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ENV/DEV/457

DEVELOPPEMENT DURABLE: LES PARTICIPANTS SONT PARTAGES SUR LA DEFINITION DE L'AGRICULTURE DURABLE ET LES MOYENS D'Y PARVENIR

24 avril 2000


Communiqué de Presse
ENV/DEV/457


DEVELOPPEMENT DURABLE: LES PARTICIPANTS SONT PARTAGES SUR LA DEFINITION DE L'AGRICULTURE DURABLE ET LES MOYENS D'Y PARVENIR

20000424

La pauvreté qui frappe les petits exploitants des pays en développement freine l'extension des pratiques agricoles viables

La Commission du développement durable a tenu, ce soir, un deuxième dialogue à participation multiple sur l'agriculture, qui a porté sur la gestion optimale des ressources foncières de façon à obtenir des cycles alimentaires viables.

Prenant la parole au nom du secteur agro-industriel et des affaires, M. Garcia a déclaré que la satisfaction des besoins alimentaires se fera intégralement par l'intensification des cultures et l'amélioration des rendements, grâce aux progrès dans les biotechnologies. L'industrie agroalimentaire, a-t-il déclaré, aide les agriculteurs à recourir à des systèmes d'exploitation durable, en assurant notamment la formation et l'application de techniques nouvelles. Pour sa part, Mme Elisabeth Gusago, des Philippines, a appelé, au nom de la délégation des agriculteurs, au renforcement des financements alloués à l'agriculture écologique, de l'accès au crédit des petits exploitants et de la production de produits organiques. Faisant écho à Mme Gusago, la représentante du groupe des syndicats, a évoqué les nombreux sacrifices consentis par les travailleurs agricoles, notamment les femmes, pour nourrir le reste de la population. Les syndicats estiment donc que la réforme agraire doit être la base de tout changement. Il faut en outre examiner la mise au point de directives claires pour les multinationales agricoles, et ensuite à veiller à ce que les flux de capitaux favorisent ces changements sur le terrain. Quant au représentant de la délégation des ONG, il a déclaré que les meilleures pratiques, en matière d'agriculture viable, sont celles de l'agriculture organique. Il s'est opposé aux subventions qui favorisent artificiellement les grosses exploitations.

Le représentant de l'Egypte, au nom du Groupe des 77 et la Chine, qui présentait ensuite la position des pays du Sud sur les déclarations des grands groupes, a notamment recommandé de s'adresser directement aux fermiers en leur proposant des techniques faciles à mettre en œuvre. Le représentant du Japon, s'exprimant au nom des pays du Nord, s'est prononcé en faveur d'une agriculture multifonctionnelle. Si les consommateurs ne sont pas conscients du coût plus élevé des techniques en harmonie avec l'environnement, il faut que le secteur public intervienne par le biais de législations, a-t-il estimé.

Les intervenants au débat qui a ensuite pris place ont mis l'accent sur les conditions de vie et de travail déplorables des petits exploitants qui, dans les pays en développement, souffrent de la pauvreté alors que leur production nourrit le reste de la population. Ils ont recommandé l'élaboration de législations pour remédier à cette situation. Les représentants d'ONG, de syndicats et de groupes d'agriculteurs ont souligné que le peu de moyens dont disposent les petits exploitants est également un obstacle à l'utilisation des nouvelles technologies et des pratiques viables. Dans ce contexte, les représentants d'associations d'agriculteurs se sont, dans l'ensemble, prononcés en faveur des techniques traditionnelles. Un représentant brésilien du Groupe des agriculteurs a appelé à préserver les ressources naturelles, à attribuer des revenus dignes aux travailleurs et à fixer des règles commerciales internationales qui garantissent des conditions d'équité à tous les agriculteurs. Un autre représentant a déclaré que les "meilleures pratiques agricoles" étant spécifiques aux milieux, aux situations et aux populations, il faut les promouvoir là où elles sont apparues, puis déterminer les conditions économiques et financières de leur extension géographique éventuelle.

