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L/2939

LA COUR PENALE INTERNATIONALE POURRAIT METTRE A PROFIT L'EXPERIENCE DU TPIY EN VUE DE FORMULER SON REGLEMENT DE PROCEDURE ET DE PREUVE, ESTIME LE JUGE MAY

20 mars 2000


Communiqué de Presse
L/2939


LA COUR PENALE INTERNATIONALE POURRAIT METTRE A PROFIT L’EXPERIENCE DU TPIY EN VUE DE FORMULER SON REGLEMENT DE PROCEDURE ET DE PREUVE, ESTIME LE JUGE MAY

20000320

La Commission préparatoire entend notamment les Coordonnateurs des Groupes de travail sur la coopération internationale et le crime d’agression.

Le Tribunal international pour l’ex-Yougoslavie dispose de plusieurs années d’expérience pratique dans l’application et l’interprétation de son règlement régissant des crimes et des situations souvent semblables à ceux auxquels la Cour pénale internationale sera confrontée, a estimé le Juge Richard George May, en présentant ce matin devant la Commission préparatoire de la Cour pénale internationale une contribution du TPIY. Dans le projet en examen, le règlement de la Cour est souvent identique à celui du TPIY bien qu’il s’en écarte sur certains points, peut-être pour refléter un consensus entre les Etats ou leur préférence. Le juge May a toutefois espéré que la Cour pourra mettre à profit l’expérience du TPIY, sa jurisprudence, son règlement et tout autre document, directive et ressources utiles et s’en inspirer pour la formulation de règles, de procédures et d’éléments ainsi que pour sa pratique.

Les représentants de l’Espagne, de la Bosnie-Herzégovine, de la Norvège et des Pays-Bas ont formulé des questions et commentaires auxquels le juge May a répondu.

La Commission préparatoire de la Cour pénale internationale a entendu, auparavant, la présentation des rapports sur les progrès réalisés au cours de la semaine dernière par les Groupes de travail suivants : Eléments constitutifs des crimes, Règlement de procédure et de preuve, les dispositions relatives aux Chapitres IX (coopération internationale et assistance judiciaire) et X (exécution), ainsi que le crime d’agression.

La prochaine séance plénière de la Commission préparatoire aura lieu, lundi 27 mars à partir de 10 heures. Le Coordonnateur du Groupe de travail chargé de la question de la composition et de l’administration de la Cour présentera l’état d’avancement des travaux du Groupe.

Présentation des contributions des Chambres du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY)

M. RICHARD GEORGE MAY, Juge du Tribunal pénal international pour l’ex- Yougoslavie, a rappelé que les juges de ce Tribunal ont préparé un rapport relatif au règlement de procédure et de preuve de la Cour pénale internationale (CPI) qui avait été présenté à la Commission préparatoire à sa session de juillet 1999 par la Présidente Gabrielle KirkMcDonald. Le juge May a attiré l’attention sur les questions qui n’ont pas été abordées par le précédent rapport. Les juges ont souhaité reprendre le thème central de leur rapport de juillet 1999, à savoir la nécessité pour les juges de la Cour de s’appuyer sur un règlement de procédure et de preuve leur fournissant des outils pour diligenter le procès. Dans la mesure où il ne fait aucun doute que les actions menées devant la CPI, comme devant le TPIY, sont complexes et ardues, il est impératif que la justice soit rendue d’une manière aussi efficace que possible. Le document préparé par le Tribunal met donc l’accent sur les questions techniques et les réalités pratiques plutôt que sur les principes généraux. Le document contribue en particulier dans les domaines suivants : les preuves en matière de violence sexuelle, le rôle de la Division d’aide aux victimes et aux témoins, les questions concernant les conseils de la défense, et les questions relatives à l’exécution des peines.

