En cours au Siège de l'ONU

DH/259

LA DELEGATION DU CONGO INVITE LES EXPERTS A ANALYSER LA SITUATION DES DROITS DE L'HOMME EN TENANT COMPTE DE SON EVOLUTION CONTINUE

14 mars 2000


Communiqué de Presse
DH/259


LA DELEGATION DU CONGO INVITE LES EXPERTS A ANALYSER LA SITUATION DES DROITS DE L’HOMME EN TENANT COMPTE DE SON EVOLUTION CONTINUE

20000314

Les experts estiment qu’il n’existe pas encore de cadre juridique pour protéger ces droits

Répondant aux questions soulevées depuis hier par les experts, le représentant permanent de la république du Congo auprès des Nations Unies, M. Basile Ikouebé, a invité le Comité à faire preuve de réalisme et à prendre en considération dans son analyse de l’évolution continue de la situation des droits de l’homme sur le terrain.

Si l’application des textes visant à protéger les droits de la personne se heurte à certaines difficultés, celles-ci ne sont pas le fait du Gouvernement et des autorités congolaises, mais sont plutôt dues à la lenteur du nécessaire changement de mentalités et à des insuffisances sur le plan matériel, a dit M. Ikouebé.

En réponse aux accusations de viols portées contre les troupes angolaises sur son territoire, la délégation de la République du Congo a affirmé que ces crimes avaient été commis par des Congolais et s’est élevée contre le fait que le Comité ait semblé reprendre des accusations proférées par les opposants au Gouvernement en place à Brazzaville.

En conclusion de l’examen de ce deuxième rapport de la République du Congo, le Comité a reconnu la difficulté de faire le point sur la situation des droits de l’homme dans un pays qui sort d’un long conflit interne. Il a souhaité cependant que le Gouvernement du Congo respecte l’esprit et les normes du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Les experts ont fait part de leurs préoccupations en ce qui concerne l’impunité, les faibles avancées des femmes, et les dysfonctions du pouvoir judiciaire, liberté de la presse et la participation de tous les groupes ethniques et sociaux à la vie publique et au dialogue politique en cours au Congo. Le Comité a exprimé son soutien aux efforts déployés sur la république du Congo sur la voie de la Démocratie et a souligné qu’il était nécessaire de promouvoir la défense des droits de l’homme tant dans les textes que dans la pratique.

Le Comité, dont les 18 experts siègent à titre individuel, poursuivra ses travaux cet après-midi à 15 heures en entamant l’examen du document contenant le projet d’observation générale sur les droits qui sont, en vertu du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, non susceptibles de dérogation.

SUITE DE L'EXAMEN DU RAPPORT DE LA REPUBLIQUE DU CONGO (CCPR/C/63/Add.5)

Poursuivant les commentaires des experts, M. PRAFULLACHANDRA NATWARLAL BHAGWATI, Expert de l’Inde, a déclaré avoir apprécié la franchise avec laquelle la délégation de la République du Congo a répondu aux questions du Comité. Il a toutefois fait remarquer que le rapport du Gouvernement de la République du Congo n’est pas à jour du fait des nombreux événements qui sont survenus dans ce pays depuis l’élaboration du document présenté. Il a estimé qu’une mise à jour de la présente mouture eût été souhaitable. L’Expert a déclaré que des préoccupations demeurent au sujet de la réalisation des droits de l'homme en République du Congo. La guerre civile qu’a connu ce pays et la période difficile qu’il traverse actuellement ne sauraient exonérer les autorités du Congo de leurs obligations en vertu du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, a-t-il souligné.

