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DH/G/1277

LA COMMISSION DES DROITS DE L'HOMME ENTEND DES DECLARATIONS DES MINISTRES DES AFFAIRES ETRANGERES DE LA FINLANDE, DE L'ESPAGNE, DU DANEMARK ET DE L'ALBANIE

27 mars 2000


Communiqué de Presse
DH/G/1277


LA COMMISSION DES DROITS DE L'HOMME ENTEND DES DECLARATIONS DES MINISTRES DES AFFAIRES ETRANGERES DE LA FINLANDE, DE L'ESPAGNE, DU DANEMARK ET DE L'ALBANIE

20000327

Le Commissaire européen aux relations extérieures fait également une déclaration; la Commission ouvre son débat sur le droit au développement

Genève, le 27 mars 2000 -- La Commission des droits de l'homme a entendu, ce matin, des déclarations des ministres des affaires étrangères de la Finlande, de l'Espagne, du Danemark et de l'Albanie ainsi que le Commissaire européen chargé des relations extérieures. La Commission a en outre ouvert son débat sur le droit au développement.

M. Erkki Tuomioja, Ministre des affaires étrangères de la Finlande, a déclaré que les souffrances infligées à la population civile tchétchène sont inacceptables et a estimé indispensable de lancer sans délai des enquêtes approfondies sur les allégations de violations des droits de l'homme et du droit humanitaire. Il a par ailleurs recommandé la nomination d'un rapporteur spécial sur les défenseurs des droits de l'homme.

Le Ministre des affaires étrangères de l'Espagne, M. Abel Matutes Juan, a pour sa part rappelé que son pays s'associe, avec ses partenaires de l'Union européenne, à l'effort visant à aboutir à l'abolition universelle de la peine de mort. Le ministre a par ailleurs souligné que son pays restera toujours vigilant dans la lutte contre le racisme et la xénophobie.

M. Niels Helveg Petersen, Ministre des affaires étrangères du Danemark, a émis l'espoir que la Commission adoptera les projets de Protocole facultatif se rapportant à la Convention relative aux droits de l'enfant, qui portent respectivement sur les enfants dans les conflits armés et la vente et la prostitution des enfants. Il a par ailleurs invité la Commission favoriser la création d'une instance sur les populations autochtones.

Le Ministre des affaires étrangères de l'Albanie, M. Paskal Milo, a souligné que les Albanais du Kosovo devraient coopérer étroitement avec la KFOR et avec la Mission des Nations Unies au Kosovo et s'abstenir de répondre aux provocations serbes et aux incitations en provenance d'éléments ultra-nationalistes. L'Albanie condamne toute tentative des forces extrémistes de tous bords visant à provoquer un nouveau conflit et un nouveau bain de sang.

M. Chris Patten, Commissaire européen chargé des relations extérieures, a indiqué que la Commission européenne fera une contribution significative aux préparatifs de la future Conférence mondiale contre le racisme et la xénophobie. Il a par ailleurs affirmé la volonté de la Commission de renforcer ses liens avec le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme et de financer de nouvelles actions.

Ouvrant le débat sur le droit au développement, M. Arjun Sengupta, Expert indépendant sur le droit au développement, a rappelé qu'il a présenté l'an dernier un rapport qui n'a pas à ce jour été examiné par le Groupe de travail sur la question, puisque ce groupe ne s'est pas réuni depuis lors.

Les représentants des pays suivants ont participé au débat : Japon, Portugal (au nom de l'Union européenne), Chine, El Salvador, États-Unis, Pakistan, Chili, Colombie et Mexique. De nombreux intervenants ont rappelé que le droit au développement fait partie intégrante des droits de l'homme. Il a été rappelé que l'individu doit être placé au coeur des politiques de développement, dont le succès ne doit se pas se mesurer en termes strictement économiques.

La Commission des droits de l'homme poursuivra cet après-midi, à 15 heures, son débat sur le droit au développement. Elle entendra en outre le Vice-Ministre des affaires étrangères de l'Azerbaïdjan ainsi que le Secrétaire aux affaires étrangères du Bangladesh.

