DH/271

DROITS DE L'HOMME : LE COMITE INVITE LE GUYANA A ETUDIER LA POSSIBILITE D'ABOLIR LA PEINE DE MORT

27 mars 2000


Communiqué de Presse
DH/271


DROITS DE L’HOMME : LE COMITE INVITE LE GUYANA A ETUDIER LA POSSIBILITE D'ABOLIR LA PEINE DE MORT

20000327

Les Experts achèvent l’examen du deuxième rapport périodique du Guyana

Le Comité des droits de l’homme a terminé, ce matin, l’examen du deuxième rapport périodique du Guyana. Dans ce cadre, M. Roger Luncheon, Chef de la délégation de la République du Guyana, a répondu aux questions qui avaient été posées vendredi dernier à sa délégation par les experts du Comité.

Concernant les recours dont disposent les citoyens du Guyana contre les violations de leurs droits par l’administration ou par des fonctionnaires, M. Roger Luncheon a déclaré que cette question relève du Bureau du Défenseur du peuple (Ombudsman) qui base lui-même son travail sur une loi, l’”Ombudsman Act”, qui définit les catégories de crimes et de violations susceptibles d’être traitées par lui. Certaines carences ont cependant été constatées dans l’application de cette loi, qui est de ce fait en train d’être révisée, certaines de ses dispositions ayant notamment été jugées insufffisantes. En réponse aux soucis des experts en ce qui concerne le respect du droit à la vie, le Ministre a déclaré que la Constitution du Guyana garantit ce droit comme un droit fondamental. Elle stipule que personne ne sera privé du droit à la vie, sauf en cas de condamnation prononcée par un tribunal pour les crimes de meurtre et de trahison. Le peuple guyanais est en faveur de la peine capitale, a précisé M. Luncheon, mais l’exécution de cette peine est tempérée par l’existence d’une procédure de recours en grâce, laquelle peut être octroyée par le Président.

M. Martin Scheinin, Expert de la Finlande, a insisté sur le fait que tous les Etats parties au Pacte, y compris ceux qui n’ont pas signé le deuxième Protocole facultatif sur l'abolition de la peine capitale, ont l’obligation d’étudier la possibilité d’abolitir cette peine dans leur législation nationale. Le maintien de cette peine est une violation de la notion du droit à la vie, a estimé M. Scheinin, qui a dit que les traités internationaux devaient occuper une place à part entière dans le droit national des Etats, et que le Guyana devrait examiner la question de l’abolition de la peine capitale dans le cadre de sa réforme constitutionnelle. M. Louis Henkin, Expert des Etats-Unis, a abondé en ce sens, estimant pour sa part que l’acceptation de la peine de mort par la population d’un pays ne peut pas en justifier l’existence légale. Il est du devoir des gouvernements d’éduquer leurs peuples sur des questions aussi graves, a-t-il déclaré.

Les experts ont estimé que les informations fournies par la délégation sur la majorité des questions qui lui avaient été soumises manquaient de précision. Ayant accueilli au cours des années écoulées deux réunions régionales de l’Amérique latine et des Caraïbes sur les droits de l’homme, la communauté internationale compte voir ces droits s’épanouir au Guyana, a dit M. Natwaralal Bhagwati, Expert de l’Inde. M. Bahgwati a cependant jugé que le rapport présenté par le Guyana et les réponses de la délégation aux questions du Comité étaient en dessous des espoirs placés en ce pays.

En concluant l’examen du rapport du Guyana, Mme Cecilia Medina Quiroga, Présidente du comité, a souhaité que la rédaction de la nouvelle Constitution du Guyana se fasse dans le respect de la préservation des droits énoncés dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, et que toutes les composantes de la société, dont les femmes et les filles, reçoivent un traitement équitable, notamment dans les domaines politique et judiciaire. M. Roger Luncheon a promis que le Guyana tiendrait en compte des recommandations du Comité et a assuré que son pays, comme toute nouvelle démocratie, aspire à une constante amélioration du respect des droits de l’homme.

