En cours au Siège de l'ONU

DH/270

LE COMITE DES DROITS DE L'HOMME ENTAME L'EXAMEN DU RAPPORT DU GUYANA

24 mars 2000


Communiqué de Presse
DH/270


LE COMITE DES DROITS DE L'HOMME ENTAME L'EXAMEN DU RAPPORT DU GUYANA

20000324

L'Etat partie propose de faire un exposé actualisé de la situation des droits de l'homme en raison du retard avec lequel ce rapport est présenté

“Le peuple guyanais n’exerce son droit politique le plus essentiel à voter dans le cadre d’élections libres et transparentes que depuis huit ans”, a déclaré cet après-midi, M. Roger Luncheon, Chef de la délégation de la République du Guyana, devant le Comité des droits de l'homme. Présentant 13 ans après la date prévue le deuxième rapport de son pays sur l'application du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, M. Luncheon a déclaré que le Gouvernement actuel veille au respect des droits des citoyens sans aucune discrimination fondée sur la race, le sexe, l’origine ou la croyance, tels qu'ils sont garantis par la Constitution nationale. Le Gouvernement du Guyana a signé le Pacte le 22 août 1968 et l'a ratifié le 15 février 1977. Le Guyana a ratifié, le 10 mai 1993, le premier Protocole facultatif, qui habilite le Comité à recevoir des communications de particuliers qui prétendent être victimes d’une violation d’un des droits énoncés dans le Pacte.

M. Luncheon a expliqué qu’une nouvelle Constitution est en cours d’élaboration qui respectera pleinement les dispositions du Pacte. Compte tenu du retard considérable avec lequel ce deuxième rapport, portant sur la période allant de 1982 à 1987, est présenté, le Chef de la délégation a proposé de faire un exposé actualisé sur la situation des droits de l'homme et l’application du Pacte dans son pays.

Le Comité a déploré, par la voix de M. Hipólito Solari Yrigoyen, Expert de l’Argentine, que la délégation du Guyana n’ait pas été en mesure d’apporter des précisions sur plusieurs sujets et notamment sur la violence contre les femmes, la question de la peine capitale, les exécutions extrajudiciaires imputables aux forces de police, la pratique de la torture, ainsi que sur les violations des droits de l’homme liées aux conditions déplorables de détention. Mme Elizabeth Evatt, Expert de l'Australie a particulièrement déploré les abus dont les détenus mineurs sont victimes du fait qu'ils ne sont pas toujours séparés des détenus adultes. Pour sa part, M. Rajsoomer Lallah, Expert de Maurice, a suggéré que la durée de la détention préventive soit déterminée avec précision par une loi à laquelle les autorités judiciaires devraient se référer. La délégation du Guyana a assuré le Comité qu'elle répondrait précisément à toutes ces questions lundi.

Le Comité poursuivra l’examen du rapport présenté par le Guyana lundi 27 mars, à 10 heures.

Examen du deuxième rapport périodique de la République du Guyana

Rapport (CCPR/C/GUY/99/2)

Le deuxième rapport périodique de la République coopérative du Guyana décrit les mesures prises pour réaliser les droits énoncés dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques pendant la période comprise entre 1982 et 1987. Ce rapport était attendu le 10 avril 1987, cinq ans après l'examen du rapport initial. Au Guyana, les droits reconnus dans le Pacte sont garantis par la loi sans distinction de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d'opinion politique ou de toute autre opinion, d'origine nationale ou sociale de fortune, de naissance ou de toute autre situation (art. 2 du Pacte). Le Bureau du Défenseur du peuple contribue également à promouvoir le respect des droits de l'homme. Le Défenseur du peuple est habilité à conduire des enquêtes et à formuler des recommandations sur les plaintes reçues au sujet de toute mesure prise par le Président, ses ministres, des fonctionnaires ou des membres de l'administration. La Constitution garantit les mêmes droits et le même statut aux hommes et aux femmes. Cependant, on constate encore un décalage entre la participation des femmes et celle des hommes à la vie publique et leur représentation aux postes de responsabilité.

En ce qui concerne le droit à la vie (art.6), la Constitution guyanaise stipule que “nul ne peut être intentionnellement privé de la vie sauf en exécution de la sentence prononcée par un tribunal pour une infraction à la loi du Guyana dont il a été reconnu coupable”. En vertu de la loi pénale, la peine de mort ne peut être prononcée que par un juge de la Haute Cour après un procès et seulement pour des crimes de meurtre et de trahison. La peine de mort ne peut toutefois être prononcée à l’égard de femmes enceintes ou de personnes âgées de moins de 18 ans. En outre, le Président peut, dans tous les cas, accorder la grâce ou commuer une condamnation à la peine capitale en réclusion à vie. Une personne déclarée coupable de meurtre et condamnée à mort a le droit d’interjeter appel devant la Cour d’appel du Guyana et, lorsque toutes les voies de recours ont été épuisées, de présenter un recours en grâce. Le rapport précise qu’entre janvier 1981 et décembre 1986, 46 détenus ont été condamnés à mort par la Cour suprême du Guyana. Tous les jugements et condamnations ont donné lieu à des recours. Après examen de ces recours, la Cour d’appel a rejeté l’appel et confirmé la peine dans 23 cas, annulé la condamnation dans 14 cas et commué une peine de mort en réclusion à perpétuité. Dans cinq cas, un nouveau procès a eu lieu. La Cour d’appel, dans un autre cas, a commué la peine en une condamnation à 15 ans de réclusion. Un appelant est décédé avant qu’une décision n’ait été rendue en appel. Les personnes dont la Cour d’appel a confirmé la peine et la condamnation ont adressé un recours en grâce au Conseil consultatif sur le droit de grâce. Celui-ci a confirmé la peine et la condamnation de cinq personnes, et il a commué la peine de mort en réclusion à perpétuité dans neuf cas. Le rapport juge que “le Guyana présente un bilan honorable en matière de protection du droit à la vie de l’individu dans le cadre juridique. Toutefois, plusieurs individus identifiés comme “criminels recherchés” ont été abattus par des policiers dans des circonstances non élucidées”.

