COMMISSION DU DEVELOPPEMENT DURABLE: IL N'EXISTE PAS DE SOLUTION MIRACLE OU UNIQUE EN MATIERE D'AGRICULTURE ECOLOGIQUEMENT VIABLE
Communiqué de Presse
ENV/DEV/456
COMMISSION DU DEVELOPPEMENT DURABLE: IL N'EXISTE PAS DE SOLUTION MIRACLE OU UNIQUE EN MATIERE D'AGRICULTURE ECOLOGIQUEMENT VIABLE
20000424Plusieurs participants au débat interactif appellent à un moratoire sur l'utilisation des organismes génétiquement modifiés (OGM)
La Commission du développement durable (CDD) a entamé, cet après-midi, son débat sur l'agriculture, auquel elle devrait consacrer quatre séances. Ce faisant, elle a tenu un débat qui a rassemblé, aux côtés des délégations et des organisations internationales, les représentants des quatre grands secteurs identifiés par la Commission, à savoir le secteur industriel, les syndicats, les autorités locales et les organisations non gouvernementales. Au nom des industries agroalimentaires, Mme Ranganathan a expliqué qu'il est préférable d'accroître la productivité des terres déjà cultivées, plutôt que d'étendre les cultures à des écosystèmes fragiles. Et c'est, précisément, ce à quoi contribuent les engrais et autres pesticides produits par l'industrie agroalimentaire. Elle a engagé les gouvernements à développer des réglementations en matière d'agriculture, à la fois spécifiques et souples, permettant ainsi d'adapter les approches intégrées aux conditions locales.
Pour sa part, Mme Nettie Wiebe, s'exprimant au nom des agriculteurs, a estimé que les personnes qui cultivent les produits alimentaires doivent être au cur de tout processus de décision. Elle a insisté sur l'importance de l'accès à la terre et de la sécurité de l'occupation des sols pour les agriculteurs. A cet égard, elle a plaidé en faveur d'une réforme foncière assortie d'une limite de la superficie des sols occupés. Le représentant des syndicats de travailleurs agricoles, M. Luis Anderson, a, quant à lui, mis l'accent sur l'exploitation véritable dont de nombreux travailleurs agricoles sont victimes. Il a, ce faisant, relever l'ironie de voir la main-duvre qui produit nos denrées alimentaires trop souvent malnutrie car elle ne reçoit pas un salaire suffisant pour se nourrir correctement. Au nom des organisations non gouvernementales, M. Thomas Forster, a insisté sur le fait que l'accès durable à une alimentation sûre, saine et convenable est un droit humain fondamental. Il a estimé que la libéralisation du commerce et la production de produits agricoles destinés à l'exportation sont les phénomènes principaux qui menacent l'agriculture viable. Il a notamment recommandé le renforcement des systèmes d'agriculture biologique et écologique actuels, y compris les techniques traditionnelles et autochtones.
Réagissant aux présentations des différents secteurs au nom du Groupe des 77 et la Chine, le représentant de la Bolivie a souligné que d'une façon ou d'une autre, il faut que les pays du Sud trouvent leur propre voie de développement. Outre d'échapper à toute nouvelle dépendance, l'enjeu en est en tout cas la survie de la planète qui ne survivrait pas à l'adoption par les pays du Sud de modes de production identiques à ceux des pays développés. Le représentant a insisté, dans cette recherche d'une troisième voie, sur l'importance de la formation des experts locaux et du transfert des technologies. Pour sa part, le Ministre de l'agriculture, de la planification des ressources naturelles et des pêcheries des Pays-Bas, s'exprimant au nom des gouvernements du Nord, a rappelé qu'au niveau mondial et au vu de la croissance démographique prévue au cours des 50 prochaines années, nous risquons de graves problèmes de sécurité alimentaire. Pour lui, la communauté internationale ne s'est pas dotée des instruments nécessaires pour parvenir à réduire de moitié le nombre de personnes souffrant de la faim d'ici à 2015. Il a regretté, par exemple, que les politiques agricoles des pays en développement favorisent les zones urbaines du fait du manque de pouvoir politique des zones rurales. L'une des solutions consisterait à mettre l'accent sur la recherche dans le domaine agricole, a-t-il suggéré.
Le débat qui s'est instauré par la suite et qui a vu la participation d'associations de producteurs, de travailleurs, de consommateurs, ainsi que des représentants de la communauté scientifique et de l'industrie agroalimentaire, a permis d'assister à l'émergence d'un consensus sur le fait qu'il n'y a pas une solution miracle et unique en matière agricole. Il faut tenir compte des conditions et des besoins propres à toutes les régions du monde. La question de l'utilisation des biotechnologies a particulièrement retenu l'attention des intervenants, qui se sont montrés assez divisés sur ce point. Si certains ont estimé que le recours à des techniques comme celles des organismes génétiquement modifiés (OGM) constituait une des meilleures réponses à la fois au problème de rentabilité de la production agricole et à celui de la sécurité alimentaire, de nombreux autres ont, en revanche, soulevé les interrogations en matière de santé et de responsabilité qui demeurent concernant ces organismes. Un participant, s'exprimant au nom des agriculteurs illettrés de l'Inde, avec le soutien de plusieurs intervenants, a proposé un moratoire sur les OGM, tant que la communauté internationale et notamment la communauté scientifique ne parviendra pas à une unité de vue sur la question.
Ce soir, à partir de 18 heures 45, la Commission tiendra un débat interactif sur la gestion optimale des ressources foncières de façon à obtenir des cycles alimentaires viables.
SECTEUR ECONOMIQUE/GRAND GROUPE : AGRICULTURE
Documentation
Dans une note intitulée "Débat sur l'agriculture écologiquement viable" (E/CN.17/2000/3), le Secrétaire général indique qu'un large débat sur l'agriculture en tant que secteur économique est inscrit au programme de travail de la Commission du développement durable et quatre parties prenantes y participeront : les représentants des entreprises agro-industrielles, des syndicats agricoles, des organisations non gouvernementales et des agriculteurs. Ce débat se déroulera en quatre séances qui seront successivement consacrées au choix des techniques de production agricole, mode de consommation et réglementation en matière de sécurité : menaces potentielles contre une agriculture écologiquement viable; à la gestion optimale des ressources foncières de façon à obtenir des cycles alimentaires viables; aux connaissances au service d'un système alimentaire viable; ainsi qu'à la mondialisation, à la libéralisation des échanges et aux schémas d'investissements.
