LA DELEGATION DU CONGO INVITE LES EXPERTS A ANALYSER LA SITUATION DES DROITS DE L'HOMME EN TENANT COMPTE DE SON EVOLUTION CONTINUE
Communiqué de Presse
DH/259
LA DELEGATION DU CONGO INVITE LES EXPERTS A ANALYSER LA SITUATION DES DROITS DE LHOMME EN TENANT COMPTE DE SON EVOLUTION CONTINUE
20000314Les experts estiment quil nexiste pas encore de cadre juridique pour protéger ces droits
Répondant aux questions soulevées depuis hier par les experts, le représentant permanent de la république du Congo auprès des Nations Unies, M. Basile Ikouebé, a invité le Comité à faire preuve de réalisme et à prendre en considération dans son analyse de lévolution continue de la situation des droits de lhomme sur le terrain.
Si lapplication des textes visant à protéger les droits de la personne se heurte à certaines difficultés, celles-ci ne sont pas le fait du Gouvernement et des autorités congolaises, mais sont plutôt dues à la lenteur du nécessaire changement de mentalités et à des insuffisances sur le plan matériel, a dit M. Ikouebé.
En réponse aux accusations de viols portées contre les troupes angolaises sur son territoire, la délégation de la République du Congo a affirmé que ces crimes avaient été commis par des Congolais et sest élevée contre le fait que le Comité ait semblé reprendre des accusations proférées par les opposants au Gouvernement en place à Brazzaville.
En conclusion de lexamen de ce deuxième rapport de la République du Congo, le Comité a reconnu la difficulté de faire le point sur la situation des droits de lhomme dans un pays qui sort dun long conflit interne. Il a souhaité cependant que le Gouvernement du Congo respecte lesprit et les normes du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Les experts ont fait part de leurs préoccupations en ce qui concerne limpunité, les faibles avancées des femmes, et les dysfonctions du pouvoir judiciaire, liberté de la presse et la participation de tous les groupes ethniques et sociaux à la vie publique et au dialogue politique en cours au Congo. Le Comité a exprimé son soutien aux efforts déployés sur la république du Congo sur la voie de la Démocratie et a souligné quil était nécessaire de promouvoir la défense des droits de lhomme tant dans les textes que dans la pratique.
Le Comité, dont les 18 experts siègent à titre individuel, poursuivra ses travaux cet après-midi à 15 heures en entamant lexamen du document contenant le projet dobservation générale sur les droits qui sont, en vertu du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, non susceptibles de dérogation.
SUITE DE L'EXAMEN DU RAPPORT DE LA REPUBLIQUE DU CONGO (CCPR/C/63/Add.5)
Poursuivant les commentaires des experts, M. PRAFULLACHANDRA NATWARLAL BHAGWATI, Expert de lInde, a déclaré avoir apprécié la franchise avec laquelle la délégation de la République du Congo a répondu aux questions du Comité. Il a toutefois fait remarquer que le rapport du Gouvernement de la République du Congo nest pas à jour du fait des nombreux événements qui sont survenus dans ce pays depuis lélaboration du document présenté. Il a estimé quune mise à jour de la présente mouture eût été souhaitable. LExpert a déclaré que des préoccupations demeurent au sujet de la réalisation des droits de l'homme en République du Congo. La guerre civile qua connu ce pays et la période difficile quil traverse actuellement ne sauraient exonérer les autorités du Congo de leurs obligations en vertu du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, a-t-il souligné.
LExpert a ensuite posé une série de questions portant sur létendue de la participation des femmes aux activités de la société congolaise, notamment dans les domaines de léducation, de lemploi dans les secteurs privé et public, et de la politique. Il a demandé sil existe des organisations non gouvernementales au Congo et si leur coopération est sollicitée par le Gouvernement en vue de promouvoir les droits de lhomme. Il a demandé quelles étaient les mesures prises pour assurer le respect des droits de la femme. LExpert a aussi voulu savoir s'il existait différents groupes ethniques au Congo et s'ils étaient représentés dans un forum national, par exemple dans le Conseil des 75. En ce qui concerne les dispositions du Pacte, lExpert a souhaité savoir si elles peuvent être invoquées directement devant les tribunaux, et dans combien de cas cela sest fait. Il a demandé dans combien de cas la peine capitale avait été appliquée. LExpert a également souhaité obtenir des précisions sur la manière dont la République du Congo applique lArticle 9 paragraphe 5 du Pacte, selon lequel tout individu victime darrestation ou de détention illégale a droit à réparation.
