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DH/264

LE COMITE DES DROITS DE L'HOMME ACHEVE SON EXAMEN DES RAPPORTS DU ROYAUME-UNI SUR LES DEPENDANCES DE LA COURONNE

17 mars 2000


Communiqué de Presse
DH/264


LE COMITE DES DROITS DE L’HOMME ACHEVE SON EXAMEN DES RAPPORTS DU ROYAUME-UNI SUR LES DEPENDANCES DE LA COURONNE

20000317

La délégation fournit des précisions sur l’intégration du Pacte aux lois, sur la liberté de religion et sur la coopération avec les ONG à Jersey, Guernesey et Man

Le Comité a achevé, cet après-midi son examen des quatrième et cinquième rapports périodiques des dépendances de la Couronne du Royaume-Uni, Jersey, Guernesey et l’Ile de Man en entendant les réponses de la délégation aux questions posées ce matin par les experts.

Répondant aux observations d’experts regrettant que les Iles envisagent prioritairement d’incorporer la Convention européenne des droits de l'homme à leurs lois, les membres de la délégation ont déclaré qu’ils étudieraient attentivement la possibilité d’incorporer aussi le Pacte international relatif aux droits civils et politiques au droit interne des Iles. Malgré des différences entre les deux instruments, la loi sur les droits de l'homme incluse dans la Convention européenne comporte des dispositions très fermes pouvant répondre à l’esprit du Pacte, ont-ils fait valoir. S’agissant de la liberté de religion, les représentants ont déclaré que la prédominance du christianisme, et plus particulièrement de la religion anglicane, est généralement tempérée par des dispositions assurant la liberté du culte.

Le chef de la délégation, M. Mark de Pulford, du Ministère de l'Intérieur, a conclu en assurant le Comité que les questions et recommandations de ses experts seront prises en compte par la délégation, qui les intègrera au cadre du débat démocratique dans les Iles.

Les experts du Comité ont ensuite repris l’examen de l’observation générale sur l’article 3 du Pacte qui traite de l'égalité des hommes et des femmes en ce qui concerne tous les droits civils et politiques énoncés dans cet instrument. Dans ce cadre, les experts ont débattu des mesures prises pour protéger les femmes contre toutes les formes de servitude et pour assurer leur droit à la liberté de circulation.

Le Comité reprendra ses travaux lundi 20 mars.

SUITE DES RAPPORTS PRESENTES PAR LE ROYAUME-UNI

Réponses de la délégation aux questions posées par les experts

M. MARK DE PULFORD, Chef de la section des droits de l'homme au Ministère de l’Intérieur et Chef de la délégation, répondant aux questions posées ce matin par les experts, a reconnu qu’il existe des différences entre la Convention européenne des droits de l'homme et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, notamment sur les questions relatives à la discrimination. Il a assuré le Comité qu’il transmettrait à Londres l’opinion très ferme exprimée ce matin par les experts en faveur de l’incorporation du Pacte aux lois de Jersey, Guernesey et de l’Ile de Man. Il a ajouté que les Iles vont suivre le modèle d’incorporation adopté par le Royaume-Uni pour la Convention européenne des droits de l'homme. A ce propos, il a déclaré que la Loi sur les droits de l'homme comporte des dispositions très fermes. Il a ainsi souligné qu’aux termes de cette loi, les autorités publiques ont le devoir de ne pas se comporter d’une manière incompatible avec la Convention. Il a ajouté que la section 2 de cette loi n’empêche pas les tribunaux de tenir compte d’autres traités. Les Iles ne sont pas membres de l’Union européenne, a ajouté le représentant, certaines dispositions prises par l'Union s’appliquent quand même à elles mais dans d’autres domaines que celui des droits de l'homme. Le représentant a également déclaré que les tribunaux du Royaume-Uni peuvent tenir compte du Pacte en tant que source du droit coutumier.

Par ailleurs, le représentant a dit accorder une grande importance à la formation des fonctionnaires et autres agents de l’Etat dans le domaine des droits de l'homme. En ce qui concerne la coopération des autorités des Iles avec les organisations non gouvernementales (ONG), le représentant a dit qu’établir avec ces dernières un dialogue aussi intensif que pour les questions relatives au Royaume-Uni serait difficile car la situation dans les Iles est moins bien connue. Au sujet de la réserve à l’article 25 concernant la participation de tous les citoyens aux affaires publiques, il a déclaré qu’elle a déjà été levée.

