DH/263

DROITS DE L'HOMME : LE COMITE ENTAME L'EXAMEN DES RAPPORTS DU ROYAUME-UNI SUR LES DROITS CIVILS ET POLITIQUES A JERSEY, GUERNESEY ET MAN

17 mars 2000


Communiqué de Presse
DH/263


DROITS DE L’HOMME : LE COMITE ENTAME L’EXAMEN DES RAPPORTS DU ROYAUME-UNI SUR LES DROITS CIVILS ET POLITIQUES A JERSEY, GUERNESEY ET MAN

20000317

Le Comité des droits de l’homme a commencé ce matin l’examen des quatrième et cinquième rapports du Royaume-Uni sur les mesures prises pour garantir le respect des droits énoncés par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques dans les Etats de Jersey.

Introduisant les rapports, M. Mark de Pulford, Chef de la Section des droits de l’homme au Ministère de l’intérieur, a déclaré que depuis le 13ème siècle, la monarchie britannique a permis aux Iles de la Manche - Jersey, Guernesey, Ile de Man - de garder leurs lois, leurs coutumes et leurs libertés qui ont été confirmées par des Chartes royales. L’allégeance des Iles est faite à la Couronne et non pas à l’Angleterre ou au Royaume-Uni en tant que tel, dont elles n’ont jamais fait partie, a dit le représentant. Le rôle de la Couronne envers les Iles est essentiellement de les faire représenter par le Gouvernement du Royaume-Uni sur le plan diplomatique, dont relève le traitement des traités internationaux comme le Pacte. Les fonctionnaires du Ministère de l’intérieur, a dit M. Pulford, ont aidé les autorités des Iles à rédiger leurs législations relatives aux droits de l’homme, à y incorporer la Convention européenne des droits de l’homme, à former leurs personnels dans ce domaine et à informer le grand public.

Dans leurs questions orales à la délégation du Royaume-Uni, les experts ont fait part de leurs appréhensions sur le fait que l’incorporation de la Convention européenne dans les législations britanniques et des Iles, et dont les délégués du Royaume-Uni semblaient se satisfaire, pouvait cependant ne pas répondre à tous les soucis en matière de discrimination, de traitement juridique des enfants nés hors de l’institution du mariage, d’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de succession, et d’enseignement religieux dans les écoles.

Le Comité poursuivra ses travaux cet après-midi à 15 heures.

EXAMEN DES QUATRIEME ET CINQUIEME RAPPORTS PERIODIQUE DU ROYAUME-UNI DE GRANDE- BRETAGNE ET D'IRLANDE DU NORD

Rapports

Le quatrième rapport périodique du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord (CCPR/C/95/Add.10) contient des renseignements sur l'application du Pacte international des droits civils et politiques dans les dépendances de la Couronne, c'est-à-dire les Etats de Jersey et Guernesey et l'Ile de Man. Ce rapport, qui date du 12 février 1997, était attendu en 1994.

Les Etats de Jersey, en vue de réaliser le droit égal des hommes et des femmes de jouir des droits reconnus par le Pacte, ont institué un Comité spécial en 1991 pour enquêter sur la situation actuelle dans l'Ile. Le Comité est arrivé à la conclusion qu'il était sans doute inutile de réglementer dans le domaine de la discrimination fondée sur le sexe sur les lieux de travail dans une communauté aussi petite que Jersey si les mêmes objectifs peuvent être atteints par la persuasion et la recommandation. Dans cette perspective, il a élaboré un plan et un code de bonne conduite pour l'égalité des hommes et des femmes qui ont été largement distribués aux employeurs et aux salariés de toute l'Ile.

En ce qui concerne la justice pénale relative aux mineurs, l'Etat de Jersey a adopté une loi qui institue de nouvelles méthodes de rééducation des délinquants âgés de moins de 21 ans. Cette loi abroge également la condamnation à la maison de redressement (Borstal training) et l'incarcération des mineurs de 21 ans pour remplacer ces peines par un internement dans un établissement pour jeunes délinquants. Elle limite également la possibilité de condamner à la détention, le tribunal devant avoir l'assurance qu'il n'existe aucun autre moyen approprié dans le cas du délinquant.

Pour ce qui est de l'application de l'Article 17 concernant le droit de ne pas faire l'objet d'immixtion arbitraire ou illégale dans sa famille, les Etats ont adopté en 1990 une loi sur les infractions sexuelles (Sexual offences Jersey Law) qui porte abrogation de la qualification d'infraction pénale pour tout acte homosexuel accompli en privé entre hommes adultes consentants. Sous réserve d'approbation de Sa Majesté en Conseil, les Etats ont également adopté une loi sur les infractions sexuelles visant à ramener de 21 à 18 ans l'âge du consentement à des actes homosexuels en privé.