Pour ce qui est du respect de l'article 7 du Pacte, la Constitution guyanaise stipule que “nul ne sera soumis à la torture ni à des peines ou autres traitements inhumains ou dégradants”. Cette interdiction est également valable en temps de guerre ou de menace de guerre, ou dans d’autres circonstances appelant la proclamation d’un état d’urgence par le Président. Si une personne, y compris une personne légalement détenue, est convaincue que la liberté dont elle peut se prévaloir est violée ou risque de l’être, elle peut s’adresser à la Haute Cour pour obtenir réparation. Pour garantir le respect de ces droits, des lois régissant la conduite du personnel de la police, de l’armée et des prisons ont été promulguées. Les détenus dont les droits et libertés sont violés ont en outre la possibilité de signaler ces violations et de demander réparation en s’adressant au Comité des visites, au Défenseur du peuple et au Ministère des Affaires intérieures, qui sont habilités à ordonner une enquête et à recommander des mesures correctives. Selon le rapport, la mesure dans laquelle ces dispositions sont appliquées reste cependant à préciser car les dossiers concernant la période couverte par le rapport sont très incomplets. Le rapport indique que les châtiments corporels administrés dans le cadre scolaire ne font pas encore l’objet d’une loi. Il note que ce système de punition dans les écoles relève de manière générale du directeur de l’école ou d’un enseignant d’échelon supérieur. En cas de manquement à cette règle, le Ministère de l’éducation est habilité à mener une enquête.

En ce qui concerne le travail forcé (art.8), le document stipule que personne n’est astreint à des travaux forcés au Guyana. La Constitution exclut toutefois de la définition de «travail forcé» tout travail exigé en conséquence d'une peine infligée par décision de justice et tout service que pourrait nécessiter une catastrophe nationale. Si personne n'est astreint aux travaux forcés, il n'en reste pas moins qu’au cours de la période à l’examen, des fonctionnaires ont été invités à travailler à Hope Estate, une cocoteraie située à quelques kilomètres de la capitale. Ces fonctionnaires n’ont pas reçu d’ordre explicite, mais nombre d’entre eux ont pensé que leur emploi serait menacé s’ils ne se pliaient pas à cette “requête” de travailler à la plantation, indique le rapport.

En ce qui concerne la liberté et la sécurité de la personne (art.9), la Constitution dispose que "nul ne sera privé de sa liberté personnelle sauf en vertu de la loi". L'un de ses paragraphes est libellé de manière à prévenir l'arrestation et la détention arbitraire. Les suspects ont le droit à se faire assister par un conseiller, à être traduits en justice dans un délai raisonnable suivant l'arrestation et à être mis en liberté sous caution. Les "Judges' Rules", élaborées en 1964 par le Président et les juges de la Cour suprême, précisent les conditions à respecter lorsqu'un suspect est mis en détention, interrogé, arrêté ou inculpé. S'il apparaît qu'il y a eu infraction à ces règles, toute déposition faite par l'inculpé peut ne pas être retenue comme preuve ou faire l'objet d'un examen préliminaire visant à en déterminer la recevabilité. En vertu de la loi sur la police, tout individu appréhendé sans mandat d'arrêt doit être déféré devant un juge dès que possible après sa mise en détention et, sauf s'il s'agit d'une affaire grave, la personne arrêtée peut être remise en liberté et sommée de comparaître ultérieurement. Le rapport fait part d'un certain nombre d'arrestations arbitraires survenues durant la période à l'examen. Il est précisé qu'une grande part d'entre elles était à motivation politique et a visé des membres des partis d'opposition d'alors et leurs sympathisants supposés. Parmi les personnes arrêtées se trouvaient surtout des partisans de l'Alliance des travailleurs".

Pour ce qui est des conditions de détention (art.10), le rapport précise que la loi sur les prisons du Guyana contient la quasi-totalité des normes préconisées dans l'Ensemble des règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus. Dans la mesure où les locaux le permettent, les prévenus en attente de procès sont séparés des condamnés. Les mineurs âgés de moins de 16 ans ne sont pas placés en prison mais envoyés dans des établissements spéciaux qui offrent des possibilités de formation professionnelle, de sport et d'autres activités visant à préparer les détenus à une meilleure réinsertion. Les détenus âgés de 16 à 18 ans sont séparés de la population carcérale adulte. Pour faire face aux problèmes de surpopulation carcérale, les autorités guyanaises ont utilisé certains postes de police pour la détention des prisonniers. En outre, en raison de surpopulation carcérale, il n'a pas toujours été possible de séparer les prévenues des condamnés. Malgré les efforts déployés pour assurer le bien-être des prisonniers, des décès se produisent malheureusement encore dans les prisons, souvent à cause de maladies chroniques dont les détenus étaient déjà atteints ces détenus au moment de leur incarcération. Il y a ainsi eu 9 décès en 1983, 4 en 1984, 7 en 1985, 5 en 1986 et 12 en 1987.