Le Comité poursuivra ses travaux cet après-midi à 15 heures.

EXAMEN DU DEUXIEME RAPPORT PERIODIQUE DE LA REPUBLIQUE DU GUYANA

Rapport (CCPR/C/GUY/99/2)

Suite des réponses de la délégation aux questions des experts

M. ROGER LUNCHEON, Chef de la délégation de la République du Guyana, a expliqué que la mise à jour de la loi concernant les Amérindiens faisait partie intégrante du processus de réforme constitutionnelle. Il a annoncé la création d’une Commission constitutionnelle des questions autochtones chargée d’élaborer des lois intéressant ces populations, en coopération avec les organisations non gouvernementales et les commissions régionales. La question de la délimitation des terres appartenant aux Amérindiens et de l’exploitation des forêts qui s’y trouvent reste une question politique, qui a vu le jour après la période coloniale. En 1993, ces questions ont été à nouveau abordées au sein du Parlement et la décision a été prise de délimiter ces terres en fonction des frontières antérieures. En raison de la croissance de leur population, les représentants amérindiens souhaitaient l’élargissement de ces frontières, mais le Gouvernement a estimé que le coût en serait trop lourd. Aujourd’hui, environ 20 communautés ont vu leurs frontières délimitées selon leurs limites antérieures. D’autres communautés ont cependant refusé d’entamer un dialogue avec le Gouvernement sur la délimitation des frontières en fonction des frontières antérieures. Le travail de délimitation sera probablement bientôt mené à bien dans toutes les communautés, a néanmoins estimé le représentant. Les questions relatives aux terres ancestrales exigent un dialogue et une démonstration de compréhension, a-t-il ajouté. M. Luncheon a déclaré qu’il existe des difficultés culturelles, géographiques et socio-économiques sur lesquelles il faudra travailler pour améliorer la situation à court terme.

En ce qui concerne la diffusion d’informations concernant le Pacte, le Ministère des affaires étrangères a pris des mesures pour que les informations dans ce domaine figurent sur son site Internet. Un comité de surveillance parlementaire examine les travaux du Ministère et émet des observations à ce sujet, et particulièrement au sujet du Pacte et de la présentation du rapport du Guyana au Comité, observations qui figurent sur ce site Internet.

Le représentant a déclaré que tous les articles du Pacte n’avaient pas encore été pris en compte dans les lois du Guyana. A ce stade de la réforme constitutionnelle, a-t-il poursuivi, l’Etat déploie des efforts pour élaborer des lois qui abordent les points du Pacte qui n’ont pas encore été traités.

M. Luncheon a indiqué que le Bureau du défenseur du peuple s’apparente à l’institution d’ombudsman et qu’il est régi par une loi qui souffre cependant d'un manque d’application. Un document sur cette institution a été distribué au Comité ce matin. Les carences qui entravent l’application de cette loi sont en cours d’examen dans le cadre de la réforme constitutionnelle, a déclaré le représentant. M. Luncheon a précisé que le Bureau reçoit les plaintes déposées par des Guyanais se disant victimes d’abus commis par l’administration.

M. Luncheon a déclaré que la Constitution garantit le droit fondamental à la vie car “nul ne peut être intentionnellement privé de la vie sauf en exécution de la sentence prononcée par un tribunal pour une infraction à la loi du Guyana dont il a été reconnu coupable”. A propos de cette exception, le représentant a expliqué que le peuple guyanais estime que le maintien de la peine capitale n’est pas contraire au respect de la vie humaine. Il a ajouté que les compilations les plus récentes sur le nombre de sentences prononcées par les tribunaux ainsi que sur les résultats des recours présentés n'étaient pas disponibles, et que des informations sur cette question seraient fournies ultérieurement.