En ce qui concerne la participation aux affaires publiques, les Etats ont adopté en 1995 une loi portant modification de la loi sur le droit de vote (Franchise amendment N5, Jersey Law), qui accorde le droit de vote à toute personne majeure, quelle que soit sa nationalité, qui peut justifier de deux ans de résidence dans l'Ile.

A Guernesey, stipule le rapport, 45 des 57 membres du Parlement sont élus au suffrage universel. Les 12 autres sont élus au suffrage indirect : il y a deux représentants des Etats d'Alderney et un représentant pour chacun des dix conseils de paroisse (Douzaines). A Alderney, les 12 membres du parlement sont élus directement au suffrage universel. A Sark, 12 membres du parlement sont élus

directement au suffrage universel, les 40 autres sont titulaires de leur siège en vertu des droits découlant de la possession de certains biens. Dans les trois Iles, le système de gouvernement et le mode d’élection répondent aux voeux de la population.

Dans les Etats de Guernesey, il n’existe pas de facteur qui empêcherait qui que ce soit de disposer librement de ses richesses de son vivant. Certaines restrictions s’appliquent après le décès dans l’objectif de préserver les droits du conjoint survivant et des enfants. Sur l’Ile de Sark, les biens échoient au fils aîné.

Les Etats de Guernesey donnent aux étrangers le droit de vote à toutes les élections de l’Ile.

En ce qui concerne la réalisation de l’égalité entre les hommes et les femmes, Guernesey a décidé, en décembre 1993, de condamner la discrimination à l’égard des femmes sous toutes ses formes. Le rapport contient en annexe un tableau qui montre un accroissement de la participation des femmes à l’activité économique depuis 1971. Le pourcentage de femmes membres des Etats de Guernesey est de 19,3, il est de 25 % pour les Etats d’Alderney et de 38 pour les Chief Pleas de Sark. Dix des 59 Avocats de la Cour royale (17%) sont des femmes. Le rapport indique également que le nombre de filles et de garçons qui suiven tun enseignement secondaire est presqu’égal (1 297 garçons et 1 295 filles). Il existe une différence plus importante dans l’enseignement privé du fait qu’il y a plus d’écoles privées pour garçons que pour filles et aussi par le fait que les écoles privées pour filles n’assurent pas l’internat. Quant au collège d’enseignement supérieur de Guernesey (College of further education), il accueillait 115 garçons et 116 filles au moment de la rédaction du rapport. Par ailleurs, le rapport indique que la loi de 1991 relative à l’administration de la justice du Baillage (Bailwick) de Guernesey prévoit une infraction spécifique de torture.

Dans l’Ile de Man, le droit à la vie est protégé par le droit civil et par le droit pénal. En vertu de la loi de 1993 abolissant la peine capitale (Death Penalty Abolition Act), la peine de mort a été remplacée par la réclusion à vie. Le droit de ne pas être soumis à la torture ni à d’autres formes de mauvais traitements est garanti en droit pénal et en droit civil et pour l’essentiel dans les mêmes termes qu’au Royaume-Uni. Le statut de la police est analogue, pour l’essentiel, à celui de la police du Royaume-Uni.

En ce qui concerne l’arrestation, elle est également régie par les mêmes dispositions législatives qu’au Royaume-Uni. L’octroi de la libération sous caution est discrétionnaire. La loi de justice pénale de 1993 (Criminal Justice Act) impose au Ministère de l’intérieur, dans la mesure du possible, de séparer les détenus de moins de 21 ans de ceux qui sont plus âgés. Le même texte prévoit que l’enfant et le jeune adulte ne doivent pas être condamnés à une peine de prison ni placés en détention provisoire, sauf dans des circonstances exceptionnelles. L’Ile de Man a supprimé la mesure de condamnation à la maison de redressement (Borstal training) par la loi de 1986 surles prisons et la détentions des jeunes (Prison and Youth Custody Act). Cette loi prévoit maintenant la possibilité d’exécuter une mesure de garde sur l’Ile. Depuis la fermeture, en 1982, des maisons de

redressement en Angleterre et au Pays de Galles, la condamnation de mineurs condamnés à la maison de redressement sur l’Ile de Man, la mesure est appliquée en Angleterre et au Pays de Galles comme une mesure de garde. Les mineurs sont alors placés dans des établissements spéciaux.