L’Expert a ensuite posé une série de questions portant sur l’étendue de la participation des femmes aux activités de la société congolaise, notamment dans les domaines de l’éducation, de l’emploi dans les secteurs privé et public, et de la politique. Il a demandé s’il existe des organisations non gouvernementales au Congo et si leur coopération est sollicitée par le Gouvernement en vue de promouvoir les droits de l’homme. Il a demandé quelles étaient les mesures prises pour assurer le respect des droits de la femme. L’Expert a aussi voulu savoir s'il existait différents groupes ethniques au Congo et s'ils étaient représentés dans un forum national, par exemple dans le Conseil des 75. En ce qui concerne les dispositions du Pacte, l’Expert a souhaité savoir si elles peuvent être invoquées directement devant les tribunaux, et dans combien de cas cela s’est fait. Il a demandé dans combien de cas la peine capitale avait été appliquée. L’Expert a également souhaité obtenir des précisions sur la manière dont la République du Congo applique l’Article 9 paragraphe 5 du Pacte, selon lequel tout individu victime d’arrestation ou de détention illégale a droit à réparation.

Réponses de la délégation de la République du Congo aux questions du Comité

Répondant aux commentaires et questions des experts, M. BASILE IKOUEBE, Représentant permanent de la République du Congo auprès des Nations Unies, a déclaré que le Gouvernement congolais ne voulait pas transformer les malheurs qui se sont produits au Congo en « fonds de commerce diplomatique » au profit du Gouvernement. De ce fait, il ne serait pas de bon goût de pointer du doigt les parties au conflit congolais absentes de cette salle. Tout Congolais a souffert dans sa chair de ce qui s’est passé. M. Amor, Expert de la Tunisie, a évoqué hier, a dit le représentant, un divorce entre la réalité sur le terrain et les textes présentés par la délégation. Il a raison, en un certain sens, mais il faut être conscient du fait que ce divorce vient sans doute de la difficulté d’appliquer de nouvelles lois dans un milieu où les changements de mentalité, de culture et de comportement ne peuvent se produire du jour au lendemain.

Le Représentant a dit qu’à son avis, il y a avait surtout un divorce entre la situation telle qu’elle existe aujourd’hui dans son pays et l’examen qui en est fait. Il a noté que lorsqu’il décrivait une situation actuelle, on lui répondait par exemple par la citation d’une interview qui datait de plusieurs mois ou années. Il a répété que la situation avait évolué dans un contexte de guerre difficile dans lequel l’Etat est parfois impuissant à faire respecter les droits de l’homme. Le passé ne m’interdit pas de dire aujourd’hui qu’il n’y a plus un seul prisonnier politique, a-t-il affirmé, en invitant les experts à faire une analyse tenant compte de l’évolution de la situation. Une question a été posée sur la réaction de l’OUA à l’accord signé avec les miliciens. Ce matin, le Ministre des affaires étrangères qui vient de participer à une conférence à Addis Abeba a envoyé la résolution adoptée à ce sujet par l’OUA, qui a été distribuée au comité. Des questions ont été posées sur le désarmement et l’intégration des miliciens. Le Ministre des affaires étrangères a saisi les Nations Unies qui ont un Centre régional à Lomé pour le désarmement et la paix. Il s’est entretenu avec le Département des affaires politiques ici, et il lui a été demandé d’introduire une requête. Les Nations Unies vont aider le Congo à procéder au désarmement et à la réinsertion sociale. Voila des choses qui bougent. Le représentant a déclaré qu’il avait également fait distribuer un document sur ce sujet qui lui avait été transmis par son Ministre.