Nouvelle série de questions des experts

Mme PILAR GAETAN DE POMBO, Expert de la Colombie, a demandé des précisions sur les conditions de détention des prisonniers mineurs au Guyana. Existe-t-il des structures de rééducation et de réinsertion sociale en faveur de ces jeunes, a-t-elle demandé? Elle a ensuite demandé que le représentant de l’Etat partie donne plus d’informations sur le fonctionnement du Bureau du défenseur du peuple. Mme Gaetan de Pombo a demandé des précisions sur les recours en cas de sentence de mort portées et a voulu savoir si le Guyana envisage de mettre fin à la peine de mort?

M. PRAFULLACHANDRA NATWARLAL BHAGWATI, Expert de l’Inde, a rappelé que l’engagement du Guyana en faveur des droits de l’homme s’est manifesté ces dernières années par l’organisation de deux réunions régionales consacrées au droits de l’homme. La communauté internationale attend donc beaucoup du Guyana, mais l’examen du dossier montre que le Guyana n’est pas encore à la hauteur des espoirs placés en lui. Où en est la nouvelle Constitution, a-t-il demandé. Sa rédaction a-t-elle été confiée au Parlement ou est-elle laissée aux seules mains du gouvernement? Il a jugé très insuffisantes les réponses apportées par la délégation sur le fonctionnement du pouvoir judiciaire. En ce qui concerne les médias de masse, on constate un déséquilibre dans la manière dont sont traitées les émissions de radio et télévision. Comment le Gouvernement du Guyana réagit-il en cas de diffusion de programmes critiques ou antigouvernementaux? En cas d’accusations de corruption portées par les médias contre un juge, comment réagit le gouvernement? Ce fait est-il considéré comme diffamation contre un juge ou le gouvernement respecte-il la liberté d’expression de la presse? Enfin, où en est la Commission chargée de la question des Amérindiens?

M. MARTIN SCHEININ, Expert de la Finlande, fait remarquer que l’article 149 de la Constitution du Guyana contient des clauses qui ne sont pas compatibles avec le Pacte. La réforme constitutionnelle en cours portera-t-elle remède à ce problème? La liste des droits et libertés fondamentaux cités dans le projet de réforme ne semble pas prévoir de réforme ou d’annulation de la peine de mort. Or, on a l’obligation d’œuvrer dans le sens de l’abolition de cette peine, a dit l’expert, même si comme certains pays, le Guyana n’est pas signataire du deuxième Protocole facultatif qui rend obligatoire l’annulation de la peine de mort. La peine de mort est contraire à la préservation du droit à la vie, a-t-il dit. S'agissant du respect du droit à l’autodétermination des populations autochtones, l'expert a demandé comment la délégation lie ce concept au règlement des questions concernant les minorités amérindiennes. Comment compte t-on garantir leur autonomie économique, notamment en ce qui concerne l’exploitation des ressources minières?

Mme ELIZABETH EVATT, Expert de l’Australie, a regretté que les renseignements fournis par la délégation n’aient pas répondu à la question demandant des exemples de décisions judiciaires qui ont confirmé des droits garantis dans le Pacte inclus dans les dispositions de la Constitution des lois du Guyana. Le fait que la police du Guyana soit majoritairement composée de ressortissants de deux communautés seulement n’est-il pas source de tensions raciales, a-t-elle demandé? Elle a demandé si la loi visant le règlement des questions amérindiennes était déjà rédigée? Quant à la délimitation des zones forestières bonnes à exploiter, où en est-elle? Il y a-t-il un système permettant aux amérindiens d’élever des objections sur les décisions prises sur cette question, a demandé Mme Evatt. Des mesures sont-elles prises pour assurer la participation de ces populations à la vie sociale et politique du pays?

M. MAXWELL YALDEN, Expert du Canada, a demandé à la délégation du Guyana de lui fournir une copie du rapport annuel publié par l’Ombudsman. L’Expert a également demandé des précisions sur le nombre de plaintes qu’a reçues l’Ombudsman et leur nature, en regrettant que ces questions n’aient pas fait l’objet d’une réponse détaillée de la délégation. Il a souhaité connaître le genre de recours disponibles en cas de plainte. En ce qui concerne les faiblesses de la loi sur le Défenseur du peuple, l’Expert a demandé s’il existe un organe indépendant en mesure d’examiner efficacement les plaintes des individus dont les droits fondamentaux ont été violés.