Concernant les preuves en matière de violence sexuelle, le Juge May a fait observer que le règlement de preuve et de procédure du Tribunal tient compte des différentes formes de conduite liées aux crimes de guerre, aux crimes contre l’humanité et au génocide commis dans le contexte du conflit en ex-Yougoslavie. Le Règlement du Tribunal, et en particulier son Article 96 qui régit l’administration de la preuve en matière de violences sexuelles, a été adapté pour prendre en compte le viol organisé et systématique des femmes, en particulier dans les centres de détention. Etant donné que les questions relatives à la recevabilité des éléments de preuve liés au consentement et au comportement sexuel antérieur de la victime n’ont pas été tranchées par la Commission préparatoire et que le débat en la matière reste ouvert. Dans une décision concernant l’application de l’article 96 rendue dans le cadre du procès “Celebici”, la Chambre de première instance a exposé les étapes de l’élaboration dudit article et a indiqué que malgré l’absence de caractère technique du Règlement, l’article 96 est une règle spéciale d’administration de la preuve qui n’est pas gouvernée par la présomption générale de recevabilité qui s’applique à tous les autres articles. La Chambre de première instance avait également souligné qu’avant la création du Tribunal, le Conseil de sécurité avait condamné de façon répétée les viols commis sur le territoire de l’ex-Yougoslavie et s’était déclaré alarmé par la détention et les viols continus des femmes.

Les Juges du Tribunal ont en outre étudié attentivement les procédures nationales relatives aux affaires de violences sexuelles et se sont principalement concentrés sur l’évolution récente des législations internes concernant les poursuites liées aux violences sexuelles. S’agissant de la question du consentement, dans l’affaire “Tadic”, il a été allégué que des hommes comme des femmes ont été victimes de diverses formes de violences sexuelles. En se penchant sur le cas de ces victimes, la Chambre de première instance a expliqué qu’un article spécial sur la recevabilité des moyens de preuve dans les affaires de violences sexuelles a été inclus dans le Règlement du Tribunal international en considération des préoccupations uniques des victimes de ces crimes.

A l’instar du TPIY, la Cour pénale internationale (CPI) est une instance sans jury et connaîtra de nombreuses affaires mettant en cause des violations graves du droit international humanitaire du même type que celles portées devant les Tribunaux ad hoc. En dépit du fait que les juges ont plutôt l’habitude de ne pas prendre en considération les éléments de preuve préjudiciables, les auteurs du projet de Règlement du TPIY ont néanmoins estimé qu’il était nécessaire de prévoir certaines mesures visant à protéger les victimes de violences sexuelles, notamment l’exclusion des éléments de preuve se rapportant au comportement sexuel antérieur de la victime. Les Tribunaux ad hoc et la Cour pénale internationale ont été créés dans le but de poursuivre les personnes responsables de certains des crimes les plus abominables commis au plan international. Pour rédiger le règlement traitant des différents types de crimes susceptibles d’être jugés par la Cour, les auteurs pourraient éventuellement s’inspirer de la pratique du TPIY pour élaborer les règles relatives à l’administration de la preuve en matière de violences sexuelles. Le TPIY a évolué de manière significative dans les sens d’une plus grande protection accordée aux victimes de violences sexuelles en temps de guerre. Si le règlement adopté par la CPI renverse la présomption de défaut de consentement et permet à l’accusé de faire valoir, par exemple, qu’il a cru à tort que la victime était consentante, alors même qu’elle était détenue ou soumise à des formes de contrainte et que ces conditions étaient imputables à l’accusé, les garanties mêmes que les dispositions relatives à l’administration de la preuve en matière de violences sexuelles en temps de guerre ou de troubles civils cherchent à offrir sont amoindries et controversées.

Faisant référence à la Division d’aide aux victimes et aux témoins, le Juge May a fait observer que le rôle des victimes dans la procédure devant la CPI diffère à de nombreux égards du cadre établi pour les Tribunaux ad hoc. S’il est clair que ces dispositions marquent une étape importante dans la prise en charge de la question fondamentale de la place accordée aux victimes dans la justice internationale, il ne faut pas oublier que celles-ci seront en contact avec la Cour principalement en qualité de témoins. Au cours de deux dernières années seulement, la Division d’aide aux victimes et aux témoins du TPIY s’est occupée d’environ 800 témoins, dont la plupart se sont déplacés à La Haye depuis l’ex- Yougoslavie ou d’autres pays. L’un des principaux problèmes auxquels a été confrontée la Division d’aide aux victimes et aux témoins a été de remplir ses fonctions en respectant à la fois les procédures propres aux Nations Unies et le Statut et le Règlement du TPIY. L’expérience du TPIY montre qu’à diverses occasions, les Chambres ont fait appel à la Division d’aide aux victimes et aux témoins, qui a acquis un savoir-faire considérable, pour leur conseiller les mesures appropriées pour la protection des victimes et des témoins. La Commission préparatoire pourrait s’inspirer de la pratique du TPIY et de l’article 75 du Règlement du TPIY lors de l’élaboration du Règlement de la Cour.