Déclarations

M. ERKKI TUOMIOJA, Ministre des affaires étrangères de la Finlande, a lancé un appel à tous les gouvernements afin qu'ils coopèrent pleinement avec les rapporteurs spéciaux et les groupes de travail de la Commission et qu'ils respectent les procédures et mécanismes mis en place par la Commission. Les violations des droits de l'homme qui se produisent en Tchétchénie ont suscité de vives préoccupations parmi les gouvernements et dans l'opinion publique internationale, a par ailleurs noté le ministre. Les souffrances infligées à la population civile sont inacceptables, a-t-il ajouté. Il a estimé indispensable de lancer sans tarder des enquêtes approfondies sur les allégations de violations des droits de l'homme et du droit humanitaire et de traduire les responsables en justice.

Le ministre finlandais a insisté sur la nécessité de protéger les défenseurs des droits de l'homme et estimé que la Commission devait, au cours de la présente session, demander la nomination d'un rapporteur spécial sur les défenseurs des droits de l'homme. Il a par ailleurs souligné que la croissance des mouvements libres de capitaux ainsi que les fusions d'entreprises peuvent constituer un défi pour les gouvernements quant à leur capacité à contrôler les politiques sociales et à respecter les normes dans le domaine des droits de l'homme et du droit du travail. Parallèlement, on constate une tendance des consommateurs à faire pression sur les entreprises pour qu'elles rendent des comptes quant à leur respect des normes en matière d'environnement et de droits de l'homme. C'est pourquoi les gouvernements doivent répondre à ce phénomène mondial en renforçant leur coopération et leur interaction avec la société civile. L'imposition de la peine capitale est également un grave problème de droits de l'homme. Étant donné que la peine de mort ne peut pas être appliquée de manière compatible avec la dignité humaine, elle devrait être combattue sous toutes ses formes jusqu'à son abolition totale. La peine de mort est imposée de manière disproportionnée à des personnes appartenant à des minorités défavorisées et à des personnes qui se trouvent en bas de l'échelle des revenus. Le ministre finlandais a constaté que les sociétés qui sont déterminées à réduire les inégalités sociales sont plus aptes à rejeter cette pratique dégradante que celles qui restent indifférentes face à l'exclusion sociale et à la pauvreté.

La paix et la prospérité des sociétés modernes repose sur leur capacité à accepter les différences et à promouvoir la tolérance, a fait valoir le ministre finlandais. À cet égard, la Conférence mondiale contre le racisme qui doit se tenir en 2001 en Afrique du Sud devrait fournir une occasion d'analyser ce problème et de promouvoir la tolérance de manière efficace. Les problèmes liés au racisme continuent de lancer un sérieux défi à l'Europe, a poursuivi M. Tuomioja, qui a rappelé que son pays met l'accent sur l'importance de la participation des minorités dans toutes les prises de décision qui les concernent. À titre d'exemple, il a cité l'expérience positive qu'a constitué l'autonomie culturelle pour les Sami, la population autochtone de la Laponie finlandaise, ainsi que la coopération de longue date qu'entretient le pays avec la minorité rom. Les personnes appartenant aux communautés autochtones sont souvent victimes de racisme et M. Tuomioja a exprimé l'espoir que la présente session de la Commission se soldera par une recommandation concrète en vue d'établir un mandat pour une instance permanente des populations autochtones.

M. ABEL MATUTES JUAN, Ministre des affaires extérieures de l'Espagne, a rappelé que l'Espagne n'avait pas occupé de siège de membre de la Commission depuis 1990, ce qui ne l'avait pas empêché d'assister aux sessions de cet organe ni de renforcer son engagement en faveur des droits de l'homme par le biais de la ratification et du respect des instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme. L'effort inlassable consenti par l'Espagne pour alléger les souffrances des réfugiés s'est vu récemment renforcé grâce à la position que l'Espagne occupe à la présidence du Comité exécutif du Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), a fait valoir M. Matutes.