M. ABDELFATTAH AMOR, Expert de la Tunisie, évoquant les outrages subis par les personnes internées dans les hôpitaux psychiatriques, a demandé si ces pratiques avaient disparu. Il a également demandé des précisions sur les mesures prises pour assurer la protection effective des personnes hospitalisées pour des raisons psychiatriques. Notant que le rapport stipule que la police est tenue de déférer un individu devant un juge “dès que possible” après son arrestation, l’Expert a critiqué ce “pouvoir discrétionnaire laissé à la police”. Il a demandé si des initiatives avaient été prises pour limiter ce pouvoir. L’Expert a également jugé injustifiable l’appréciation de “dépravation” contenue dans la loi sur la jeunesse délinquante, et particulièrement la phrase qui décrit un détenu “si dépravé” qu’il n’est pas apte au placement. Au sujet de la censure dont certains journaux ont fait l’objet par le biais de la distribution du papier, l’Expert a demandé quel est le régime d’acquisition du papier actuellement en vigueur au Guyana. La distribution du papier peut-elle encore être utilisée pour censurer la liberté de la presse, a-t-il demandé.

M. DAVID KRETZMER, Expert d’Israël, a souhaité savoir quelles mesures législatives ont été prises pour interdire les appels à la haine et la propagande en faveur de la guerre. Il a demandé si le Gouvernement du Guyana rencontre des difficultés du fait de tels appels à la haine entre les divers groupes du Guyana.

Prenant la parole pour répondre à ces questions, M. ROGER LUNCHEON, Chef de la délégation de la République du Guyana, a déclaré qu’un dialogue national était en cours sur les questions raciales. Il a regretté que des personnalités diverses tiennent un discours incitant à la haine raciale. La situation actuelle est que des personnes des secteurs privé et public sont mêlées à ces actes inacceptables à la télévision et à la radio, a-t-il expliqué. Le représentant a déclaré qu’une loi

punissant les appels à la haine raciale était à l’étude, mais que l’Etat n’avait pas adopté d’attitude agressive face à cette question hautement politique. Il est difficile d’aborder cette question de manière complète, a-t-il souligné. Le représentant a également souligné que tous les Guyanais préféraient oublier la période de dictature qui s’est achevée en 1992. Depuis, les anomalies qui ont été condamnées par les Guyanais et par tous les peuples épris de liberté de par le monde ne font plus partie des pratiques du Gouvernement du Guyana. Les traitements médicaux forcés, ainsi que d’autres violations des droits de l'homme qui caractérisaient la période de la dictature, ont disparu du “paysage” guyanais. Le représentant a indiqué que l’application de la loi sur le fonctionnement de l’Ombudsman relève uniquement des tribunaux. Des efforts pour utiliser d’autres moyens de parvenir à appliquer cette loi sont en cours. Il a déclaré que la loi sur les Amérindiens posait la question extrêmement complexe des populations autochtones, question que les pays voisins du Guyana doivent aussi résoudre. A la fin de la période de dictature, a indiqué le représentant, des normes ont été mises en place pour améliorer la participation des populations amérindiennes à la vie du pays. Aujourd’hui, les droits d’exploitation du sous-sol ne sont pas octroyés aux Amérindiens, car ces droits relèvent non pas des citoyens mais de l’Etat. Le représentant a reconnu que des interventions plus nombreuses seront nécessaires de la part du Gouvernement pour parvenir à un traitement acceptable de la population amérindienne. Les efforts déployés dans ce sens ont cependant déjà permis des améliorations. Les arguments politiques seront toujours très présents dans ce débat, a-t-il ajouté. Le représentant a déclaré que les autorités étaient conscientes de la nécessité d’élargir le champ de la consultation populaire, notamment lors des consultations électorales ou portant sur la désignation d’un Chancelier. Pendant la dictature, a-t-il ensuite rappelé, la police avait une très forte composante afro-guyanaise. Aujourd’hui cette composante n’a que très peu varié. Le représentant a estimé que le phénomène d’abus des droits de l'homme dont la police s’est rendue responsable doit être mis en rapport avec les abondantes critiques qu’elle a dû affronter après la fin de la dictature.

