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CD/187

CONFERENCE DES ETATS PARTIES AU TNP : UNE CONFERENCE EXTRAORDINAIRE DES ETATS PARTIES EST SUGGEREE AFIN DE PROMOUVOIR UNE UTILISATION PACIFIQUE DE L'ENERGIE NUCLEAIRE

25 avril 2000


Communiqué de Presse
CD/187


CONFERENCE DES ETATS PARTIES AU TNP : UNE CONFERENCE EXTRAORDINAIRE DES ETATS PARTIES EST SUGGEREE AFIN DE PROMOUVOIR UNE UTILISATION PACIFIQUE DE L'ENERGIE NUCLEAIRE

20000425

Des Etats invitent Israël à soumettre ses installations nucléaires au contrôle de l'AIEA

La Conférence des parties chargées d'examiner le Traité sur la non- prolifération des armes nucléaires a poursuivi cet après-midi son débat général. L'Egypte, les Emirats arabes unis, l'Arabie saoudite, appuyés par la Jamahiriya arabe libyenne, ont fait part de leur insatisfaction quant à l'application de la résolution sur le Moyen-Orient adoptée en 1995 lors de la Conférence de prorogation du Traité. La résolution, ont-ils rappelé, appelait tous les Etats de la région du Moyen-Orient à adhérer au TNP, à placer leurs installations nucléaires sous le régime de garanties de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) et à prendre les mesures nécessaires à la création d'une zone exempte d'armes de destruction massive. D'autres Etats, entre autres, la Colombie ont suggéré de convoquer une Conférence extraordinaire des Etats parties sur la promotion et la coopération pour une utilisation pacifique de l'énergie atomique.

Des Etats parties ont évoqué le potentiel important que représente l'utilisation de l'énergie nucléaire à des fins pacifiques. Certains ont exprimé leur déception devant l'absence de coopération internationale dans ce domaine et les politiques d'exportation restrictives pratiquées par les Etats dotés de capacités nucléaires.

Les personnalités suivantes ont pris la parole: Ministre des affaires étrangères de la République islamique d'Iran, le Directeur des questions de sécurité et de mulilatéralisme au Ministère des affaires étrangères du Pérou. Les représentants des Etats parties suivants ont également fait des déclarations: Emirats arabes unis, Egypte, Colombie, Arabie saoudite, Malaisie, Jamahiriya arabe libyenne. L'observateur de la Suisse et le Secrétaire exécutif de la Commission préparatoire de l'Organisation du Traité d'interdiction complète des essais nucléaires ont pris la parole.

Suite du débat général

M. MOHAMMAD J. SAMHAN AL-NOAIMI, Représentant permanent des Emirats arabes unis auprès des Nations Unies, a souligné que les armes nucléaires représentent une menace pour l'humanité entière et que leur utilisation a également d'importantes conséquences économiques et écologiques. Rappelant que certains pays qui se trouvent dans une zone où les tensions régionales sont accrues poursuivent des activités nucléaires dans le cadre d'une stratégie de dissuasion, le représentant a appelé instamment tous les Etats à respecter leurs obligations, conformément au Traité de non-prolifération nucléaire. Les Emirats arabes unis appuient la proposition visant la création d'un régime internationalement contraignant qui assurera la sauvegarde du régime de non-prolifération et l'octroi de garanties aux pays qui ne possèdent pas l'arme nucléaire. Accueillant favorablement les propositions de création d'une zone exempte d'armes nucléaires au Moyen-Orient, les Emirats arabes unis regrettent qu'Israël reste le seul pays de la région qui n'ait pas encore adhéré au TNP et qui possède encore des armes nucléaires et autres armes de destruction massive, ce qui représente une menace continue à la paix et à la sécurité dans la région. Le représentant a demandé à la Conférence d'insister auprès du Gouvernement israélien pour qu'Israël renonce à son arsenal nucléaire et pour qu'il soumette toutes ses installations nucléaires au régime de l'AIEA. De même, les Emirats arabes unis demandent à la Conférence d'examen du TNP de 2000 d'obtenir des résultats positifs permettant de renforcer le caractère universel du TNP.