En ce qui concerne la liberté de religion, le rapport affirme que la liberté du culte ne souffre aucune restriction, sauf nécessité d’ordre public. L’instruction religieuse est obligatoire à l’école mais la loi garantit aux parents le droit de faire dispenser leurs enfants de ces cours, et de leur faire suivre les cours de la religion de leur choix.

Pour ce qui est du droit de vote, le document précise que des élections démocratiques sont organisées régulièrement depuis 1866, Les femmes ont le droit de vote depuis 1881. Toute personne âgée de 18 ans révolus a le droit de vote à condition de ne pas être frappée d’une incapacité juridique et d’être sujet britannique ou national de la République d’Irlande.

Le cinquième rapport périodique présenté par les Etats de Jersey (CCPR/C/UKCD/1999/5) contient les mesures qui ont été prises depuis la soumission du rapport précédent.

La liste des points à traiter à l'occasion de l'examen des deux rapports figure au document CCPR/C/G8/UKCD.

Présentation et réponses de l'Etat partie

Dans une déclaration liminaire, le Représentant permanent du Royaume-Uni, M. JEREMY GREENSTOCK, a déclaré que la présence devant le Comité d’une équipe de haut niveau envoyée du Royaume-Uni pour présenter les quatrième et cinquième rapports périodiques sur les dépendances de Jersey, Guernesey et de l’Ile de Man démontre l’importance accordée au Pacte international relatif aux droits civils et politiques par son pays.

M. MARK DE PULFORD, Chef de la section des droits de l'homme du Ministère de l’intérieur et chef de la délégation, a poursuivi en présentant le cadre constitutionnel et juridique de l’application du Pacte. Il a fait un rapport d’ensemble sur les relations entre le Royaume-Uni et la Couronne. Le chef de la délégation a rappelé que les Iles Anglo-Normandes de Jersey et Guernesey faisaient autrefois partie de la Normandie, aujourd’hui rattachée à la France. Les Iles ont par la suite fait allégeance à la Couronne, et non pas à l’Angleterre ou au Royaume-Uni dans son ensemble, a-t-il précisé. L’Ile de Man a d’abord été rattachée aux royaumes du Danemark puis d’Ecosse avant de l’être au Royaume-Uni. Il a souligné qu’aucune des Iles examinées aujourd’hui ne peut être décrite comme une colonie ou un territoire d’Outre-Mer. Chacune possède une administration parallèle à celle du Royaume-Uni plutôt que subordonnée. Le Gouvernement du Royaume-Uni est directement responsable des relations extérieures des Iles. Tout ce qui concerne les Iles exige un consentement royal. Les fonctionnaires du Ministère de l’intérieur ont rédigé des textes relatifs aux droits de l'homme avec la participation de fonctionnaires des Iles. Le représentant a présenté les excuses de sa délégation pour le retard mis à présenter la partie du rapport du Royaume-Uni concernant les dépendances de la Couronne.

En ce qui concerne la possibilité d’invoquer le Pacte devant les tribunaux, le représentant a déclaré qu’aucune règle n’empêche la référence au Pacte et aux traités internationaux devant les tribunaux. Toutefois, les dispositions de ces traités ne peuvent faire l'objet de mesures d'exécution directes car le Pacte n'a pas été incorporé dans les lois des Iles. Il a ajouté que, dans un cas soumis au tribunal de Man, la Cour s’est estimée liée par un article du Pacte. Dans une autre affaire, la Cour de Guernesey a estimé que le tribunal devait développer une jurisprudence conforme aux traités plutôt qu’au “common law” du Royaume-Uni. Les Iles accordent la priorité à l’incorporation de la Convention européenne des droits de l'homme à leur droit interne afin que ses dispositions soient directement applicables dans les tribunaux, a poursuivi le représentant. A Jersey et à Guernesey, toute personne estimant que ses droits sont lésés peut faire appel à un conseil administratif. Les fonctionnaires reçoivent des enseignements qui portent sur le droit international. Sans faire encore l’objet d’enseignements spécifiques, les dispositions du Pacte suscitent un intérêt croissant dans les Iles. Les quatrième et cinquième rapports ont été diffusés et largement diffusés dans les Iles Anglo-Normandes et dans l’Ile de Man. Ils sont également accessibles sur Internet.

