ENV/DEV/458

DEVELOPPEMENT DURABLE: CE N'EST QU'AVEC LA MOBILISATION DE TOUTES LES PARTIES PRENANTES QUE LES CONNAISSANCES SERONT AU SERVICE D'UN SYSTEME ALIMENTAIRE VIABLE

25 avril 2000


Communiqué de Presse
ENV/DEV/458


DEVELOPPEMENT DURABLE: CE N'EST QU'AVEC LA MOBILISATION DE TOUTES LES PARTIES PRENANTES QUE LES CONNAISSANCES SERONT AU SERVICE D'UN SYSTEME ALIMENTAIRE VIABLE

20000425

La question de la propriété intellectuelle et notamment de la "biopiraterie" est identifiée comme l'un des problèmes à régler en priorité

Le dialogue à participation multiple sur les connaissances au service d'un système alimentaire viable tenu, ce matin, par la Commission du développement durable, a permis de mettre l'accent sur les questions du partage et de la diffusion des connaissances et de la propriété intellectuelle. S'exprimant pour le secteur agro-industriel, M. Roberto Rodriguez de l'Alliance coopérative internationale a insisté sur la nécessité d'instaurer une coopération étroite entre les savants, le secteur industriel et les agriculteurs. M. Ajay Vashee, de la Fédération nationale des fermiers de Zambie, représentant le groupe des exploitants agricoles a reconnu que l'avenir des agriculteurs dépend des résultats que permettra d'obtenir le système des connaissances agricoles. Il a cependant estimé que les nouvelles technologies et l'éducation ne devraient pas être imposées aux communautés autochtones. M. Peter Hurst, du syndicat international des travailleurs agricoles et de l'alimentation, s'exprimant pour sa part au nom des associations de travailleurs, a insisté sur le caractère largement sous- utilisé des compétences et du savoir-faire des salariés agricoles. Dans la même veine, Mme Maria-José Guazzelli du Centre écologique du Brésil, parlant, quant à elle, pour le groupe des ONG, a appelé les organismes de recherche à reconnaître que les méthodes des petits agriculteurs et des femmes agricultrices ont une réelle valeur scientifique car elles ont été développées à partir d'observations et de tests effectués méthodiquement pendant de très nombreuses années.

Réagissant à ces présentations, le représentant du Nigéria a, au nom des pays du Sud, insisté sur l'importance de diffuser les informations, non pas seulement sur les techniques de production, mais aussi sur les marchés. Au nom des pays du Nord, la représentante de l'Allemagne a, quant à elle, attiré l'attention de la CDD sur le fait que la sécurité de l'accès à l'alimentation dépend aussi de l'acquisition de toute une gamme de connaissances par les consommateurs.

L'échange de vues qui a eu lieu ensuite a tenté d'établir si le système actuel de la propriété intellectuelle favorise ou non le développement et l'utilisation des connaissances traditionnelles et locales. A cet égard, plusieurs intervenants s'exprimant au nom des agriculteurs et des populations autochtones ont estimé que la recherche scientifique et industrielle pille les savoirs ancestraux.

Un représentant du monde de la recherche a, pour sa part, reconnu que le système des brevets ne fait peut-être pas justice aux autochtones. L'une des solutions avancées sur ce point consisterait à sortir d'une logique purement commerciale. Ceci permettrait en effet aux connaissances, tant traditionnelles que nouvelles, de conserver un caractère de bien public, évitant ainsi des appropriations abusives de la part de certaines entreprises. Pour déjouer la "biopiraterie" dénoncée par de nombreux intervenants, l'établissement d'un code de conduite à destination du secteur industriel et du secteur de la recherche a été proposé. Les intervenants se sont ensuite demandé comment mieux intégrer les technologies nouvelles aux savoirs traditionnels. Le rôle des associations et coopératives d'agriculteurs a, à cette occasion, largement été mis en avant. Certains participants ont aussi insisté sur l'importance d'enseigner les savoirs autochtones dans les milieux académiques.