Le présent document comporte quatre additifs dans lesquels sont présentés les documents de travail présentés par International Agri-Food Network (Réseau international agroalimentaire) (E/CN.17/2000/3/Add.1), par la Fédération internationale des producteurs agricoles et Via Campesina (E/CN.17/2000/3/Add.2); par les syndicats (E/CN.17/2000/3/Add.3) et par les organisations non gouvernementales(E/CN.17/2000/3/Add.4).
Dans le rapport intitulé développement agricole et rural durable: tendances ressortant des rapports nationaux (E/CN.17/2000/5), il est rappelé que la Commission du développement durable a encouragé les gouvernements à continuer de présenter, à titre facultatif, des rapports nationaux ou autres informations pertinentes sur la mise en uvre à l'échelon national d'Action 21, plan d'action adopté lors de la Conférence de Rio, en 1992. La Commission a également demandé au Secrétariat de l'ONU de continuer d'examiner les informations communiquées par les gouvernements. Le présent rapport, rédigé par la Division du développement durable du Secrétariat, examine donc les progrès réalisés vers le développement agricole et durable sur la base des renseignements que les gouvernements ont fourni dans 133 rapports sur ce thème communiqués à la Commission en 1997 et en 2000. Le présent document traite des grandes tendances en matière de politiques, de développement agricole et rural durable, de programmes d'activités selon les régions et les sous-régions.
Selon les rapports nationaux, des progrès ont été accomplis, notamment, dans la mise en place de politiques nationales et de cadres juridiques pour le développement agricole et rural durable; dans l'intégration de considérations environnementales dans les politiques et activités relatives au développement agricole et rural durable; dans la décentralisation de la prise de décisions aux niveaux local et régional; ainsi que dans la participation des grands groupes à la prise de décision et aux activités relatives au développement agricole et rural durable. Il ressort également de ces rapports que les priorités dans le domaine du développement agricole et rural durable concernent la sécurité alimentaire; la conservation et la gestion des ressources en eau; la protection des eaux de surface et des eaux souterraines contre la pollution; la réduction de la pauvreté dans les zones rurales; le développement rural; et l'atténuation des effets de la désertification, de la sécheresse et des catastrophes naturelles.
En Europe et dans la Communauté des Etats indépendants, en Amérique, au Canada et aux Etats-Unis, les différents pays font état de différences considérables dans la conception et la mise en uvre des activités relatives à l'agriculture et au développement durable se rapportant à Action 21.
Le rapport sur le développement agricole et rural durable est complété par un additif sur les aspects saillants des tendances nationales en matière de gestion durable des forêts (E/CN.17/2000/5/Add.1) qui examine les principales tendances dans ce domaine, la suite donnée aux propositions d'action du Groupe intergouvernemental sur les forêts, ainsi que les critères et indicateurs de la gestion durable des forêts.
Ce document met l'accent sur les tendances nationales récentes en matière de gestion durable des forêts, et repose exclusivement sur les informations concernant les forêts que 34 pays avaient présentées à la Commission du développement durable au 14 janvier 2000. Ces informations ont également été reprises par la Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) dans le rapport qu'elle a établi sur la lutte contre le déboisement. Le présent rapport met notamment l'accent sur la gestion des sols, la pauvreté, la production et la consommation; la mise en uvre des propositions d'action du Groupe intergouvernemental sur les forêts.
On trouve, en annexe du présent document, une récapitulation des principales mesures à prendre mentionnées dans les rapports, dans les pays développés à couvert forestier important et dans ceux à couvert faible ou relativement faible, et dans les pays en développement (ou pays en transition) à couvert forestier important et dans ceux à faible couvert forestier.
Dans le cadre de l'examen de la question de l'agriculture en tant que secteur économique, la Commission du développement durable examinera le présent rapport, établi par l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) sur le développement agricole et rural durable (E/CN.17/2000/7).
Ce rapport note que, selon les estimations provisoires les plus récentes de la FAO, la production agricole mondiale (agriculture et élevage cumulés) est restée pratiquement au même niveau en 1998 qu'en 1997, alors qu'elle avait augmenté tout au long des années 90. Dans les pays en développement, ce ralentissement a été principalement provoqué par une chute brutale de la production en Extrême-Orient et en Océanie, qui a été causée par tout un ensemble de facteurs climatiques. Le mauvais temps a également désorganisé la production en Amérique latine et dans les Caraïbes, ainsi qu'en Afrique subsaharienne, où il a été combiné à des troubles civils. La production n'a progressé sensiblement qu'au Proche-Orient et en Afrique du Nord.
Dans les pays développés, on a observé un recul sensible de la production de l'agriculture et de l'élevage dans plusieurs pays de la Communauté d'Etats indépendants (CEI), mais n'a fléchi que légèrement dans les pays d'Europe orientale. En Amérique du Nord, en Australie, en Nouvelle-Zélande et au Japon, la production a, dans l'ensemble, enregistré de légers progrès.
Selon une nouvelle publication de la FAO intitulée "L'état de l'insécurité alimentaire dans le monde, 1999", le nombre de pays en proie à de graves pénuries alimentaires était de 37 en 1999, et le Service spécial des opérations de secours de la FAO a dû intervenir dans 64 pays ces deux dernières années. Selon les estimations les plus récentes, le nombre de personnes sous-alimentées dans les pays en développement a constamment diminué, passant de 830 millions en 1990-1992 à environ 790 millions en 1995-1997. Il convient cependant de noter que ce chiffre a constamment augmenté dans les pays de l'Afrique subsaharienne. En outre, contrairement à ce qu'on observe dans les autres régions, le pourcentage de la population sous-alimentée dans ces pays n'a guère varié au cours des 26 dernières années.