Pour ce qui est de la liberté de mouvement et de choisir sa résidence (art.12), les dispositions législatives guyanaises prévoient que les citoyens et résidents sont libres de circuler ou de s'installer n'importe où dans le pays sans restriction aucune, à condition qu'il s'agisse de zones d'habitation approuvées. Font exception à ce principe les règles régissant les territoires amérindiens, lesquels ne peuvent être mis en vente et doivent rester dans la communauté amérindienne. L'expulsion des étrangers (art.13) est régie par les lois sur l'immigration et par la loi sur l'expulsion des personnes indésirables. Comme le prévoit le Pacte en son article 14, tous les individus sont égaux devant les tribunaux et les cours de justice et la Constitution garantit le droit d'un accusé à ce que sa cause soit entendue équitablement dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant établi par la loi. La loi ne prévoit cependant pas l'indemnisation des personnes contre lesquelles une peine a été prononcée en vertu d'une condamnation qui a part la suite été annulée.

Si en vertu de la Constitution et conformément à l'article 17 du Pacte, nul ne peut être soumis à une fouille de sa personne ou de ses biens ni à une visite de son domicile par des tiers sans son consentement, il y a eu, au cours de la période considérée, un certain nombre de perquisitions qui ont été dénoncées comme injustifiées et au cours desquelles la police a inutilement recouru à la force. Ces perquisitions ont surtout visé des personnalités d'opposition appartenant au Parti progressiste populaire (PPP) et à l'Alliance des travailleurs (WPA) et leurs sympathisants.

La liberté de pensée, de conscience et de religion (art.18), ainsi que la liberté d'expression (art.19) sont protégées par la Constitution, à condition que l'expression de cette liberté ne porte pas atteinte à la défense nationale et à la sécurité publique, et qu'elle ne nuise pas à une personne morale établie au nom du Gouvernement guyanais. Le rapport indique cependant qu'au début des années 80, on a assisté à une domination des médias publics par le parti au pouvoir, le Congrès national du peuple (PNC), et à des pratiques discriminatoires contre les publications d'opposition. L'Etat, qui était à l'époque le seul importateur de papier journal, utilisait sa position pour limiter les permis d'importation et les

disponibilités en papier journal, ce qui avait pour effet de limiter la publication des opinions autres que celles du Gouvernement. Des poursuites en diffamation ont également été utilisées pour limiter la liberté d'expression des publications d'opposition.

Il n’y a pas dans les textes de loi de dispositions interdisant la propagande en faveur de la guerre (art.20). Mais, il a été recommandé d’amender la loi sur l’ordre public pour y inclure des dispositions qui érigeraient en infraction l’appel à la haine nationale, raciale ou religieuse, et l’incitation à l’hostilité ou à la violence.

En ce qui concerne le respect de l’article 25 du Pacte, le rapport précise que les citoyens du Guyana ont maintenant le droit de prendre part aux affaires publiques, de voter et d’être élus au cours d’élections libres et équitables, et d’accéder, dans des conditions générales d’égalité, aux fonctions publiques de leur pays. Pendant la période considérée, sous le Gouvernement du Congrès national du peuple, la situation n’a pas été irréprochable en ce qui concerne la tenue d’élections libres et équitables, souligne le rapport. Ainsi, en 1985, les membres d’une mission d’enquête sur la liberté politique au Guyana n’ont pas été autorisés à entrer dans le pays. Lors des élections générales de 1985, il y a eu de nombreuses allégations de fraude et la nouvelle victoire du PNC a été, de l’avis général, obtenue à l’issue d’un simulacre de vote, affirme le rapport. Dans leurs conclusions, les auteurs du rapport soulignent que la période à l’examen a été une période difficile caractérisée par un certain nombre de pratiques répressives dans la vie politique, économique et sociale du pays sous le Gouvernement du Congrès national du peuple. La situation a progressivement commencé à changer après 1985, lorsqu’il est apparu de plus en plus clairement à l’administration d’alors que le pays ne pouvait pas survivre seul et qu’il avait besoin du soutien de la communauté internationale. Pendant tout ce temps, le peuple guyanais s’est battu pour défendre ses droits tels qu’ils sont énoncés dans la Constitution et les divers textes législatifs. Cet objectif reste celui du Gouvernement et du peuple guyanien.

Questions écrites des experts

Le Comité des droits de l'homme a élaboré une liste de 23 points à traiter à l'occasion de l'examen du deuxième rapport périodique de la République du Guyana. Le Comité des droits de l'homme demande notamment au Gouvernement de la République du Guyana de lui fournir des précisions sur les mesures qui ont été prises pour garantir l'application des constatations du Comité concluant à l'existence d'une violation du Pacte dans des affaires soumises à son examen en vertu du Protocole facultatif. Quelles mesures seront prises dans l'avenir pour assurer qu'un condamné à mort ne sera pas exécuté avant que le Comité n'ait examiné une communication faisant état d'une violation du Pacte, demandent les experts. Le Comité souhaite entendre des exemples de décisions judiciaires qui ont confirmé des droits garantis dans le Pacte inclus dans les dispositions de la Constitution ou les lois du Guyana. Il souhaite savoir si le Guyana a l'intention de retirer la réserve qu'il a émise au Protocole facultatif. Il a demande également de citer des exemples concrets des types de plaintes dont traite le Bureau du Défenseur du peuple et d'indiquer comment les recommandations sont appliquées et si elles donnent lieux à des recours utiles.