Par ailleurs, le Juge May a souligné que le Service des conseils de la défense joue un rôle crucial pour garantir le respect par le Tribunal du droit fondamental de l’accusé à un procès équitable. A cet égard, il a insisté sur la nécessité de tenir compte des principes juridiques fondamentaux tels que le droit à un procès équitable, des fonds publics consacrés à la rémunération des conseils commis d’office, mais aussi des principes administratifs et financiers requis pour justifier de l’emploi des fonds. Enfin, en ce qui concerne l’exécution des peines, le Juge May a rappelé que le Statut de Rome et son règlement provisoire prévoient déjà de nombreuses dispositions sur ce sujet. A cet égard, il a souligné l’importance de la coopération des Etats pour permettre à la juridiction concernée de s’acquitter efficacement de son mandat.

Questions et commentaires des délégations

M. JUAN ANTONIO YANEZ-BARNUEVO (Espagne) a souligné que le rapport distribué au nom du tribunal comprend des suggestions qui seront des plus utiles pour les délibérations de la Commission préparatoire relatives au règlement de procédure et de preuve. Il a rappelé que L’Espagne a déjà remis le texte de l’accord relatif aux peines du Tribunal et a émis l’espoir que ce document sera signé et appliqué d’ici la fin de cette année. L’Espagne deviendrait ainsi le septième Etat à souscrire à l’application des peines du Tribunal pour l’ex-Yougoslavie. Rappelant que le Statut du Tribunal pour l’ex-Yougoslavie ne comprend pas les mêmes règles que le Statut de la Cour pénale internationale en ce qui concerne la participation des victimes aux procédures, le représentant a demandé si le Tribunal envisageait, à la lumière de l’expérience gagnée à ce jour par lui, un développement de ses règles de procédure s’agissant de la protection des victimes et des témoins. Rappelant également la nécessité de rendre publique l’œuvre du Tribunal pour l’ex- Yougoslavie, le représentant a cependant fait remarquer qu’à ce stade, le Tribunal travaille uniquement en anglais et en français. Par conséquent, ses conclusions ne sont pas faciles à diffuser par exemple dans les pays hispanophones ou arabophones. Le représentant a ainsi demandé au Juge May si le Tribunal envisage de diffuser des résumés de sa jurisprudence dans d’autres langues que l’anglais et le français. Il a rappelé à cet égard que conformément au Statut de la future Cour pénale internationale, les jugements de la Cour devront, eux, être traduits dans toutes les langues officielles de la Cour qui sont également celles retenues comme langues officielles aux Nations Unies.

M. MUHAMED SACIRBEY (Bosnie-Herzégovine) a souligné que le Tribunal pour l’ex-Yougoslavie est en voie de réaliser son objectif principal et que la Bosnie- Herzégovine en ressent les effets, notamment sur le plan de la justice et de la paix. Il a cependant regretté que la déclaration du Juge May n’ait pas fait mention du fait que le Conseil de sécurité a un rôle à jouer dans l’application et même la définition de certains crimes. Il a également rappelé que l’un des problèmes les plus sérieux à surmonter est celui de la manière peu cohérente dont certains tribunaux semblent opérer en ce qui concerne le jugement. Le représentant a ainsi demandé si on a réfléchi au rôle du Conseil de sécurité dans le contexte de la Cour pénale internationale, sachant qu’il représente la source d’autorité pour le Tribunal pénal pour l’Ex-Yougoslavie.

M. ROLF EINAR FIFE (Norvège) a fait valoir que l’application des peines par le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie a valeur de démonstration concrète de l’engagement des Etats face à la justice internationale. S’agissant de la gestion des affaires, le représentant a demandé au Juge May par quels moyens il serait possible de réduire la longueur des procès.

M. HERMAN VON HEBEL (Pays-Bas) a demandé au Juge May si le Tribunal envisageait d’établir un service autonome de la défense qui serait la contrepartie du Bureau du Procureur.