Dans les pays développés, le nombre de personnes sous-alimentées, estimé à 34 millions de personnes, a augmenté depuis le début de la décennie, essentiellement du fait que la faim gagne du terrain dans les pays en transition. Ce nombre est de 790 millions dans les pays en développement. Les résultats obtenus dans la lutte contre la sous-alimentation à la fin de 1999, soit trois ans seulement après le Sommet mondial de l'alimentation, donnent malheureusement à penser que l'objectif primordial consistant à réduire de moitié le nombre des personnes sous-alimentées dans le monde d'ici à 2015 ne pourra être atteint que si les gouvernements modifient sensiblement leurs politiques.
Le rapport souligne cependant que divers exemples montrent que la faim et la pauvreté peuvent être éliminées si l'on adopte les politiques et mesures voulues pour promouvoir un développement agricole durable et appuyer des programmes généraux de développement rural. A cet égard, le rapport note que, dans l'ensemble, les réformes structurelles de l'économie et la libéralisation des échanges agricoles ont mis les agriculteurs en meilleure position pour investir dans l'amélioration des terres.
En matière de coopération internationale dans le domaine de l'alimentation et de l'agriculture, on note une augmentation de l'aide publique au développement fournie par les pays membres de l'OCDE aux pays en développement et aux organismes multilatéraux a qui, selon des estimations datant de 1998, est passée à 51,9 milliards de dollars. Quant aux investissements du secteur privé dans le domaine de la recherche agricole, ils restent principalement dans les pays développés. Les investissements étrangers dans les pays en développement sont très inégalement répartis et alloués surtout à des secteurs autres que le secteur agricole.
Pour ce qui est des liens entre l'agriculture et le développement social, le rapport indique que la pauvreté est liée à de nombreuses inégalités sociales profondes, et notamment le manque d'accès aux soins de santé de base. A leur tour, les affections et les maladies ont des effets négatifs sur la production agricole dans les zones les plus déshéritées qui dépendent de la main d'uvre pour la production agricole. Outre les pressions liées à la croissance démographique, le taux croissant d'urbanisation entrave également le développement de l'agriculture. L'inadéquation des régimes fonciers est également un obstacle sur la voie d'un développement agricole et rural durable. Dans certains pays, les femmes n'ont pas toujours accès à la terre.
Le rapport examine également les liens entre l'agriculture et l'environnement, qui mettent en lumière l'importance de la gestion rationnelle des ressources naturelles de base de l'agriculture et de l'utilisation de produits agrochimiques et autres procédés qui portent atteinte à ces ressources. Il souligne que l'objectif essentiel d'un développement agricole et rural durable est d'assurer un accroissement soutenu de la production alimentaire et d'améliorer la sécurité alimentaire. Pour parvenir à réduire de moitié le nombre de personnes sous-alimentées d'ici à 2015 au plus tard, il suggère l'augmentation accélérée de la quantité de denrées alimentaires produites et mises sur le marché; l'octroi de ressources suffisantes à l'agriculture et au développement naturel et une intervention énergique destinée à augmenter le revenu des pauvres.
Le présent rapport est complété par trois additifs portant respectivement sur l'urbanisation et le développement agricole durable, les biotechnologies au service du développement agricole durable (E/CN.17/2000/7/Add.2) et les liens entre l'agriculture et les ressources en terre et en eau (E/CN.17/2000/7/Add.3).
L'additif sur l'urbanisation et le développement agricole durable (E/CN.17/2000/7/Add.1) aborde les questions de l'agriculture urbaine, de l'agriculture et de l'utilisation des terres dans les zones périurbaines, des interactions entre zones rurales et zones urbaines. Ce document souligne également la nécessité d'apporter un appui technique et financier au développement durable de l'agriculture urbaine, qui contribue à la sécurité des ménages, ainsi que de l'agriculture périurbaine. Parmi les domaines d'action prioritaires, ce rapport préconise notamment le renforcement de la capacité de planification de l'utilisation des terres dans les zones urbaines et périurbaines; le renforcement des services de vulgarisation et de formation destinés aux agriculteurs afin de promouvoir des pratiques de gestion écologiquement viables.
L'additif sur la biotechnologie au service du développement agricole durable (E/CN.17/2000/7/Add.2) aborde la question de la biodiversité agricole et des possibilités d'amélioration offertes par les biotechnologies agricoles de promotion du développement agricole et rural durable. Il évalue également les incidences de la biotechnologie sur la santé et l'environnement. Après un examen de la question de la biotechnologie en rapport avec les droits de propriété intellectuelle et le secteur privé, le document se préoccupe de l'avenir de la biotechnologie agricole dans le développement agricole et rural durable, dans la mesure où les choix des objectifs de recherche en biotechnologie dépendent principalement du secteur privé.
Le troisième additif porte sur les liens entre l'agriculture et les ressources en eau (E/CN.17/2000/7/Add.3). Il détaille les dimensions socioéconomiques de l'agriculture et des ressources en terre et en eau, le problème du déficit des ressources en eau et développement agricole durable, ainsi que les perspectives concernant l'agriculture irriguée et non irriguée.
Pour le rapport du Groupe spécial sur la planification et la gestion intégrée des ressources en terre et sur l'agriculture (E/CN.17/2000/11), consulter le communiqué de presse ENV/DEV/455.