Réponses de la délégation de la République du Congo aux questions du Comité
Répondant aux commentaires et questions des experts, M. BASILE IKOUEBE, Représentant permanent de la République du Congo auprès des Nations Unies, a déclaré que le Gouvernement congolais ne voulait pas transformer les malheurs qui se sont produits au Congo en « fonds de commerce diplomatique » au profit du Gouvernement. De ce fait, il ne serait pas de bon goût de pointer du doigt les parties au conflit congolais absentes de cette salle. Tout Congolais a souffert dans sa chair de ce qui sest passé. M. Amor, Expert de la Tunisie, a évoqué hier, a dit le représentant, un divorce entre la réalité sur le terrain et les textes présentés par la délégation. Il a raison, en un certain sens, mais il faut être conscient du fait que ce divorce vient sans doute de la difficulté dappliquer de nouvelles lois dans un milieu où les changements de mentalité, de culture et de comportement ne peuvent se produire du jour au lendemain.
Le Représentant a dit quà son avis, il y a avait surtout un divorce entre la situation telle quelle existe aujourdhui dans son pays et lexamen qui en est fait. Il a noté que lorsquil décrivait une situation actuelle, on lui répondait par exemple par la citation dune interview qui datait de plusieurs mois ou années. Il a répété que la situation avait évolué dans un contexte de guerre difficile dans lequel lEtat est parfois impuissant à faire respecter les droits de lhomme. Le passé ne minterdit pas de dire aujourdhui quil ny a plus un seul prisonnier politique, a-t-il affirmé, en invitant les experts à faire une analyse tenant compte de lévolution de la situation. Une question a été posée sur la réaction de lOUA à laccord signé avec les miliciens. Ce matin, le Ministre des affaires étrangères qui vient de participer à une conférence à Addis Abeba a envoyé la résolution adoptée à ce sujet par lOUA, qui a été distribuée au comité. Des questions ont été posées sur le désarmement et lintégration des miliciens. Le Ministre des affaires étrangères a saisi les Nations Unies qui ont un Centre régional à Lomé pour le désarmement et la paix. Il sest entretenu avec le Département des affaires politiques ici, et il lui a été demandé dintroduire une requête. Les Nations Unies vont aider le Congo à procéder au désarmement et à la réinsertion sociale. Voila des choses qui bougent. Le représentant a déclaré quil avait également fait distribuer un document sur ce sujet qui lui avait été transmis par son Ministre.
Un membre a parlé hier des élections programmées en 1997, puis dun coup détat constitutionnel a poursuivi le représentant. Vous avez des systèmes qui peuvent être instaurés par la voie la plus légale, cest-à-dire celle des urnes. Le pouvoir sinstalle et puis il verrouille le système. Il trouve tous les alibis possibles pour empêcher toute évolution. Nous étions, en juin 97, à sept semaines de lélection présidentielle dont le premier tour était prévu pour le 27 juillet. Mais nous navions pas encore fini de mettre en place les institutions prévues par la Constitution. Et parmi ces institutions, lune, qui est fondamentale pour les élections, cest-à-dire le Conseil constitutionnel, qui a finalement été mis en place pendant la guerre et dont le rôle sest limité à une seule réunion, pour prolonger le mandat du Président. Donc, pas de Conseil constitutionnel, pas de recensement administratif. Nous navions pas encore affiché les listes des électeurs ni distribué les cartes électorales. En réalité, le système était verrouillé. A la place des élections, ce sont des chars qui ont été envoyés à 4 heures du matin au domicile dun ancien Président, candidat lui aussi, pour, semble-t-il, chercher deux bandits qui se seraient réfugiés chez lui. Non, il ny avait pas de rébellion. Cétait une attaque gouvernementale contre un candidat, dont les partisans ont réagi et le pays sest enflammé. La menace pesant, lancien Directeur de lUNESCO, Federico Mayor, sest présenté personnellement pour faire signer à tous les protagonistes un accord pour veiller au bon déroulement des élections et pour empêcher toute violence. Cet accord a été signé le 31 mai et le 5 juin la guerre a été déclenchée. Celui que certains présentent comme un rebelle était Président jusquen 1992. Il sest présenté aux élections, il a perdu. Il sest retiré. Le fait est très rare.