Répondant aux questions et commentaires formulés par les délégations, le Juge MAY a rappelé que l’unité de la défense relève du Greffe du TPIY. Les avocats, tout aussi éminents soient-ils, ne doivent pas être exclus des cours de formation et de recyclage en matière pénale. Concernant les victimes et les témoins, le Juge May a fait remarquer qu’il existe tout un arsenal juridique pour protéger les témoins, notamment l’anonymat des témoignages, le huis-clos. Dans chaque affaire, la Chambre préliminaire opère afin de garantir la transparence des procédures. Les deux Tribunaux ad hoc ont plusieurs liens communs, en particulier le Procureur. Pour ce qui est de la gestion des affaires, le Juge May a indiqué que les procès internationaux modernes dans lesquels le TPIY ou le TPIR s’engagent sont très longs. On tient compte de l’équité entre les deux parties au procès et des témoignages. Toutes les cartes doivent être mises sur la table. La question qui fera l’objet du jugement doit être clairement définie. Il est possible de réduire les délais de procédure, en présentant les plaidoiries par écrit. Cela permettrait également d’économiser les frais de traduction. Pour ce qui est de l’unité des conseils de la défense, le Juge May a indiqué que des cours de formation sont prévus pour les avocats de la défense.

Rapports des coordonnateurs des groupes de travail

M. HERMAN VON HEBEL (Pays-Bas), Coordonnateur du Groupe de travail sur les éléments constitutifs des crimes, a indiqué que le groupe de travail a été informé des conclusions de la réunion intersessions qui s’est tenue à Syracuse. Au cours des délibérations qui ont eu lieu la semaine passée, il est apparu que les conclusions de cette réunion intersessions ont été des plus utiles pour affiner les réflexions sur les éléments constitutifs des crimes. Il est également apparu que la deuxième lecture du projet sur les éléments constitutifs des crimes sera essentiellement de caractère technique. Le Groupe s’est également attaché à modifier ses méthodes de travail afin de mieux rendre compte de l’état d’avancement de ses travaux et en vue d’accroître la transparence de ceux-ci. Le Groupe de travail a consacré la première semaine de la présente session au crime de génocide. A ce sujet, un premier texte évolutif a été examiné. Au cours des consultations qui auront lieu cette semaine, le Groupe de travail examinera les graves violations de guerre.

Mme SILVIA FERNANDEZ DE GURMENDI (Argentine), Coordonnatrice du Groupe de travail sur le règlement de procédure et de preuve, a informé la Commission préparatoire qu’un échange de vues approfondi a eu lieu lors de l’examen du Chapitre VIII relatif à l’appel et à la révision. Le Groupe de travail s’est concentré sur la première lecture de ce chapitre et sur l’établissement d’un document de travail révisé. Une autre séance de travail sur ce document devrait avoir lieu pour s’approcher de sa version finale. Par ailleurs le Groupe de travail a tenu deux séances officieuses sur le Chapitre II. Les délibérations sur ce chapitre se poursuivront cet après-midi en réunion officieuse. Enfin, une séance officieuse a eu lieu sur les preuves en cas de violations sexuelles et, à la fin de la séance plénière d’aujourd’hui, des consultations se poursuivront sur les chapitres V et VI du Statut.

M. PHAKISO MOCHOCHOKO (Lesotho), Coordonnateur pour les dispositions du règlement de procédure et de preuve correspondant au Chapitre IX relatif à la coopération internationale et à l’assistance judiciaire et au Chapitre X relatif à l’exécution, a indiqué que des progrès notables ont été enregistrés. Une séance officielle et deux séances officieuses se sont tenues sur les dispositions relatives au Chapitre IX. Il a notamment été décidé de se concentrer davantage sur les questions en suspens et sur les nouvelles propositions des délégations. La plupart de ces propositions seront traitées au plan bilatéral et en séances officieuses. Le coordonnateur espère achever la deuxième lecture des règles relatives aux Chapitres IX et X d’ici vendredi prochain.

M. TUVAKO MONONGI (Tanzanie), Coordonnateur du Groupe de travail sur le crime d’agression, a informé la Commission que le Groupe s’est réuni le 15 mars et qu’il a poursuivi l’examen général d’un texte consolidé sur le crime d’agression. A cette occasion, différents points de vue ont été exprimés et une nouvelle proposition sur la définition du crime d’agression a été faite. Le coordonnateur a souligné que l’accent à été mis sur l’élaboration d’une définition qui soit non seulement compatible avec les termes du Statut mais qui puisse également obtenir le soutien le plus large possible des délégations.

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