Le Comité demande des précisions sur l'application par le Gouvernement guyanais des dispositions du Pacte relatives à l'égalité entre les hommes et les femmes, ainsi qu'à la violence contre les femmes (art.7 et 26 du pacte). A ce sujet, il demande notamment des renseignements sur l'ampleur de la violence contre les femmes, y compris le viol, et sur l'efficacité de la loi de 1996 sur la violence dans la famille.

Pour ce qui est du droit à la vie (art.6), le Comité souhaite que le Gouvernement guyanais lui fournisse des statistiques à jour sur le nombre de condamnations à mort prononcées par les tribunaux et le nombre de recours contre une sentence de mort dont la Cour d'appel est saisie, ainsi que le nombre de décisions prises par le Conseil consultatif sur le droit de grâce. Le Comité demande également des renseignements à jour sur le nombre d'exécutions extrajudiciaires imputables aux forces de police depuis l'établissement du dernier rapport. Il souhaite obtenir des précisions sur les textes qui réglementent l'usage des armes à feu par la police et les mesures prises pour garantir la stricte observation de ces règles.

En ce qui concerne l'interdiction de la torture et des traitements dégradants (art.7), le Comité a souhaite notamment savoir quelles allégations de torture et de mauvais traitements sur la personne de détenus ont été faites depuis l'établissement du dernier rapport. Il s'interroge sur les pouvoirs de l'autorité chargée de recevoir les plaintes contre la police, du Directeur de la police et du Défenseur du peuple en ce qui concerne l'ouverture d'enquêtes sur des allégations de mauvais traitements sur la personne de détenus imputables à des membres de la police ou du personnel pénitentiaire.

Dans le cadre des dispositions relatives à l'égalité devant la loi (art.29 et 27), le Comité a demande des précisions sur les mesures prises pour mettre à jour la loi sur les Amérindiens. Il veut savoir si les dirigeants amérindiens ont été consultés pour la délimitation des terres appartenant à leurs communautés et en ce qui concerne l'exploitation des forêts.

Le Comité demande également des précisions sur l'application par le Gouvernement des dispositions du Pacte relatives à la liberté et la sécurité de la personne (art.9); le traitement des prisonniers et autres personnes privées de liberté (art.10) et le droit à un procès équitable (art.14); la liberté d'expression (art.19); le droit à une famille et la protection des enfants (art.23 et 24); le droit de participer à la vie publique (art.25) et la diffusion d'informations concernant le Pacte (art.2).

Présentation et réponses de la délégation du Guyana aux questions du Comité

M. ROGER LUNCHEON, Chef de la délégation de la République du Guyana, a rappelé que le peuple guyanais ne peut exercer son droit politique le plus essentiel à voter dans le cadre d’élections libres et transparentes que depuis huit ans. Il a ensuite déclaré que le fonctionnement de l’Etat guyanais repose sur une Constitution qui garantit les droits et libertés fondamentaux. Le Gouvernement a déployé les efforts nécessaires pour assurer la liberté d’expression, et a appuyé le droit des peuples à l’autodétermination dans le cadre des activités des Nations Unies. Il garantit les droits de ses citoyens sans aucune distinction fondée sur la race, le sexe, l’origine ou la croyance. Le représentant a souligné que la

législation du travail du Guyana interdit le travail des enfants et que l’emploi des femmes et des enfants est conforme aux standards internationaux dans ce domaine. Le Gouvernement a créé une Commission parlementaire des droits de l'homme notamment composée de parlementaires, d’avocats et de membres d’associations religieuses. Le Guyana a élu sa première femme Présidente en 1997 et l’un des deux juges les plus haut placés est une femme. Les autochtones sont libres de pratiquer leur religion.

M. Luncheon a dit qu'en ce qui concerne la première question, relative à l’exécution d’un condamné à mort avant que le Comité n'ait examiné une communication faisant état d'une violation du Pacte, le Gouvernement a pris des mesures particulières pour que les constatations du Comité soient désormais distribuées aux autorités compétentes dans les meilleurs délais. L’incident malheureux qui a abouti à l’exécution du condamné vient du fait que l’information avait été envoyée trop tard aux autorités carcérales. Quant à l’affaire Yasseen- Thomas contre le Guyana, elle est encore devant les tribunaux et aucune information ne peut donc en être donnée.

Le représentant a indiqué qu'il fournirait lundi des exemples de décisions judiciaires qui ont confirmé des droits garantis dans le Pacte, comme le demande le Comité. Concernant les modifications envisagées dans le projet de nouvelle Constitution sur ce qui touche à la protection des droits énoncés dans le Pacte, il faut savoir, a dit M. Insanally, que la rédaction de la nouvelle Constitution n’est pas encore achevée. Une copie provisoire en sera cependant transmise au Comité dès que possible. Mais nous pouvons déjà dire que les droits énoncés dans le Pacte sont reconnus par le texte et que leur violation peut faire l’objet de poursuites au plan de la loi interne.