Poursuivant, M. De Pulford a déclaré qu’en ce qui concerne la deuxième question relative à l’incorporation de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et du Pacte dans les lois internes des Iles, le Royaume-Uni a eu des discussions à ce sujet avec les territoires. Etant donné les développements au sein du Royaume-Uni, les représentants des Iles ont estimé que la Convention européenne des droits de l’homme était leur première priorité. L’introduction du Pacte n'a pas été écartée mais les autorités des Iles veulent s’assurer que comme le fait le Royaume-Uni, nous ne nous attaquerons pas à des tâches sans être vraiment sûrs de pouvoir les mener à terme, ce qui risquerait de mettre en danger une bonne mise en œuvre du Pacte. Bien sur, dans le même temps, le fait d'incorporer la Convention européenne dans notre législation interne permettra de garantir que les points du Pacte qui lui correspondent sont directement applicables dans les tribunaux des Iles et que les fonctionnaires en respecteront les termes.

Quant à la troisième question relative aux options qui sont offertes aux personnes qui estimeraient que leurs droits en vertu du Pacte ont été violés, et demanderaient que l’on enquête sur ces violations et que justice leur soit rendue, notre position est qu’une violation du Pacte est aussi une violation statutaire du droit commun. Des solutions et les réparations peuvent donc dans ce cas prendre la forme de dommages et intérêts et d’injonctions. Toutes violations de la législation pénal seront soumises à enquêtes et si nécessaire, à jugement. Et il est entendu que si les termes du Pacte n’étaient pas effectivement protégés par la loi actuelle, les officiels gouvernementaux recevraient copies des jugements. Ils considéreront alors, en collaboration avec le Royaume-Uni, si la législation ou d’autres mesures appropriées doivent être introduites. A Jersey et à Guernesey, tout individu peut faire appel devant une institution d’appel contre une décision administrative, simplement en invoquant les droits énoncés par le Pacte. Dans l’Ile de Man, tout le monde peut soumettre une pétition de doléances devant le Parlement de l’Ile qui est à Tynwald. Et d’autre part, nous aimerions dire que tout le monde peut présenter une pétition à la Reine devant le Conseil de l’Ile.

Concernant la quatrième question, qui demande que nous fournissions les informations relatives au Pacte au Gouvernement, aux officiels, aux écoles, aux juges, aux avocats et aux fonctionnaires, nous répondrons en disant que la formation aux respects des droits de l’homme se focalise en ce moment sur une préparation en vue de promulguer tous les Actes des droits de l’homme. Les officiers de la Couronne, les juges, les magistrats, les officiers de police et les autres fonctionnaires reçoivent à cet effet des cours et des séminaires en Angleterre. Ces cours font largement référence au contexte international dans lequel s’inscrit le Pacte.

Pour répondre à la cinquième question, relative aux actions qui ont été prises pour assurer la dissémination des informations sur la soumission des 4ème et 5ème rapports périodiques et leurs considérations par le Comité, ces rapports ont été largement publiés et distribués dans les trois Iles. Nous aimerions aussi informer le Comité que le 5ème rapport sur les Iles est disponible sur le site Internet du Ministère de l’intérieur, accessible au grand public.

M. William Bailhache, Procureur général de Sa Majesté britannique à Jersey, a déclaré que, pour ce qui est de l’éventuelle existence, en droit ou en fait, de toute discrimination fondée sur le sexe ou un handicap, en particulier dans le domaine de l'emploi, l’administration de Jersey a décidé de concentrer ses mesures sur les questions du salaire minimum et du licenciement abusif plutôt que sur la discrimination. Il a attribué cette décision au fait que le plein emploi règne dans l’Ile et que l’emploi y est fortement féminisé. Il a indiqué que 58 % des femmes âgées de plus de 16 ans sont actives professionnellement. L’administration de l’Ile employait, au 1er janvier 2000, 1170 femmes pour 793 hommes dans la fonction publique. Dans le secteur privé, la “Law society” compte 42 femmes parmi ses 178 membres et il y a 95 femmes parmi les 532 comptables.

En ce qui concerne l'élaboration d'une nouvelle loi sur les affaires matrimoniales dont il avait été fait état dans le quatrième rapport, le représentant a déclaré qu'il avait été décidé de ne pas procéder à ce projet mais qu'une nouvelle loi sur les enfants (Children’s Law) fera autorité lorsqu’elle aura été promulguée en cas de dissolution du mariage, garantissant l'égalité des conjoints et renforçant la protection des enfants. Pour ce qui est de l’éventuelle différence de traitement entre enfant légitime et illégitime, le représentant a indiqué qu’en vertu du droit coutumier de Jersey, le père a un droit de garde et une obligation alimentaire à l’égard de l’enfant légitime et la mère à l’égard de l’enfant illégitime. Le projet de loi sur les enfants, attribuera à la mère une responsabilité parentale envers l’enfant illégitime. Le père pourra acquérir une responsabilité conjointe en accord avec la mère ou par un Ordre de la Cour. A l’heure actuelle, les droits d’héritier des enfants illégitimes sont restreints. Le Comité de législation examine la possibilité de donner des droits en tout point égaux aux enfants illégitimes et légitimes.