Présentations des représentants des grands groupes
Mme RANGANATHAN, Réseau international agroalimentaire, représentant le secteur de l'industrie, a indiqué que le secteur des affaires et celui de l'industrie jouent un rôle critique pour parvenir au développement durable. Elle a expliqué que pour que l'agriculture soit à la fois écologiquement, socialement et économiquement viable, il est préférable d'accroître la productivité des terres déjà cultivées, plutôt que d'étendre les cultures vers des aires marginales ou des écosystèmes fragiles. Les engrais et les pesticides permettent dans une large mesure de suivre cette voie tout en donnant aux agriculteurs la possibilité d'accroître la productivité à l'hectare cultivé. Ce sont de tels produits que nos industries s'attachent à développer, a précisé la représentante. La conservation et l'utilisation durable des ressources génétiques botaniques et animales, la planification intégrée des plantes et la nutrition intégrée des plantes sont des éléments clefs à l'élaboration desquels l'industrie agroalimentaire contribue largement grâce notamment à la recherche et au développement et au transfert des technologies. La participation de tous les intervenants concernés est essentielle, a poursuivi la représentante. Le secteur agroalimentaire est convaincu que la solution pour un développement agricole durable consiste à intégrer les techniques traditionnelles ainsi que les technologies nouvelles. L'agriculture intégrée qui met l'accent sur la prévention plutôt que la thérapeutique, fait de plus en plus ses preuves concernant la viabilité. Les consommateurs jouent aussi un grand rôle, car leur demande influera sur la nature et la qualité des produits futurs. L'industrie agroalimentaire est favorable à leur intervention. Elle appelle les gouvernements à recourir à des processus réglementaires spécifiques et souples, permettant d'adapter les approches intégrées en matière agricole aux conditions locales. Pour sa part, le secteur privé permet de développer et de fournir des solutions novatrices.
Mme NETTIE WIEBE, Union nationale des agriculteurs canadiens et Via Campesina, s'exprimant au nom de la délégation des agriculteurs, a déclaré qu'il est nécessaire de concevoir et d'appliquer des pratiques qui répondent aux exigences de viabilité écologique et de dynamisme de l'économie rurale. Elle a souligné que l'alimentation est un droit humain fondamental et qu'à ce titre, tout le monde doit y avoir accès. Les personnes qui cultivent les produits alimentaires doivent être au cur de tout processus de décision en matière d'agriculture. La production alimentaire actuelle utilise des méthodes industrielles qui détruisent l'environnement et doivent être remplacées par des modes de production viables. Le génie génétique a des conséquences à long terme encore inconnues et dont le coût génétique se révèle progressif, par exemple avec l'apparition de mauvaises herbes "polluées génétiquement" et résistantes aux herbicides.
La représentante a souligné l'importance d'assurer l'accès à la terre et la sécurité de l'occupation des sols des paysans. Elle a préconisé une véritable réforme foncière assortie à l'établissement d'une limite de la superficie des sols occupés. Il faut également établir une tarification authentique et donc viable des produits agricoles que cultivent les petits agriculteurs. La valeur réelle de l'alimentation reflète la valeur réelle des ressources qui sont utilisées pour produire les produits alimentaires.
S'exprimant au nom des syndicats de travailleurs du secteur agricole, M. LUIS ANDERSON de l'Organisation régionale interaméricaine des travailleurs, a estimé qu'il faut situer le présent dialogue dans le contexte le plus large possible pour le relier à tous les aspects de la chaîne alimentaire. Il existe une grande exploitation des travailleurs agricoles, dont 170 000 meurent chaque année, a-t-il expliqué. Cette situation est symptomatique, selon lui, de leurs conditions de travail difficiles et précaires. Les femmes et les enfants, qui sont aussi engagés dans ce type de travail, sont souvent les groupes les plus exploités. Il est ironique de constater que les travailleurs qui fournissent la main-duvre pour produire les aliments ont eux-mêmes souvent faim car leurs salaires sont insuffisants et ils ne peuvent satisfaire leurs besoins élémentaires. Il faut donc considérer les travailleurs et leurs syndicats comme des groupes intéressés à l'agriculture intégrée. Pour cela, il faudra reconnaître au plan international les normes fondamentales de l'OIT comme un élément central de l'agriculture intégrée. Au mois de juin prochain, employeurs et syndicats se rencontreront dans le cadre de la réunion annuelle de l'OIT et la CDD devrait, à cette occasion, appuyer l'adoption d'une telle approche pour les travailleurs agricoles. Elle devra notamment promouvoir auprès des pays la Convention 155 de l'OIT, qui peut être un instrument essentiel pour combler les brèches et engendrer des changements hautement souhaitables dans la production agricole. C'est sur cette base que les syndicats agricoles jugeront les avancées en matière d'agriculture intégrée, a mis en garde M. Anderson. Pour les syndicats, il est aussi particulièrement inquiétant de voir que la plupart des producteurs et des distributeurs de produits agroalimentaires méconnaissent les incidences des techniques utilisées sur la santé et la sécurité des travailleurs. Combien de travailleurs perdront leur emploi en raison de l'introduction des biotechnologies, s'est aussi demandé le représentant. Y aura- t-il un programme de réemploi ou bien un chômage redoublé ? La Commission doit exprimer son appui afin que des enquêtes et des analyses soient réalisées pour que les incidences de ces changements soient pleinement comprises avant leur adoption.
M. THOMAS FORSTER, International Partners for Sustainable Agriculture, s'exprimant au nom du NGO Caucus on Sustainable Agriculture and Food Systems Caucus, a présenté la position de la délégation des organisations non gouvernementales sur l'agriculture écologiquement viable. Il a déclaré que l'accès durable à une alimentation sûre, saine et convenable est un droit humain fondamental. Les systèmes d'agriculture viables permettent aux communautés d'exercer ce droit en léquilibrant par un contrôle local des droits et responsabilités individuels et collectifs.
Le représentant a déclaré que la libéralisation du commerce et la production de produits agricoles destinés à l'exportation sont les phénomènes qui menacent le plus l'agriculture viable. Ces pratiques ont provoqué l'apparition de monocultures intensives et d'une concentration de la propriété foncière et de la propriété intellectuelle. La production alimentaire locale est également menacée. Le représentant a critiqué l'utilisation massive de produits agrochimiques ainsi que l'introduction des cultures génétiquement modifiées.
M. Forster a mis l'accent sur le rôle essentiel de la volonté politique dans l'établissement d'une agriculture écologiquement viable. Il a notamment recommandé le renforcement des systèmes d'agriculture biologique et écologique actuels, y compris les techniques traditionnelles et autochtones. Il a préconisé que les acteurs dans ce domaine garantissent le respect des droits territoriaux des peuples autochtones, des femmes et des petits fermiers, et que les nouvelles technologies agricoles soient revues.