Le représentant a déclaré que le Gouvernement n’avait pas retiré la réserve émise au Protocole facultatif dans le cadre de l’affaire Thomas et Hilaire contre Baptiste et Consorts et dont l’examen n’est pas encore terminé. La délégation répondra à la question relative aux types de plaintes dont traite le Bureau de l’Omdusdman, lundi, car des informations complémentaires sont nécessaires.

Concernant les questions liées à l’égalité entre les sexes, M. Insanally a indiqué que le nombre de femmes participant à la vie publique et inscrites dans l’enseignement était nettement en hausse depuis l’examen du dernier rapport du Guyana. Le processus de réforme constitutionnelle, a permis de faire de cette tendance un fait établi et protégé par la Constitution. Dans le cadre de la réforme constitutionnelle une place spéciale est d’ailleurs faite à la participation des femmes à la vie parlementaire et des efforts particuliers ont été déployés pour accroître leur niveau de participation à la vie publique.

La question de la violence contre les femmes, y compris le viol, est du ressort du ministère des affaires sociales. Les analyses et enquêtes faites par ce département peuvent aboutir à des recours devant les tribunaux. Les ONG fournissent pour leur part des services de soutien aux familles pour atténuer les effets de ces violences. Le représentant a indiqué que sa délégation fournirait lundi des chiffres précis et des statistiques. Les ordonnances prises en 1996 sur ces questions, dont deux ont trait au viol et une aux actes de violences contre les femmes ont mis en place un cadre de traitement de ces problèmes, a-t-il ajouté.

La question du droit à la vie (peine capitale) fait l’objet d’un examen très poussé au niveau national, a affirmé le représentant, indiquant qu'il donnerait les statistiques et les chiffres demandés lundi. Quant aux questions liées à la torture et aux traitements dégradants, un certain nombre d’enquêtes et de plaintes ont été transmises dans le cadre de “l’Ombudsman Act” au Bureau du Défenseur du peuple. Un travail important a été fait pour examiner les plaintes portées contre la police. Les demandes d’enquêtes adressées à la police et, souvent aussi, les procédures d'enquêtes ne satisfont pas beaucoup de personnes. Il existe une autorité chargée de gérer ces plaintes. “L’Ombudsman Act” a lui-même fait un examen approfondi de ces questions. Un certain nombre d’enquêtes ont abouti à des mesures disciplinaires à l’encontre de certains agents de police, mais aucune condamnation, assortie du versement de dommages et intérêts, n’a été prononcée.

Le représentant a reconnu qu'il arrive que les délais et durées impartis par la loi en ce qui concerne la détention avant jugement soient dépassés. C'est un problème que nous reconnaissons dans le système d’administration de la justice. Il y a de nombreuses affaires en souffrance devant les tribunaux à cause d’une incapacité à répondre à la demande et à la charge de travail. La réforme constitutionnelle prévoit donc de faire appel à des juges supplémentaires qui travailleront à mi-temps pour régler ce problème.

Relevant que l'une des questions du Comité met en doute la validité de certains aveux obtenus par la police, le représentant a assuré que chaque suspect avait accès à une assistance judiciaire pour assurer sa défense. La Force de police du Guyana aborde toujours de façon légale ses procédures d’interrogation des suspects ou des témoins. Dans le cas où ces aveux semblent plus tard avoir été obtenus de façon illégale, il est courant qu’ils soient rejetés par les juges. Nous ne voulons pas entrer ici dans le détail des réformes qui sont en cours, mais une compilation des changements qui auront été faits sera bientôt publiée, a déclaré M. Insanally.

Quant à la question ayant trait au surpeuplement des prisons, le représentant a admis qu'il s'agissait là d'un problème permanent à la prison de Georgetown. Des mesures ont cependant été prises pour la désengorger. Ainsi, nous avons mis en place des services de renvois qui réexaminent les cas et peuvent affecter les détenus ailleurs. Mais il se pose un problème de sécurité, car les autres centres de détention ne sont pas toujours assez sûrs pour y envoyer certaines catégories de détenus. Le représentant a indiqué que le gouvernement avait l’intention de recruter plus de magistrats pour faire face à la charge de travail ce qui permettrait de réduire les gardes à vue et le surpeuplement des prisons. Une loi a d’ailleurs été adoptée pour traiter différemment les cas de personnes arrêtées pour trafic de drogues, auxquelles seront appliquées des peines autres que l’emprisonnement. D’autre part, le gouvernement a pris des initiatives pour améliorer les conditions de vie des détenus, en particulier sur le plan de l’hygiène et de la nutrition. Il se soucie aussi de la santé mentale des détenus dont, le Ministère de l’intérieur a la charge.

Le Chef de la délégation de la République du Guyana a déclaré que, comme l’indépendance du pouvoir judiciaire est garantie par la Constitution, cette question doit être examinée dans le cadre de la réforme constitutionnelle. La Constitution de 1980 prévoit que les juges sont désignés par une Commission judiciaire, a-t-il précisé. Elle prévoit aussi que les juges des tribunaux ordinaires peuvent travailler jusqu’à l’âge de 62 ans et ceux de la Cour d’appel jusqu’à 65 ans. Dans le cadre de la réforme constitutionnelle, des recommandations ont été faites pour relever l’âge des premiers à 70 ans et des seconds à 75 ans. Un effort a été fait pour reconnaître que les conditions de service peuvent contribuer à renforcer l’indépendance du pouvoir judiciaire. Le représentant a déclaré qu’il avait été reconnu que les services judiciaires devraient être isolés des services dépendant du pouvoir exécutif. Si la réforme était adoptée, elle devrait renforcer l’indépendance du pouvoir judiciaire, a-t-il souligné.