Cet après-midi, à partir de 15 heures, la Commission tiendra son dernier dialogue à participation multiple sur l'agriculture. Le thème en sera "la mondialisation, libéralisation des échanges et schémas d'investissement: incitations économiques et conditions propres à promouvoir une agriculture écologiquement viable".

SECTEUR ECONOMIQUE/GRAND GROUPE: AGRICULTURE

Les connaissances au service d'un système alimentaire durable: recensement des besoins en matière d'éducation, de formation, de partage des connaissances et d'information et mesures visant à les satisfaire

Documentation

La documentation dont la Commission est saisie sur ce point a été présentée dans nos communiqués ENV/DEV/455 et ENV/DEV/456, en date du 24 avril 2000.

Présentations des grands Groupes

M. ROBERTO RODRIGUEZ, Président de l'Alliance coopérative internationale, s'exprimant au nom du secteur agro-industriel, a déclaré qu'une étroite coopération entre les agriculteurs, les chercheurs et le secteur industriel sera indispensable pour garantir que l'alimentation continuera d'être produite et distribuée de manière sûre. Les industries d'engrais et de pesticides investissent traditionnellement plus de 10% de leurs revenus annuels dans la recherche et le développement afin de trouver des produits innovants. Ceci constitue en quelque sorte la réponse du secteur agroalimentaire à la baisse des investissements publics et à la hausse des besoins alimentaires. M. Rodriguez a expliqué que pour l'heure les efforts de recherche se concentrent sur les fertilisants à "émission contrôlée" qui pourraient avoir des effets positifs sur l'environnement.

L'industrie agroalimentaire tient à souligner le rôle des secteurs privé et public dans la recherche et le développement et dans la diffusion des avancées scientifiques auprès des agriculteurs. Elle estime également que les services de conseil indépendants sont importants. A cet égard, le Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale est véritablement un élément pivot. Il est clair que sans une éducation, une information et des activités de vulgarisation à destination des agriculteurs tous ces efforts n'auront que peu d'effet. Il faut donc développer un système d'information plus complet qui ne se limite pas à la seule communication commerciale, pour que tous sachent comment utiliser de la manière la plus efficace et la plus sûre les produits achetés. Les associations paysannes et les coopératives peuvent aussi apporter beaucoup à l'éducation et à la diffusion de l'information. L'industrie de son côté contribue aussi à ces efforts. Il est important toutefois de continuer d'appuyer les activités de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et des autres organisations internationales dans ce domaine, a déclaré en conclusion M. Rodriguez.

M. AJAY VASHEE, Président de la Fédération nationale des fermiers de Zambie, prenant la parole au nom du Groupe des exploitants agricoles, a déclaré que les nouvelles technologies et l'éducation ne devraient pas être imposées aux communautés autochtones. Les associations paysannes peuvent jouer un rôle important dans la transmission des connaissances auprès des agriculteurs et des autres acteurs du secteur de l'agriculture. Les gouvernements doivent continuer leur appui aux travaux de recherche dont les résultats doivent être accessibles aux agriculteurs. Les instituts de recherche devraient faire participer davantage les agriculteurs, par le biais de leurs associations, et devraient tenir compte de leurs besoins. Les liaisons entre les différents acteurs sont importantes et bénéficient à tous.

Par exemple, les institutions de recherche et de vulgarisation bénéficient des fonds fournis par les fermiers. Le représentant a appelé à la reconnaissance des droits des communautés autochtones et à un appui pour préserver les méthodes d'agriculture traditionnelles.