Après avoir expliqué que l'agriculture durable est l'utilisation optimale de toutes les ressources pour répondre aux besoins alimentaires des populations, un représentant du secteur agro-industriel a estimé que l'agriculture viable doit être dynamique, puisque la demande est, elle aussi, dynamique voire exponentielle. Pour sa part, un représentant des organisations non gouvernementales s'est dit convaincu que le concept d'agriculture durable est en fait une invention du secteur industriel à un moment où il fallait assurer une activité économiquement viable et socialement saine, permettant aux agriculteurs de transmettre leurs terres en toute sécurité.

Demain, mardi 25 avril, à partir de 10 heures et toujours dans le cadre de son débat sur l'agriculture, la Commission tiendra un dialogue sur les connaissances au service d'un système alimentaire durable : recensement des besoins en matière d'éducation, de formation, de partage des connaissances et d'informations, et mesures visant à les satisfaire.

SECTEUR ECONOMIQUE/GRAND GROUPE: AGRICULTURE

Débat sur la gestion optimale des ressources foncières de façon à obtenir des cycles alimentaires viables

Documentation

La documentation dont la Commission est saisie sur ce point a été présentée dans notre communiqué ENV/DEV/456.

Présentation des intervenants des grands secteurs

M. GARCIA de l'Association d'Amérique latine pour la protection des cultures, s'exprimant au nom du secteur agro-industriel, a déclaré que la viabilité du système agricole ne peut être assurée si l'on ne tient pas compte de ses relations avec la société, et notamment de l'ampleur de la population qu'il faut nourrir. La satisfaction des besoins alimentaires se fera intégralement par l'intensification des cultures et l'amélioration des rendements, ce qui sera réalisé grâce aux progrès dans les biotechnologies. L'industrie agroalimentaire, avec les agriculteurs, apporte un soutien par les investissements, les informations et le développement. Elle aide les agriculteurs à recourir à des systèmes d'exploitation durable, en assurant notamment la formation et l'application de techniques nouvelles. Il faut encourager le dialogue entre le secteur public et le secteur privé. Le représentant a fourni 3 exemples pratiques illustrant l'engagement de l'industrie agroalimentaire pour assurer la sécurité alimentaire. Il a évoqué tout d'abord l'amélioration des plantes et de la biotechnologie dans les pays en développement. Il est urgent de créer des systèmes de collaboration au niveau mondial en matière de biotechnologie, a-t-il estimé à cet égard. Un autre exemple est qu'en Australie un système d'agrément pour la protection animale et la lutte contre les maladies des animaux a été mis en place. Le troisième point concerne la mise au point de nouveaux éléments nutritifs. Dans ce domaine, la formation est indispensable et l'industrie agroalimentaire est à cet égard particulièrement bien placée pour diffuser l'information auprès des agriculteurs. Pour l'industrie agroalimentaire, l'agriculture durable doit être adaptée aux conditions locales et notamment aux facteurs démographiques.

Mme ELISABETH GUSAGO (Philippines), Présidente du Groupe des Femmes et de PAKISAMA, s'exprimant au nom de la délégation des agriculteurs, a déclaré que la nourriture est droit de l'homme fondamental qui est souvent nié. Pour assurer la réalisation de ce droit, l'ONG qu'elle préside a lancé des programmes agricoles pilotes dans plusieurs villages philippins. La représentante a cependant regretté que les agriculteurs, tout en produisant, restent pauvres. Les agriculteurs participant au projet pilote ont diversifié leurs cultures mais leurs récoltes ne sont pas encore suffisantes. En vue d'une gestion optimale des ressources foncières, la représentante a notamment appelé au renforcement des financements alloués à l'agriculture écologique, de l'accès au crédit des petits exploitants, de la production de produits organiques.