Mme SALLY EVANS, Conseiller juridique adjoint au Ministère de l’intérieur, répondant à une question concernant la loi sur le terrorisme qui devrait être alignée sur l’article 9 du Pacte, la détention prolongée est une décision administrative à Jersey et non pas judiciaire. La période maximale de détention d’après cette loi est de sept jours. Selon la nouvelle loi, l’autorité judiciaire jouera un rôle essentiel dans la détermination de la détention préventive.

M. John Mills, responsable du Département «Politique et ressources» à Jersey, a déclaré que l’Ile de Jersey s’efforce de respecter tous les traités adoptés au niveau international. La façon de protéger les droits fondamentaux à Jersey peut certes être différente de ce qui se fait dans des pays ou des territoires plus grands mais elle n’en est pas moins efficace. Concernant la question sur l’indépendance des Conseils d’examen, qui a été posée ce matin, il faut savoir que ces Conseils se réunissent rarement. Mais les termes qui ont présidé à leur création et qui assurent leur autonomie, sont strictement respectés. Quant à la possibilité de création d’une Commission des droits de l’homme, nous n’y avons pas encore pensé à Jersey, les structures du Royaume-Uni nous semblant suffisamment efficaces.

S’agissant de la religion, a poursuivi M. Mills, l’église anglicane est l’église officielle d’Angleterre depuis la période élisabéthaine, mais des dispositions existent pour assurer la liberté de culte à Jersey, et les autorités de l’Ile ont pensé que les écoles peuvent, elles-mêmes gérer ce qui touche à la disponibilité de locaux pour l'instruction religieuse. Concernant la publicité à faire autour du Pacte et de ses droits, la bibliothèque de Jersey a mis tous les textes pertinents sur un site Internet accessible à tous. Quant aux ONG, toutes celles qui existent à Jersey peuvent prendre part aux débats sur le Pacte et sur les droits de l’homme.

Mme NISHA BISMILLAH, Département «Politique et ressources», a pris la parole pour dire que sa présence ici témoignait du succès des efforts déployés à Jersey en vue d’assurer une égalité de droits aux femmes. Etant donné que le plein emploi existe à Jersey, la question de la discrimination dans l’emploi n’a pas à Jersey les mêmes caractéristiques qu’ailleurs. Les revendications touchent plutôt aux ségrégations dues à l’âge. S’il n’existe pas encore de lois contre la discrimination raciale, on prévoit qu’un projet sur ce thème sera bientôt discuté. Une déclaration a déjà été publiée, qui interdit toute discrimination basée sur la race, et des textes interdisent les incitations à la haine et la circulation de publications à caractère raciste. La création ou le fonctionnement d’organisations ou d’associations à caractère raciste sont également interdits. Le Département de l’éducation promeut quant à lui un enseignement contre le racisme dans les écoles. Jersey a d’autre part créé un Forum de discussions pour débattre des questions liées au racisme, car nous ne nions pas son existence, a dit Mme Miller.

Un autre membre de la délégation répondant à une question sur la prison pour dette contractuelle a déclaré que les dispositions statutaires sur cette question sont en cours d’examen. Les autorités judiciaires ont estimé qu’il faudrait davantage tenir compte du Pacte. La condamnation à une peine de prison relève des tribunaux, qui peuvent l’annuler si le débiteur fait la preuve d’un changement de son état financier.

Au sujet des changements intervenus dans la législation sur la succession, il a indiqué que le droit coutumier remontait à la coutume normande. Le concept coutumier d’une portion légitime réservée à l’épouse et à l’enfant a été retenue dans les loi modernes.

En ce qui concerne l’utilisation du terme d’"enfant illégitime", le représentant a déclaré qu’il s’emploierait à introduire le terme d’"enfant né hors des liens du mariage" . Le terme d’"enfant né de personnes qui ne sont pas mariées" est déjà utilisé.

Pour ce qui est de la participation à la vie communautaire, le représentant a indiqué que l’Ile de Jersey est divisée en 12 “paroisses”, ce qui garantit une importante participation de la population.