M. PETER HURST, du syndicat international des travailleurs agricoles et de l'alimentation, s'exprimant au nom des associations de travailleurs, a expliqué que les travailleurs salariés agricoles qui sont l'une des populations actives les plus importantes en nombre, sont l'une des moins syndiquées et l'une des moins éduquées. Ces travailleurs ont pourtant indéniablement un savoir-faire et sont capables de relever de nouveaux défis. Le problème est qu'actuellement leurs connaissances ne sont pas assez reconnues, par exemple, ils sont tout à fait invisibles dans Action 21 n'apparaissant nullement au Chapitre 14. Dans la pratique, ils sont souvent marginalisés, ce qui fait qu'ils ne peuvent pas utiliser leurs compétences de manière pleinement efficace. De nombreux droits de l'homme fondamentaux, comme celui de négocier les conventions collectives pertinentes, leur sont niés. Pour changer cette situation, il faut que le secteur syndical commence par mettre au point des programmes de formation pour ses adhérents. Cet effort peut être développé avec le concours d'autres parties prenantes. Ceci est déjà une réalité en Ouganda par exemple où syndicats et industrie forment ensemble des travailleurs salariés. Il faut aussi encourager le partage des connaissances entre travailleurs et offrir des programmes de formation en matière des normes posées par l'Organisation internationale du Travail (OIT). Il faudrait également mettre au point des programmes de formation montrant aux salariés de l'agriculture que "agriculture durable" est synonyme « d'emploi durable ». L'apport de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) en matière d'hygiène et de conditions saines de travail pour ces personnes serait aussi la bienvenue.

M. MARIA-JOSE GUAZZELLI, a déclaré, au nom du groupe des ONG, que tous les acteurs doivent participer au processus de prise de décision. Elle a regretté que les gouvernements prennent des décisions importantes sur l'agriculture en ne tenant compte que des avis des entreprises transnationales. Elle a appelé les gouvernements à reconnaître et modifier les politiques agricoles industrielles qui contribuent à la production d'une alimentation et d'un système de distribution non sûr. Elles a également déploré que les petits fermiers et les travailleurs agricoles qui produisent l'alimentation pour le reste de la population ne soient pas consultés pour la définition des principes essentiels d'agriculture durable et de sécurité alimentaire. Pourtant, ce sont les petits exploitants qui sont les premiers à souffrir des incidences de ces décisions.

Les gouvernements devraient mettre au point des politiques d'éducation en collaboration avec les autres parties prenantes afin de diffuser les connaissances sur les systèmes alimentaires durables et leur lien avec la sécurité alimentaire. Les gouvernements devraient également sensibiliser tous les consommateurs et les autres parties prenantes à ces questions.

La représentante a ajouté qu'il faut reconnaître que les méthodes des petits agriculteurs et des femmes ont une réelle valeur scientifique car elles ont été testées et sont fondées sur les observations recueillies méthodiquement au cours des années. La représentante a recommandé que les gouvernements et les institutions reconnaissent les programmes mis au point par les associations d'agriculteurs et les développent intégralement. Elle a appelé à la construction d'alliances entre les consommateurs et les agriculteurs afin que les uns et les autres aient plus de prise sur le système de production agricole, et particulièrement la définition des prix des produits agricoles.

Apportant la réaction des pays du Sud aux présentations des grands groupes, M. SANI (Nigéria) a déclaré que les connaissances et l'information sont essentielles pour assurer le caractère durable de l'agriculture. La question de la durabilité exige une approche holistique, on le voit bien, car elle ne porte pas seulement sur les techniques de production et l'environnement, mais aussi sur les compétences de chacun. Les consommateurs doivent par exemple être éduqués. Dans de nombreux pays en développement, on constate qu'une fois que l'agriculture est bien dirigée et centrée sur les besoins des agriculteurs, auxquels on assure un bon accès à l'approvisionnement et à l'information, les chances qu'ils ont de réaliser pleinement leur potentiel sont largement multipliées. L'expérience montre que les liens entre la recherche et la vulgarisation et les agriculteurs sont essentiels. Souvent ces derniers n'ont pas un accès direct aux apports de la recherche et il leur est difficile de mettre en œuvre les informations qu'ils reçoivent, ce qui les empêche d’augmenter leur productivité. La formation et les stages de recyclage des agriculteurs sont indispensables. Les exploitants doivent aussi se prendre en mains et diffuser entre eux les informations. De leur côté, les gouvernements doivent absolument avoir une approche plus active. Dans les cas où ils ne disposent pas des ressources suffisantes pour développer les recherches, l'apport du secteur privé, et des organismes internationaux est nécessaire. Un autre point essentiel à comprendre lorsque l'on parle d'agriculture durable, a insisté le représentant, est l'accès aux marchés et un niveau de prix permettant aux exploitants de vivre de leurs activités. Les informations relatives aux marchés sont donc aussi très importantes.