En dépit du demi-siècle écoulé depuis que les objectifs de la Charte des Nations Unies ont été formulés, la coopération de tous les pays en faveur de la promotion et du respect des droits de l'homme reste encore un objectif lointain, a regretté le Ministre espagnol des relations extérieures. La scène internationale actuelle est marquée par l'expansion de la démocratie ; malheureusement, il subsiste encore de nombreux exemples où la loi n'est pas l'émanation de la volonté du peuple mais vise à assurer la survie de certains régimes politiques. Cette situation a souvent été et continue d'être la première cause du non-respect des droits de l'homme. En outre, les conflits armés, qu'ils soient internes ou internationaux, sont aujourd'hui la source incontestable de nombreuses violations des droits de l'homme et du droit humanitaire, comme dans les Balkans, la région des Grands Lacs, le Timor oriental, le Moyen-Orient ou la Tchétchénie. L'Espagne observe cependant avec intérêt l'évolution des processus politiques internes en marche dans certains pays, qui permettent de nourrir des espoirs en matière de droits de l'homme. Tel est le cas de l'Iran où les réformes entreprises par le gouvernement de ce pays vont dans ce sens.

M. Matutes a rappelé que la société espagnole s'est ouvertement déclarée contre la peine de mort, qui a été abolie dans le pays. Aussi, l'Espagne s'est- elle associée, avec ses partenaires de l'Union européenne, à l'effort visant à aboutir à l'abolition universelle de la peine de mort. Le ministre a par ailleurs souligné que la mondialisation offre des opportunités multiples dont devraient pouvoir bénéficier tous les pays. Ce qui est certain, cependant, c'est que la mondialisation a également exacerbé certains phénomènes pernicieux - tels que le racisme, la xénophobie et l'intolérance - qu'il convient de combattre. M. Matutes a assuré la Commission que son gouvernement est et restera toujours vigilant devant ces phénomènes condamnables et collaborera pleinement avec la communauté internationale pour éradiquer ces phénomènes. Il a d'autre part jugé important d'établir un mécanisme qui permettrait d'assurer la mise en oeuvre effective des dispositions de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l'homme que la Commission a adoptée il y a deux ans.

M. NIELS HELVEG PETERSEN, Ministre des affaires étrangères du Danemark a émis l'espoir que la Commission transmettra l'Assemblée générale, pour adoption, les deux projets de protocoles facultatifs se rapportant à la Convention relative aux droits de l'enfant, qui portent respectivement sur les enfants dans les conflits armés et la vente et la prostitution des enfants. Par ailleurs, il a invité la Commission à agir en faveur de l'établissement d'une instance sur les populations autochtones et a indiqué que son pays présentera un projet de résolution en ce sens. Il a en outre appelé de ses voeux l'adoption d'une Déclaration sur les droits des populations autochtones. Le ministre a également plaidé en faveur d'une action déterminée face au problème de la torture. La Commission doit se pencher sur les moyens d'éradiquer une telle pratique, a-t-il affirmé, et le Danemark envisage de présenter un projet de résolution sur la question. M. Petersen a enfin demandé à la Commission de prendre clairement position sur la peine de mort, sanction inhumaine et inutile, contraire au principe du droit à la vie.

Le Danemark partage les vues de la Haut-Commissaire aux droits de l'homme sur la nécessité pour les Nations Unies de renforcer sa capacité de prévenir les conflits. À cet égard, il a insisté sur l'importance des mécanismes de contrôle en matière de droits de l'homme, qui permettent une réaction rapide. Le ministre s'est félicité que la Fédération de Russie ait accepté une visite de la Haut- Commissaire aux droits de l'homme en Tchétchénie. Il a salué la volonté manifestée par les autorités russes d'engager un dialogue sur la situation des droits de l'homme dans cette région.