Répondant aux observations du Comité sur le maintien de la peine capitale, le représentant a déclaré que le pouvoir judiciaire s'appuyait sur les dispositions de la loi, notamment en matière de pendaison. Le droit à la vie et la question de la peine capitale continuent cependant de faire l'objet d'une réflexion de la population du Guyana. Le représentant s’est dit convaincu que le respect des droits de l’homme sera à l’esprit de la Commission de réforme constitutionnelle. Il a indiqué que la réforme constitutionnelle, entamée en 1977, serait bientôt terminée. Le représentant a déclaré que son Gouvernement espérait que la nouvelle Constitution serait finalisée d’ici aux prochaines élections nationales prévues le 17 janvier 2001.

Prenant la parole pour une nouvelle série de questions, M. ECKART KLEIN, Expert de l’Allemagne, a estimé que les questions posées par le Comité à la délégation lors de la séance de vendredi après-midi n’avaient pas encore reçu de réponses.

M. NISUKE ANDO, Expert du Japon, rappelant que la délégation du Guyana a dit que les textes du Pacte figuraient sur un site Internet, a demandé combien de personnes ont un ordinateur au Guyana?

M. LOUIS HENKIN, Expert des Etats-Unis, a demandé quelles sont les méthodes qu’emploie la police pour protéger les femmes contre les violences dont elles sont victimes? Concernant la peine de mort, la délégation a dit que c’est “la volonté du peuple” qui justifie l’existence de cette peine au Guyana. Mais toute justification selon laquelle une population est maîtresse de la teneur des lois d’un pays n’est pas toujours valable. Si un génocide se produisait à cause de son acceptation par un peuple, il resterait condamnable et totalement injustifié, a observé l'Expert. Il est de la responsabilité de tout gouvernement d’éduquer sa population pour lui expliquer le contenu des traités internationaux, et notamment du Pacte. Il est aussi du devoir des gouvernements de susciter le débat permanent autour des mesures qui existent dans sa législation pour en améliorer l’esprit et le fond.

M. MARTIN SHEININ, Expert de la Finlande, est revenu sur la question du droit des populations sur les richesses du sous-sol de leur territoire. Il a invité, à ce sujet, le Guyana à consulter le texte de l’Organisation internationale du travail (OIT) datant de 1949, et à en discuter dans le cadre de la réforme de sa loi fondamentale.

M. PRAFULLACHANDRA NATWARLAL BHAGWATI, Expert de l’Inde, a demandé des précisions sur le fonctionnement de la presse écrite au Guyana. Comment se fait l’accès aux matériaux dont elle a besoin pour paraître, et notamment le papier? Il a aussi demandé s'il y avait des mesures d’assistance sociale et juridique en faveur des pauvres et des indigents? Quelle est la situation des Amérindiens en ce qui concerne l’éducation, a demandé l’expert.

M. DAVID KRETZMER, Expert d’Israël, a fait remarquer l’absence de lois interdisant l’incitation à la haine raciale dans tous les documents que la délégation a fait distribuer au Comité. Est-ce à dire qu’aucun texte de loi formel n’existe sur cette question?

Pour répondre aux questions des experts, M. ROGER LUNCHEON, Chef de la délégation de la République du Guyana, a dit que le Guyana faisait des investissements en matière d’informatisation, car si le niveau d’équipement des foyers en matériel informatique est très faible dans certaines régions. Si tout le monde n'a pas un ordinateur pour accéder aux informations relatives au Pacte sur le site Internet, celles-ci sont reprises dans les journaux et les autres médias qui les disséminent auprès de leur lectorat et leur auditoire.