M. KAMAL KHARRAZI (République islamique d'Iran) a déclaré que le développement des armes nucléaires s'est poursuivi de façon effrénée. Dans le même temps, les initiatives portant sur l'élaboration d'une convention relative aux armes nucléaires n'ont pas progressé. Malgré les nombreux appels en faveur de mesures de désarmement, les Etats nucléaires ont continué de penser que la détention de l'arme nucléaire leur conférerait un statut international prééminent pour l'éternité. Pourtant, les dispositions du TNP stipulent que l'élimination complète des armes nucléaires et la conclusion d'un traité sur un désarmement général et complet sont les objectifs ultimes du Traité. On peut alors en déduire que les Etats dotés de l'arme nucléaire sont tenus de cesser la fabrication de telles armes, d'éliminer leurs arsenaux nucléaires ainsi que leurs vecteurs. Toutefois, un nombre croissant d'indices témoignent de la persistance des doctrines nucléaires. Nous devons envisager l'ouverture de négociations sur un protocole additionnel au TNP qui interdirait l'emploi des armes nucléaires. En fait, a précisé le représentant, il est temps de négocier une convention sur les armes nucléaires.

Abordant le potentiel considérable que l'on peut tirer d'une utilisation de l'énergie nucléaire à des fins pacifiques, le représentant a évoqué l'article IV des dispositions du Traité qui prévoit un plan pour l'utilisation de l'énergie nucléaire à des fins pacifiques par tous les Etats sans discrimination. Les Etats dotés de l'arme nucléaire se sont engagés en vertu de cet article à faciliter les transferts de matériel, équipement et informations scientifiques. Mais en fait ce que l'on constate est loin de la réalité. Nous ne pouvons qu'exprimer notre consternation devant l'absence systématique de transferts de technologies en faveur des pays qui ne sont pas dotés de l'arme nucléaire et les politiques d'exportation restrictives pratiquées par les fournisseurs en énergie nucléaire dont l'objectif principal est de conforter leur domination. Cette Conférence d'examen devra garantir la fourniture de sources d'énergie et le développement d'une approche commune pour le transfert des matériaux nucléaires à des fins pacifiques. Le représentant a estimé que la

poursuite du programme d'armement clandestin d'Israël est un obstacle majeur à la réalisation des objectifs du TNP. Il est donc d'autant plus important de rechercher les moyens de mettre en oeuvre la résolution sur le Moyen-Orient adoptée en 1995. Israël devrait être forcé de renoncer à ses armes nucléaires, accéder au TNP et placer toutes ses installations sous le système de garanties de l'AIEA.

M. ABOUL GHEIT (Egypte) a estimé que le régime de non-prolifération des armes nucléaires se trouve à une étape sensible et délicate de son existence en expliquant ses propos par le caractère toujours non universel du TNP, la prolifération des armes nucléaires en Asie du Sud, l'avenir désormais incertain du TICE à la suite de son rejet par le Sénat américain, et par le sort réservé aux négociations tant attendues sur un traité concernant les matières fissiles. Le représentant a cité la suite peu satisfaisante donnée à la résolution sur le Moyen-Orient adoptée lors de la dernière Conférence qui appelait tous les Etats de la région à adhérer au TNP et à placer leurs infrastructures nucléaires sous le régime de garanties de l'AIEA. La résolution appelait aussi ces Etats, a ajouté le représentant, à prendre les mesures nécessaires à la création d'une zone exempte d'armes nucléaires. L'Egypte, a-t-il poursuivi, a souligné à maintes reprises que l'absence d'un instrument international contraignant en matière de garanties de sécurité pour protéger les Etats non nucléaires des dangers d'armes auxquels ils ont volontairement renoncé est la source d'une profonde déception. Il est donc grand temps, a insisté le représentant, d'ouvrir des négociations sur l'élaboration d'un tel instrument.

Le TNP, a-t-il dit, reconnaît le droit des Etats non nucléaires de bénéficier de l'utilisation pacifique de l'énergie nucléaire et du transfert inconditionnel de la technologie et du savoir-faire. Or, les limites imposées aux Etats parties augmentent sans cesse en violation flagrante de l'esprit et de la lettre du Traité mais aussi des Décisions sur les Principes et les Objectifs. Le représentant a appelé à une plus grande transparence dans les régimes de contrôle des exportations de produits liés au nucléaire en souhaitant qu'il soit fait obligation aux Etats d'appliquer le régime de garanties de l'AEIA à toutes leurs activités nucléaires, comme condition préalable au transfert de technologie ou de matériaux nucléaires.

