences des catastrophes naturelles sur la sécurité alimentaire. Dans le Pacifique ces dernières années, les changements climatiques, dont la montée du niveau des mers et les phénomènes du Nino et de la Nina, ont eu des effets dévastateurs, entraînant même des famines comme en Papouasie-Nouvelle-Guinée. Dans ce contexte, l'absence d'accès à des aliments à prix abordable revêt une importance toute particulière. Toute politique de développement durable doit donc viser à réduire la pauvreté et améliorer la sécurité alimentaire. On pourrait pour cela utiliser la libéralisation du commerce, à condition qu'elle soit effectuée de manière durable. Le représentant a également évoqué le problème de la propriété intellectuelle et a estimé que sur ce point, il faut encourager la participation des différents intervenants et s'attacher à tirer parti des savoirs traditionnels et à les protéger.
M. MUSTAFA TOLBA (Egypte) a insisté sur la nécessité de mesures pratiques pour la mise en uvre d'Action 21 et pour parvenir au développement durable. La Commission doit impérativement s'efforcer de réaliser quelque chose de concret. Pour cela, elle ne doit pas se contenter de faire siennes des recommandations déjà avancées. Elle doit avoir l'ambition d'examiner les moyens concrets d'honorer ces recommandations. Le représentant a estimé que les objectifs et les buts d'Action 21 sont curieusement absentS du débat.
M. PAL PEPO, Ministre de lenvironnement de la Hongrie, a estimé que linterdépendance entre la protection de lenvironnement, lagriculture et le développement rural rend inévitable la coordination entre ces trois domaines et la création dun système intégré dutilisation des terres. En conséquence, le but doit être dinstaurer la durabilité dans lagriculture et la gestion des terres. Partant, en Hongrie, les projets de développement rural se fondent largement sur les modes agroécologiques, les traditions agricoles, et la particularité de lenvironnement hongrois. Cest sur la base de ces principes que le Gouvernement hongrois a approuvé un Programme national agroécologique qui comprend un cadre juridique dappui.
Mme NEISA ROCA HURTADO, Vice-Ministre de lenvironnement, de la gestion des ressources naturelles et du développement forestier de la Bolivie, est davis que l'agriculture doit contribuer à la réalisation du droit fondamental à l'alimentation, par une utilisation durable des ressources. Les besoins en développement des pays du Sud s'appuient sur le développement de l'agriculture, des techniques traditionnelles et des communautés. Les pays du Sud ont, dans ces efforts, besoin d'un appui soutenu des organisations internationales. A ce propos, la représentante a regretté que la plus grande partie des fonds des Nations Unies soient consacrés au maintien de la paix, alors que la meilleure manière d'instaurer la paix est de lutter contre la pauvreté et la faim.
Par ailleurs, la représentante a appelé à la création d'un organisme qui serait chargé de la surveillance des biotechnologies et de la protection des savoirs autochtones. Elle a ensuite critiqué les mesures protectionnistes de subvention à la production et à l'exportation de produits agricoles prises par les pays développés car elles pèsent lourdement sur le développement durable des pays en développement. Mme JULIA CARABIAS, Ministre de lenvironnement, de la gestion des ressources naturelles et des pêcheries du Mexique, s'est déclarée surprise que le débat n'ait fait aucune mention du Protocole sur la biosécurité. Est-ce à dire qu'il n'y a pas encore accord entre tous les pays, alors que ce document doit être ouvert à la signature dans les prochaines semaines, s'est demandée la Ministre. Elle a ensuite déclaré qu'il est très difficile de faire la différence entre les discussions tenues dans d'autres forums, comme la FAO, et le présent débat. La différence essentielle et l'enjeu de la présente session devrait être de savoir comment l'agriculture a une incidence sur l'avenir de la planète. Le fait est que l'agriculture aujourd'hui n'est pas durable et qu'elle déstabilise les écosystèmes. Tout cela a, selon la Ministre, une seule cause, à savoir la déforestation, due essentiellement aux activités agricoles. Elle a regretté que ce thème n'ait pas été reflété dans les documents ni dans les débats de la Commission. Comment diminuer les altérations occasionnées par l'agriculture, voilà un des objectifs que la Commission devrait se fixer. Il est besoin d'un système général pour savoir quelles sont les limites et comment l'agriculture durable pourrait jouer un rôle positif.
M. LAURENS-JAN BRINKHORST, Ministre de lagriculture, de la gestion des ressources naturelles et des pêcheries des Pays-Bas, a déclaré que pour réduire le nombre de personnes sous-alimentées, il faut revoir le système mondial agricole actuel. Il est très important d'établir des conditions de confiance. Il s'est dit surpris que l'Australie refuse la mention du terme de multifonctionnalité dans le débat sur le développement durable. Le représentant a proposé que la CDD assure, avec la FAO et la Banque mondiale, le suivi de la question de l'agriculture durable par le biais d'un Forum consultatif sur l'agriculture durable. Par ailleurs, il a insisté sur le fait que l'agriculture est désormais plus dirigée par la demande et les consommateurs que par la production et les exploitants. Il a indiqué que les ministres de plusieurs gouvernements de l'Union européenne ont proposé de créer un cadre de coopération entre leurs pays et ceux de l'Afrique australe.