Réagissant aux présentations des grands secteurs, M. JAUREGUI (Bolivie), s'exprimant au nom du Groupe des 77 et la Chine, a déclaré que de l'une ou l'autre façon, il faut que les pays du Sud trouvent leur propre voie de développement. L'aide des pays développés ne doit donc pas créer une nouvelle dépendance. Or, on a de plus en plus de preuves scientifiques que ces pays ne pourront pas acquérir les modes de production et la productivité des pays industrialisés car la planète n'y survivrait pas. Il faut donc trouver une troisième voie. Il est regrettable que l'on nait pas apprécié à sa juste valeur l'apport des communautés autochtones, alors que l'on donnait une valeur excessive à la production industrielle. Les coûts environnementaux n'ont pas été bien évalués non plus. En fait, les modes de consommation non durables du Nord pourraient bien compromettre la sécurité alimentaire des pays du Sud. Le représentant a rappelé qu'à Rio, on avait abordé la question de la formation des experts locaux et du transfert des technologies, qui sont effectivement des éléments fondamentaux pour le développement et la croissance durables des pays en développement.
M. LAURENS-JAN BRINKHORST, Ministre de l'agriculture, de la gestion des ressources naturelles et des pêcheries des Pays-Bas, a estimé que le débat sur l'agriculture est à un moment décisif. Il a souligné qu'au niveau mondial, et au vu de la croissance démographique prévue au cours des 50 prochaines années, nous risquons de graves problèmes de sécurité alimentaire.
Le Ministre a jugé peu encourageantes les tendances mondiales et estimé que la communauté internationale ne s'est pas dotée des instruments nécessaires pour parvenir à réduire de moitié le nombre de personnes souffrant de la faim d'ici à 2015. Il a déclaré que les pays développés mettent l'accent sur la production d'aliments et de fibres tandis que les pays en développement manifestent un intérêt croissant pour le développement agricole et rural. Le Ministre a estimé que l'agriculture devrait être l'un des principaux moteurs du développement économique et plus particulièrement du développement rural dans les pays en développement. Il a regretté que les politiques agricoles de ces pays favorisent les zones urbaines du fait du manque de pouvoir politique des zones rurales.
Pour inverser ces tendances, le représentant a recommandé de mettre l'accent sur la recherche dans le domaine agricole. Il a estimé que la constitution d'un environnement économique favorable contribuerait à une augmentation de la production agricole. Les pays développés et en développement devraient établir des partenariats aux niveaux privé et public. Le Ministre a appelé les organisations internationales, et particulièrement la FAO et la Banque mondiale à prendre leurs responsabilités en matière d'aide aux pays en développement dans ce domaine. Il a conclu en préconisant que la Commission du développement formule des propositions axées sur l'action.
Dialogue
Lançant le dialogue interactif, le Président de la Commission, M. JUAN MAYR MALDONADO (Colombie), s'est dit frappé par le fait que tous les intervenants semblent partager un certain nombre de concepts. Il a identifié plusieurs points de divergences. Certains ont mis l'accent sur les petits agriculteurs, alors que d'autres ont parlé des technologies de production et que les ONG ont, quant à elles, évoqué l'agriculture organique et de la participation des autochtones. Il s'agit de toute une série de divergences que l'on peut analyser pour finalement opérer un rapprochement et dans cette optique, M. Maldonado a posé plusieurs questions. Dans quelle mesure peut-on bénéficier des nouvelles technologies tout en en limitant les répercussions sociales. L'agriculture organique est-elle une véritable solution pour parvenir à l'agriculture durable?
M. ENEH (Nigéria), s'exprimant au nom du Groupe des 77 et la Chine, a déclaré que les objectifs du développement durable ne peuvent être réalisés que par une approche holistique tenant compte de tous les aspects du développement et de toutes les variables, sociales et autres. Une attention particulière doit donc être accordée à l'identification de politiques visant à faire face aux principales contraintes auxquelles les pays en développement font face. Les pays en développement ont des besoins particuliers en matière de capacités qui se rapportent notamment au fardeau de la dette et à la nécessité de stabiliser et d'atténuer les effets de l'instabilité financière dans un monde de plus en plus mondialisé. Il convient donc de promouvoir leur accès à tous les marchés et les transferts de technologies. Le Groupe des 77 et la Chine considèrent que la question de la dette des pays à revenus moyens et des pays pauvres doit être traitée dans un certain délai, notamment grâce à l'annulation de la dette. En outre, la question épineuse des ressources nouvelles et supplémentaires pour le développement durable devrait être traitée durant la présente session. Des mécanismes financiers novateurs ne peuvent toutefois remplacer les sources traditionnelles de financement, comme l'APD et les investissements étrangers directs, a insisté le représentant, ajoutant qu'il existe un besoin urgent en ressources financières fournies sur une base prévisible. Les gouvernements des pays développés doivent notamment atteindre l'objectif convenu de 0,7% de leur PNB consacré à l'APD. Le Groupe réaffirme la nécessité d'équilibrer la planification intégrée. Il faut tenir compte des conditions écologiques, économiques et sociales des pays et des différentes régions pour l'application de mesures internationales et nationales en ce qui concerne le commerce et les investissements. Les objectifs doivent être centrés sur la protection de l'environnement. L'élimination de la pauvreté doit être au cur des stratégies en matière de développement durable. L'augmentation constante de personnes vivant dans la pauvreté exige que des mesures urgentes soient prises pour soutenir le développement durable en matière foncière et agricole. Le Groupe rejettera toute tentative d'utiliser de nouveaux concepts avant que des accords déterminant leur pertinence aient été passés. C'est pourquoi, le Groupe éprouve quelques difficultés avec les notions de caractère multifonctionnel de l'agriculture et d'impact sur le développement durable. Ces notions doivent être davantage étudiées et aucune d'entre elles ne devraient encore être utilisées dans les négociations en matière de développement durable, de croissance ou de commerce. Le représentant a estimé en outre que la Commission n'a pas suffisamment traité de la question des femmes dans l'agriculture et notamment les questions de l'accès à la terre. Pour le Groupe des 77 et la Chine, il est hors de question de renégocier le document adopté à Rio en 1992. S'agissant de l'examen des progrès réalisés dix après Rio, un fonds d'affectation spéciale devrait être créé pour favoriser la participation des pays en développement et des pays les plus pauvres.