Le représentant a rappelé qu'Israël demeure le seul Etat de la région à ne pas avoir répondu aux appels de la résolution de la dernière Conférence sur son adhésion au Traité et le placement de ses infrastructures nucléaires sous le régime de garanties de l'AIEA. Au cours des cinq dernières années, a souligné le représentant, l'Egypte n'a cessé de présenter de nouvelles propositions sur les mesures que doivent prendre Israël et les Etats de la région pour faire progresser le Moyen-Orient sur la voie de l'élimination des armes nucléaires et des autres armes de destruction massive. Israël est resté sourd à ces propositions et a même refusé d'engager un dialogue serein sur les questions d'armements en général, un dialogue qui serait fondé sur le droit logique et compréhensible de tous les Etats de la région de vivre en paix et dans la sécurité.

Le TNP ne saurait être crédible aux yeux des Etats de la région aussi longtemps qu'un seul Etat sera exempté de l'application de ses dispositions. Il a exhorté la Conférence à tenir compte du caractère unique de la situation au Moyen- Orient; à demander sans équivoques à Israël d'adhérer sans plus tarder au TNP et de placer ses installations sous le contrôle de l'AIEA; à parachever l'universalité du Traité; à souligner la responsabilité des Etats nucléaires qui ont coparrainé la résolution sur le Moyen-Orient en 1995; et à encourager la mise en place d'un mécanisme de contrôle et de suivi des progrès réalisés dans la mise en oeuvre de cette résolution.

Décrivant ce que, pour lui, devraient être les résultats de la Conférence, le représentant a mis en garde contre toute tentative de séparer les questions consensuelles des questions difficiles. Une telle initiative ne ferait que saper la crédibilité des résultats finaux de la Conférence et du Traité lui-même, a prévenu le représentant en qualifiant d'inacceptable une telle éventualité. Il est logique que tous les membres de la communauté internationale participent sur un pied d'égalité à la création de mécanismes visant à éliminer le danger nucléaire à partir d'un cadre agréé qui assure un équilibre entre les droits et les obligations de tous les Etats et ce, sans faire deux poids deux mesures, a conclu le représentant.

M. CAMILO REYES, Représentant permanent de la Colombie auprès de l'Office des Nations Unies à Genève, a rappelé que son pays s'est engagé pleinement aux efforts de la communauté internationale en vue de la non-prolifération et du désarmement nucléaires et qu'il est partie au TNP depuis sa mise en place. Bien avant, la Colombie, conjointement avec la majorité des pays de l'Amérique latine, a convenu de déclarer son territoire zone exempte d'armes nucléaires conformément au Traité de Tlatelolco. Depuis la présidence de la troisième session du Comité préparatoire de la Conférence, la Colombie a mené d'importantes activités cherchant à obtenir le respect des responsabilités qu'impose le nouveau processus de révision. Il faut que la Conférence d'examen assume ses responsabilités avec imagination et sans préjugés. Il convient de préserver le régime de non- prolifération, mais cela n'est pas suffisant - il est nécessaire de le renforcer et de le rendre plus efficace. Par conséquent, il ne faut pas avoir peur de propositions constructives qui permettraient d'appuyer l'institutionnalité du Traité et sa capacité à prendre des mesures dans les domaines qui relèvent de sa compétence.

Depuis la Conférence d'examen et de prorogation de 1995, des développements significatifs ont eu lieu. Il est à noter que plusieurs pays ont, pendant cette période, adhéré au TNP, parmi lesquels deux pays importants d'Amérique latine, à savoir le Brésil et le Chili. Dans le même temps, nous ne pouvons accepter que de nouveaux Etats se soient autodéclarés puissances nucléaires. Le danger d'une guerre nucléaire continue d'exister tout comme la possibilité d'une destruction totale de la planète. De plus, les doctrines qui prétendent justifier l'usage d'armes nucléaires persistent encore. La situation au Moyen-Orient mérite, elle aussi, toute notre attention. Dans ce contexte, il nous faut maintenir la pression qu'exerce la communauté internationale sur l'unique pays de la région qui ne soit pas partie au TNP pour qu'il soumette ses installations nucléaires au régime de l'AIEA. Pour un pays comme la Colombie qui n'a pas et qui n'a jamais eu d'aspiration dans le domaine des armes nucléaires, la participation à un traité comme le TNP a, en plus de la contribution qu'elle représente pour la paix et la sécurité internationales, un objectif plus concret: celui de la coopération pour l'usage pacifique de l'énergie nucléaire. A cet égard, la Colombie souhaite proposer que l'on envisage la possibilité d'organiser une conférence extraordinaire des Parties consacrée exclusivement à la promotion de la coopération pour l'usage pacifique de l'énergie nucléaire.