En ce qui concerne les dérogations et le droit à la liberté et à la sécurité de la personne, le représentant a indiqué que Jersey a élaboré, en 1995, une loi de prévention du terrorisme qui a été approuvée en 1996. Des dispositions de détention prolongée sans accusation pouvant excéder les 48 heures et aller jusqu’à 5 jours, existent mais elles n’ont pas été utilisées à Jersey. Du fait de leur emplacement dans une zone de grande circulation, les Iles Anglo-Normandes

doivent se prémunir contre le terrorisme. Aux termes de la nouvelle loi sur le terrorisme qui est en cours d’élaboration au Parlement du Royaume-Uni, la détention préventive prolongée dépendrait d’une autorité judiciaire. Si cette loi était adoptée, le Royaume-Uni lèverait sa dérogation à l’article 4 du Pacte. Par ailleurs, les lois du Royaume-Uni prévoient que l’âge du consentement pour les activités hétérosexuelles est de 16 ans et de 18 ans pour les activités homosexuelles. Il n’est pas prévu que l’âge du consentement pour les activités homosexuelles soit abaissé à 16 ans à Jersey.

M. GEOFF ROWLAND, Procureur de sa Majesté britannique à Guernesey, répondant à la question sur les mesures qui ont été prises à Guernesey, suite à la l’instruction donnée en 1993 aux Etats parties de prendre toutes mesures raisonnables en vue d’identifier et éliminer toute discrimination contre les femmes dans les lois ou la pratique, et de soumettre des propositions dans ce sens, M. Rowland a dit qu’en mars 1996, le Comité du Conseil et des finances de l’Ile, a demandé à tous les départements de son gouvernement d’identifier toutes les mesures prises pour relever les discriminations contre les femmes. En 1996, le Parlement de Guernesey a aussi examiné un rapport couvrant toutes les questions concernant la discrimination fondée sur le sexe dans le domaine du travail. Ce rapport a été accepté et une loi contre ces discriminations a été élaborée qui interdit toute discrimination fondée sur le sexe ou le statut marital dans le domaine de l'emploi.

Quant à la question, qui demande des informations sur le système de succession héréditaire à Sark, où les biens immobiliers sont transmis au fils aîné, une loi sur la propriété foncière et immobilière a été passée en 1999 et a pris effet le 19 janvier 2000. Elle abolit toutes les règles juridiques ou coutumières qui donnaient la préférence aux hommes en matière de succession. Sous cette nouvelle loi, les hommes et les femmes sont traités sur un pied d’égalité. Concernant la question numéro 17, concernant les services confidentiels mentionnés au paragraphe 6 du cinquième rapport et leur usage, nous dirons, a poursuivi M. Rowland, que ces services, fournis par le Bureau de conseil des citoyens de Guernesey ont été établis en 1998. Ils reçoivent les plaintes des femmes sur les discriminations dont elles sont victimes et leur donnent des conseils à cet égard. D’avril 1998 a décembre 1999, neuf plaintes ont ainsi été reçues, toutes liées à la situation de l’emploi. Et le Bureau est satisfait que ces quatre plaintes soient aujourd’hui traitées dans le cadre de la Loi sur l’emploi à Guernesey.

Enfin, a poursuivi le représentant, concernant la dix-septième question, qui demande des informations sur la manière dont les garanties contenues dans l’article 18 sont assurées dans le domaine de l’éducation, nous vous répondrons que Sark a une seule école de 40 élèves. Elle est divisée en trois classes, et la loi sur l’éducation à Guernesey stipule que des installations raisonnables doivent être disponibles en matière d’enseignement religieux. Les instituteurs ne doivent pas être objet de discrimination du fait de leur religion et les élèves ne peuvent pas être forcés de prendre part à des cours de religion.