Un membre a parlé hier des élections programmées en 1997, puis d’un coup d’état constitutionnel a poursuivi le représentant. Vous avez des systèmes qui peuvent être instaurés par la voie la plus légale, c’est-à-dire celle des urnes. Le pouvoir s’installe et puis il verrouille le système. Il trouve tous les alibis possibles pour empêcher toute évolution. Nous étions, en juin 97, à sept semaines de l’élection présidentielle dont le premier tour était prévu pour le 27 juillet. Mais nous n’avions pas encore fini de mettre en place les institutions prévues par la Constitution. Et parmi ces institutions, l’une, qui est fondamentale pour les élections, c’est-à-dire le Conseil constitutionnel, qui a finalement été mis en place pendant la guerre et dont le rôle s’est limité à une seule réunion, pour prolonger le mandat du Président. Donc, pas de Conseil constitutionnel, pas de recensement administratif. Nous n’avions pas encore affiché les listes des électeurs ni distribué les cartes électorales. En réalité, le système était verrouillé. A la place des élections, ce sont des chars qui ont été envoyés à 4 heures du matin au domicile d’un ancien Président, candidat lui aussi, pour, semble-t-il, chercher deux bandits qui se seraient réfugiés chez lui. Non, il n’y avait pas de rébellion. C’était une attaque gouvernementale contre un candidat, dont les partisans ont réagi et le pays s’est enflammé. La menace pesant, l’ancien Directeur de l’UNESCO, Federico Mayor, s’est présenté personnellement pour faire signer à tous les protagonistes un accord pour veiller au bon déroulement des élections et pour empêcher toute violence. Cet accord a été signé le 31 mai et le 5 juin la guerre a été déclenchée. Celui que certains présentent comme un rebelle était Président jusqu’en 1992. Il s’est présenté aux élections, il a perdu. Il s’est retiré. Le fait est très rare.

Quelle est la légitimité des conférences nationales ? a ensuite interrogé le Représentant. Il n’y avait alors au Congo aucun texte qui définissait les critères pour créer un parti. C’est M. Sassou Nguesso qui a choisi de faire participer Pascal Lissouba, alors fonctionnaire à la retraite de l’UNESCO, et André Milongo, fonctionnaire sortant à la Banque mondiale, au processus de changement politique au Congo. Plus récemment, les échéances électorales n’ont pu être tenues à cause de la guerre. A preuve, les images que l’on voit de ces groupes humains qui ont passé huit mois cachés au fond des forêts et dont nous prenons soin aujourd’hui avec l’aide de certaines organisations humanitaires internationales.

Concernant les questions relatives à l’amnistie, M. Ikouebé a fait remarquer que le Congo a signé très rapidement le statut de la Cour pénale internationale, estimant que c’était un bon instrument pour mettre fin à l’impunité. Le Gouvernement a même été jusqu’à parler que soient reconnu le crime de génocide. En effet, lors du conflit, on a constaté que des groupes armés massacraient certains groupes de population et certains individus du seul fait de leur origine ethnique ou de leur langue. Aujourd’hui, la communauté internationale veut à la fois que nous intégrions tout le monde dans le processus national de paix et de réconciliation et que nous punissions tous les auteurs de crimes tout en assurant le retour à la paix et à la concorde. Nous sommes d’accord sur ces deux points, mais la mise en oeuvre de telles politiques n’est pas facile. Faudrait-il recourir à des procès collectifs pour prouver que l’on rend justice, a interrogé le représentant

Des viols se sont produits et nous réitérons notre engagement à trouver les auteurs de ces crimes et les punir, a-t-il poursuivi. Il n’y a pas de manoeuvre déguisée du Gouvernement congolais pour protéger les éléments proches du pouvoir. Les auteurs des crimes ne peuvent souvent pas être identifiés. Il est facile de parler de la responsabilité de l’Etat à gérer les événements et l’application des lois. Mais la réalité est autre sur le terrain. Les forces de maintien de l’ordre, contrairement à ce qu’on affirme, ne tuent pas de façon non-discriminatoire dans un esprit de revanche. Ce ne sont pas des règlements de compte. C’est l’Etat qui veut faire appliquer la loi et qui fait face à des bandes armées. Ailleurs on appelle cela des bavures. Nous connaissons des pays où la police peut tirer 41 balles sur un individu non armé et être absoute par la justice au nom de l’autodéfense.