M. FAWZI SHOBOKSHI (Arabie Saoudite) a déclaré qu’il est impératif de procéder à une évaluation objective de la mise en œuvre du TNP et de déterminer les domaines dans lesquels des efforts doivent être accomplis pour renforcer celle-ci et viser son universalité. Il a exprimé ses préoccupations quant à la prolifération horizontale et verticale de l’arme nucléaire et il a appelé les Etats dotés de l’arme nucléaire à prendre leurs responsabilités et à ne pas encourager cette prolifération qui jette un doute sur l’efficacité et la crédibilité du TNP. Rappelant que la prolifération nucléaire est une menace contre la paix et la sécurité internationales, il a fait valoir le rôle pivot que jouent, en particulier dans les pays dotés de l’arme nucléaire, les mesures de contrôle effectif par l’Agence international de l’énergie atomique (AIEA) prévues par le Traité, les mesures prises pour contrôler les exportations et les mesures appropriées prises contre les violations communiquées par l’AIEA. Il a également fait valoir que les Etats non dotés de l’arme nucléaire doivent bénéficier des garanties, codifiées, qu’ils ne feront pas l’objet d’attaques nucléaires et, il a indiqué qu’il est pressant de renforcer le système de non-prolifération et de réaliser le désarmement général et complet.

Concernant la résolution sur le Moyen-Orient, M. Fawzi Shobokshi, constatant que plusieurs tentatives ont été menées depuis 1997 pour éviter que des recommandations soient prises lors des comités préparatoires, a estimé que la présente Conférence devrait se baser sur les principes et conclusions de la Conférence de 1995. L’Arabie saoudite, dans la droite ligne de la Ligue arabe, accorde une grande importance à l’élimination des armes de destruction massive, en particulier dans la région du Moyen-Orient. Malgré la ratification du TNP par tous les pays arabes, leur sécurité n’est pas assurée face aux menaces nucléaires israéliennes répétées qui constituent des violations des résolutions de l’Assemblée générale visant à faire du Moyen-Orient une zone exempte d’armes nucléaires. Afin de renforcer la sécurité et la stabilité de la région, Israël doit détruire son arsenal nucléaire, signer le TNP et se soumettre aux inspections de l’AIEA. La position d’Israël et ses justifications contredisent de manière évidente ses appels à la paix car la paix ne peut pas se concevoir avec un peuple et un Etat qui possède des armes nucléaires, menace de les utiliser et conduit une politique hégémonique. Cette position est non seulement une menace contre les peuples de la région mais une menace contre la paix et la sécurité internationales. Dans ce contexte, a indiqué le représentant, l’Arabie saoudite estime que la politique de deux poids deux mesures ne permettra pas de lutter contre la non-prolifération dans la région du Moyen-Orient. L’obéissance d’Israël aux appels internationaux par la signature du TNP et la soumission aux inspections de l’AIEA aurait un impact positif sur le processus de paix dans la région. Le représentant s’est félicité du rôle constructif et vital pour le TNP que jouent l’AIEA et son système de sécurité et a exprimé son soutien pour en améliorer l’efficacité et les capacités. L’Arabie saoudite a exprimé l’espoir que la Conférence élabore un document incluant une vision du futur basée sur les lacunes et les leçons tirées du passé, soulignerait la nécessité d’un consensus international ainsi que la nécessité de faire du Moyen-Orient une zone exempte d’armes de destruction massive.