M. VERONICA AYIKWEI KOFIE (Ghana), s'exprimant au nom des syndicats, a évoqué les nombreux sacrifices consentis par les travailleurs agricoles, notamment les femmes, pour nourrir les populations. Les syndicats estiment donc que la réforme agraire doit être la base de tout changement. Il est besoin en effet d'élaborer un lieu de travail agricole nouveau et plus sûr. Cela demande une nouvelle culture qui exige la coopération des travailleurs et de leurs employeurs et envisage notamment une utilisation plus viable de l'eau. Les travailleurs et leurs syndicats peuvent effectivement faire quelque chose à cet égard et être des instruments de changement. Les travailleurs doivent être associés à la prise de décisions. Ces changements exigent que les travailleurs eux-mêmes évoluent et deviennent aussi des consommateurs informés et conscients des enjeux. C'est pourquoi, le respect des normes du travail et la législation sont aussi des éléments importants à considérer lorsque l'on aborde la question des cycles alimentaires viables. Un autre aspect fondamental est la formation des travailleurs, a poursuivi la représentante. La Commission devrait, de l'avis du secteur syndical, aborder deux questions clefs. Elle devrait tout d'abord examiner la mise au point de directives claires pour les multinationales agricoles. Il lui faut ensuite aussi veiller à ce que les flux de capitaux favorisent ces changements sur le terrain dans les pays en développement. La participation des travailleurs exige une plus grande prise de conscience par tous les acteurs concernés et permettra à terme une meilleure application d'Action 21 et la réalisation du développement durable.

M. PETER ROSSET, prenant la parole au nom de la délégation des ONG, a déclaré que les meilleures pratiques, en matière d'agriculture viable, sont celles de l'agriculture organique. Il a préconisé une utilisation réduite des produits chimiques, qui ont déjà eu des effets malheureux. Les préjugés contre l'agriculture écologiquement viable doivent être éliminés, ainsi que les subventions qui favorisent artificiellement les grosses exploitations. Il faut absolument assurer un accès équitable à la terre en procédant à une réforme agraire. Il a estimé que la structure actuelle de la propriété foncière renforce les pratiques agricoles non viables. Il faut également considérer les petits agriculteurs comme un moteur pour le développement durable et les placer au centre des considérations dans ce domaine. Le représentant a recommandé que les marchés locaux soient renforcés afin d'offrir des débouchés aux petits exploitants. Il a demandé aux représentants du secteur privé quelle est leur définition du terme d'agriculture durable et d'agriculture, car ils ne semblent pas faire de distinction entre ces deux notions.

M. AHMED KHORSHID (Egypte), s'exprimant au nom du Groupe des 77 et la Chine pour formuler la réponse des pays du Sud aux présentations des grands secteurs, a déclaré que le problème des pays en développement est qu'ils souffrent d'une augmentation de leur population. Or, ils n'ont pas suffisamment de ressources pour faire face aux nouveaux besoins ainsi engendrés. Plus que la solution elle- même, c'est son application qui pose problème, a estimé le représentant. Les problèmes sont liés à la terre, à l'eau et aux investissements. Ce qui importe le plus, c'est de s'adresser directement aux fermiers. C'est pourquoi, les technologies identifiées pour faire face à ces problèmes doivent être simples. Prenant l'exemple de son pays, le représentant a expliqué que grâce à la technologie appliquée la productivité a pu être décuplée. La véritable question est de savoir comment parler et éduquer le fermier. Il convient en fait de lui montrer le bon exemple et non pas de recourir systématiquement à des technologies de pointe. Il faut aussi lui apprendre à mieux vendre ses produits, éventuellement à les exporter. Les pays du Sud ont par exemple l'avantage à cet égard de bénéficier du soleil lorsque c'est l'hiver dans l'hémisphère Nord et de pouvoir ainsi répondre à la demande des pays de ce dernier. Lorsque l'exploitant aura une production meilleure et plus importante, ses revenus augmenteront, son niveau de vie et de santé s'améliorera et de manière générale l'économie de son pays se portera mieux. Que les recherches se poursuivent, a également déclaré le représentant, ajoutant qu'il faut alors garantir que tous les résultats en soient effectivement diffusés à toutes les parties du monde.

Intervenant au nom des pays du Nord, le représentant du Japon a déclaré que les pratiques agricoles et la gestion des terres ont une importance primordiale pour les agriculteurs et leurs voisins du fait que le tiers des terres est consacré à l'agriculture. Il a souligné que les terres agricoles gérées convenablement ont, depuis que l'agriculture existe, contribué de diverses manières au développement social et ont fourni de la nourriture et des fibres à la société. Prenant pour exemple les rizières japonaises qui existent depuis plus de 2 000 ans, il a souligné qu'elles n'ont pas provoqué de dégradation des sols et que leur productivité n'a cessé d'augmenter. Il a ajouté qu'en plus de produire du riz, elles contribuent à la régulation des flux, à la prévention de l'érosion des sols et des glissements de terrain, ainsi qu'à la conservation des eaux souterraines.