M. Ikouebé a ensuite souligné que le Congo a besoin aujourd’hui de réformer son armée et qu’il ne serait pas logique d’y réinsérer tous les ex- miliciens. Tous ne sont certes pas irrécupérables, mais nous pensons qu’ils ont besoin d'une formation civique et de soins psychologiques qui leur feraient voir la réalité au-delà de leur seule allégeance ethnique. C’est la condition de leur réintégration. Le pari n’est pas gagné d’avance. Quant au retour des personnes déplacées, les problèmes qui se posent viennent surtout de la méfiance des groupes qui se sont réfugiés au fond des forêts et dont beaucoup ne croient toujours pas à la fin de la guerre civile. Il est difficile d’évaluer le nombre de personnes qui demeurent encore dans ces forêts et nous aurons besoin d’une longue campagne d’explication et de persuasion pour faire admettre à tous la fin du conflit, a dit M. Ikouebé. Les gens rentrent, certains directement dans leurs villages. L’Accord a été signé le 29 décembre. Le processus de retour est en cours.

Le représentant a souligné qu'il est permis à tout Etat d’assurer sa défense en prenant les mesures et en signant les accords qui lui conviennent. Les liens avec le gouvernement de l’Angola étaient donc légitimes. Nous avons gardé des éléments pour l’encadrement de notre armée. La République du Congo n'acceptera pas que l’on mette en cause la présence militaire angolaise en l’accusant d’avoir participé à des crimes contre la population. Les viols de femmes n’ont jamais été commis par des troupes angolaises. Ces crimes ont été perpétrés par des Congolais, et les accusations contre les troupes angolaises ont été montées de toutes pièces par l’opposition congolaise. Les troupes angolaises, aussi bien en République du Congo, en République démocratique du Congo, que chez elles dans leur lutte contre l’UNITA, n’ont jamais auparavant été accusées de tels crimes. Le représenant a affirmé le droit de son pays de ne pas fournir le chiffre des éléments angolais qui demeurent encore. Sinon, on me demanderait ensuite combien d’instructeurs français aident à réorganiser la gendarmerie et la garde républicaine, a-t-il ajouté. Les troupes angolaises, qui sont cantonnées dans des casernes, ne quitteront la République du Congo que le jour où les deux gouvernements concernés en conviendront.

Mme REBECCA OBA-OMOALI, Directrice des droits de l'homme au Ministère de la justice et substitut du Procureur de la République, a affirmé que la délégation avait décrit objectivement ce qui se passe sur le terrain. Il n’est pas question de cacher quoi que ce soit sur la situation des droits de l'homme dans notre pays, a-t-elle ajouté. Nous savons que les violations des droits de l’homme ont été à l’origine des guerres que nous avons vécues successivement. Elle a déclaré qu’il y avait eu violation des droits de l'homme lorsque M. Pascal Lissouba, alors Président, avait envoyé à cinq heures du matin des soldats armés de blindés chez M. Sassou Nguesso, ex-Président de la République devenu simple citoyen, sans mandat ni de dépôt, ni d’arrêt, en violation des dispositions du Code pénal.

En ce qui concerne les organisations non gouvernementales (ONG), Mme Oba-Omoali a déclaré que le rapport de la Fédération internationale des droits de l'homme (FIDH), datant de juin 1999, intitulé « Congo Brazzaville : l’arbitraire de l’Etat, la terreur des milices », contenait en plusieurs endroits des informations inexactes. Ces informations sujettes à caution ont été portées à l'attention de la FIDH. Elle a assuré qu'aucune poursuite judiciaire ou arrestation arbitraire n’avait été menée contre un défenseur des droits de l'homme. La représentante a aussi affirmé que le Président de l’Observatoire congolais des droits de l'homme (OCDH), M. Mouenzeo, n’avait jamais été inquiété, bien que son cas, et uniquement le sien, soit fréquemment soulevé devant le Gouvernement congolais. Il faut respecter le principe contradictoire qui est vraiment fondamental.