M. JOSE ANTONIO BELLINA (Directeur des questions de sécurité et de multilatéralisme au Ministère des affaires étrangères du Pérou) a salué, au nom de la Communauté des pays andins, l'accession du Chili et du Brésil au TNP. Le représentant a appelé au renforcement de la coopération dans le domaine de l'utilisation de l'énergie nucléaire à des fins pacifiques. Nous ne devons pas oublier que les modalités de cette coopération continuent d'être remises en question par deux groupes d'Etats. Il s'agit, d'une part, des Etats fournisseurs d'énergie nucléaire qui rechignent à exporter leurs technologies nucléaires à "double usage" vers les pays en développement de peur qu'elles ne soient utilisées à des fins militaires. Le deuxième groupe d'Etats est constitué principalement de pays en développement qui accordent peu de confiance aux accords élaborés par les Etats disposant de capacités nucléaires. Nous devons élaborer des méthodes de travail originales qui permettraient la participation de ces deux groupes au processus de prise de décision. A cet égard, l'AIEA joue un rôle important.

La Conférence doit faire en sorte de renforcer les compétences de l'AIEA pour qu'elle puisse s'acquitter de son mandat dans le domaine de la coopération technique, du système de garanties et de sécurité nucléaire. L'adhésion des Etats parties au TNP à la Convention sur la protection physique du matériel nucléaire revêt une importance particulière. Le représentant a insisté sur la contribution des zones exemptes d'armes nucléaires à la paix et à la sécurité internationales. Il a appelé à la création d'une zone exempte d'armes nucléaires dans l'Hémisphère Sud en évoquant les traités sur l'Antarctique, le Traité de Tatelolco, de Rarotonga, de Pelindaba et de Bangkok.

M. HASMY AGAM (Malaisie) a associé sa délégation à la déclaration faite hier par l’Indonésie au nom du Mouvement des Non-Alignés. La prorogation indéfinie du Traité de non-prolifération nucléaire avait été saluée par beaucoup de pays comme une aube nouvelle dans les efforts visant à débarrasser le monde de ces armes de destruction massive, a dit M. Agam. Mais un certain nombre de pays, dont la Malaisie, avaient exprimé leurs réserves quant à la pertinence de cette prorogation indéfinie. La Malaisie avait alors déclaré que cet acte donnait aux Etats nucléaires carte blanche et n’était pas favorable à un régime d’universalité du texte. Au vu du bilan mitigé du désarmement nucléaire au cours de la période que couvre la présente Conférence d’examen, mon pays, a dit le représentant, n’éprouve aucun besoin de réviser les conclusions qu’il avait tirées à l’époque. Nous continuons de penser qu’en prolongeant indéfiniment le TNP, la communauté internationale a perdu le seul levier qu’elle avait vis-à-vis des Etats parties nucléaires. Ayant atteint leur objectif immédiat qui était cette extension, les Etats nucléaires ne voient aucune pression, et rien, qui les pousserait à faire des efforts sérieux en vue d’aller vers l’objectif de la réduction et de l’élimination de leurs arsenaux nucléaires. Les égoïstes intérêts nationaux des Etats parties dotés de l’arme nucléaire ont pris contrôle du processus au dépend des intérêts plus larges de la Communauté internationale qui avait placé sa foi dans les bonnes intentions des puissances nucléaires.

Il y a cependant eu des développements positifs au cours de la période qui vient de s’écouler. Il faut reconnaître le Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICEN) comme une grande réalisation en matière de désarmement. Nous devons accueillir avec satisfaction sa ratification par la Douma de la Fédération de Russie, ce qui est une contribution importante au désarmement. Mais contrairement à la décision russe, le refus du Sénat américain de ratifier le TICEN est une grande déception, surtout au moment où la communauté internationale comptait sur le leadership des Etats-Unis en la matière. La Malaisie accueille positivement les résultats obtenus sur le Traité START II et se félicite de sa ratification par la Douma russe avant la tenue de cette Conférence d’examen. Nous espérons voir le commencement du processus d’un traité START III, malgré le lien qui lui est fait avec une intégrité maintenue du Traité ABM relatif à l’interdiction des missiles antimissiles. La Malaisie partage à ce sujet l’inquiétude des Non-Alignés face à l’effet déstabilisant qu’aurait le déploiement d’un système de défense de missiles antibalistiques. Plus de 100 Etats non nucléaires font partie de zones exemptes d’armes nucléaires (ZEAN) sur quatre continents. Des progrès encourageants sont en cours pour la création d’une ZEAN en Asie centrale, et pour l’acceptation du concept innovateur de ZEAN couvrant le territoire d’un seul Etat, en l’occurrence la Mongolie. De même, le Bélarus a avancé la proposition novatrice d’un Corridor exempte d’armes nucléaires en Europe Centrale, dont nous pensons qu’elle mérite sérieuse considération. Nous attendons aussi que soient créées des ZEAN dans d’autres régions, et notamment au Moyen- Orient et en Asie du Sud. Certaines des évolutions négatives de la période écoulée ont été l’émergence de deux puissances nucléaires plus ou moins déclarées en Asie du Sud, et le manque de progrès dans les négociations sur l’interdiction de la production de matières fissiles. D’autre part, dans leur jugement erroné, qui leur fait croire que la possession d’armes nucléaires accroît leur sécurité, les Etats nucléaires continuent d’ignorer l’Avis consultatif de la Cour internationale de Justice, qui a demandé que “soient poursuivies de bonne foi et conclues des négociations devant conduire au désarmement nucléaire sous un contrôle international strict et efficace”.