Une représentante des ONG, s'exprimant également au nom dintellectuels de 38 pays qui demandent un moratoire sur les décharges de produits nocifs pour l'environnement, a déclaré qu'il a déjà été prouvé que de telles décharges présentent des risques pour la santé et l'environnement. Elle a attiré l'attention sur les dangers résultants des organismes génétiquement modifiés qui sont intrinsèquement instables et peuvent se révéler impossibles à contrôler. Un représentant des syndicats a regretté que l'introduction des nouvelles cultures et les risques de résistances aux antibiotiques et de contamination par les organismes génétiquement modifiés n'ont pas été suffisamment étudiés. Il a déclaré que la recherche de bénéfices pour des acteurs privés à la recherche de bénéfices dans l'intérêt de tous. Il a préconisé l'adoption du principe de sécurité agricole. Une représentante de la communauté scientifique a déclaré que les biotechnologies ont la capacité daméliorer la production alimentaire en Afrique. Elle a déclaré que ces technologies permettent d'améliorer la résistance de cultures qui pourraient autrement être décimées. Elle a souligné que l'on ne peut pas créer un virus qui n'existait pas déjà dans la nature. Une représentante des groupes d'agriculteurs a déclaré que le développement des biotechnologies peut aider les nombreuses personnes qui sont menacées par la faim. Elle a condamné les entraves à l'utilisation des nouvelles cultures qui permettent aux agriculteurs d'être plus compétitifs.
Un autre représentant des agriculteurs, dorigine des Pays-Bas, a fait remarquer que l'agriculture est très différente d'une région du monde à l'autre. Il n'existe donc pas une seule solution en la matière. De même, les consommateurs des produits agricoles sont très différents. C'est pourquoi, il faut instaurer un dialogue dans lequel la base puisse réellement s'exprimer. Concernant les cultures biologiques, il a estimé qu'elles ne sont qu'une partie de la solution et non la panacée. Un représentant de la communauté scientifique a indiqué qu'il existe une coalition de scientifiques spécialisés dans les questions agricoles qui appuient fermement les cultures biologiques. Venant pour sa part d'Inde, il a fait remarquer que malgré les progrès gigantesques de la production agricole de son pays, des centaines de millions d'Indiens continuent de souffrir de malnutrition. Toutes les technologies améliorant les productions et les rendements agricoles paraissent donc à cet égard les bienvenus. Un intervenant du secteur de l'industrie a évoqué deux études réalisées sur les biotechnologies. Il apparaît, par exemple, que l'introduction de ces dernières ont entraîné une baisse des coûts particulièrement importante pour les petits agriculteurs, ainsi qu'une augmentation de leur productivité. Des projets privés et publics montrent donc clairement que la biotechnologie peut venir en aide aux plus pauvres. Il s'agit pour cela de bien cimenter les partenariats et d'assurer le transfert des informations. Au nom d'une coalition représentant plus de 200 associations de consommateurs, un autre intervenant a fait part de sa vive inquiétude face aux produits génétiquement modifiés. Dans ce domaine, on constate en effet une résistance prouvée aux herbicides. Plutôt que d'augmenter réellement la productivité, il s'agit en fait avec ces techniques d'augmenter les superficies cultivées en raison simplement d'une plus grande résistance aux herbicides. On a donc raison de s'inquiéter de ces produits, qui doivent se voir imposer des réglementations rigoureuses et des tests scientifiques sûrs.
M. KHORSHID (Egypte) a souligné l'importance de la recherche scientifique pour le développement, en dépit de quelques résultats négatifs. Les pays en développement qui ont besoin de plantes qui résistent à la sécheresse et à la salinisation devraient s'adresser aux scientifiques, a-t-il estimé. Mme TUBIANA (France) s'est interrogée sur la manière de maintenir la diversité des technologies et des pratiques agricoles. Les techniques doivent être adaptées aux différentes fonctions de l'agriculture mais le contexte du marché pousse plutôt à leur unification, a-t-elle relevé. Pour ce qui est des biotechnologies, et notamment leur incidence sur les multirésistances aux antibiotiques, elles utilisent des processus naturels à des échelles massives qui n'existent pas dans la nature. Une représentante des syndicats a déclaré que la grande majorité des enfants qui travaillent le font dans le secteur agricole, au détriment de leur santé et de leur éducation. Elle a ajouté que même dans le monde développé des familles entières plantent et moissonnent. Un représentant des exploitants agricoles a souligné que les semences génétiquement modifiées coûtent plus cher. Il a comparé leur introduction à la production de volailles et de porcs en batterie. Le représentant a mis l'accent sur le danger qu'il y a à utiliser des organismes génétiquement modifiés (OGM) dont les incidences sur la nature sont mal connues.