Mme USCHI EID, Secrétaire parlementaire du Ministère fédéral de la coopération économique et du développement de l'Allemagne, s'exprimant au nom des pays développés, a attiré l'attention de la CDD sur l'importance d'un accès sûr à l'alimentation, qui dépend de l'acquisition de toute une gamme de connaissances par les consommateurs. La représentante a ensuite appelé les acteurs de la recherche à tenir compte de l'expérience des agriculteurs et à les faire participer à leurs travaux. Evoquant les droits de propriété foncière, elle a souligné qu'ils ne doivent pas mener à l'exclusion des petits exploitants. Les travailleurs agricoles doivent aussi bénéficier de conditions de travail satisfaisantes. La représentante a mis en garde les tenants de l'agriculture intensive en soulignant que les consommateurs des pays développés ont pris conscience des problèmes et que cela peut entraîner une baisse de la consommation de produits qui contiennent trop de substances chimiques ou qui ont été cultivés dans de mauvaises conditions.

Dialogue

Ouvrant le dialogue, le Président de la Commission, M. JUAN MAYR MALDONADO (Colombie), s'est dit frappé par le fait que tous les intervenants se sont montrés d'accord pour reconnaître que tous les acteurs de la chaîne agroalimentaire devraient participer à l'échange des connaissances. Il s'est par exemple félicité de voir que tous reconnaissent que les agriculteurs doivent directement participer au partage de l'information. Il a néanmoins identifié certaines divergences portant sur la nature même des connaissances ainsi que sur le problème de la propriété et des droits intellectuels. Il a estimé que la plus grande lacune en matière de diffusion des connaissances semble située pour l'heure en matière de financement des activités de formation.

Un représentant des associations de populations autochtones a déclaré que les progrès scientifiques apportés par les autochtones et les connaissances que ces populations détiennent sont un patrimoine éducatif et culturel très important. Le travail de la terre, plus qu'une réponse aux besoins alimentaires, s'inscrit, pour les populations autochtones, dans une relation plus large à la nature, dont l'homme n'est qu'un chaînon. Trop souvent, au Nord comme au Sud, on considère que les ressources naturelles doivent être préservées et transmises intactes aux générations futures. En matière d'éducation, la vision autochtone semble donc particulièrement importante en ce qu'elle est pleinement respectueuse de la nature et peut contribuer à l'agriculture durable. Cet objectif ne peut être atteint qu'en acceptant les diverses conventions internationales, dont celles de l'OIT et en développant des programmes de formation internationaux respectueux de toutes les philosophies dont celles des populations autochtones. Un autre représentant des populations autochtones, venu d'Amérique latine et notamment des Andes, a proposé que soient reconnues les connaissances et les contributions scientifiques et technologiques des populations autochtones. Pour lui, il faut mettre à disposition toutes les ressources financières permettant de diffuser largement les connaissances dont ces populations disposent, notamment par exemple en matière de plantes médicinales. Il a appelé en dernier lieu à la protection de la propriété intellectuelle autochtone.

Partant de ces remarques, M. JUAN MAYR MALDONADO, a invité les participants à établir si le système actuel des droits de propriété intellectuelle encourage ou non la diffusion des connaissances autochtones et locales ou bien au contraire les limite.