Au Japon, on considère que la rizière possède un caractère multifonctionel qui dépasse celui d'autres systèmes de production agricole tels que le verger ou les champs, mais ces systèmes peuvent aussi lutter contre l'érosion des sols et réguler l'écoulement des eaux. Des terres agricoles convenablement gérées peuvent aussi réduire l'effet de serre et lutter contre la désertification. Les pratiques agricoles en harmonie avec l'environnement contribuent en outre au développement social durable.

Le représentant a admis que les consommateurs peuvent ne pas être disposés à payer le coût de cette multifonctionalité en acceptant que les prix des produits issus de l'agriculture viable coûtent plus chers. Dans un tel contexte, l'intervention du secteur public peut être utile. Les ONG jouent également un rôle important dans la prise de décision au niveau de la population. En outre, il est important que le secteur privé investisse dans le développement de nouvelles technologies en harmonie avec l'environnement.

Dialogue

Initiant le débat interactif, le Président de la Commission, M. JUAN MAYR MALDONADO (Colombie) a jugé très intéressante la question posée par les ONG au secteur de l'industrie. Il faut en effet savoir avant toute chose si l'on parle ou non un langage différent. C'est là la condition sine qua non de tout dialogue. Il a donc invité le secteur de l'industrie à clarifier sa position concernant l'agriculture d'une part et l'agriculture durable de l'autre.

Un représentant du secteur industriel a expliqué que l'agriculture durable est l'utilisation optimale de toutes les ressources pour répondre aux besoins alimentaires des populations. Cela passe aussi par un usage prudent de technologies scientifiquement saines. En fait, l'interaction sociale, économique et autre doit être prise en compte dans la définition de l'agriculture durable. Si l'on appliquait aujourd'hui les techniques de production de 1940, on aurait 30 boisseaux contre 120 par hectares de blé aux Etats-Unis, a expliqué aussi le représentant. L'agriculture viable doit être dynamique, puisque la demande est elle aussi dynamique voire exponentielle.

Répondant au nom des producteurs agricoles, un intervenant a indiqué que les fermiers cherchent à atteindre la viabilité en harmonie avec la nature. Ce que l'on oublie souvent de dire c'est que la viabilité sera assurée si elle est aussi économique, et c'est ce que recherche avant tout les producteurs. Il faut donc un prix juste et un bon paiement pour ce qui est produit. C'est pourquoi, il convient aussi de se demander ce que l'on va faire pour garantir une consommation durable.

M. JAUREGUI (Bolivie) a, quant à lui, estimé que l'une des difficultés de définir le développement durable est que chacun peut y incorporer ses intérêts propres. Il convient en fait de savoir si la viabilité repose sur un modèle agricole exclusif, fondé essentiellement sur les cultures extensives. Le problème des meilleures pratiques est en réalité un problème de manque d'accès aux meilleures pratiques par les fermiers et les agriculteurs. Un autre problème est que les pratiques durables des populations autochtones ont disparu. On utilise une certaine idéologie pour justifier certaines pratiques alors que tout dépend des conditions propres de la région considérée.

Intervenant pour le secteur des syndicats, le représentant de la Fédération européenne des syndicats des travailleurs agricoles, a déclaré que les organisations de travailleurs ont tout à voir en matière d'agriculture durable. Il a évoqué un document de sa fédération qui présente un projet pour une bonne gestion des terres en Europe d'ici 2005.

Mme CUNHA (Brésil) a insisté sur la qualité de vie de ceux qui produisent les denrées agricoles.

Un représentant des organisations non gouvernementales s'est dit toujours convaincu qu'il existe dans l'esprit du secteur industriel une certaine confusion entre l'agriculture et l'agriculture durable. Pour lui, le concept d'agriculture durable est en fait une invention du secteur industriel à un moment où il fallait assurer une activité économiquement viable et socialement saine, permettant aux agriculteurs de transmettre leurs terres en toute sécurité. Chacun doit dire les avantages de son système en toute franchise afin qu'une comparaison entre l'agriculture industrielle et l'agriculture soit réellement possible.