Evoquant les dispositions d’amnistie, la représentante a souligné que le Congo se trouve dans une situation d’extrême urgence et a besoin, à tout prix, de la paix. Elle a comparé ces dispositions à la création de la “commission de vérité et réconciliation” mise en place en Afrique du Sud. Cette amnistie contribue au rétablissement de la paix, donc à l’élimination de la guerre qui est une violation du droit à la vie, a-t-elle fait valoir. La représentante a expliqué que le Congo avait voulu se donner les moyens de mettre fin à la guerre par une décision exceptionnelle, dont l'objectif, à savoir la paix, est noble. Elle a appelé le Comité à louer cette initiative plutôt que la critiquer.

En ce qui concerne la prévalence du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, la représentante a souligné que l’autorité juridique des traités ratifiés par le Congo est sans ambiguïté. L’article 81 de l’Acte fondamental est relatif aux traités bilatéraux essentiellement. Le Pacte fait bien partie de l’arsenal juridique du Congo; il est appliqué dans les juridictions et invoqué par les avocats devant les tribunaux, a-t-elle ajouté.

Pour ce qui est de l’indépendance de la magistrature, la représentante a indiqué qu’elle est stipulée dans l’Article 82 de l’Acte fondamental. Le Conseil supérieur de la Magistrature qui est, en principe, chargé de veiller à l’indépendance de la magistrature, n’a pas encore été mis en place. Les magistrats du Siège et du Parquet sont nommés par le Président de la République sur proposition du Garde des Sceaux et non pas en Conseil des Ministres. Le Président de la République intervient en tant que Président du Conseil supérieur de la Magistrature. En matière disciplinaire, à l’heure actuelle, le Conseil supérieur de la Magistrature est remplacé par une commission de discipline qui siège sur la saisine de tout justiciable. Elle est composée notamment du Président de la Cour Suprême, le Procureur général auprès de la dite Cour, le Procureur général près la Cour d’appel. Elle a sanctionné cinq magistrats depuis 1997. Aucun magistrat n’a fait l’objet de menaces de la part d’hommes politiques, a-t-elle assuré. Le Gouvernement s’est employé à doter les magistrats de la Cour suprême de conditions matérielles particulièrement avantageuses dans l’exercice de leur profession. Les autres magistrats reçoivent également un traitement avantageux.

En ce qui concerne les délais de garde à vue et la détention préventive dans les commissariats, la représentante a assuré le Comité que plusieurs contrôles avaient été organisés dans les commissariats. Elle a annoncé par ailleurs qu’une Commission nationale des droits de l'homme allait être mise en place avant la fin de l’an 2000.

En ce qui concerne les conditions d’incarcération, Mme Oba-Omoali a déclaré que des contrôles avaient lieu régulièrement dans la maison d’arrêt centrale de Brazzaville qui a été réhabilitée il y a six mois. En février 2000, on y comptait 109 détenus, alors qu’elle a la capacité d’en contenir 450. Cette maison d’arrêt est divisée en plusieurs quartiers, en fonction de l’âge et du sexe des détenus, ainsi que du type de peine. La sécurité de la prison est cependant déficiente du fait de manque de personnel, a déclaré la représentante. La maison d’arrêt de Pointe Noire souffre dot être réhabilitée et il est facile de s’en évader, a déploré la représentante. Les détenus condamnés pour des crimes graves sont donc détenus au commissariat.

Mme Oba-Omoali a affirmé qu’il n’existait pas de camps de détention privés à Brazzaville. Pendant la guerre de 1997, des officiers ont capturés et gardés à la Direction de la sécurité du territoire (DST) pour des raisons de sécurité de l’Etat, et d’autres personnes ont été détenues à Pointe Noire, a-t-elle reconnu, mais toutes ces personnes ont été libérées depuis. Il n’y a pas eu d’exécution capitale depuis de nombreuses années au Congo, a-t-elle affirmé. Elle a ajouté qu’il n’y avait aucun prisonnier politique à Brazzaville.