Quelle est la légitimité des conférences nationales ? a ensuite interrogé le Représentant. Il ny avait alors au Congo aucun texte qui définissait les critères pour créer un parti. Cest M. Sassou Nguesso qui a choisi de faire participer Pascal Lissouba, alors fonctionnaire à la retraite de lUNESCO, et André Milongo, fonctionnaire sortant à la Banque mondiale, au processus de changement politique au Congo. Plus récemment, les échéances électorales nont pu être tenues à cause de la guerre. A preuve, les images que lon voit de ces groupes humains qui ont passé huit mois cachés au fond des forêts et dont nous prenons soin aujourdhui avec laide de certaines organisations humanitaires internationales.
Concernant les questions relatives à lamnistie, M. Ikouebé a fait remarquer que le Congo a signé très rapidement le statut de la Cour pénale internationale, estimant que cétait un bon instrument pour mettre fin à limpunité. Le Gouvernement a même été jusquà parler que soient reconnu le crime de génocide. En effet, lors du conflit, on a constaté que des groupes armés massacraient certains groupes de population et certains individus du seul fait de leur origine ethnique ou de leur langue. Aujourdhui, la communauté internationale veut à la fois que nous intégrions tout le monde dans le processus national de paix et de réconciliation et que nous punissions tous les auteurs de crimes tout en assurant le retour à la paix et à la concorde. Nous sommes daccord sur ces deux points, mais la mise en oeuvre de telles politiques nest pas facile. Faudrait-il recourir à des procès collectifs pour prouver que lon rend justice, a interrogé le représentant
Des viols se sont produits et nous réitérons notre engagement à trouver les auteurs de ces crimes et les punir, a-t-il poursuivi. Il ny a pas de manoeuvre déguisée du Gouvernement congolais pour protéger les éléments proches du pouvoir. Les auteurs des crimes ne peuvent souvent pas être identifiés. Il est facile de parler de la responsabilité de lEtat à gérer les événements et lapplication des lois. Mais la réalité est autre sur le terrain. Les forces de maintien de lordre, contrairement à ce quon affirme, ne tuent pas de façon non-discriminatoire dans un esprit de revanche. Ce ne sont pas des règlements de compte. Cest lEtat qui veut faire appliquer la loi et qui fait face à des bandes armées. Ailleurs on appelle cela des bavures. Nous connaissons des pays où la police peut tirer 41 balles sur un individu non armé et être absoute par la justice au nom de lautodéfense.
M. Ikouebé a ensuite souligné que le Congo a besoin aujourdhui de réformer son armée et quil ne serait pas logique dy réinsérer tous les ex- miliciens. Tous ne sont certes pas irrécupérables, mais nous pensons quils ont besoin d'une formation civique et de soins psychologiques qui leur feraient voir la réalité au-delà de leur seule allégeance ethnique. Cest la condition de leur réintégration. Le pari nest pas gagné davance. Quant au retour des personnes déplacées, les problèmes qui se posent viennent surtout de la méfiance des groupes qui se sont réfugiés au fond des forêts et dont beaucoup ne croient toujours pas à la fin de la guerre civile. Il est difficile dévaluer le nombre de personnes qui demeurent encore dans ces forêts et nous aurons besoin dune longue campagne dexplication et de persuasion pour faire admettre à tous la fin du conflit, a dit M. Ikouebé. Les gens rentrent, certains directement dans leurs villages. LAccord a été signé le 29 décembre. Le processus de retour est en cours.
Le représentant a souligné qu'il est permis à tout Etat dassurer sa défense en prenant les mesures et en signant les accords qui lui conviennent. Les liens avec le gouvernement de lAngola étaient donc légitimes. Nous avons gardé des éléments pour lencadrement de notre armée. La République du Congo n'acceptera pas que lon mette en cause la présence militaire angolaise en laccusant davoir participé à des crimes contre la population. Les viols de femmes nont jamais été commis par des troupes angolaises. Ces crimes ont été perpétrés par des Congolais, et les accusations contre les troupes angolaises ont été montées de toutes pièces par lopposition congolaise. Les troupes angolaises, aussi bien en République du Congo, en République démocratique du Congo, que chez elles dans leur lutte contre lUNITA, nont jamais auparavant été accusées de tels crimes. Le représenant a affirmé le droit de son pays de ne pas fournir le chiffre des éléments angolais qui demeurent encore. Sinon, on me demanderait ensuite combien dinstructeurs français aident à réorganiser la gendarmerie et la garde républicaine, a-t-il ajouté. Les troupes angolaises, qui sont cantonnées dans des casernes, ne quitteront la République du Congo que le jour où les deux gouvernements concernés en conviendront.