M. WILHELM MOLTERER, Ministre fédéral de lagriculture, des forêts, de lenvironnement et de la gestion de leau de l'Autriche, a déclaré que ce n'est que grâce à l'agriculture que l'on pourra parvenir au développement durable. Réagissant aux attaques portées par de nombreux intervenants contre la notion de "multifonctionnalité", il a insisté sur le fait qu'il ne s'agit pas d'une stratégie pour les seuls pays développés, ni dun concept dont lapplication résulte en la distorsion des marchés. Multifonctionnalité veut simplement dire que l'agriculture doit remplir toutes les fonctions que la société lui demande de faire, qu'elles soient environnementales et sociales aussi bien que visant la subsistance. Ce concept est donc favorable à la durabilité de l'agriculture dans son ensemble. Sans la multifonctionnalité, il n'y a pas de développement durable et elle doit faire partie de la stratégie de développement durable dans son ensemble, a affirmé le Ministre. Pour lui, la multifonctionnalité doit être envisagée comme une notion commune aux pays développés et aux pays en développement.
M. SAID BEN MUSTAPHA (Tunisie) a déclaré que les recommandations de la Commission du développement durable ont constitué une source dinspiration pour opérer les ajustements nécessaires et appropriés à la politique tunisienne de développement, et ce, aussi bien au niveau des secteurs économiques quau niveau des objectifs et des priorités. Dans ce contexte, le représentant a regretté que lappui accordé aux pays aux ressources fragiles et limitées pour leur permettre de faire face aux exigences du développement économique durable demeure en deçà du niveau escompté. Il a ajouté que ceux dentre eux qui ont su gérer dune manière adéquate laide qui leur a été accordée se sont vus sanctionnés par une réduction de laide et un ralentissement de lappui technique. Le représentant a donc espéré que la Commission du développement durable mettra ces questions au centre de ses préoccupations. Il a poursuivi en déclarant que lagriculture occupe une place particulière en Tunisie du point de vue économique mais aussi pour ce qui est de sa fonction sociale et civilisationnelle. Grâce à une politique agricole intégrée, le pays a su améliorer le rendement de ses terres arables lui permettant ainsi dassurer son autosuffisance en production agricole de base. Lagriculture productive, a ajouté le représentant, cohabite avec lagriculture traditionnelle à petite exploitation qui joue un rôle social important pour la lutte contre la pauvreté et lexclusion. Il a en outre indiqué que la stratégie du pays en matière de conservation des eaux et du sol a permis durant la dernière de mettre en place un plan daction pour une gestion intégrée de ces ressources. Pour sa part, la politique forestière est une composante essentielle de la politique du développement agricole et rural. Le représentant a terminé en annonçant que son pays abritera en novembre 2000, la réunion régionale de la Commission méditerranéenne du développement durable qui aura pour objectif principal lélaboration du bilan stratégique du développement durable en Méditerranée et lévaluation des progrès accomplis par les pays de la région dans les domaines de la mise en uvre des programmes de développement durable aussi bien au niveau national que régional.
M. ALYAKSANDR SYCHOV (Bélarus) a déclaré que la République du Bélarus a mis en place des projets pilotes afin, notamment, de créer un système qualitatif de production axé sur le développement local et tenant compte des différents problèmes sociaux et économiques. Le représentant a rappelé qu'un ensemble d'Etats doit aujourd'hui surmonter les conséquences d'une catastrophe écologique. Ainsi, le 26 avril, le Bélarus marquera la quatorzième année depuis la catastrophe de Tchernobyl.
Présentation des experts
M. GORDON CONWAY, Président de la Fondation Rockefeller, a expliqué que l'un des problèmes fondamentaux du développement durable est qu'il s'agit d'une notion où chacun met un peu ce qu'il veut. Pour M. Conway, une agriculture durable est synonyme d'agriculture résistante aux chocs. Le défi est donc d'assurer à la fois la productivité et la durabilité tout en garantissant que les produits sont effectivement distribués dans le monde. Il est urgent d'améliorer ce dernier point car la mauvaise répartition des denrées alimentaires est responsable en grande partie de la malnutrition qui frappent de trop nombreux individus. Il ne faut pas oublier non plus que d'ici à 20 ans, il y aura 1,5 milliard de personnes en plus à nourrir. Le défi est d'autant plus important qu'il y a parallèlement un déclin des productions agricoles, a précisé M. Conway. Aujourd'hui en effet, les rendements par hectare sont plus faibles qu'au début de la révolution verte.
Pour conjuguer durabilité et productivité, beaucoup de techniques fonctionnent, a expliqué M. Conway. C'est le cas par exemple de la gestion intégrée et des méthodes naturelles de contrôle ainsi que de l'utilisation sûre et prudente des pesticides.