Pour sa part, un représentant syndical de travailleurs agricoles du Danemark, a rappelé que l'on ne sait pas grand chose sur les OGM et que l'on a aucune idée de leurs effets sur la santé des manipulateurs comme des consommateurs. Compte tenu de cette absence de connaissances, on ne peut pas se prononcer, a-t-il estimé. S'exprimant au nom de Greenpeace, une intervenante a recommandé de nouer des liens plus forts entre producteurs et consommateurs. A l'heure actuelle, par exemple, l'étiquetage est largement insuffisant. L'information est l'un des éléments de la durabilité en matière agricole et il faudra indiquer exactement lorigine des produits et la manière dont ils ont été cultivés. Un représentant des agriculteurs illettrés de l'Inde s'est dit perplexe devant les divergences d'opinion exprimées par les différents intervenants, y compris les scientifiques et autres. Etre illettré n'empêche pas de reconnaître la réalité de la vie aux champs, a-t-il déclaré, avant de rappeler que récemment plusieurs centaines d'agriculteurs se sont suicidés dans son pays. C'est pourquoi, tant que l'on ne sera pas parvenu à une unité d'opinion, il faudrait décréter un moratoire sur les OGM. Une représentante des ONG a fait remarquer que le Gouvernement du Paraguay est, à sa connaissance, le seul gouvernement ayant institué un moratoire sur l'utilisation commerciale des OGM. Elle a estimé que la proposition qui vient d'être faite est importante. Le représentant d'une série d'associations ouvrières a précisé qu'il faudra aussi renforcer les conventions sur la biodiversité et les principes de recours aux biotechnologies. En fait, les intérêts de l'humanité doivent prendre le pas sur les intérêts commerciaux. L'intervenant a mis l'accent sur l'importance de la recherche et du développement. Un représentant agricole a insisté sur la sécurité alimentaire et il a estimé qu'il faudra préciser davantage les responsabilités en matière de nouvelles technologies. Il a également rappelé le droit fondamental des agriculteurs de préserver et de protéger leurs semences.
M. JAUREGUI (Bolivie) a déclaré que les biotechnologies et les OGM ne sont pas neutres. Certains pays peuvent protéger leur sécurité industrielle et leurs consommateurs tandis que d'autres n'en ont pas les moyens. Une représentante d'organisations autochtones a appelé à un moratoire sur la commercialisation des OGM qui va entraîner des problèmes sanitaires et écologiques. Elle a regretté que les initiatives de reboisement n'aient pas bénéficié de l'appui des gouvernements.
Le représentant de groupes d'agriculteurs a déclaré que les techniques d'agriculture industrielle suscitent la méfiance de nombreuses familles du fait des dommages qu'elles ont provoqués sur l'environnement. C'est pourquoi les modes d'agriculture biologique sont considérés comme des alternatives viables. Le représentant d'organisations commerciales a insisté sur le fait que les biotechnologies ne sont pas imposées aux agriculteurs qui choisissent de les utiliser. Il a estimé qu'il faut promouvoir la science comme moyen de généraliser la santé dans le monde. Prenant à son tour la parole, un représentant de syndicats a déclaré que dans de nombreuses régions du monde, ceux qui nourrissent le monde sont ceux qui souffrent le plus de la misère. Pour remédier à cette injustice et rendre visible cette catégorie d'employés, le représentant a appelé à la reconnaissance du statut particulier des travailleurs agricoles salariés, qui sont 450 millions dans le monde. Un représentant d'ONG a déclaré qu'il existe différents types d'agricultures et d'exploitations agricoles qui se fondent sur les principes d'agriculture viable. Il a suggéré de rassembler ces différents exemples de terrain dans un réseau mondial afin de les disséminer plus efficacement.
Un intervenant du secteur agricole a estimé que de manière générale l'on naccorde pas assez d'attention à la source de richesses qu'est la "Mère nature". Or cette manne est en train de s'épuiser et personne n'a exprimé d'intérêt réel pour une politique mondiale de protection de la nature. L'intervenant a demandé que la participation des groupes autochtones, des femmes et de toutes les personnes qui ont connu la misère et l'exploitation soit améliorée. Un représentant du monde agricole venu du Nicaragua a déclaré que le principe de la biodiversité est essentiel. Ce principe signifie que les agriculteurs qui cultivent la terre sont eux aussi différents et variés d'une région à l'autre. Il faut donc prendre soin, au moment notamment où l'on entreprend des ajustements structurels, de préserver aussi les agriculteurs, les petits producteurs et les véritables paysans. S'exprimant au nom de l'industrie agroalimentaire, un autre intervenant a abordé la question de la viabilité de la culture organique. Il a précisé qu'il n'est nullement opposé à la culture organique, toutefois du point de vue de la productivité, il a fait remarquer que l'équilibre des apports nutritifs dans les éléments organiques ne peut pas être contrôlé et qu'ils peuvent poser des problèmes de coûts et de transport. Un producteur agricole du Mexique a estimé que, étant donné que depuis des milliers d'années, les générations ont entretenu leur productivité sans recourir à des produits chimiques, il conviendrait d'abandonner l'utilisation de ces produits chimiques, ce qui, entre autres, permettrait aussi de régler la question des déchets chimiques. Selon lui, on ne peut pas favoriser l'agrochimie car pour l'heure aucune loi n'oblige ce secteur à donner toutes les informations concernant leurs produits.
Mme BACKIEL (Etats-Unis) a souligné l'importance de la diversité des approches dans le domaine de l'agriculture, notamment en matière de techniques de culture et des choix des consommateurs. Concernant tout particulièrement la biotechnologie, elle a proposé de considérer 5 points, à savoir la transparence des processus, la consultation avec les consommateurs, l'équité à l'égard des agriculteurs, la citoyenneté des entreprises et la liberté du commerce. L'industrie agroalimentaire doit être soumise aux mêmes contrôles et règlements que le reste de l'industrie, a-t-elle ajouté.
S'exprimant au nom du conclave des ONG, un intervenant a suggéré aux partenaires de l'industrie de soutenir l'idée d'un examen sur une base large des biotechnologies. Sur ce point, il faudra poser toutes les questions, y compris celles portant sur le financement, car il faut trouver le moyen d'être réellement opérationnel. La représentante du secteur industriel ayant effectué une présentation en début de séance a reconnu qu'il n'existe en effet pas de solution unique. L'industrie n'est pas la seule cause de la destruction de la biodiversité, a-t-elle fait remarquer, ajoutant que l'habitat est également prouvé comme destructeur.