Mme ELIZABETH EVATT, expert de l’Australie, a présenté ses excuses à la délégation pour avoir critiqué l’emploi du terme “illégitime” du fait que le Comité lui-même emploie parfois ce terme.

M. Geoff Rowland, Procureur de sa Majesté britannique à Guernesey, a dit que l’Ile de Guernesey a adopté la même loi administrative que celle de Jersey : Nous n’avons pas créé de Bureau d’Ombudsman et n’avons pas de commission locale des droits de l’homme, a-t-il ajouté. Nous mettons cependant tout en œuvre pour faire connaître le Pacte et tout ce qui lui est lié au grand public. Lorsque nous avons préparé la documentation en vue de l'incorporation de la Convention européenne des droits de l’homme dans notre législation, documentation dont notre Parlement sera bientôt saisi, nous avons clairement mentionné le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Concernant les ONG, nous pensons que notre gouvernement encourage de manière correcte la seule organisation fonctionnant comme une ONG qui agit sur tout le territoire de Guernesey. Quant aux droits et au statut des homosexuels, la législation et la situation de Guernesey sont identiques à celles de Jersey. Parlant de la situation des femmes, sur 80 juges et avocats dans l’Ile, 20 sont des femmes, tandis que 52% des étudiants originaires de Guernesey et étudiant en Grande-Bretagne sont des femmes. Concernant les conditions de détention, la loi réserve, en matière de santé, des unités spéciales aux mineurs. Sur l’une des petites Iles qui nous sont voisines et qui compte 200 habitants, un arrangement a pu être formalisé pour qu’un régime fiscal spécial permettre de dégager les moyens nécessaires au bon entretien des mineurs détenus. Concernant les questions d’héritage foncier et immobilier à Sark il n’y a que 40 propriétés pour une population permanente de 600 personnes. La loi de Guernesey stipulait que ces propriétés ne pouvaient pas être fragmentées, ceci en vue de préserver l’identité foncière de la communauté, mais des baux de location nominaux ont aussi été introduits. Ceci permet, en les décernant à différents héritiers des deux sexes, de leur permettre d’avoir un droit égal à la succession.

Pour répondre à la question posée sur la mixité de l’éducation, il faut savoir qu’à partir de la sixième année d’études, les écoles sont depuis l’an dernier complètement intégrées. Quant à l’enseignement religieux, les écoles le dispensent pour toutes les religions, et les activités culturelles sont communes, aucune religion n’ayant de suprématie sur les autres. Concernant le mariage, il est possible de se marier à Guernesey seulement sur le plan civil, sans mariage religieux. Quant à la question des détentions liées à une dette civile, nous confirmons qu’il n’y an a pas à Guernesey. Et concernant la place et les droits des étrangers, ils peuvent prendre part à tous les aspects de la vie civile, et nous pensons que la question de leur droit de vote pourra bientôt être examinée.

M. John Fowler, Procureur général de Sa Majesté britannique sur l’Ile de Man, a déclaré que l’Ile reconnaît ses obligations découlant des traités internationaux notamment en matière de droits de l'homme. Le Gouvernement est déterminé à respecter les droits énoncés dans le Pacte, a-t-il assuré. Avant même l’adoption de la Loi sur les droits de l'homme, ces droits ont été reconnus par les autorités de Man. La Convention internationale sur l’élimination de la torture avait ainsi été ratifiée avant la Convention européenne sur les droits de l'homme. L’Ile de Man suivra le projet législatif du Royaume-Uni en ce qui concerne les droits de l'homme.

Pour ce qui est de la discrimination fondée sur le sexe, a poursuivi le représentant, elle a été incorporée à une loi générale sur la discrimination qui sera promulguée avant juillet 2000. Le représentant a indiqué que le contenu du texte de loi sur la discrimination raciale n’est pas encore arrêté mais tiendra dûment compte aux dispositions de l’article 26 du Pacte. En ce qui concerne l’éducation et la religion, le représentant a indiqué qu’un projet de loi sur l’éducation est à l’étude, qui prévoit que tout élève en âge de suivre l’enseignement obligatoire recevra un enseignement religieux de caractère essentiellement chrétien. En revanche, les châtiments corporels ne sont pas pratiqués, en vertu de décisions de politique générale, et seront bientôt interdits par la loi. Pour ce qui est de l’âge du consentement pour les activités homosexuelles, l’Ile de Man s’inspirera de l’évolution législative au Royaume-Uni.