M. ABUZED OMAR DORDA (Jamahiriya arabe libyenne) a souligné que la Conférence des Parties intervient 33 ans après la conclusion du TNP et dix ans après la fin de ce qu'on a appelé à tort la fin de la guerre froide et qui s'est révélé être, en fait, la fin de l'équilibre international. Le danger découlant des 35 000 armes nucléaires existe bien, a dit le représentant avant d'exprimer sa préoccupation face au manque de progrès dans le désarmement nucléaire et dans la mise en oeuvre des dispositions du TNP. Les Etats non dotés de l'arme nucléaire se sont engagés à ne pas acquérir d'armes nucléaires, en échange, a-t-il rappelé, d'un accord des puissances nucléaires de négocier de bonne foi les mesures nécessaires au désarmement nucléaire. Dénonçant, à cet égard, le nouveau concept stratégique de l'OTAN et de la Fédération de Russie et le rejet par le Sénat américain du TICE, le représentant a lié ces faits à l'entêtement de certains Etats non Parties au TNP de poursuivre le développement des armes nucléaires. Encourageant cela, les Etats-Unis continuent d'apporter leur appui à Israël, en n'hésitant pas, du reste, à imposer des châtiments à d'autres pays pourtant non dotés de l'arme nucléaire. La région arabe, a poursuivi le représentant, est placée sous le signe de la terreur nucléaire, pas seulement la Palestine mais toute la région et au-delà, l'Asie du Sud. Tous les pays arabes ont aujourd'hui adhéré au TNP alors que Tel-Aviv continue de jouer la sourde oreille avec la bénédiction d'une grande puissance. La poursuite du programme nucléaire d'Israël est une menace à la paix internationale et sape la crédibilité du TNP et du régime de non-prolifération, a insisté le représentant.

Dans ce contexte, il a dénoncé la fourniture à Israël par deux Etats européens de trois sous-marins transporteurs de matériel nucléaire et de têtes de missiles nucléaires. Il a également dénoncé la décision du Département de l'énergie américain de lever les interdictions sur le recrutement d'ingénieurs israéliens dans ses laboratoires. Il faut poser la question du sérieux des Etats qui ont adhéré au TNP, a dit le représentant en demandant à la Conférence d'exhorter Israël à adhérer au TNP et à soumettre ses installations au régime de garanties de l'AIED. La Conférence doit aussi interdire tout transfert d'armes ou d'engins explosifs à Israël et interdire aussi tout transfert de technologie nucléaire tant que le pays ne se sera pas plié aux règles de l'AIEA. Le caractère universel du TNP est important pour son existence et son application ne sera pas complète aussi longtemps que certains Etats en seront exclus, a insisté le représentant avant d'énumérer dix points qui, selon lui, devraient figurer dans les textes finaux.

Le représentant a également demandé à la Conférence de rétablir le Comité spécial sur les mesures de sécurité négatives et de créer un instrument obligatoire pour protéger les Etats non dotés de l'arme nucléaire des dangers nucléaires. Il a plaidé pour la levée des obstacles en matière de transfert des technologies nucléaires à des fins pacifiques en citant l'exemple de son pays à qui on a interdit l'achat de pièces de rechange pour les lave-linge sous prétexte que ces produits auraient pu servir à la fabrication d'armes chimiques. Il s'est dit persuadé que la Conférence avec les efforts de tous pourra parvenir à des résultats positifs.