M. BALLHORN (Canada) s'est demandé si une agriculture essentiellement fondée sur des subventions gouvernementales pouvait véritablement être une agriculture durable. Il faut donc aussi dans ce domaine suivre une certaine logique économique.

Le représentant d'une ONG du Kenya qui participe à la promotion des engrais, prenant la parole au nom des ONG, a déclaré que les agriculteurs avec lesquels travaille son organisation choisissent les engrais les plus efficaces. Du fait de l'épuisement des sols, les petits exploitants ne peuvent pas attendre les nouvelles méthodes. Il a indiqué que son organisation distribue des "mini- paquets" de semences traditionnelles. Ces exploitants ont faim et il n'est pas question d'excès de production, mais plutôt d'une production qui réponde à leurs besoins. La représentante de l'Association agricole de l'Ouganda, s'exprimant au nom du groupe des agriculteurs, a déclaré que les femmes font la plupart du travail agricole et du travail ménager et devraient, à ce titre, être considérées comme des productrices. Leur santé reproductive devrait aussi être prise en compte. La représentante a mis l'accent sur la nécessité de garantir aux femmes l'accès à la terre et au crédit. Elle a également abordé le problème des déchets toxiques. Le représentant d'un groupe d'agriculteurs du Sri Lanka a déclaré que les engrais érodent les terres de son pays depuis plus d'un siècle. L'utilisation des engrais organiques a en revanche permis des résultats satisfaisants. Le représentant a souligné la nécessité pour les exploitants sri lankais de produire eux-mêmes des semences adaptées à leur climat. Toutes ces mesures doivent être encouragées par une réelle volonté politique. Un représentant des syndicats a souligné que l'agriculture actuelle n'est pas durable et que les solutions proposées par l'industrie ne sont pas satisfaisantes. Il s'est prononcé en faveur de la diversité des modes de culture. Les conditions de travail des agriculteurs doivent être améliorées et l'utilisation de pesticides réduite. Une représentante canadienne du Groupe des agriculteurs a indiqué que les exploitations agricoles de son pays utilisent de grandes quantités d'intrants. Elle a ajouté que la production agricole canadienne est en réduction depuis plusieurs dizaines d'années.

S'exprimant au nom des populations autochtones, une intervenante venue des Philippines a rappelé que la grande majorité des exploitants autochtones sont de petits agriculteurs. Ces personnes ont donc beaucoup à offrir en matière d'agriculture durable car les méthodes qu'ils appliquent ont été mises au point il y a des milliers d'années et sont toujours utilisées aujourd'hui. En vérité, les autochtones pratiquent depuis longtemps l'agriculture durable. Pour eux, ce qui est fondamental est l'exploitation de la terre et son accès. Elle a précisé toutefois que les populations autochtones aimeraient, en raison de leur identité spécifique, être considérées de manière séparée et non pas comme une ONG ou comme la société civile.

Un représentant de l'industrie a, quant à lui, estimé que la meilleure solution pour instaurer des pratiques durables est de collaborer avec tous les acteurs concernés. Lorsqu'un projet est en cours, il ne s'agit plus d'un projet de l'industrie ou de tel ou tel secteur, mais d'un projet commun à tous. Selon lui, de tels projets seront de plus en plus nombreux à l'avenir.

Un représentant du milieu syndical a abordé la question des produits chimiques toxiques. A cet égard, il a estimé qu'il fallait renforcer les dispositions d'Action 21 relatives à l’utilisation de ces produits. Il a dénoncé la pratique de diriger les produits toxiques refoulés par les pays industrialisés vers les pays en développement où ils entraînent des empoisonnements nombreux notamment chez les travailleurs agricoles. La Commission devrait lancer un appel aux Etats pour qu'ils ratifient la Convention initiée à Rio. Il a également estimé qu'à partir des bénéfices que rapportent les pesticides, les entreprises industrielles qui les produisent devraient participer à la formation des travailleurs du secteur agricole des pays en développement. Une représentante des exploitants agricoles des Etats-Unis a fait observer que chaque agriculteur souhaite transmettre une terre saine à ses enfants. Toutefois, il faut aussi qu'il vive de ses terres, ce qui pose la question de la viabilité économique. Aux Etats-Unis, on utilise à la fois des produits chimiques et des techniques organiques, sans exclure l'une ou l'autre. En fait, il ne faut pas imposer une seule méthode. Au nom des organisations non gouvernementales, un participant a expliqué que même quand les substances sont jugées saines et sans danger, le problème est que de toute manière, les fertilisants sont hors de portée des petits exploitants car ils sont trop chers.