Le Ministre a ensuite rappelé que le rôle de la Commission est de mesurer les progrès des droits de l'homme sur le terrain et a insisté sur la nécessité d'un dialogue de bonne foi sur la question. Il ne s'agit pas, a-t-il souligné, d'imposer tel ou tel modèle de société. Partant, il a insisté sur le caractère universel des droits de l'homme et affirmé qu'aucun pays ne saurait invoquer sa souveraineté pour dissimuler des violations de droits de l'homme. Le Ministre a enfin estimé que le défi actuel en matière de droit de l'homme consiste à permettre des interventions humanitaires dans des cas extrêmes de souffrance humaine. C'est la raison pour laquelle il a suggéré, lors de la dernière session de l'Assemblée générale, que le Conseil de sécurité des Nations Unies soit compétent pour déclencher de telles actions. Tout membre permanent exerçant son droit de veto serait tenu de justifier sa position. Une telle proposition vise à renforcer la capacité de la communauté internationale à réagir aux violations massives des droits de l'homme, a expliqué M. Petersen.

M. PASKAL MILO, Ministre des affaires étrangères de l'Albanie, a déclaré que son pays se trouve aujourd'hui à un stade important de son développement puisqu'il est en train de passer de la phase d'urgence à la phase de développement prospectif sur le long-terme. Dix ans après le changement de régime, l'Albanie a réalisé des progrès perceptibles en matière de mise en oeuvre des normes relatives aux droits de l'homme, d'établissement de l'état de droit, de consolidation des institutions démocratiques et d'amélioration des normes qui régissent les relations entre les individus, d'une part, et l'État et la société, de l'autre. L'Albanie, comme

d'autres pays de la région, a récemment été impliquée dans le processus régional du Pacte de stabilité qui constitue le principal engagement en faveur de la reconstruction démocratique de la région. À cet égard, il convient de souligner que l'Albanie est l'un des pays les plus actifs dans la préparation et la mise en oeuvre de projets touchant à la démocratie et au respect des droits de l'homme.

M. Milo a souligné que le développement de l'Albanie est intimement lié au développement équilibré de l'ensemble de la région, en particulier en ce qui concerne la situation au Kosovo. À cet égard, il a estimé que dix mois après la fin du conflit, le Kosovo a enregistré des progrès en matière d'application de la résolution 1244 du Conseil de sécurité et d'adoption des paramètres de stabilisation. Il y a moins de crimes aujourd'hui au Kosovo qu'au début de cette année. Pour autant, a poursuivi M. Milo, la situation au Kosovo est loin d'être normale. Près de 200 000 Albanais sont sans-abri. L'extrême pauvreté sévit, en particulier dans les zones rurales, et aucune assistance économique n'a été fournie aux populations de ces zones, en dépit des promesses antérieures. Si beaucoup a été fait pour progresser sur le terrain de la réduction des tensions ethniques et de la stabilisation de la situation au Kosovo, beaucoup reste à faire pour atteindre l'objectif de coexistence dans une société multi-ethnique. C'est possible si des mesures sont prises immédiatement, en particulier pour résoudre les problèmes en suspens liés à la libération de tous les prisonniers politiques kosovars et à la recherche du grand nombre de personnes disparues durant le conflit, a estimé M. Milo. Dans ce contexte, il a apporté son plein appui à la décision du Représentant des Nations Unies au Kosovo, M. Bernard Kouchner, de nommer un représentant spécial qui serait chargé des personnes disparues au Kosovo et des Albanais toujours détenus dans des prisons serbes.

La normalisation des relations ethniques reste une condition essentielle de la construction d'une société démocratique et ouverte. À cet égard, les épisodes de violence ethnique de ces derniers mois constituent un recul et suscitent des doutes quant à l'avenir du Kosovo. Mitrovica continue d'être la pierre angulaire de la viabilité de la résolution 1244 du Conseil de sécurité et de l'efficacité de l'engagement militaire et civil international au Kosovo, a déclaré M. Milo. Mitrovica témoigne également de la complexité et de la fragilité de la situation, a-t-il ajouté. Les Albanais, de leur côté, devraient coopérer étroitement avec la KFOR et avec la Mission des Nations Unies au Kosovo et devraient s'abstenir de répondre aux provocations serbes et aux incitations en provenance d'éléments ultra-nationalistes. L'Albanie condamne toute tentative des forces extrémistes, de quelque partie que ce soit, visant à provoquer un nouveau conflit et un nouveau bain de sang. M. Milo a déclaré que la thèse selon laquelle il existerait une volonté de créer une *ðGrande Albanie+ð fait partie de la propagande du régime serbe. L'avenir de tous les Albanais n'est pas dans un grand Kosovo ni dans une grande Albanie mais dans une grande Europe, a conclu le Ministre albanais des affaires étrangères.