M. JOHN CORLETT, Procureur général de l’Ile de Man, répondant à une question concernant “les règles spéciales conçues pour faire respecter la discipline en prison” mentionnées au paragraphe 39 du rapport et les “lois et procédures” que le Gouvernement peut juger nécessaire d’adopter à cette fin, a indiqué que la discipline en prison est régie par les dispositions de la Loi sur les prisons de 1965, amendée en 1984. De nouvelles dispositions en cours d’élaboration

s’appliqueront à la discipline et au contrôle des détenus. Les droits des détenus accusés d’enfreindre les règles disciplinaires carcérales sont protégés par les règlements des prisons. Les accusations d’infractions graves, telle que l’évasion, font l’objet d’une enquête policière et, dans ce cas, le détenu a droit à une représentation juridique. Il existe un Conseil des visites (Board of visitors) qui reçoit les plaintes des détenus et les transmet au Département des affaires internes. Chacun de ses membres peut visiter la prison à tout moment.

Pour ce qui est de la séparation entre les délinquants juvéniles et les adultes, le représentant a affirmé que la Loi sur la détention de 1995 prévoit que les hommes âgés de moins de 21 ans doivent être détenus séparément des détenus âgés de plus de 21 ans. Dans la pratique, ces détenus sont réunis lors des services religieux, dans le cadre de la formation et des visites. Les délinquants “juvéniles”, âgés de moins de 17 ans, sont toujours séparés des jeunes adultes, âgés de 17 à 20 ans, et des adultes, âgés de 21 ans.

En ce qui concerne le droit à une indemnisation en cas d’arrestation ou de détention arbitraire, le représentant a déclaré que jusqu’à aujourd’hui, il a été versé de compensation dans un cas seulement, en 1998, pour sentence abusive. Deux demandes de compensation sont en cours de jugement.

Dans l’Ile de Man la liberté de religion est garantie grâce à la loi de 1949 sur l’éducation qui tient compte des vœux des parents. Toute plainte peut être soumise au Département de l’éducation. Le Département a reçu quatre plaintes entre 1996 et 1998, et quatre autres en 1999, mais aucune ne concernait le droit à l’éducation et la liberté de religion. Si des plaintes relatives à ces questions se révélaient exactes, le Département de l’éducation les traiterait comme un problème disciplinaire relevant du professeur principal (head teacher).

Pour ce qui est de la liberté d’association, le représentant a souligné que la seule restriction en cette matière s’applique aux membres des services de police qui peuvent toutefois faire partie de la Fédération de la Police. Cette association représente les intérêts des policiers, à l’exclusion des questions liées à la discipline, aux nominations et aux promotions.

Pour ce qui est du droit d’accéder aux charges publiques, et plus particulièrement de la représentation des hommes et des femmes dans les jurys, le représentant a déclaré que toute personne peut être appelée à être membre d’un jury depuis 1980. Par ailleurs, le Royaume-Uni a annoncé au Secrétaire général, le 2 février 1993, son intention de retirer sa réserve à l’article 25 alinéa c) du Pacte qui dispose notamment que tout citoyen a le droit et la possibilité, sans aucune des discriminations interdites par le Pacte et sans restrictions déraisonnables, de prendre part à la direction des affaires publiques.

Dans l’Ile de Man, une partie de la législation interdit déjà le licenciement fondé sur la race. Les questions relatives à la discrimination raciale en général feront prochainement l’objet d’une loi intitulée “Racial discrimination Bill”. Une loi de 1948 restreignant certains droits des citoyens non britanniques sera très prochainement rejetée.

Questions des experts du Comité

M. ECKART KLEIN, expert de l'Allemagne, a fait remarquer que la Convention européenne n’est pas identique au Pacte sur de nombreux points. La préoccupation du Comité ne trouve donc pas satisfaction dans la réponse selon laquelle l'incorporation de la Convention européenne dans le droit interne des Iles est suffisante. D’autre part, la Cour européenne de Luxembourg et les articles de la Convention européenne influencent le rendu des décisions de justice dans le cadre des législations nationales des pays de l’Union. Le Comité aimerait savoir quel est l’impact de ces législations sur la mise en œuvre des termes du Pacte dans les Iles. Le Comité aimerait aussi savoir quel est le niveau d’indépendance des Conseils d’examen auxquels il est fait référence dans les rapports. Quant aux mesures prises contre la discrimination raciale, quelle est la législation pertinente et comment se présente la situation actuelle en la matière dans les Iles? Le Royaume-Uni a signé des textes internationaux sur la question, mais la discrimination y est-elle réellement interdite par des lois spécifiques?