Le représentant a déclaré que les journalistes victimes d’entrave à leur liberté d’expression ou victimes de représailles pour avoir exercé ce droit ne disposent d’aucun recours légal. Les personnes victimes d'une violation de leurs droits disposent cependant de voies de recours légales que les journalistes et les organes de presse peuvent utiliser. Cette question est plus complexe que les journalistes ne l’admettent parfois car eux-mêmes abusent des droits qui leur sont reconnus en vertu de la liberté d’expression. Le Gouvernement est conscient qu’il doit protéger les droits des employés des médias, tout en abordant la question brûlante des abus commis par ces mêmes employés, a conclu le représentant.

M. Luncheon a signalé un document du Ministère de la santé sociale sur la tragédie des enfants des rues, lequel examine les phénomènes socioéconomiques qui frappent les familles de ces enfants. Selon ce document, le manque de services sociaux pouvant assister ces familles et l’abandon scolaire sont souvent à l’origine de ces problèmes. Le représentant a ajouté qu’un grand nombre de travailleurs sociaux et de conseillers avaient été recrutés pour faire face à l’aggravation du problème des enfants des rues. Il a indiqué que la Convention sur les droits de l’enfant, qui est en vigueur depuis un certain temps au Guyana, avait permis de créer un environnement administratif dans lequel bon nombre de ses dispositions sont appliquées. Un grand nombre des droits inscrits dans la Convention sont également protégés en vertu des lois sur l’éducation, les femmes et les jeunes, l’égalité des droits, les personnes à charge dans les familles et de la loi sur les pensions alimentaires. Les enfants nés hors des liens du mariage bénéficient, selon la loi, des mêmes droits que les enfants nés de parents mariés mais, en raison de problèmes d’application, la loi concernée va être amendée.

La Constitution actuelle stipule que les membres du Parlement doivent être élus selon un système de représentation proportionnelle. Leurs noms sont présentés sur une liste alphabétique aux électeurs dans le cadre des élections nationales. La Commission de réforme constitutionnelle fait valoir que la population guyanaise souhaite une représentation géographique équitable et une parité accrue au Parlement. La Constitution de 1980 sera donc amendée dans ce sens, a indiqué le représentant.

Nouvelle série de questions du Comité

M. HIPOLITO SOLARI YRIGOYEN, Expert de l’Argentine, a regretté que la délégation n’ait pas pu fournir les réponses sollicitées à plusieurs questions pertinentes. Le Comité devra attendre que les réponses soient complétées pour se prononcer sur ces questions, a-t-il déploré. Il s’est dit préoccupé par les réponses vagues fournies par la délégation, ce qui est d’autant plus regrettable que le rapport lui-même comporte d’importantes lacunes, notamment en ce qui concerne l’application concrète des lois qui y sont mentionnées. Le Comité a reçu des informations dignes de foi selon lesquelles nombre de dispositions du Pacte ne sont pas appliquées au Guyana, a souligné l’Expert. M Solari Yrigoyen a regretté que l’exécution d’un condamné à mort ait eu lieu malgré un avis négatif du Comité, qui serait parvenu avec du retard aux autorités guyanaises. L’Expert a déploré que le Guyana ait décidé de ne pas retirer sa réserve au Protocole facultatif. Il s’est demandé quelles sont les manifestations concrètes de la tendance à une amélioration de la condition de la femme évoquée par le représentant du Guyana. Il a aussi demandé des informations supplémentaires sur les dispositions concernant l’”habeas corpus”. En ce qui concerne les droits des suspects placés en détention provisoire ou inculpés, l’Expert a voulu savoir comment ils sont traités dans la mesure où les lois sur ces questions ne sont pas publiées. L’Expert a estimé que l’élévation de l’âge de la retraite n’est pas une mesure suffisante pour assurer l’indépendance du pouvoir judiciaire. Il s’est inquiété de ce que le représentant ait évoqué les abus commis par les journalistes alors que les experts souhaitaient justement des précisions sur la protection du droit des journalistes à la liberté d’expression. Les membres de la presse qui commettent des abus peuvent sûrement être traduits en justice, a-t-il fait valoir. Il a douté de la possibilité des citoyens de choisir les membres du Parlement. Quelles sont les difficultés d’application de la loi sur les naissances extramatrimoniales, a-t-il demandé. Quelles sont les disparités entre la participation des femmes et des hommes à la vie publique, et à quoi sont-elles dues, a-t-il demandé. Il s’est félicité de ce qu’aucune femme et aucune personne âgée de moins de 18 ans n’ait été exécutée mais a estimé qu’il existait d’autres considérations tout aussi importantes concernant l’application du droit à la vie. Evoquant des allégations de pratiques généralisées de la torture au Guyana, et citant des cas d’exécutions extrajudiciaires, l’Expert a demandé des explications concrètes sur ce problème et sur les mesures prises pour l’éliminer. La loi prévoit que les suspects doivent comparaître devant un juge “dans un délai raisonnable” et “dès que cela est possible”, ce qui laisse à penser qu’il n’existe pas de disposition précise sur ce point, a-t-il relevé. Les “personnes indésirables” possèdent-elles un droit de recours face à une décision d’expulsion, a demandé l’Expert. Il a déploré plusieurs cas d’abus de prisonniers mineurs s'expliquant par le manque de séparation entre adultes et mineurs, dont celui d’un enfant de 9 ans abusé à plusieurs reprises par ses codétenus adultes dans la prison de Georgetown. Des mesures ont été prises par les autorités mais elles arrivaient probablement bien tard, a-t-il estimé. Il a espéré que la délégation du Guyana serait en mesure de fournir lundi toutes les informations requises par le Comité.