M. CHRIS PATTEN, Commissaire européen aux affaires extérieures, a souligné que, pour la première fois, les questions relatives aux droits de l'homme des politiques étrangères des pays membres de l'Union européenne font l'objet d'un mandat singulier. Personne ne devrait s'en étonner, car la Commission européenne entend jouer pleinement son rôle dans le débat qui a lieu ici, devant la Commission des droits de l'homme. Alliance économique au départ, la Commission européenne tend à devenir un partenariat politique a fait valoir M. Patten.

Le Commissaire européen a affirmé que la Commission européenne s'engage activement dans la préparation de la future Conférence mondiale contre le racisme et la xénophobie et s'est dit heureux d'annoncer que sa visite à Genève sera l'occasion d'apporter une contribution significative au Haut-Commissariat aux droits de l'homme, s'agissant de la préparation de cette Conférence. L'Union européenne est pleinement consciente de la nécessité de traiter des questions relatives au racisme à l'intérieur de ses propres frontières, a-t-il précisé. M. Patten a affirmé la volonté de la Commission européenne de renforcer ses liens avec le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme. Nous avons soutenu des projets du Haut-Commissariat par le passé, nous souhaitons identifier de nouvelles actions et les financer, a-t-il expliqué. M. Patten a souligné l'importance du travail accompli par les organisations non gouvernementales en matière de droits de l'homme. Toutefois, il a souligné que la responsabilité première dans ce domaine incombe aux gouvernements. Il revient notamment aux gouvernements européens eux-mêmes de décider s'ils veulent ou non s'accorder sur une politique unique européenne en matière de droits de l'homme.

M. Patten a expliqué que signer un traité relatif aux droits de l'homme, le ratifier et l'appliquer sont deux choses différentes. Toute signature devrait être le signe d'un ferme engagement à agir. Il a par ailleurs estimé qu'il n'est ni moralement acceptable, ni économiquement sage de fermer les yeux sur des violations de droits de l'homme pour saisir des opportunités commerciales. Il a enfin abordé la question du terrorisme, phénomène contraire aux droits de l'homme. La lutte contre le terrorisme ne saurait être une excuse pour tolérer des abus en matière de droits de l'homme. Il faut trouver des solutions politiques et il ne devrait être recouru à la force qu'en dernier ressort. Une solution politique, quand elle peut intervenir, est toujours plus à même d'assurer un respect durable des droits de l'homme. De toute façon, a conclu M. Patten, quelle que soit l'intensité des conflits, les règles du droit humanitaire doivent toujours être respectées.

Présentation du rapport de l'Expert indépendant sur le droit au développement

M. ARJUN SENGUPTA, Expert indépendant sur le droit au développement, a rappelé qu'il a présenté l'an dernier un rapport qui n'a pas à ce jour été examiné par le Groupe de travail sur le droit au développement puisque ce groupe ne s'est pas réuni depuis l'an dernier. L'Expert indépendant estime ne pas devoir apporter de modifications à ce rapport tant qu'il n'a pas reçu de réactions du Groupe de travail sur son étude. M. Sengupta a indiqué que l'objectif de son rapport est d'élaborer une méthode par laquelle la communauté internationale et les États

concernés pourraient s'acquitter de leurs responsabilités en matière de droit au développement, qui est un droit de l'homme. Le principe qui sous-tend ce rapport est que la coopération internationale devrait être canalisée dans un programme élaboré sur le principe de l'égalité entre les partenaires. Il s'agit désormais de réfléchir comment la coopération internationale peut ouvrir de nouvelles perspectives pour le droit au développement.