Une représentante du groupe des ONG a déclaré que les agriculteurs savaient traditionnellement comment tirer parti des caractéristiques de leurs terres. Elle a déploré que l'avènement des monocultures et des systèmes de production alimentaire modernes ait entraîné la disparition de nombreuses connaissances locales. Un autre représentant du groupe des ONG a déclaré que pour passer d'une agriculture classique à une agriculture durable, il faut élaborer des lois. Il a cité l'exemple des ONG du Venezuela qui participent au processus d'amendement de la Constitution dans laquelle l'agriculture durable aura sa place. Une représentante du secteur agro-industriel a déclaré que les produits biotechnologiques dérivés de gènes ont une valeur ajoutée importante, ce qui explique le système des licences. Grâce à ce système, les pays d'origine de ces gènes touchent une partie des bénéfices. Un autre représentant du secteur de l'industrie a signalé que l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) a mis en place des groupes de travail réunissant des représentants des groupes autochtones et de l'industrie autour de la question de la protection des connaissances locales et indigènes. Il a souligné que l'industrie est prête à participer à ces travaux très importants. Une représentante des syndicats de l'industrie agroalimentaire a déclaré que les syndicats réunissent depuis longtemps les informations et les connaissances pour les diffuser parmi les travailleurs et les employeurs. Des programmes de formation entre les travailleurs sont également mis en place. Les connaissances contribuent à l'autonomisation des travailleurs, a-t-elle souligné. Il y a une longue tradition de partage des connaissances dans le domaine de la sécurité alimentaire mais aussi dans le domaine sanitaire entre les syndicats et les travailleurs, ainsi qu'avec les employeurs. Un représentant du groupe des agriculteurs a appelé à un renforcement du financement du secteur public en matière de recherche. Une représentante des ONG a déclaré que le système actuel d'éducation doit mieux intégrer les connaissances traditionnelles. Les représentants des peuples autochtones doivent aussi participer à la prise de décision. Pour ce faire, les agriculteurs doivent apprendre quelles sont les techniques d'information et les manières de faire connaître les positions des agriculteurs. La représentante a donné pour exemple la situation en Russie, où la participation des agriculteurs autochtones est encore insuffisante.

Mme ROCA (Bolivie) a déclaré que la protection des connaissances traditionnelles est d'une extrême importance, notamment pour les pays de la région des Andes qui ont une richesse traditionnelle extraordinaire. Aujourd'hui, par exemple, la Bolivie livre véritablement une bataille contre les multinationales qui entendent diffuser leurs produits génétiquement modifiés. Les autochtones qui sont propriétaires des terres se voient pour cela proposés des offres très alléchantes à condition qu'ils utilisent les produits et autres engrais commercialisés par ces multinationales. Le Gouvernement bolivien doit donc faire savoir auprès de ces populations que ces organismes génétiquement modifiés ont des effets négatifs. L'un des problèmes est que ces entreprises ont des budgets beaucoup plus importants que ceux des pays en développement.

Une représentante des ONG, venue d'Afrique, a estimé que la voie à suivre est relativement claire. Il suffit en fait de faire preuve d’une volonté politique réelle. Action 21 reconnaît en effet que les femmes sont les gardiennes privilégiées des connaissances traditionnelles et des savoirs ancestraux. De nombreuses organisations féminines en Afrique ont essayé de convaincre les gouvernements d'utiliser les semences traditionnelles qui sont sûres pour les sols. La représentante a estimé que les organisations internationales devraient de leur côté s'efforcer de diffuser les connaissances traditionnelles.