M. ROMAN WIERUSZEWSKI, expert de la Pologne, a estimé que les réponses apportées étaient insuffisantes concernant par exemple la question de la discrimination et celle de la situation des enfants nés de couples non liés par le mariage. Il y a très peu d’informations globalement, et on se rend compte que les ONG et autres acteurs non gouvernementaux n’ont pas été invités à prendre part à la rédaction des rapports. Le Comité aurait aimé voir s’instaurer ce dialogue. Les femmes ont-elles réellement un statut d’égalité par rapport aux hommes dans ces Iles? La composition même de la délégation du Royaume-Uni montre que le chemin à parcourir pour arriver à la parité est encore long, et il doit en être de même dans les trois territoires dont il est question dans les rapports, a dit M. Wieruszewski, qui a demandé si les châtiments corporels avaient été éliminés des écoles dans ces territoires?

M. MAXWELL YALDEN, expert du Canada, a demandé s’il existe un Bureau de médiateur (Ombudsman) pour les trois territoires? Ou alors y a-t-il une Commission des droits de l’homme ou toute autre structure de même nature? Le rapport relatif à Jersey mentionne les activités homosexuelles et hétérosexuelles et dit que l’exemple du Royaume-Uni sera suivi en la matière, a-t-il relevé. Le Comité pourrait-il avoir des précisions sur ce point? On dit aussi qu’il n’y pas de restrictions en ce qui concerne des déclarations “blasphématoires”. La délégation pourrait-elle définir ce terme? Concernant l’Ile de Man, où en est-on en ce qui concerne la discrimination fondée sur le sexe des individus? a demandé l’expert.

Mme ELIZABETH EVATT, experte de l'Australie, a noté que les autorités des trois Iles s’attachent en priorité à incorporer les dispositions de la Convention européenne des droits de l’homme dans les lois. Elle a souhaité savoir si l’on envisage d’étendre la législation en ce qui concerne la protection générale contre la discrimination, qui n’est pas couverte par la Convention. Elle s’est dite préoccupée de ce que les autorités de Jersey n’offrent pas une formation dans le domaine des droits de l’homme aux fonctionnaires, enseignants, juges, avocats et policiers. Elle a préconisé que l’on parle d’enfants “nés hors des liens du mariage” plutôt que d’enfants illégitimes”.

M. NISUKE ANDO, expert du Japon, a demandé des précisions sur les textes réglementant l'héritage à Jersey. Il a souhaité avoir des informations supplémentaires sur la détention psychiatrique obligatoire à Guernesey. L’Expert a demandé en quoi consistent les critères de détention des jeunes adultes. Il a demandé des précisions sur la loi sur les jeunes et les enfants de 1979. L’Expert a demandé s’il y a des différences de traitement des enfants en fonction du sexe et de l’ordre de naissance. Au sujet de la séparation des mineurs des adultes dans les prisons, M. Ando a souhaité avoir des renseignements supplémentaires sur la situation dans la pratique.

Mme CHRISTINE CHANET, experte de la France, a abordé la question de l’incorporation du Pacte et de sa place dans la législation britannique. Elle a noté que l’incorporation de la Convention européenne est envisagée mais pas celle du Pacte. Elle a souhaité savoir quels sont les arguments juridiques qui ont motivé cette différence, notamment lorsque la Cour de Luxembourg applique à la fois la Convention et le Pacte. En ce qui concerne la discrimination à l’égard des femmes à Jersey, l’Experte a demandé quels ont été les résultats de la consultation suivie de l’élaboration d’un code de conduite. Elle a attiré l’attention de la délégation sur le fait que l’article 11 du Pacte interdit l’emprisonnement pour non-exécution d’une obligation contractuelle que l’on ne peut pas remplir. L'experte a suggéré l'élaboration d'une loi distinguant l’organisation frauduleuse de l’insolvabilité et la réelle impossibilité à remplir une obligation contractuelle ce qui permettrait au Royaume-Uni de lever sa réserve à cette disposition du Pacte. Pour ce qui est de la durée de la garde à vue à Jersey, Mme Chanet a demandé si la nouvelle loi prévoira la limitation de sa durée. Elle a affirmé avoir eu l’impression qu’il n’y a pas eu de grands progrès pour garantir l'égalité de statut aux hommes et aux femmes dans les affaires matrimoniales. Elle s’est associée à Mme Evatt pour préconiser l’abandon du terme “enfant illégitime”.

M. HIPOLITO SOLARI YRIGOYEN, expert de l'Argentine, a regretté que le Pacte ne soit pas incorporé dans la législation des Iles. La distinction entre enfants illégitimes et légitimes est contraire en termes de dénomination et de droits conférés aux dispositions du Pacte. Il a souhaité recevoir des informations supplémentaires sur la discrimination dans les Iles. Il a dit ne pas avoir très bien compris dans quelle mesure la loi sur le terrorisme est compatible avec les dispositions du Pacte, en particulier pour ce qui est de la garde à vue prolongée. L’Expert s’est particulièrement inquiété de la liberté de religion dans le cadre de l’éducation. Il a noté que dans l’Ile de Sark, à Guernesey, les biens échoient au fils aîné, ce qui est contraire aux dispositions du Pacte. Il a également noté que l’Ile de Man n’a pas introduit de législation pénale rétroactive ce qui, dans la version espagnole du rapport, sous-entendrait que cette mesure est envisagée.