Une intervenante s'exprimant au nom des consommateurs a estimé que ces derniers ont le droit de savoir ce qu'ils consomment. Il convient aussi de les éduquer en matière de techniques agricoles. Elle a demandé aux délégations de prendre en compte également les conditions de travail générales, et pas seulement de salaires, des travailleurs agricoles. Abordant particulièrement la question de l'agriculture organique, un participant issu de la communauté scientifique a expliqué que l'agriculture organique n'est complètement viable pour les producteurs comme pour les consommateurs. Il n'y aura par exemple pas assez d'engrais organique pour nourrir les sols et le travail nécessaire pour produire ces éléments nutritifs serait trop important. Aussi, si l'on veut réellement aider les agriculteurs des pays en développement, il faut travailler avec eux pour combiner les bons éléments de l'agriculture organique et les aspects positifs des biotechnologies.
Un intervenant du groupe des entreprises agro-industrielles a déclaré qu'il faudra assurer la gestion intégrée des cultures pour s'adapter à la croissance de la population mondiale. L'agro-industrie finance la recherche et les compétences nécessaires pour développer les solutions au développement durable. Le représentant d'organisations non gouvernementales africaines a souligné que l'analphabétisme constitue un frein à l'utilisation des OGM mais que la transmission des connaissances traditionnelles en matière d'agriculture fonctionne, est précieuse et doit être préservée. Il a déclaré que l'agriculture biologique est la seule alternative dont disposent les petits agriculteurs sahéliens dont les sols ont été épuisés par une utilisation intensive d'engrais chimiques. Un représentant dagriculteurs des Etats-Unis a déclaré qu'il faut donner aux exploitants agricoles les moyens d'appliquer des modes de culture viables. Un autre intervenant, s'exprimant au nom des organisations non gouvernementales, a regretté que l'agriculture écologique et organique soit négligée au profit de l'agriculture utilisant les biotechnologies. Il a proposé que la moitié des fonds des projets de la FAO soient attribués à la recherche dans le domaine de l'agriculture viable. Un représentant des syndicats a mis l'accent sur les conditions de travail, le salaire et l'éducation des travailleurs agricoles. Un représentant des entreprises agro-industrielles a recommandé que l'on renforce la capacité de chaque pays de décider si l'usage des biotechnologies lui convient socialement, sanitairement et économiquement. Concluant au nom des groupes d'ONG, un intervenant a rappelé qu'un groupe de travail officieux va se pencher sur les questions évoquées cet après-midi. Soulignant l'importance de la possibilité de choisir, il a appelé les participants à examiner en profondeur les possibilités de l'agriculture durable, au lieu de discuter exclusivement des OGM. Il a estimé que les "dés sont pipés" dans la mesure où le budget alloué à la communication sur les OGM est beaucoup plus élevé que celui décerné à l'agriculture viable. Il a également souligné la nécessité d'examiner les risques inhérents aux OGM.
M. BALLHORN (Canada) a déclaré qu'il faut mettre en place un système de réglementation de la sécurité des biotechnologies et de protection de la biodiversité. La représentante d'un groupe d'ONG a appelé la communauté internationale à tirer les enseignements des incidences de l'utilisation par le passé de nouveaux produits agricoles, et notamment des produits antiparasitaires qui ont aujourdhui un coût sanitaire avéré du fait des affections qu'ils ont déclenchées chez des centaines de travailleurs agricoles. Elle a estimé qu'il s'agit là d'une question politique.
Remarques de conclusion
M. JUAN MAYR MALDONADO (Colombie) a estimé que le dialogue de cet après-midi a permis de prendre conscience de l'importance de la diversité des modes de production et d'élevage et de la nécessité de tenir compte des exigences des consommateurs. Les répercussions éventuelles sur la santé et le tissu social ont aussi attiré l'attention des intervenants. S'agissant de l'agriculture organique, il apparaît que cette option bien que présentant des avantages et des inconvénients a un riche potentiel qui mérite des investissements de recherche et développement importants. De manière générale, tout le monde s'est accordé sur la nécessité d'avoir un espace de dialogue et de négociation constant, a-t-il fait remarquer en conclusion.
Le représentant du Groupe des agriculteurs a soutenu l'idée d'un bon cadre réglementaire des OGM et des produits biologiques. Il a insisté sur l'importance de l'occupation des sols stable pour les exploitations agricoles. Une autre représentante des agriculteurs a relevé que les agriculteurs sont partagés entre l'exigence des gouvernements qui leur demandent une production toujours plus importante et celle des consommateurs qui souhaitent des produits de choix. Elle a appelé à la conception d'une politique intégrée en faveur de l'agriculture viable.
Un représentant des syndicats a rappelé que les industries agricoles sont les plus meurtrières, après l'industrie minière et l'industrie du bâtiment. Il a déploré que les travailleurs agricoles ne bénéficient pas de garanties sanitaires ni de normes en matière de travail. Un autre représentant des syndicats a appelé à une réglementation accrue des OGM et à une participation accrue des travailleurs agricoles et des autochtones à l'élaboration de ces règles. Il a estimé que l'agriculture biologique représente un frein possible à l'exode rural.
Une représentante des Groupes d'ONG a déclaré que les potentialités de cultures viables et écologiques ne sont pas réalisées en raison du manque de ressources qui leur sont allouées. Elle a recommandé l'application d'un moratoire sur les OGM jusqu'à ce que leurs incidences diverses soient parfaitement connues. Une autre représentante d'ONG a souligné que la mise en place de mécanismes d'occupation des sols doit être complétée par des mesures de protection de la qualité des sols. Les collectivités locales, les agriculteurs locaux et les autochtones de chaque zone sont les mieux à même de gérer les questions d'agriculture viable.
Un représentant de l'industrie agroalimentaire a, pour sa part, conclu qu'il convient d'identifier de bons indicateurs pour évaluer correctement tous les impacts de l'agriculture intégrée. L'industrie se félicite des contributions des gouvernements pour développer l'approche intégrée en matière d'agriculture. Un autre représentant du secteur industriel a estimé que l'on ne peut pas se permettre de perdre le contrôle de la situation en matière agricole, dans la mesure notamment où les réserves alimentaires mondiales sont très faibles. Les OGM ne représentent que 4% des superficies cultivées dans le monde, a-t-il précisé, avant de reconnaître que toute innovation doit résulter d'un processus participatif et non d'une approche aveugle.
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