Concernant les abus contre les femmes, il a cité l'existence d'une loi contre la violence domestique que la police a la charge de faire respecter. Le dialogue social permet aux forces de police de faire de mieux en mieux leur travail sur cette question. Quant à la question concernant les richesses du sous- sol, je doute, a dit le représentant du Guyana, que la loi fondamentale actuelle de notre pays soit compatible avec le texte de l’OIT datant de 1949 auquel il a été fait référence. Quant aux questions concernant le fonctionnement de la presse, elles relèvent des textes qui organisent l’ exercice des professions de l’édition et de l’imprimerie. L’administration n’a cependant jamais utilisé le non-respect de toutes les clauses administratives de ces textes pour fermer des journaux ou faire pression sur leur rédaction, a-t-il assuré. Il existe des mesures d’assistance

judiciaire pour les personnes indigentes, qui sont fournies à la fois par le gouvernement et par des ONG, a-t-il poursuivi. Pour répondre aux soucis du Comité ayant trait à l’éducation des populations amérindiennes, M. Luncheon a assuré que le gouvernement avait pris des initiatives en faveur de ces populations pour les orienter vers certains enseignements techniques, notamment dans les secteurs de l’enseignement et des professions paramédicales. Grâce à ces mesures, des membres de ces populations deviennent rapidement opérationnels dans ces secteurs cruciaux et peuvent ainsi aider leurs communautés. Il a encore indiqué qu'une loi existait qui réprime l'incitation à la haine. Des copies de cette loi seront fournies au Comité.

En réponse aux questions sur l’indépendance du pouvoir judiciaire, M. Roger Luncheon a estimé que la création d’une Cour d’appel des Caraïbes, qui a été décidée par les pays de la région, renforcerait et garantirait davantage encore l’indépendance des juges et des magistrats par rapport à l’exécutif. A propos de la question relative à la désignation des députés, il a expliqué que les chefs de liste des différents partis sont responsables du choix des membres de leurs formations politiques, qui sont chacun soutenu par leur base électorale. Quant à la question relative aux conditions de détention des mineurs, les centres de détention se trouvant sur la côte et le seul institut de rééducation étant lui, situé à l’intérieur du territoire, la distance et l’exiguïté des infrastructures expliquent souvent les retards qui sont observés en ce qui concerne le transfert des mineurs en vue de leur faire bénéficier d’un enseignement visant à favoriser leur réinsertion. Concernant la durée des détentions provisoires et le surpeuplement des prisons, le Guyana reconnaît que ce sont des problèmes à régler, a dit M. Luncheon, soulignant cependant que le manque de moyens matériels et l’insuffisance de ressources humaines. Le gouvernement cherche cependant des solutions à ces questions. Quant aux accusations selon lesquelles la torture serait une chose courante au Guyana, elles n’ont jamais été étayées par des preuves. Les juges ont d’ailleurs le droit de rejeter toute preuve ou confession obtenue de manière coercitive.

On a aussi parlé d’exécutions extrajudiciaires, a poursuivi le Chef de la délégation du Guyana. Il y a, et nous le reconnaissons, des cas d’utilisation abusive de la force, mais quand il y a des doutes sur la justification de l’usage de la force, on peut avoir recours au juge pour déterminer les mesures ou sanctions à prendre envers les agents qui s’en seraient rendus coupables. Ces procédures sont malheureusement très longues, et en ce moment, plusieurs enquêtes sont en cours sur des plaintes relatives à ce genre d’accusations.

Concernant les persécutions de nature politique, dont il a été fait mention, nous n’en connaissons pas, a dit M. Luncheon. En ce qui concerne les médias, la radio et la télévision sont des monopoles d’Etat, selon une loi qui est toujours en vigueur. Cependant, des dérogations ont été accordées à certains opérateurs privés en matière de télévision. Quant à la question du statut des femmes, il y a des textes en vigueur et seule leur application fait problème. Toutefois, de nombreux efforts administratifs sont déployés et des initiatives visant une meilleure éducation et une meilleure connaissance des droits des femmes ont été lancées. Quant à la question portant sur les relations raciales, l'application des lois reflète les efforts que déploient toutes les composantes de la population du Guyana pour vivre en harmonie.