Mme Oba-Omoali a attribué le dysfonctionnement du système judiciaire au comportement humain. Ce sont certains agents de l’Etat qui interviennent aux différentes étapes de la procédure judiciaire qui en sont responsables. Ces agents doivent prendre conscience du concept d’indépendance de la justice, a-t- elle admis. Une formation continue du personnel judiciaire, des policiers et même des justiciables est nécessaire pour sensibiliser chaque individu à ce concept ainsi qu'aux dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Un appui technique pour renforcer la formation dans ce domaine complété par un apport financier sont indispensables. Elle a suggéré que des observateurs indépendants se rendent à Brazzaville pour établir un bilan. Certains avocats ne connaissant pas l’importance du Pacte, qui est peu invoqué, a-t-elle déploré.

Le principe d’égalité entre les hommes et les femmes est affirmé dans les lois, a indiqué Mme Oba-Omoali, mais la représentation des femmes aux postes de décision n’a pas connu de progrès considérables depuis les Conférences de Dakar et de Beijing. Sur 31 membres du Gouvernement, on compte seulement deux femmes. Cependant, l’idée que se font communément les hommes des fonctions que peuvent occuper les femmes évolue et il existe désormais une ministre de la fonction publique, et une ministre de la culture et des arts. Sur 31 ministères, une seule femme est directrice de cabinet, a déclaré la représentante, qui a admis que l’accès de la femme aux postes de responsabilité reste difficile.

Au sujet des pratiques coutumières, la représentante a reconnu que certaines font obstacle à l’émancipation de la femme et peuvent parfois être qualifiées de violences et voies de fait, par exemple lorsque la belle-famille chasse une veuve et ses enfants. Un débat a été entamé sur la polygamie, mais cette coutume est ancrée dans la société africaine.

Répondant aux préoccupations du Comité sur la liberté de la presse au Congo, elle a affirmé que la pratique du journalisme est libre en République du Congo. Aucun journaliste, ni leader de l’opposition, ni responsable ou membre d’ONG, n’a jamais été traduit en justice pour diffamation, a-t-elle dit.

Mme Oba-Omoali a affirmé, par ailleurs, que l’ordre juridique du Congo relatif aux droits des enfants est de nature très protectrice. Elle a rappelé que le Congo avait ratifié la Convention et les textes internationaux relatifs aux droits de l’enfant. Il existe un tribunal pour enfants et des procédures judiciaires spéciales pour eux. Les tribunaux pour enfants ont d’énormes pouvoirs leur donnant la latitude de faciliter l’application et la protection des droits des enfants. Quant à l’enrôlement des mineurs dans les milices, ces dernières ayant été dissoutes dans le cadre du dialogue national et du retour à la paix, ce problème devrait être réglé.

La représentante a affirmé que tous les Congolais étaient égaux en droit et devant la loi et la justice. Ce principe est reconnu par l’Acte fondamental. Elle a d’autre part expliqué que les Pygmées eux-mêmes ne veulent pas s’intégrer au peuple Bantou qui fait l’objet d’un traitement spécial dans le cadre d’une législation sur les minorités nationales. Le Gouvernement a envoyé une mission d’étude dans la région de Ouesso, où sont concentrées les populations pygmées, pour trouver des réponses à leurs difficultés d’adaptation au cadre de vie national.

M. BASILE IKOUEBE, a affirmé qu’il n’y avait pas vraiment de problèmes ethniques au Congo, mais qu’il existait un problème de gestion et de partage de l’espace du pouvoir public. Concernant la situation des populations pygmées, le gouvernement du Congo est sensible au choix de vie que font les membres de cette «civilisation première», que l’on ne peut contraire de force, par des mesures administratives ou arbitraires à se joindre à la vie publique selon un modèle prédéterminé ailleurs.