Mme REBECCA OBA-OMOALI, Directrice des droits de l'homme au Ministère de la justice et substitut du Procureur de la République, a affirmé que la délégation avait décrit objectivement ce qui se passe sur le terrain. Il nest pas question de cacher quoi que ce soit sur la situation des droits de l'homme dans notre pays, a-t-elle ajouté. Nous savons que les violations des droits de lhomme ont été à lorigine des guerres que nous avons vécues successivement. Elle a déclaré quil y avait eu violation des droits de l'homme lorsque M. Pascal Lissouba, alors Président, avait envoyé à cinq heures du matin des soldats armés de blindés chez M. Sassou Nguesso, ex-Président de la République devenu simple citoyen, sans mandat ni de dépôt, ni darrêt, en violation des dispositions du Code pénal.
En ce qui concerne les organisations non gouvernementales (ONG), Mme Oba-Omoali a déclaré que le rapport de la Fédération internationale des droits de l'homme (FIDH), datant de juin 1999, intitulé « Congo Brazzaville : larbitraire de lEtat, la terreur des milices », contenait en plusieurs endroits des informations inexactes. Ces informations sujettes à caution ont été portées à l'attention de la FIDH. Elle a assuré qu'aucune poursuite judiciaire ou arrestation arbitraire navait été menée contre un défenseur des droits de l'homme. La représentante a aussi affirmé que le Président de lObservatoire congolais des droits de l'homme (OCDH), M. Mouenzeo, navait jamais été inquiété, bien que son cas, et uniquement le sien, soit fréquemment soulevé devant le Gouvernement congolais. Il faut respecter le principe contradictoire qui est vraiment fondamental.
Evoquant les dispositions damnistie, la représentante a souligné que le Congo se trouve dans une situation dextrême urgence et a besoin, à tout prix, de la paix. Elle a comparé ces dispositions à la création de la commission de vérité et réconciliation mise en place en Afrique du Sud. Cette amnistie contribue au rétablissement de la paix, donc à lélimination de la guerre qui est une violation du droit à la vie, a-t-elle fait valoir. La représentante a expliqué que le Congo avait voulu se donner les moyens de mettre fin à la guerre par une décision exceptionnelle, dont l'objectif, à savoir la paix, est noble. Elle a appelé le Comité à louer cette initiative plutôt que la critiquer.
En ce qui concerne la prévalence du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, la représentante a souligné que lautorité juridique des traités ratifiés par le Congo est sans ambiguïté. Larticle 81 de lActe fondamental est relatif aux traités bilatéraux essentiellement. Le Pacte fait bien partie de larsenal juridique du Congo; il est appliqué dans les juridictions et invoqué par les avocats devant les tribunaux, a-t-elle ajouté.
Pour ce qui est de lindépendance de la magistrature, la représentante a indiqué quelle est stipulée dans lArticle 82 de lActe fondamental. Le Conseil supérieur de la Magistrature qui est, en principe, chargé de veiller à lindépendance de la magistrature, na pas encore été mis en place. Les magistrats du Siège et du Parquet sont nommés par le Président de la République sur proposition du Garde des Sceaux et non pas en Conseil des Ministres. Le Président de la République intervient en tant que Président du Conseil supérieur de la Magistrature. En matière disciplinaire, à lheure actuelle, le Conseil supérieur de la Magistrature est remplacé par une commission de discipline qui siège sur la saisine de tout justiciable. Elle est composée notamment du Président de la Cour Suprême, le Procureur général auprès de la dite Cour, le Procureur général près la Cour dappel. Elle a sanctionné cinq magistrats depuis 1997. Aucun magistrat na fait lobjet de menaces de la part dhommes politiques, a-t-elle assuré. Le Gouvernement sest employé à doter les magistrats de la Cour suprême de conditions matérielles particulièrement avantageuses dans lexercice de leur profession. Les autres magistrats reçoivent également un traitement avantageux.