Un membre d'une ONG représentant le secteur de l'industrie a fait part de son expérience quant au genre d'informations que les agriculteurs demandent. Il a indiqué que ce sont les agriculteurs eux-mêmes qui savent le mieux ce dont ils ont le plus besoin. La transmission d'informations doit donc être améliorée sur cette base. Un agriculteur des pays en développement a grand besoin d'information et de formation, a insisté une représentante du monde agricole. La question de la propriété intellectuelle revêt une importance toute particulière dans les pays en développement et c'est pourquoi ce point ne doit pas être envisagé séparément de la question des connaissances des populations autochtones, a-t-elle également estimé. La CDD devrait appuyer les initiatives tendant à lutter contre les entreprises multinationales qui agissent aux dépens des cultures traditionnelles pourtant bénéfiques pour le grand public, a déclaré, pour sa part, une intervenante s'exprimant au nom des travailleurs agricoles. Dans l'immédiat, il convient de faire la distinction entre l'information dont nous avons réellement besoin et celle que nous recevons selon le bon vouloir de l'industrie agroalimentaire. En matière d'éducation, de formation et de diffusion des connaissances, l'une des questions les plus aiguës est de savoir qui doit payer pour ces programmes. Selon l'intervenante, cette obligation revient en premier lieu à l'industrie et aux gouvernements.

M. JOHN CHESTER (Australie) qui est chargé par son Gouvernement de la protection des terres et connaissances autochtones, a déclaré que la fonction de la gestion des terres de manière durable est d'utiliser les sols de manière durable, de promouvoir l'écoculture et l'écotourisme, de protéger la flore et la faune et surtout de créer des partenariats qui constitueront la base de la conservation continue des ressources. Pour lui, il importe que les autorités fassent en sorte que les populations autochtones puissent préserver leurs ressources.

Un intervenant venu des Bermudes a évoqué le rôle des syndicats en matière d'éducation et de diffusion des informations. Pour que le renforcement des capacités soit vraiment efficace, il faut que toutes les parties prenantes participent réellement aux efforts. Si l'éducation permet d'utiliser au mieux les ressources naturelles et matérielles, le renforcement des capacités permet lui de créer un climat de travail sain pour les travailleurs du secteur agricole. Pour sa part le Vice-Président du Forum mondial de la recherche agricole a reconnu que les savoirs autochtones et traditionnels sont un élément de base du travail scientifique. Par-là, on entend pas seulement les connaissances ancestrales mais aussi les innovations qui apparaissent tous les jours au sein des communautés. Il a aussi estimé que les agriculteurs doivent être placés au centre de tous les processus et que de nouveaux partenariats permettant d'accélérer la diffusion des connaissances doivent être instaurés. Il faut entreprendre une véritable révolution des mentalités où chacun a conscience qu'il est un partenaire. Le représentant a aussi plaidé en faveur de l'information entre exploitants, qui doit être institutionnalisée pour devenir plus systématique, a-t-il suggéré.

Pour sa part, un représentant de l'industrie a fait remarquer que dans de nombreux pays en développement, les budgets consacrés au secteur agricole sont chaque année plus petits. Les transferts de technologies sont très importants, mais malheureusement ils ne sont pas toujours dirigés vers les agriculteurs comme cela se devrait. Une intervenante s'exprimant au nom des ONG a estimé qu'il faut que toutes les parties acceptent certains compromis. En matière de connaissances traditionnelles, des études doivent, par exemple, être réalisées pour définir si elles sont ou non rentables économiquement. D'un autre côté, l'on sait que les pratiques traditionnelles peuvent largement tirer partie de la télédétection.

Reprenant la parole, M. EDACHE (Nigéria) s'est, pour sa part, demandé dans quelle mesure une entreprise publique ou privée qui collecte les ressources génétiques afin d'en contrôler la diffusion et l'utilisation de manière unilatérale contribue réellement à l'agriculture durable.

Sur la base des remarques formulées par les participants, le Président de la Commission a demandé quels sont les mécanismes que l'on peut utiliser pour établir des réseaux d'information qui intègrent les différents secteurs.

Un représentant des peuples autochtones du Suriname a demandé à ce que des processus de participation soient mis en place pour les populations autochtones au sein de la CDD. Un fonds de contributions volontaires permettant aux représentants des populations autochtones d'être effectivement représentés devrait être mis en place. La Commission pourrait enfin promouvoir la reconnaissance juridique de la propriété autochtone. Les connaissances autochtones devraient être considérées comme des ressources naturelles, a pour sa part proposé un représentant des ONG. Les savoirs autochtones devraient notamment être enseignés dans les universités et dans les milieux académiques et scientifiques.