Nouvelle série de questions des experts

M. ROMAN WIERUSZEWSKI, Expert de la Pologne, a assuré que le Comité était conscient du fait que le contenu du rapport a un certain décalage par rapport à l’évolution de la situation sur le terrain. Le Comité ne dispose pas des informations concrètes qui lui permettraient d’évaluer la situation actuelle. L’Expert s'est dit déçu par la réponse apportée à la question concernant la liberté de la presse. Quelles sont les conditions de création d’un journal? Et s’il n’y a pas eu de poursuites pénales contre des journalistes, il y a eu des procès civils pour diffamation, a-t-il demandé. Concernant les enfants, le Congo a-t-il eu recours aux programmes d’assistance technique du HCR en vue de la réinsertion des enfants autrefois enrôlés dans les milices?

M. NATWARLAL BHAGWATI, expert de l’Inde, a voulu savoir si le droit de recours des citoyens devant la justice était reéllement effectif. Il a aussi demandé si tout travailleur, même étranger, pouvait adhérer à un mouvement syndical. Mme PILAR GAITAN DE POMBO, Experte de la Colombie, a souhaité que le calendrier électoral soit rapidement remis en marche. Il faudrait aussi veiller à mettre en place un système juridique indépendant, seul garant de la crédibilité du processus politique. Elle a demandé si la rédaction du rapport avait fait l’objet d’une large coopération au niveau du gouvernement congolais et si les ONG avaient été consultées sur certaines questions. Elle a estimé souhaitable de mettre à profit l’expérience internationale pour résoudre les problèmes relatifs à la réintégration des enfants-soldats dans la société. M. NISUKE ANDO, Expert du Japon, a déclaré que le Comité attendait des réponses à toutes les questions qui restent en suspens, le cas échéant par écrit. Rappelant que la République du Congo maintient sa réserve à l’article 11 du Pacte qui porte sur l’emprisonnement pour dette, M. Ando a souhaité savoir si le Gouvernement compte modifier les dispositions juridiques de droit interne dans ce domaine et ensuite retirer la réserve apportée lors de l’adhésion au Pacte. Abordant la question de la liberté d'association, l’Expert a souhaité savoir si la création de partis politiques représentant une région donnée est autorisée.

M. RAJSOOMER LALLAH, Expert de Maurice, a rendu hommage à la franchise dont a fait preuve la délégation de la République du Congo. Le rapport n’ayant pas été présenté quand il était dû, en 1990, mais en 1996, et n’étant examiné que maintenant, les questions du Comité ont donc porté à la fois sur la période passée et la période présente. Le Comité doit être en mesure de suivre l’évolution de la situation depuis 1987, date de l’examen du premier rapport.

M. Abdelfattah Amor, Expert de la Tunisie, a exprimé toute son appréciation du sens de la mesure, de la diplomatie et du savoir-faire manifestés par le Représentant permanent de la République du Congo, d’autant plus que ce pays se heurte à des problèmes difficiles à résoudre. Au Congo, le divorce entre le texte et le contexte lui a semblé être une évidence indiscutable. Les droits et principes affirmés se heurtent à la difficulté du quotidien, a-t-il noté. Il s’est dit sensible à la manière réaliste et nuancée avec laquelle la délégation a présenté au Comité la situation des droits de l'homme au Congo, notamment en ce qui concerne l’indépendance de la magistrature et les conditions de détention. Il est certain que la situation présente est différente de celle du passé. Il a encouragé le Congo à poursuivre ses tentatives pour résoudre ses problèmes et réussir sa transition. En ce qui concerne la valeur et l’application du Pacte, l’Expert a estimé que l’ignorance des dispositions du Pacte au sein de la population nuisait à son application. Il a souhaité savoir s’il y a une seule décision de justice qui a fait référence explicite au Pacte. M. Louis Henkin, Expert des Etats-Unis, a lui aussi exprimé son appréciation pour la franchise de la délégation du Congo. Il s’est dit troublé par les dispositions qui permettent que des crimes restent impunis et les victimes ne soient pas indemnisées. Il a regretté que la situation des femmes n’ait pas été suffisamment évoquée devant le Comité. On ne peut pas développer un pays sans la participation de la moitié de sa population, a-t-il souligné.