Entamant une nouvelle série de questions, Mme ELIZABETH EVATT, Expert de l’Australie, s’est inquiétée de ce que des enfants âgés de moins de 10 ans semblent être détenus. En ce qui concerne les abus commis par les forces de l’ordre, l’Expert a insisté sur le fait que plusieurs cas précis sont connus du public mais n’ont pas fait l’objet d’éclaircissements.

M. ECKART KLEIN, Expert de l’Allemagne, a oservé que les brutalités policières ne sont pas à placer sur le même plan que les pratiques de torture. Il a déploré le décalage qui existe entre les dispositions du Pacte et les lois du Guyana, en particulier pour ce qui est de la loi et de l’article de la Constitution relatifs à la police, qui donnent un pouvoir trop étendu aux forces de police en matière de détermination de la période pouvant s’écouler entre l’arrestation d’une personne et sa présentation devant un juge.

Reprenant la parole pour répondre à ces questions, M. ROGER LUNCHEON, Chef de la délégation de la République du Guyana, a expliqué que l’Etat fournit, à ses frais, un avocat aux personnes qui se présentent devant un tribunal ou une cour d’appel sans assistance judiciaire. Une personne qui a été victime d’une détention injustifiée ou illégale peut présenter un recours devant les tribunaux. Il est extrêmement rare qu’un individu qui a été interpellé ou incarcéré invoque l’habeas corpus. Actuellement, les organisations non gouvernementales soutiennent les personnes défavorisées.

La Présidente du Comité, Mme CECILIA MEDINA QUIROGA, Expert du Chili, a regretté que le rapport contienne des informations qui ne vont pas au-delà de 1987 alors qu’il était clair que le Comité désirait connaître la réalité actuelle. Le représentant lui-même a rappellé qu’une dictature a dirigé le pays jusqu’en 1992. Le Comité aurait souhaité des réponses précises sur l’évolution de la situation des droits de l'homme depuis cette date. Elle a déploré le fait que certains points problématiques, comme la responsabilité de l'Etat, semblent ne pas figurer dans les recommandations à la Commission de réforme constitutionnelle, dont le texte a été distribué au Comité. Plusieurs catégories de personnes semblent être oubliées dans le projet de loi. L’Expert a estimé que le monopole étatique sur la radio pouvait être incompatible avec le Pacte. Elle a demandé où sont détenues les fillettes en attente de jugement. Tout Etat partie au Pacte international relatif aux droits civils et politiques doit s’efforcer d’en respecter les dispositions, a-t-elle souligné. Mme Medina Quiroga a insisté sur le fait que la ponctualité et la régularité dans la présentation des rapports sont importantes à la fois pour le Comité et pour la population du Guyana.

Reprenant la parole, M. ROGER LUNCHEON, Chef de la délégation de la République du Guyana, a déclaré que le Guyana s’efforce d’assumer sa juste place dans les organisations démocratiques mondiales depuis 1992. Il a appelé le Comité à ne pas perdre de vue la réalité des antécédents du Guyana et à reconnaître les avancées que ce pays a réalisées avec l’aide d’organisations telles que les Nations Unies et grâce à son adhésion à des instruments tels que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. L’examen du rapport a fourni à la

délégation d’abondants conseils et suggestions, qui seront mis en oeuvre progressivement. M. Luncheon a déclaré qu’il serait cependant peu judicieux d’attendre que le Guyana mette en oeuvre dès demain ou l’année prochaine toutes les suggestions du Comité. Toutefois, les recommandations du Comité seront prises en compte, a-t-il assuré. D’autres nations ont affronté les mêmes problèmes que le Guyana, a souligné le représentant, et nous nous inspirerons de leur oeuvre. La présentation par la délégation du deuxième rapport périodique du Guyana devant le Comité a été riche en enseignements et contribuera au respect du Pacte dans le pays, a-t-il conclu.

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À l’intention des organes d’information. Document non officiel.