En ce qui concerne les délais de garde à vue et la détention préventive dans les commissariats, la représentante a assuré le Comité que plusieurs contrôles avaient été organisés dans les commissariats. Elle a annoncé par ailleurs quune Commission nationale des droits de l'homme allait être mise en place avant la fin de lan 2000.
En ce qui concerne les conditions dincarcération, Mme Oba-Omoali a déclaré que des contrôles avaient lieu régulièrement dans la maison darrêt centrale de Brazzaville qui a été réhabilitée il y a six mois. En février 2000, on y comptait 109 détenus, alors quelle a la capacité den contenir 450. Cette maison darrêt est divisée en plusieurs quartiers, en fonction de lâge et du sexe des détenus, ainsi que du type de peine. La sécurité de la prison est cependant déficiente du fait de manque de personnel, a déclaré la représentante. La maison darrêt de Pointe Noire souffre dot être réhabilitée et il est facile de sen évader, a déploré la représentante. Les détenus condamnés pour des crimes graves sont donc détenus au commissariat.
Mme Oba-Omoali a affirmé quil nexistait pas de camps de détention privés à Brazzaville. Pendant la guerre de 1997, des officiers ont capturés et gardés à la Direction de la sécurité du territoire (DST) pour des raisons de sécurité de lEtat, et dautres personnes ont été détenues à Pointe Noire, a-t-elle reconnu, mais toutes ces personnes ont été libérées depuis. Il ny a pas eu dexécution capitale depuis de nombreuses années au Congo, a-t-elle affirmé. Elle a ajouté quil ny avait aucun prisonnier politique à Brazzaville.
Mme Oba-Omoali a attribué le dysfonctionnement du système judiciaire au comportement humain. Ce sont certains agents de lEtat qui interviennent aux différentes étapes de la procédure judiciaire qui en sont responsables. Ces agents doivent prendre conscience du concept dindépendance de la justice, a-t- elle admis. Une formation continue du personnel judiciaire, des policiers et même des justiciables est nécessaire pour sensibiliser chaque individu à ce concept ainsi qu'aux dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Un appui technique pour renforcer la formation dans ce domaine complété par un apport financier sont indispensables. Elle a suggéré que des observateurs indépendants se rendent à Brazzaville pour établir un bilan. Certains avocats ne connaissant pas limportance du Pacte, qui est peu invoqué, a-t-elle déploré.
Le principe dégalité entre les hommes et les femmes est affirmé dans les lois, a indiqué Mme Oba-Omoali, mais la représentation des femmes aux postes de décision na pas connu de progrès considérables depuis les Conférences de Dakar et de Beijing. Sur 31 membres du Gouvernement, on compte seulement deux femmes. Cependant, lidée que se font communément les hommes des fonctions que peuvent occuper les femmes évolue et il existe désormais une ministre de la fonction publique, et une ministre de la culture et des arts. Sur 31 ministères, une seule femme est directrice de cabinet, a déclaré la représentante, qui a admis que laccès de la femme aux postes de responsabilité reste difficile.
Au sujet des pratiques coutumières, la représentante a reconnu que certaines font obstacle à lémancipation de la femme et peuvent parfois être qualifiées de violences et voies de fait, par exemple lorsque la belle-famille chasse une veuve et ses enfants. Un débat a été entamé sur la polygamie, mais cette coutume est ancrée dans la société africaine.
Répondant aux préoccupations du Comité sur la liberté de la presse au Congo, elle a affirmé que la pratique du journalisme est libre en République du Congo. Aucun journaliste, ni leader de lopposition, ni responsable ou membre dONG, na jamais été traduit en justice pour diffamation, a-t-elle dit.
Mme Oba-Omoali a affirmé, par ailleurs, que lordre juridique du Congo relatif aux droits des enfants est de nature très protectrice. Elle a rappelé que le Congo avait ratifié la Convention et les textes internationaux relatifs aux droits de lenfant. Il existe un tribunal pour enfants et des procédures judiciaires spéciales pour eux. Les tribunaux pour enfants ont dénormes pouvoirs leur donnant la latitude de faciliter lapplication et la protection des droits des enfants. Quant à lenrôlement des mineurs dans les milices, ces dernières ayant été dissoutes dans le cadre du dialogue national et du retour à la paix, ce problème devrait être réglé.