M. LOUIS HENKIN, Expert des Etats-Unis , a dit qu’il y avait quelque chose de gênant dans le fait que le rapport examiné aujourd’hui devait l’être il y a 14 ans. A-t-il seulement été mis à jour? On constate que certaines statistiques datent d’une quinzaine d’années. La délégation pourrait-elle dire combien il y a eu d’exécutions extrajudiciaires au Guyana depuis la rédaction de ce rapport, et pour quelles raisons? Le rapport affirme que la télévision est indépendante mais quand on sait que la plupart des gens ont plutôt accès à la radio, on aimerait plutôt avoir des informations sur le statut actuel des organes de radiodiffusion, or il n’y en a ni dans le rapport, ni dans les réponses apportées. Qu’en-est-il, d’autre part, du statut des étrangers? Ont-ils les droits que leur reconnaît le Pacte?

M. NISUKE ANDO, Expert du Japon, a ensuite pris la parole pour faire remarquer que le temps écoulé entre aujourd’hui et le moment où le deuxième rapport devait normalement être examiné est trop long. On a voulu compenser l’absence de nouvelles informations dans le document lors de la présentation orale. Mais ces réponses se sont avérées largement insuffisantes. Et pourquoi demander au Comité d’attendre lundi pour avoir des réponses, alors que les questions écrites ont été envoyées à l’Etat partie depuis bien longtemps déjà? Quelle était la place du Pacte dans la loi du Guyana lorsque ce rapport a été rédigé? Et quel sera sa place par rapport à la nouvelle Constitution? Concernant le droit à la vie, une phrase du rapport fait référence à des "individus identifiés comme des criminels recherchés qui ont été abattus dans des circonstances non élucidées par des policiers en civil". La délégation pourrait- elle expliciter ce langage? Qu’en est-il des châtiments corporels contre les enfants à l’école? La situation a-t-elle évolué depuis la rédaction de ce rapport? Que veut dire la mention relative à des “fonctionnaires qui ont été invité à travailler dans une cocoteraie, alors qu’ils n’en avaient pas reçu l’ordre, mais ont eu peur de perdre leur emploi s’ils ne le faisaient pas”? Ce genre de situation est-il toujours possible au Guyana? A propos de la situation carcérale, le rapport parle de maladies chroniques entraînant des décès parmi les prisonniers. Il y a-t-il eu une amélioration dans ce domaine? On dit que les fonctionnaires de l’Etat font l'objet de certaines restrictions pour voyager à l’étranger. Que veulent dire ces restrictions, et à quoi font-elles allusion? On parle par ailleurs du pouvoir du Président à faire expulser les “personnes indésirables”. Que veut dire ce terme? Il y a-t-il une procédure permettant d’assurer la liberté d’expression de la presse? Qu’en est-il de la liberté de réunion?

M. ABDALLAH ZAKHIA, Expert du Liban, a demandé s’il existait un statut personnel unique, civil et obligatoire au Guyana couvrant les domaines de la vie personnelle, familiale et matrimoniale. Sinon, il y a-t-il des statuts personnels différents selon les différentes ethnies, religions ou races? Qu’en est-il du statut de la femme?

M. MAXWELL YALDEN, Expert du Canada, a déploré que le rapport du Guyana soit totalement dépassé, trop bref et plein de lacunes. Il est regrettable que seules 10 à 12 lignes soient consacrées à l’égalité devant la loi et à la question des minorités. S’agissant de l’égalité entre les hommes et les femmes, il est curieux que ne soit citée l’existence d'aucun organe chargé de contrôler l’application et le respect. La délégation a juste affirmé que la participation des femmes était en hausse croissante dans la société, mais n’a cité aucun chiffre ni donné de détails

pour appuyer ses déclarations. A propos du comportement de la police, on a parlé d’une “autorité” chargée de recevoir et examiner les plaintes. Quels sont les pouvoirs et le niveau d’indépendance de cette “autorité”? L'expert a encore regretté que la question du surpeuplement des prisons n’ait pas été mieux traitée dans les réponses. Quelle est la situation des mineurs qui sont enfermés avec des adultes, a-t-il demandé.

M. ECKART KLEIN, Expert de l’Allemagne, a demandé à la délégation si la loi permettait la prise en compte des opinions du Comité. Il a estimé que l’ensemble de la population ne jouit probablement pas de tous ses droits en vertu des lois en place et de leur interprétation par les autorités. Des exactions de la part des forces de police ont été portées à l'attention du Comité par plusieurs sources signalant des cas concrets, a souligné l’Expert, qui a attribué cette situation à une négligence de la part des autorités chargées de superviser les agents de police ainsi qu’à l’attitude du Gouvernement. L’Expert a critiqué le manque de précision des dispositions légales concernant la durée maximale de la détention préventive, et estimé qu’il y a là un décalage avec les dispositions du Pacte. Il a demandé si les particuliers pouvaient faire des réclamations contre les agents de police et contre l’Etat. La situation dans les prisons viole les dispositions du Pacte, notamment dans la prison pour femmes d’East La Penitence et du fait du manque de séparation entre les mineurs et les adultes.