Débat

Le représentant du Groupe de l'industrie a présenté le programme australien "Landcare" de partenariat entre les autochtones, les écologistes, les entreprises et les agriculteurs. Ce programme a permis la mise en place d'un réseau de facilitateurs qui doivent contribuer à la diffusion des informations. Le secteur privé fournit des fonds et apporte des connaissances aux instances agricoles. Un représentant de la communauté scientifique a présenté les activités de son association dans le secteur de la recherche agricole. Il a déclaré que la recherche agricole et alimentaire du secteur public n'est pas suffisamment financée dans les pays en développement. Il a recommandé la vulgarisation des connaissances dans le domaine de l'alimentation. Une représentante des agriculteurs a fait remarquer que l'investissement des gouvernements, des ONG et de l'industrie en faveur des femmes rurales des pays en développement n'a pas été évoqué. Les femmes ont besoin

d'une formation dans le domaine agroalimentaire et doivent avoir accès aux postes de responsabilité dans l'agriculture. Leur analphabétisme est également une cause de pauvreté. La représentante a estimé que la protection de la famille peut aboutir à un renforcement de la sécurité alimentaire. Une autre représentante des agriculteurs a mis l'accent sur l'importance de la participation des organisations d'agriculteurs aux processus de prise de décision au niveau national. La coopération contribue à l'instauration d'une agriculture viable. Un représentant des syndicats des Philippines a déclaré que les efforts de ces derniers ont permis d'adopter des méthodes de travail plus respectueuses de l'environnement.

Une autre représentante des syndicats a déclaré que son organisation a mis en place des programmes d'information et d'éducation du public par la musique et le théâtre sur le développement durable, et notamment sur la sécurité sur les lieux de travail. Mme TUBIANA (France)a souligné qu'il faut restituer la confiance et atténuer la division entre les aspects publics et privés de la connaissance. Elle a suggéré la création de réseaux d'information où les connaissances traditionnelles soient disponibles tout en étant protégées. Ainsi, ces ressources génétiques et autres connaissances garderaient un caractère collectif sans que des entreprises ne puissent se les approprier.

Remarques de conclusion

M. EDACHE (Nigéria) s'est associé aux recommandations visant à renforcer les systèmes de recherche et de vulgarisation. Le représentant des groupes agro- industriels a déclaré que la situation est différente sur le terrain car les agriculteurs, les ONG et les entreprises travaillent en harmonie. Un autre intervenant a mis l'accent, au nom du groupe des ONG, sur le rôle des coopératives agricoles, qui constituent un instrument important de transmission des techniques du développement agricole durable, notamment par la formation des populations rurales. Le développement des coopératives doit jouer un rôle prépondérant dans le développement durable. Le représentant du groupe des populations autochtones a souhaité que les droits collectifs doivent être protégés à tous les niveaux. La représentante des groupes d'ONG a appelé à l'identification des connaissances utiles en agriculture et des acteurs à qui elles profitent. Elle a critiqué l'organisation verticale des connaissances agricoles. La représentante a estimé que les gouvernements ont un rôle à jouer dans l'information des consommateurs. Le représentant des agriculteurs a estimé que le transfert des connaissances aux agriculteurs doit se faire sur un pied d'égalité. Il faut augmenter les ressources consacrées à la diffusion de l'information dans des langues comprises par les agriculteurs. Le représentant du syndicat des travailleurs agricoles suédois a mis l'accent sur les terres, les produits chimiques et la formation. Il a critiqué l'augmentation de l'utilisation des pesticides dans le monde et le manque de connaissances des agriculteurs dans ce domaine. Il a préconisé la mise en place de programmes d'information conjoints entre les pays en développement et les pays développés. Il faut également protéger le droit de refuser un travail dangereux. Le représentant a conclu en appelant les gouvernements à faire participer les travailleurs agricoles et leurs représentants aux processus de prise de décision.

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