Débat sur le droit au développement

M. SHIGEKI SUMI (Japon) a souligné qu'il faut éviter la confusion entre le droit au développement et le droit à l'assistance économique. Il faut également assurer une coopération plus étroite entre les pays développés et en développement. Les discussions sur ce thème devraient s'effectuer sur la base d'un consensus, a ajouté le représentant japonais. En outre, le Japon estime qu'il faut identifier un ensemble de droits centraux, à la base des droits de l'homme, et qu'à cette fin, il est nécessaire de commencer par établir un programme d'action. Enfin, le représentant a affirmé qu'il est essentiel de lancer des appels aux organisations oeuvrant dans le domaine des droits de l'homme, mais aussi dans des domaines économiques, tels la Banque mondiale, en vue d'obtenir leur contribution et leur participation aux discussions et activités menées par les Nations Unies dans le domaine des droits de l'homme.

M. ALVARO MENDONÇA E MOURA (Portugal), au nom de l'Union européenne, a rappelé que le droit au développement est un droit de l'homme. Il a souligné la nécessité de mettre en oeuvre ce droit de façon durable, en tenant compte des besoins des générations futures. L'Union européenne attache la plus grande importance au droit au développement. L'homme doit être au centre des préoccupations en matière de développement et il incombe à l'État d'éliminer les obstacles au développement. L'État doit respecter et promouvoir les principes de pleine participation, de non-discrimination et de répartition équitable des fruits du développement. Le droit au développement est étroitement lié aux droits économiques, sociaux et culturels et toute violation de l'un de ces droits porterait atteinte au droit au développement lui-même, a-t-il souligné. À travers la mise en oeuvre du droit au développement nous visons en fait la réalisation de tous les autres droits de l'homme, a déclaré M. Mendonça e Moura.

L'Union européenne souligne la nécessité d'une coopération internationale en matière de financement du droit au développement et considère la bonne gouvernance comme un élément essentiel du développement durable. La mondialisation peut générer un volume de ressources supérieur à celui de l'aide au développement. Il importe donc de s'assurer que l'augmentation des flux de capitaux à destination des pays en développement produisent des effets durables. L'Union européenne se félicite de la mise en oeuvre de nouvelles stratégies fondées sur la notion de droit par les instituions étatiques compétentes et les institutions financières internationales. En effet, une telle approche prend davantage en compte les besoins des personnes. Pour l'Union européenne, l'un des défis majeurs en matière de droit au développement est la nécessité de trouver des solutions en matière d'allégement de la dette des pays les plus pauvres. Elle se félicite des modifications de l'initiative en faveur des pays pauvres les plus lourdement endettés, visant l'élargissement du nombre des pays pouvant en bénéficier.

M. QIAO ZONGHUAI (Chine) a souligné que le droit au développement est à la fois un droit collectif - dont doivent pouvoir jouir un pays, un nation - et un droit individuel. Pour un pays comme pour un individu, le droit au développement signifie un développement global et intégré couvrant à la fois les droits civils et politiques et les droits économiques, sociaux et culturels. La communauté internationale devrait donc accorder une importance égale à tous les droits liés au développement et adopter des mesures visant à les garantir. Cela s'applique autant aux pays développés qu'aux pays en développement. En outre, les gouvernements devraient établir leurs stratégies et leurs priorités en matière de développement à la lumière de leurs conditions nationales. Des pays différents en sont à des stades différents de développement en raison de leurs différents niveaux de développement économique. Même des pays qui ont le même niveau de développement peuvent adopter des rythmes et des modèles de développement différents en fonction de leur propre système politique et social ou de leurs traditions culturelles et religieuses. Il est tout simplement impossible pour un pays de se contenter de copier le modèle de développement qui prévaut dans d'autres pays ou régions.