Reprenant la parole pour donner des compléments d’information sur la question de la liberté de la presse, M. BASILE a expliqué que l’on avait constaté que la loi qui avait été adoptée est aujourd’hui contestée par beaucoup, et le Ministre de la Communication s’est engagé à revoir ce texte qui, semble-t-il, est très restrictif. Mme OBA-OMOALI a précisé que cette loi de juillet 1996 stipulait que le Procureur de la République pouvait agir contre un journaliste en cas de menace à l’ordre public ou lorsqu’il y avait diffamation. Le Gouvernement actuel du Congo s’est proposé cependant de revoir cette loi, estimant qu’elle présentait, sous certains aspects, des menaces à la liberté d’expression ou de réunion. Le Garde des Sceaux a donné l’ordre de ne pas l’appliquer. Quant à la situation des enfants, le Congo a besoin d’aide pour pouvoir assurer l’assistance aux enfants et leur réinsertion dans la société. Le Gouvernement a élaboré un plan d’action en faveur de l’enfance, mais n’a pas de programme en faveur des enfants délinquants et de ceux en danger moral et errant dans les rues. Les structures d’accueil font cruellement défaut et une aide dans ce domaine serait la bienvenue, a dit Mme Oba-Omoali. Quant aux questions relatives à la création de partis politiques, elle est régie par la loi d’association. Mais les lois congolaises stipulent que des enquêtes morales doivent être menées avant que le Ministère de l’intérieur ne délivre un récépissé permettant la création d’un parti ou d’un mouvement. Mais les faits ayant montré que les partis à caractère ethnique ou régional ont été responsables du conflit civil, le Congo envisage de mettre en place de nouveaux textes favorables à la création de mouvements à caractère national plutôt que régional. Insistant sur ce point, M.Ikouebe a éxpliqué que l’ancienne loi sur la création des partis est fondée sur un texte français de 1901 qui régit la création d’associations.

Concernant le dédommagement des victimes du conflit, il a indiqué que le Congo mène une réflexion sur les mesures qui pourraient être prises pour donner réparation aux personnes lésées, celles –ci conservant cependant le droit d’intenter des actions individuelles de poursuite contre leurs oppresseurs auprès de la justice.

MME ELIZABETH EVATT, Experte de l’Australie, qui présidait la réunion, a déclaré que le Comité souhaite exprimer son soutien aux efforts déployés par la République du Congo sur la voie de la démocratie et est conscient qu’il s’agit d’une période transitoire. Le Comité a fait par de ses nombreuses préoccupations. L’on n’observe pas encore dans ce pays un cadre juridique solide permettant de protéger les droits de l'homme. Le Congo doit promouvoir la défense des droits de l’homme tant dans les textes que dans la pratique. Les membres du Comité s’inquiètent des amnisties qui ont été accordées et de ce que les coupables ne soient pas poursuivis. Il y a encore beaucoup de chemin à faire en ce qui concerne la situation des femmes, a-t-elle ajouté.

M.IKOUEBE, a remercié les membres du Comité pour l’attention qu’ils ont accordée à son pays. Il a demandé au Comité de comprendre qu’il y a des circonstances, dans la vie d’un pays, où la meilleure volonté ne suffit pas toujours. La loi d’amnistie constitue une «pilule amère», a souligné le Représentant permanent, mais dans le cadre de la concorde nationale, le Congo est astreint à certaines décisions. Le Congo doit à présent terminer sa période de transition pour aller vers l’état de droit et entamer le processus de reconstruction, a-t-il conclu.

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