L'agriculture organique est souvent vue comme l'agriculture durable, mais cela n'est pas systématiquement vrai, a poursuivi l'expert. L'expérience de l'Afrique en témoigne. Les sols y sont considérablement appauvris et la productivité diminue. A l'évidence, l'Afrique a besoin de fertilisants autres que les fertilisants organiques. Les biotechnologies si elles sont prudemment conçues et utilisées ont un rôle à jouer dans l'agriculture durable. Ces biotechnologies ne se limitent pas au génie génétique. De manière générale, les biotechnologies offrent un grand potentiel dans la mesure où elles permettent de cultiver des nouvelles variétés résistantes aux maladies et aux sécheresses. Certes, il y a des risques associés à ces techniques, a reconnu M. Conway avant de préciser qu'il faut s'assurer qu'ils soient dûment pris en compte et que des essais aient été faits. L'expert a aussi plaidé en faveur d'une approche plus participative de l'agriculture. Selon lui, les exploitants doivent participer à la recherche et des écoles d'exploitants agricoles doivent être partout développées, car il n'y aura pas d'agriculture durable sans la participation des agriculteurs, notamment à l'élaboration des technologies nouvelles. M. Conway a également mis l'accent sur le rôle actif que doivent jouer les gouvernements pour faire les investissements les plus appropriés et garantir également l'accès de tous aux bons types d'intrants, de semences et d'engrais. Pour que l'agriculture durable se mette en place, notamment en Afrique, il faut aussi qu'il y ait toutes les infrastructures nécessaires de base, a-t-il également ajouté en conclusion.
M. MIGUEL ALTIERI, Professeur de l'université de Californie, a appelé les gouvernements à examiner question des personnes qui vivent dans des environnements marginalisés, notamment du fait de la sécheresse. L'Expert a estimé que l'augmentation de la productivité agricole dans le cadre de l'agriculture intensive s'est faite au détriment de l'environnement du fait de l'emploi abusif de pesticides. Il s'est demandé si la science agricole moderne qui met l'accent sur la production intensive, les monocultures et l'introduction de brevets sur certaines variétés peut fournir une réponse utile pour les agriculteurs pauvres. Les exploitants deviennent dépendants des grandes sociétés. L'Expert a préconisé de mettre au cur des stratégies de développement les petits producteurs car non seulement ils détiennent des savoirs traditionnels précieux mais ils mènent aussi des expérimentations agricoles. Il a déclaré que la résilience écologique des exploitations qui utilisaient des méthodes traditionnelles s'était révélée meilleure que celle des exploitations d'agriculture intensive à la suite de l'ouragan Mitch.
Dialogue
Lançant le dialogue, le Président de la Commission, M. JUAN MAYR MALDONADO (Colombie) a estimé que les interventions faites ce matin témoignent d'un certain manque de confiance entre les parties et les Etats. Il a demandé aux représentants de faire des propositions concrètes.
Le représentant de la République de Corée a estimé qu'il faut des changements rapides et importants dans les politiques agricoles, pour parvenir notamment à la sécurité alimentaire. Pour sa part, le représentant de l'Indonésie a souligné l'importance de la promotion du développement agricole rural et la nécessité de créer les conditions nécessaires au développement durable au niveau local. Selon lui, les questions du manque d'accès aux terres et aux ressources productives, ainsi que de l'absence des ressources financières et du mauvais accès aux marchés sont fondamentales. La communauté internationale devrait aussi veiller à l'accélération de l'élaboration de la mise en uvre de technologies favorables à l'environnement. Les interventions de ce matin prouvent qu'il faut absolument continuer le débat avec tous les acteurs plutôt que de le limiter aux représentants intergouvernementaux, a estimé la représentante de la France. Selon elle, il ne faut pas non plus laisser la négociation retomber sur les questions commerciales. Elle a soutenu la proposition des Pays-Bas de constituer un réseau de suivi sur l'agriculture durable, rassemblant également avec la FAO et la Banque Mondiale. Le représentant du Canada a estimé, quant à lui, que le concept de multifonctionnalité n'a rien à voir avec Action 21. Toujours sur la multifonctionnalité de l'agriculture, le représentant du Japon a appuyé fermement la position des Pays-Bas et s'est déclaré opposé à la proposition de l'Argentine de rayer ce mot de la documentation de la Commission. Le représentant de la Commission d'Helsinki a estimé que des changements structurels dans le secteur agricole sont nécessaires. Ils pourraient passer par la mise en place de projets pilotes. Enfin, le représentant de l'Egypte a, quant à lui, appuyé l'idée de créer un groupe de suivi entre la FAO et la Banque mondiale mettant l'accent sur les petits exploitants et la manière dont on peut les aider.
En conclusion, le Président de la Commission a proposé l'établissement d'un mécanisme de suivi de la discussion qui permette à la Commission d'avancer vers la formulation de mesures concrètes.
Documentation
Le rapport du Groupe de travail spécial sur la planification et la gestion intégrées des ressources en terre et sur lagriculture a été présenté dans notre communiqué ENV/DEV/455 du 24 avril 2000.
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