Le représentant chinois a par ailleurs souligné que, dans le monde actuel, la plupart des pays sont des pays en développement qui disposent d'une économie faible et de bases fragiles pour le développement. Il est compréhensible qu'à un certain stade de développement, ces pays accordent la priorité à la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels, en particulier en adoptant des mesures visant à assurer les conditions de base pour la subsistance de la population. Il est primordial d'accorder la priorité à la levée des obstacles à la réalisation du droit au développement. Avec des fondations économiques faibles, de nombreux pays en développement sont vulnérables aux changements défavorables de l'environnement économique extérieur. Ces pays risquent d'être marginalisés par la tendance à la mondialisation. Dans de telles circonstances, les pays développés devraient aider les pays en développement à surmonter leurs difficultés et à réaliser le développement. Ils devraient en particulier déployer des efforts afin de renverser la tendance au déclin de l'aide publique au développement et de réduire et annuler une plus grande partie des dettes extérieures. Lorsqu'elle élabore les règles du jeu en matière de commerce et d'investissements, la communauté internationale devrait accorder davantage d'attention aux difficultés et aux besoins des pays en développement et les encourager à participer au processus de prise de décision économique au niveau mondial. La Chine espère que la Commission adoptera la résolution sur le droit au développement par consensus et permettra au Groupe de travail sur la question de se réunir prochainement.

M. MARIO CASTRA GRANDE (El Salvador) a exprimé sa préoccupation de ce que le Groupe de travail sur le droit au développement n'ait pu encore commencer ses travaux. Il a souhaité que le temps perdu pourra être rattrapé. El Salvador appuie toutes les initiatives engagées en faveur de la promotion du droit au développement. Le représentant a estimé que la déclaration sur le droit au développement devrait être incluse dans la Charte internationale des droit de l'homme sur le même pied d'égalité que la déclaration universelle des droits de l'homme, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

M. GEORGE MOOSE (États-Unis) a affirmé que le droit au développement est la clé d'un monde stable. Les États-Unis se félicitent du défi lancé par la Haut- Commissaire aux droits de l'homme de parvenir à une meilleure définition de cette notion qui prenne en compte la personne humaine. Il est essentiel de placer l'individu au coeur du développement. En effet, le développement ne saurait être mesuré d'un point de vue strictement économique. Une meilleure définition du droit au développement doit certainement prendre en compte la réalisation des droits de l'homme. Le représentant a souligné que les gouvernements sont responsables au premier chef en matière de droit au développement. Ils doivent promouvoir les conditions propres à un développement durable. Pour les États- Unis, l'absence de développement ne saurait être invoquée pour justifier de la violation des droits de l'homme.

Les États-Unis insistent sur la nécessité d'une coopération internationale pour assurer le droit au développement. Le pays a pour sa part créé tout un réseau d'institutions nationales pour agir en faveur du développement. Le représentant a rappelé que le Président des États-Unis a présenté une nouvelle stratégie pour venir en aide aux pays en développement. Ce programme a pour but d'alléger de 10 milliards de dollars la dette des pays en développement pour leur permettre d'investir dans les domaines de la santé, de l'éducation, des infrastructures et de l'environnement. Le représentant a appelé les autres nations et les institutions financières internationales à suivre l'exemple des États-Unis en allégeant la dette des pays les plus pauvres. Pour les États-Unis, la croissance économique mondiale actuelle illustre le rôle essentiel joué par le secteur privé. Il faut assurer l'intégration de tous les pays au commerce mondial. Le représentant s'est félicité de l'adhésion de la Chine à l'Organisation mondiale du commerce et s'est dit impatient de voir d'autres pays rejoindre l'Organisation. Les États-Unis pensent qu'ils y a un lien direct entre la liberté individuelle et le progrès économique et invitent les gouvernements à accroître le potentiel des individus.

M. MUNIR AKRAM (Pakistan) s'est félicité de l'attention croissante accordée au droit au développement par la Commission, notamment grâce aux efforts de la Haut-Commissaire aux droits de l'homme. Le Pakistan participera au Groupe de travail sur le droit au développement et se réjouit que la présidence soit assumée par M. Mohamed-Salah Dembri, d'Algérie. Selon le représentant du Pakistan, certains aspects conceptuels liés à l'organisation d'actions en faveur du droit au développement dans une économie de plus en plus mondialisée rencontrent des obstacles résultant du manque d'équité du système international. On continue d'affirmer que l'économie mondiale offre des opportunités illimitées pour tous les pays. Pourtant, la réalité montre au contraire que la plupart des pays n'ont pas été capables de se développer malgré leurs efforts pour s'intégrer dans l'économie mondiale. Seuls quelques pays ont pu dépasser une croissance de 3%. Certains pays en développement ont en effet réussi, grâce à des stratégies liées à l'exportation, mais ils ont malgré tout augmenté leur vulnérabilité, comme ce fût le cas en Asie récemment, victime de crises financières qui ont eu, en quelques semaines, un impact majeur sur ces sociétés. La reprise fut lente et pénible. La Commission devrait se concentrer sur l'élimination des lacunes du système économique international et non plus se limiter aux domaines de la santé, l'éducation et de l'alimentation, sous prétexte que ce sont les clés du développement.