M. SANI (Nigéria), s'est élevé contre l'idée selon laquelle se sont les engrais et les fertilisants qui ont conduit à l'appauvrissement des sols. Chaque pays a des conditions différentes et c'est pourquoi, les engrais organiques ne doivent pas être présentés comme la panacée, a-t-il déclaré. En appliquant sérieusement certaines pratiques tenant compte notamment des conditions climatiques, on pourrait, selon lui, raviver les sols dans de nombreux pays de l'Afrique subsaharienne. Le problème est qu'avec la croissance démographique, il n'est pas possible de satisfaire les besoins alimentaires de la population en ne recourant qu'aux engrais organiques. Le sol est en fait appauvri par l'activité de l'être humain et non par les seuls engrais chimiques, a insisté le représentant.

Un représentant du secteur de l'industrie a estimé que le présent dialogue devrait encourager les acteurs à organiser des fichiers d'information sur les meilleures pratiques et les techniques les moins dommageables aux sols. Selon les circonstances, la recherche et la formation montreront que les techniques organiques seront préférables dans un cas alors que dans un autre, c'est le recours aux produits chimiques qui donnera de meilleurs résultats.

M. MAYR MALDONADO, Président de la Commission, a fait remarquer que tout le monde semble d'accord sur le fait que les techniques de culture doivent être adaptées à la situation spécifique de chaque pays. Partant, il a demandé aux participants de faire des recommandations très précises permettant d'avancer sur la voie de processus communs.

Un représentant des exploitants agricoles a fait remarquer que l'agriculture n'est pas un secteur isolé de la société. Le problème majeur est qu'en fait la plupart des modes de vie et de consommation de nos sociétés aujourd'hui ne sont pas viables. Il ne faut donc pas montrer l'agriculture du doigt, car c'est l'ensemble de la société qui doit changer. Un exploitant agricole de la Fédération de Russie a ajouté que les prix des produits agricoles sont soumis au pouvoir d'achat de la population. Les populations du Nord ont la possibilité de payer des prix plus élevés, ce que celles du Sud n'ont pas. Concernant, les pays en transition, il faut que les gouvernements comprennent la nécessité de mettre en place une structure d'appui, permettant aux fermiers d'avoir accès aux crédits et aux marchés, tout en se souciant du caractère durable de l'agriculture. L'une des recommandations que pourrait faire la Commission concerne donc le renforcement des associations d'exploitants agricoles.

Remarques de conclusion

Un représentant des ONG a estimé que les acteurs qui ont poussé à l'agriculture industrielle n'ont pas tenu compte du fait que l'agriculture est un processus naturel et biologique. C'est ainsi qu'aujourd'hui, on constate une baisse des rendements, des revenus des agriculteurs et un appauvrissement des sols. Les principes de "l'agriculture verte" sont très différents et holistiques. Pour les ONG, les ressources allouées pour la recherche et la formation doivent donc favoriser le travail scientifique orienté vers l'agriculture durable et non l'agriculture industrielle. Un autre intervenant, issu du secteur des ONG, a estimé qu'il faudrait passer instituer un mécanisme opérationnel. Concernant le régime foncier et les réformes agraires, il a fait remarquer que les initiatives privées et celles des ONG n'ont pas toujours été couronnées de succès. Les gouvernements, malgré leurs bonnes intentions, n'ont pas non plus tenu compte de tous les aspects du problème et il faut donc en appeler à la bonne volonté et à la détermination de la communauté internationale, concernant ce problème très complexe. Le représentant a proposé de constituer un groupe de travail sur cette question d'ici à la dixième session de la Commission du développement durable, qui sera aussi le moment de la célébration du dixième anniversaire de Rio. Cette question est intersectorielle, et il faut élaborer de nouvelles façons de travailler ensemble et de trouver un terrain d'entente, a-t-il insisté. Pour sa part, une représentante des populations autochtones a indiqué que pour les populations autochtones, la sécurité de l'exploitation des terres est un préalable à l'agriculture et au développement durables. Des instruments nationaux et internationaux reconnaissant ces populations et leurs droits spécifiques doivent donc être encouragés, notamment par la Commission. Elle a aussi mis l'accent sur la question du transfert des déchets toxiques. Elle a appelé à la ratification et à l'application rapide d'une Convention sur les produits chimiques polluants et persistants.