Par ailleurs, le représentant a déclaré que le blasphème est un délit sanctionné par une loi très ancienne qui stipule que toute personne qui blasphème la religion ou Dieu est passible d’une peine de prison ferme et d’une amende. Toutefois, cette loi ancienne n’a pas été appliquée depuis de très nombreuses années, a-t-il affirmé. Dans l’Ile de Man, il n’y a pas de rétroactivité en droit pénal, a également affirmé le représentant. Pour ce qui est de l’emprisonnement pour dette, il n’est possible que si une personne a intentionnellement manqué à ses obligations alors qu’elle avait la possibilité de payer ses dettes, possibilité qui doit être démontrée devant les tribunaux.

Un autre membre de la délégation a admis que jusqu'ici les programmes de formation dans le domaine des droits de l'homme ont été rares. Toutefois, avec l’adoption de la nouvelle loi sur les droits de l'homme, un processus de formation va être lancé en juin de cette année avec la participation des autorités centrales et locales. Le Pacte figurera dans les programmes d’étude. La dissémination d’informations relatives au Pacte sera d’autant plus effective cette année que le Comité a examiné les rapports des dépendances de la Couronne. Il n’y a pas eu de participation des organisations extérieures au Département, a-t-il déclaré. La notion d’organisation non gouvernementale locale est peu pertinente dans notre cas, a-t-il estimé, car les citoyens peuvent facilement agir en leur propre nom. Il a également invoqué la taille des juridictions des Iles, en précisant que l’Ile de Man a 65 000 habitants : Tout représentant politique est facilement accessible, les médias sont indépendants, et il y a un fort taux de représentation politique dans l’Ile, a-t-il fait valoir.

En ce qui concerne les conditions de détention, le représentant a déclaré que la construction d’une nouvelle prison est envisagée, ce qui permettra de régler la plupart des problèmes. Pour ce qui est de l’ombudsman, il a déclaré que le Parlement de Man, le Tynwald, a jugé qu’il n’y avait pas nécessité d’en nommer un. Il en existe cependant un pour les questions financières et un autre pour les pensions. Tout récemment, la nomination d’un ombudsman a de nouveau été envisagée par les autorités de l’Ile.

Commentaires

M. ECKART KLEIN, expert de l'Allemagne, a demandé si les autorités du Royaume-Uni comptaient publier les procédures et recommandations du Comité dans les Iles et mieux faire connaître le Pacte? Et existe-t-il une procédure officielle pour traiter des questions liées aux dispositions du Pacte?

Répondant, la délégation du Royaume-Uni a dit que cela pourrait se faire dans l'avenir.

M. NATWARLAL BHAGWATI, expert de l’Inde, a estimé que la présentation des rapports avait donné lieu, malgré le retard de leur publication, à un débat très fructueux. Certaines préoccupations subsistent cependant dans l’esprit du Comité, et figureront dans les recommandations qu’il adressera au Royaume-Uni. Elles ont trait à la non-intégration du Pacte dans les législations des Iles. Au même titre que la Convention européenne des droits de l’homme, le Pacte doit y être intégré, même si les tribunaux tiennent déjà compte de ses dispositions. Il serait également utile, a estimé l’expert, que des mesures et une loi soient mises en place pour traiter des problèmes liés à la discrimination. Quant à la question de l’Ombudsman, malgré l’étroitesse du territoire et la petite population des Iles, il faudrait qu’il en soit créé dans les trois Iles. Concernant l’éducation religieuse, le judaïsme, l’islam et le bouddhisme sont-ils eux aussi enseignés? Et concernant la rédaction des rapports, il faudrait dans l’avenir y associer les avocats et les ONG, ce qui les rendrait plus complets et plus crédibles. Quant au blasphème, dont le chef d’accusation existe encore dans les législations des Iles, il faudrait purement et simplement l’éliminer de toute législation.

M. MULFORD, Chef de la délégation du Royaume-Uni, a remercié le Comité d’avoir donné à la délégation la chance de s’exprimer. Le fait que l’examen des rapports ait eu lieu est important de même que le fait que des questions pertinentes aient été posées. La délégation en prendra note pour les intégrer dans le processus démocratique des Iles.

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