M. PEDRO OYARCE (Chili) a estimé qu'il est aujourd'hui nécessaire d'analyser la question du droit au développement dans le cadre plus global proposé par la déclaration de Vienne. Il a souhaité que le Groupe de travail sur la question garde à l'esprit que le droit au développement doit être considéré comme partie intégrante des droits fondamentaux de l'homme, et veiller à ce que l'on ne puisse exacerber les divergences sur son interprétation, au risque de saper l'esprit de Vienne. Le représentant a souligné que les bénéfices de la mondialisation ne parviennent pas toujours aux citoyens des pays développés et en développement. Le droit au développement doit être favorable aux droits de la personne, aux populations et aux politiques élaborées destinées aux citoyens. Il est opportun d'élaborer une vision intégrée qui concilie les approches des pays développés et des pays en développement. Le représentant chilien a par ailleurs souhaité que le Haut-Commissariat puisse partager l'idée d'une conception intégrée du développement, déjà adoptée par le Programme des Nations Unies pour le développement, la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement et l'Organisation internationale du travail.

M. HAROLD SANDOVAL BERNAL (Colombie) a déclaré qu'aujourd'hui comme hier, il est nécessaire de préconiser le libre commerce mais à condition de ne pas appliquer le protectionnisme. Nous sommes dans une situation où l'écart entrer pays riches et pays pauvres est considérable. Il est désormais nécessaire de favoriser le libre flux de capitaux, mais il faut en même temps veiller à ne pas décourager ou empêcher la libre circulation de la main d'oeuvre. Une véritable intégration implique des normes et des pratiques de marché uniformes et équitables pour supprimer les disparités importantes entre les pays. Les chiffres indiquent que le cinquième de la population mondiale que représentent les pays les plus riches bénéficient de 82% de la hausse des exportations et de 68 % de l'investissement étranger direct. Le représentant colombien a rappelé que la paix, la sécurité et la démocratie restent très fragiles tant que la pauvreté absolue, la malnutrition, l'analphabétisme, et la faim affectent encore la majeure partie de la population mondiale. Aussi, selon lui, le renforcement de la société civile doit s'accompagner de l'élimination de tous ces obstacles.

M. TOMAS DIAZ (Mexique) a souligné que les efforts déployés pour les États ont été entravés voire réduits à néant par les dysfonctionnements et les déséquilibres au sein du système économique international. Un des obstacles rencontrés dans ce domaine est le fossé entre les besoins économiques et sociaux immédiats des États et les priorités des instances internationales. Le Mexique, pour sa part, est convaincu de la nécessité d'une participation plus grande et plus efficace des pays en développement au processus de prise de décision économique internationale. Dans ce contexte, le Mexique est favorable à des négociations commerciales multilatérales élargies au sein de l'Organisation mondiale du commerce sur la base d'un engagement en faveur de la consolidation d'un système commercial multilatéral ouvert incorporant les besoins de développement de tous les pays. Le représentant mexicain a jugé particulièrement préoccupante le manque de ressources financières pour les investissements productifs et pour répondre aux besoins les plus urgents des populations des pays en développement.

Le Mexique réitère sa proposition visant à créer un mécanisme augmentant les capacités d'alerte précoce et de réponse rapide permettant de faire face à l'apparition, à la propagation et à l'expansion de crises financières internationales qui, en un instant, peuvent réduire à néant des années de travail de millions de personnes. L'exercice du droit au développement exige une croissance économique mondiale sur une base durable. Pour sa part, le Gouvernement mexicain a pour objectif de favorise

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