Un représentant brésilien du Groupe des entreprises agro-industrielles a déclaré que tous les fermiers du monde croient à leur mission de nourrir la population mondiale. Ils ont donc besoin que leurs activités soient durables. Cependant, les gros et les petits producteurs agricoles sont interdépendants. Il convient de maintenir cette diversité en préservant les ressources naturelles, en attribuant des revenus dignes aux travailleurs et en fixant des règles commerciales internationales qui garantissent des conditions d'équité à tous les agriculteurs. Un représentant australien du Groupe des entreprises agro- industrielles a mis l'accent sur les partenariats entre fermiers et entreprises agro-industrielles. Un autre représentant du Groupe des entreprises agro- industrielles a déclaré que toutes les parties prenantes à cet échange se sont engagées en faveur de l'agriculture durable. Il a déclaré que l'industrie s'est pour sa part engagée dans le domaine de la recherche.

Un représentant des travailleurs des forêts de la Suède, intervenant au nom du Groupe des syndicats, a présenté les pratiques agricoles durables mises en place dans son pays. Il a déclaré que les normes de travail fixées par l'Organisation internationale du Travail (OIT) sont respectées. Par ailleurs, aucun pesticide n'est employé dans les forêts. Le représentant a souligné que ces méthodes s'accompagnent des meilleurs résultats économiques. Un représentant des syndicats de La Barbade a déclaré que les économies orientées vers le développement non durable du tourisme, et du développement abusif des zones côtières peuvent contribuer à la destruction du développement durable. La pollution générée par ces activités touristiques et industrielles détruit l'environnement marin. Un autre représentant des syndicats a recommandé de promouvoir une coopération sur les lieux de travail, ainsi que la santé et le bien-être de tous les citoyens. Les syndicats veulent promouvoir un développement durable dans le domaine alimentaire mais il faut mettre en place un système qui protège les intérêts de tous et adopter une vue d'ensemble. Toutes les parties prenantes doivent donner suite aux recommandations formulées par la CDD.

Un représentant, intervenant au nom du Groupe des agriculteurs a appelé à une définition des meilleures pratiques agricoles. Ces pratiques sont très liées aux milieux, situations et populations des zones où elles sont développées et il faut les promouvoir là où elles sont apparues, puis envisager la possibilité de leur extension géographique. La CDD devrait soutenir l'idée d'un partenariat dans ce domaine notamment entre les organisations de producteurs et les ONG. Une autre représentante du Groupe des agriculteurs a estimé que de très nombreux fermiers du monde en développement n'ont pas la possibilité de choisir les méthodes qu'ils utilisent car ils doivent nourrir le reste de la population et eux-mêmes. Les petits exploitants mènent un travail très difficile et méritent à ce titre l'appui de leur gouvernement. Ils devraient avoir la possibilité de disposer de capitaux propres. Le représentant de Via Campesina a déclaré, au nom du Groupe des agriculteurs, que les modèles d'agriculture durable et non durable sont en concurrence et que l'exploitation familiale est en train de perdre la bataille. L'agriculture intensive classique pratiquée dans les pays développés est critiquée à cause de l'insécurité alimentaire qu'elle entraîne.

M. KHORSHID (Egypte) a rappelé que la grande question est de savoir quel est le genre d'intrants agricoles sûrs qui peuvent être utilisés pour assurer une agriculture durable. La réponse à cette question doit mobiliser, selon lui, l'énergie de tous.

En conclusion, le Président de la Commission a souligné la nécessité d'approfondir les vues et les voies dans cette question d'importance fondamentale pour l'humanité. Il a fait remarquer qu'il serait nécessaire d'entendre également la voix des consommateurs sur ce point. M. MAYR MALDONADO s'est félicité cependant des recommandations qui ont pu être formulées durant ce dialogue très vivant, ce qui permet déjà d'entrevoir certaines solutions possibles, tout en prenant mieux conscience des problèmes.

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