M. MARTIN SCHEININ, expert de la Finlande, a demandé si le Royaume-Uni avait prévu des conséquences non intentionnelles de l’incorporation de la Convention européenne dans la législation interne, ainsi n’y a-t-il pas des risques que l’incorporation de la Convention européenne ne gêne celle du Pacte? Concernant la question de liberté religieuse, il faudrait s’assurer qu’à Jersey l’enseignement de toutes les religions reçoive la même protection de la part des autorités, a dit M. Scheinin. Quant à l’Ile de Man, quelle est son attitude sur l’interdiction de la torture? Car on s’aperçoit que certaines procédures pénitentiaires ne répondent pas aux exigences du Pacte. Concernant toujours cette Ile, on se pose des questions sur l’application de l’article 25. Le droit à la démocratie est-il réellement respecté dans les territoires? Et à Jersey, quelles sont les mesures prévues pour

assurer la transparence du système électoral? Concernant Guernesey, y a-t-il un processus en cours pour qu’à Sark, tout le monde ait le droit de vote? Les étrangers n’y ont pas à ce jour ce droit, Jersey pour sa part autorisant le vote seulement aux sujets britanniques et à ceux de la République d’Irlande. Quant à l’Ile de Man pense-t-on, a demandé l’Expert, à y préserver le droit de participation électorale pour tous?

M. ABDELFATTAH AMOR, expert de la Tunisie, a voulu obtenir des détails sur la mixité dans les écoles de Guernesey, publiques et privées. Au paragraphe 32, on parle de liberté d’instruction religieuse et de culte, a-t-il poursuivi. Cette instruction religieuse se limite-t-elle à l’enseignement des dogmes? Et de quelles religions parle-t-on? Y a-t-il également égalité de traitement entre toutes les fois religieuses? Concernant le mariage, il est dit dans le rapport qu’il peut être célébré dans les églises. N’y a-t-il donc que des mariages religieux et pas de mariages civils? Le fait que l’Etat soutienne l’enseignement de la religion la plus pratiquée ne fait-il pas craindre qu’à Guernesey et à Man existent des formes de discriminations envers les autres religions?

Mme PILAR GAITAN DE POMBO, experte de la Colombie, a estimé que le statut du Pacte dans la législation britannique n’était pas clair.

M. RAJSOOMER LALLAH, expert de Maurice, a déploré que seule l’incorporation de la Convention européenne des droits de l’homme ait fait l’objet de l’attention du Royaume-Uni. Le Pacte est un texte essentiel de la communauté internationale, a-t-il estimé, et les pays qui sont à la pointe de la défense des droits de l’homme devraient sans doute montrer l’exemple en l’appliquant. Quelles ont les lois qui régissent l’emprisonnement pour dettes dans les dépendances de la Couronne, a demandé M. Lallah? Quelle est la fréquence de cette peine de prison pour dette?

M. LOUIS HENKIN, expert des Etats-Unis, a fait part de sa préoccupation en ce qui concerne l’instruction religieuse et cultuelle dans les écoles. Il a aussi estimé que l’intégration du Pacte dans la législation des Etats parties était importante. Il ne faudrait pas penser, a dit M. Henkin que les termes du Pacte peuvent imposer des normes de participation électorale aux Etats. Quelle est d’autre part la durée prévue du processus d’élaboration de lois contre la discrimination? Aura-t-on une chance de voir ces textes lors de la présentation du 6ème rapport? Et la délégation pourrait-elle établir avec le Comité un processus de suivi sur cette question? La Convention européenne des droits de l’homme, et le Pacte ne sont pas de même nature, a dit M. Henkin, qui a demandé si le Royaume-Uni envisage de ratifier les Protocoles se rapportant au Pacte? Ceci pourrait être souhaitable au vu de l’évolution actuelle de l’Europe, a-t-il estimé. D’autre part les citoyens du Royaume-Uni connaissent-ils vraiment leurs voies de recours? a demandé l’Expert, qui a ensuite dit qu’il serait utile que le Royaume-Uni et ses dépendances s’impliquent davantage dans le régime du Pacte.

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