La représentante a affirmé que tous les Congolais étaient égaux en droit et devant la loi et la justice. Ce principe est reconnu par lActe fondamental. Elle a dautre part expliqué que les Pygmées eux-mêmes ne veulent pas sintégrer au peuple Bantou qui fait lobjet dun traitement spécial dans le cadre dune législation sur les minorités nationales. Le Gouvernement a envoyé une mission détude dans la région de Ouesso, où sont concentrées les populations pygmées, pour trouver des réponses à leurs difficultés dadaptation au cadre de vie national.
M. BASILE IKOUEBE, a affirmé quil ny avait pas vraiment de problèmes ethniques au Congo, mais quil existait un problème de gestion et de partage de lespace du pouvoir public. Concernant la situation des populations pygmées, le gouvernement du Congo est sensible au choix de vie que font les membres de cette «civilisation première», que lon ne peut contraire de force, par des mesures administratives ou arbitraires à se joindre à la vie publique selon un modèle prédéterminé ailleurs.
Nouvelle série de questions des experts
M. ROMAN WIERUSZEWSKI, Expert de la Pologne, a assuré que le Comité était conscient du fait que le contenu du rapport a un certain décalage par rapport à lévolution de la situation sur le terrain. Le Comité ne dispose pas des informations concrètes qui lui permettraient dévaluer la situation actuelle. LExpert s'est dit déçu par la réponse apportée à la question concernant la liberté de la presse. Quelles sont les conditions de création dun journal? Et sil ny a pas eu de poursuites pénales contre des journalistes, il y a eu des procès civils pour diffamation, a-t-il demandé. Concernant les enfants, le Congo a-t-il eu recours aux programmes dassistance technique du HCR en vue de la réinsertion des enfants autrefois enrôlés dans les milices?
M. NATWARLAL BHAGWATI, expert de lInde, a voulu savoir si le droit de recours des citoyens devant la justice était reéllement effectif. Il a aussi demandé si tout travailleur, même étranger, pouvait adhérer à un mouvement syndical. Mme PILAR GAITAN DE POMBO, Experte de la Colombie, a souhaité que le calendrier électoral soit rapidement remis en marche. Il faudrait aussi veiller à mettre en place un système juridique indépendant, seul garant de la crédibilité du processus politique. Elle a demandé si la rédaction du rapport avait fait lobjet dune large coopération au niveau du gouvernement congolais et si les ONG avaient été consultées sur certaines questions. Elle a estimé souhaitable de mettre à profit lexpérience internationale pour résoudre les problèmes relatifs à la réintégration des enfants-soldats dans la société. M. NISUKE ANDO, Expert du Japon, a déclaré que le Comité attendait des réponses à toutes les questions qui restent en suspens, le cas échéant par écrit. Rappelant que la République du Congo maintient sa réserve à larticle 11 du Pacte qui porte sur lemprisonnement pour dette, M. Ando a souhaité savoir si le Gouvernement compte modifier les dispositions juridiques de droit interne dans ce domaine et ensuite retirer la réserve apportée lors de ladhésion au Pacte. Abordant la question de la liberté d'association, lExpert a souhaité savoir si la création de partis politiques représentant une région donnée est autorisée.
M. RAJSOOMER LALLAH, Expert de Maurice, a rendu hommage à la franchise dont a fait preuve la délégation de la République du Congo. Le rapport nayant pas été présenté quand il était dû, en 1990, mais en 1996, et nétant examiné que maintenant, les questions du Comité ont donc porté à la fois sur la période passée et la période présente. Le Comité doit être en mesure de suivre lévolution de la situation depuis 1987, date de lexamen du premier rapport.