Mme ELIZABETH EVATT, Expert de l’Australie, a également estimé que les informations requises manquent pour juger de l’état de l’application du Pacte international relatif aux droits civils et politiques au Guyana. Des décisions judiciaires ont-elles été prises en vertu de la loi sur l’égalité entre les hommes et les femmes, a demandé l’Expert. Elle a souhaité savoir s’il existe au Guyana une loi sur le harcèlement sexuel. Elle a regretté l'absence de loi sur la violence familiale qui semble pourtant être un problème sérieux dans le pays. Les autorités judiciaires et les agents de police ont-ils été sensibilisés de manière à recevoir convenablement les femmes victimes de telles violences, a-t-elle demandé. Mme Evatt a souhaité savoir quelles sont les mesures prises par le Gouvernement pour protéger les femmes contre les pratiques d’asservissement ou le trafic de femmes qui seraient fréquents au Guyana. Elle a demandé des précisions sur les garanties de d’impartialité de l’autorité chargée de recevoir les plaintes. La Constitution permet des châtiments qui pourraient violer la disposition du Pacte relative à la torture, a-t-elle regretté. L’Expert a également déploré qu’aucune aide juridique ne soit disponible, y compris pour les accusés, dans les affaires criminelles. Elle a estimé que si la prison de Georgetown compte 1000 détenus alors qu’elle était conçue pour en recevoir 350, les conditions de détention doivent laisser à désirer. L’Expert a rappelé à cet égard le cas de A. S. Yasseen, qui serait malade de la tuberculose et n’a reçu aucun traitement pendant 6 mois et est détenu dans une cellule sans source de lumière naturelle. Pour ce qui est de l’élection des membres du Parlement, elle a demandé si les candidats portés sur la liste proposée aux électeurs sont choisis par les dirigeants des partis politiques. Ce mode de sélection ne contribue-t-il pas à polariser davantage la population selon les lignes de partage ethnique, a-t- elle demandé.

M. RAJSOOMER LALLAH, Expert de Maurice, a demandé pourquoi le rapport du Guyana, qui était dû en 1987, a été remis avec tant de retard. Il a souhaité savoir si les tribunaux du Guyana, comme ceux de beaucoup d’autres Etats respectant la loi coutumière, n’appliquent les dispositions relatives aux droits de l'homme que lorsqu’elles sont incorporées dans les lois nationales. Quelle est l’attitude à la fois du Barreau et des juristes mais aussi de la société civile face aux dispositions du Pacte, a demandé l’Expert. Il y a-t-il au Guyana des organisations non gouvernementales qui traitent des droits de l'homme, a-t-il demandé. L’Expert a demandé des précisions sur la durée pendant laquelle une personne arrêtée peut attendre avant de comparaître devant un magistrat. Il a souhaité savoir de qui dépend la définition de cette période de détention préalable au procès. A cet égard, il a estimé que l’inscription d’un délai précis de détention indiquerait efficacement à la police l’étendue et les limites de ses pouvoirs en la matière. M. Lallah a souligné que le droit à la vie est sacré et a souhaité savoir si l’Etat et l’autorité judiciaire respectent ce droit.

M. ABDELFATTAH AMOR, Expert de la Tunisie, qui présidait la séance, a déclaré que les questions posées par les experts montrent l’intérêt porté par le Comité à la situation au Guyana.

Reprenant la parole pour répondre aux questions des experts, M. ROGER LUNCHEON, Chef de la délégation de la République du Guyana, a souligné la valeur accordée par sa délégation aux avis exprimés par les membres du Comité. Le rapport, qui arrive treize ans après la date prévue pour sa présentation, a placé toutes les parties dans une situation peu agréable. Les changements politiques et administratifs intervenus depuis 1987 ont fait évoluer la situation. Le représentant a suggéré de laisser de côté les points exposés dans le rapport et de répondre aux questions des experts afin de se concentrer sur les changements intervenus depuis 1987 et sur les progrès actuels au Guyana. Il a estimé qu’il serait bon d’accorder la priorité aux aspects de la situation actuelle. Il est nécessaire d'apporter des précisions car il y a beaucoup de malentendus, a-t-il souligné.

A la question du Comité sur les lois interdisant la discrimination fondée notamment sur la préférence sexuelle et sur l’âge. M. Insanally a répondu qu’une commission constitutionnelle avait été créée pour examiner la question et les mécanismes particuliers qui doivent être mis en place pour s’y attaquer et assurer la réalisation par l’Etat des dispositions du Pacte. Exposer les mesures qui sont prises pour surmonter les pratiques discriminatoires entre les différentes communautés guyanaises demanderait un temps considérable, a déclaré le représentant. Il a proposé d’élargir la portée des questions pour parler d’autres communautés vivant au Guyana qui ont été soustraites à la discrimination et a espéré que le Comité lui accorderait le temps pour rassembler les données sur cette question. Le Comité des relations ethniques joue un rôle important dans l’élaboration de la nouvelle Constitution. Le peuple du Guyana est pris en compte, a-t-il assuré.

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