M. JENÖ STAEHELIN (Observateur de la Suisse) a fait remarquer que certains développements positifs se sont produits depuis 1995, date de la dernière Conférence d’examen et de prorogation du TNP : la Conférence du désarmement a été en mesure de conclure les négociations sur le Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICE); de nouvelles zones exemptes d’armes nucléaires ont vu le jour en Asie du Sud-Est et en Afrique, et le modèle de Protocole additionnel aux accords de garanties a été adopté par l’Agence internationale de l’énergie atomique (AEIA).

Toutefois, l'importance militaire des armes nucléaires reste inchangée, a souligné le représentant, même si leur poids politique a diminué et si ces armes commencent à être perçues non seulement comme un atout mais également comme un fardeau. Les nouveaux traités négociés ces derniètes années n’ont pas encore pu rentrer en vigueur et la Conférence du désarmement à Genève n’a pas été en mesure d’ouvrir des négociations sur les matières fissibles, a-t-il déploré. De plus, les essais nucléaires en Asie du Sud ont brutalement rappelé que l’instabilité régionale peut devenir uune source de prolifération nucléaire. De ce fait, le problème de l’absence d’universalité au TNP se pose de façon urgente, notamment lorsque des doutes persistent quant au plein respect du TNP par l’Iraq et par la République populaire démocratique de Corée.

Ainsi le représentant a estimé que la décision de prorogation du TNP ne doit pas signifier la prorogation indéfinie du statu quo, notamment en ce qui concerne les prérogatives des puissances nucléaires. En outre, le peu de progrès réalisés depuis 1995 signifie que le proccessus d’examen renforcé n’a pas fonctionné comme espéré. La Suisse a donc jugé nécessaire de revitaliser le processus d’examen renforcé et, peut-être, de reconsidérer le fonctionnement du Comité préparatoire.

Selon M. Staehelin, la Conférence d’examen pourrait adopté un document sur l’examen d’application du TNP et des “principes et objectifs” depuis la Conférence de 1995 ainsi qu’un nouveau paquet de principes réaffirmés et d’objectifs mis à jour et complétés qui devraient être adoptés par consensus. Ces objectifs pourraient prendre la forme d’un nouveau plan d’action qui comprendrait notamment la création de mesures de confiance et d’information. Le représentant a recommandé que la Conférence encourage de nouvelles réductions systématiques des armes nucléaires, les Etats-Unis et la Fédération de Russie ayant une responsabilité particulière en la matière vu la taille de leurs arsenaux. De même, tous les Etats parties au TICE devraient s’engager, en attendant son entrée en vigueur, à respecter un moratoire pour les essais nucléaires, et les Etats parties au TNP s’occuper de façon plus intense des aspects régionaux de la non- prolifération.

M. WOLFGANG HOFFMAN (Secrétaire exécutif de la Commission préparatoire de l'Organisation du Traité d'interdiction complète des essais nucléaires TICE) a indiqué que la portée du TICE, tout en complétant celle du CTBT, va plus loin en ce que ses dispositions ne se limitent pas à la question de la non-prolifération des armes nucléaires tout en contenant des éléments spécifiques de contrôle des armes. Le Secrétaire exécutif a rappelé que le TICE a été signé par 28 des 44 Etats dont la ratification est nécessaire pour son entrée en vigueur. Deux Etats, le Chili et la Fédération de Russie dont la ratification est nécessaire, ont achevé le processus parlementaire à cet effet.

La clé de la viabilité du TICE repose sur son système de vérification international. L'un des objectifs principaux de la Commission préparatoire est de mettre en place un réseau de stations sismologiques, à infrasons, hydoacoustiques et radionucléides qui seront capables d'enregistrer les vibrations du sol, de l'air ainsi que de détecter les traces de radionucléides dans l'air à la suite d'une explosion nucléaire. Le Secrétaire exécutif a indiqué également que le Centre international de données, qui est le centre nerveux du système de vérification mondiale, est prêt à fonctionner. Il a également précisé que 88 stations de surveillance ont été installées tout comme la structure de communication internationale. La Commission prépare également le terrain pour les inspections de sites. Sur invitation du Gouvernement du Kazakhstan, un exercice de simulation a eu lieu en octobre 1999. Les activités de formation des ressortissants des Etats signataires sont en cours. Le potentiel et les bénéfices qui pourront être tirés des technologies de vérification du TICE seront importantes non seulement pour la connaissance de la terre et de l'atmosphère mais également pour la connaissance des changements climatiques ou des éruptions de volcans.

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