M. Abdelfattah Amor, Expert de la Tunisie, a exprimé toute son appréciation du sens de la mesure, de la diplomatie et du savoir-faire manifestés par le Représentant permanent de la République du Congo, dautant plus que ce pays se heurte à des problèmes difficiles à résoudre. Au Congo, le divorce entre le texte et le contexte lui a semblé être une évidence indiscutable. Les droits et principes affirmés se heurtent à la difficulté du quotidien, a-t-il noté. Il sest dit sensible à la manière réaliste et nuancée avec laquelle la délégation a présenté au Comité la situation des droits de l'homme au Congo, notamment en ce qui concerne lindépendance de la magistrature et les conditions de détention. Il est certain que la situation présente est différente de celle du passé. Il a encouragé le Congo à poursuivre ses tentatives pour résoudre ses problèmes et réussir sa transition. En ce qui concerne la valeur et lapplication du Pacte, lExpert a estimé que lignorance des dispositions du Pacte au sein de la population nuisait à son application. Il a souhaité savoir sil y a une seule décision de justice qui a fait référence explicite au Pacte. M. Louis Henkin, Expert des Etats-Unis, a lui aussi exprimé son appréciation pour la franchise de la délégation du Congo. Il sest dit troublé par les dispositions qui permettent que des crimes restent impunis et les victimes ne soient pas indemnisées. Il a regretté que la situation des femmes nait pas été suffisamment évoquée devant le Comité. On ne peut pas développer un pays sans la participation de la moitié de sa population, a-t-il souligné.
Reprenant la parole pour donner des compléments dinformation sur la question de la liberté de la presse, M. BASILE a expliqué que lon avait constaté que la loi qui avait été adoptée est aujourdhui contestée par beaucoup, et le Ministre de la Communication sest engagé à revoir ce texte qui, semble-t-il, est très restrictif. Mme OBA-OMOALI a précisé que cette loi de juillet 1996 stipulait que le Procureur de la République pouvait agir contre un journaliste en cas de menace à lordre public ou lorsquil y avait diffamation. Le Gouvernement actuel du Congo sest proposé cependant de revoir cette loi, estimant quelle présentait, sous certains aspects, des menaces à la liberté dexpression ou de réunion. Le Garde des Sceaux a donné lordre de ne pas lappliquer. Quant à la situation des enfants, le Congo a besoin daide pour pouvoir assurer lassistance aux enfants et leur réinsertion dans la société. Le Gouvernement a élaboré un plan daction en faveur de lenfance, mais na pas de programme en faveur des enfants délinquants et de ceux en danger moral et errant dans les rues. Les structures daccueil font cruellement défaut et une aide dans ce domaine serait la bienvenue, a dit Mme Oba-Omoali. Quant aux questions relatives à la création de partis politiques, elle est régie par la loi dassociation. Mais les lois congolaises stipulent que des enquêtes morales doivent être menées avant que le Ministère de lintérieur ne délivre un récépissé permettant la création dun parti ou dun mouvement. Mais les faits ayant montré que les partis à caractère ethnique ou régional ont été responsables du conflit civil, le Congo envisage de mettre en place de nouveaux textes favorables à la création de mouvements à caractère national plutôt que régional. Insistant sur ce point, M.Ikouebe a éxpliqué que lancienne loi sur la création des partis est fondée sur un texte français de 1901 qui régit la création dassociations.
Concernant le dédommagement des victimes du conflit, il a indiqué que le Congo mène une réflexion sur les mesures qui pourraient être prises pour donner réparation aux personnes lésées, celles ci conservant cependant le droit dintenter des actions individuelles de poursuite contre leurs oppresseurs auprès de la justice.
MME ELIZABETH EVATT, Experte de lAustralie, qui présidait la réunion, a déclaré que le Comité souhaite exprimer son soutien aux efforts déployés par la République du Congo sur la voie de la démocratie et est conscient quil sagit dune période transitoire. Le Comité a fait par de ses nombreuses préoccupations. Lon nobserve pas encore dans ce pays un cadre juridique solide permettant de protéger les droits de l'homme. Le Congo doit promouvoir la défense des droits de lhomme tant dans les textes que dans la pratique. Les membres du Comité sinquiètent des amnisties qui ont été accordées et de ce que les coupables ne soient pas poursuivis. Il y a encore beaucoup de chemin à faire en ce qui concerne la situation des femmes, a-t-elle ajouté.
M.IKOUEBE, a remercié les membres du Comité pour lattention quils ont accordée à son pays. Il a demandé au Comité de comprendre quil y a des circonstances, dans la vie dun pays, où la meilleure volonté ne suffit pas toujours. La loi damnistie constitue une «pilule amère», a souligné le Représentant permanent, mais dans le cadre de la concorde nationale, le Congo est astreint à certaines décisions. Le Congo doit à présent terminer sa période de transition pour aller vers létat de droit et entamer le processus de reconstruction, a-t-il conclu.
* *** *