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CNUCED/B/252

LA DEGRADATION DES TERMES DE L'ECHANGE, LA DETTE ET L'INSIGNIFIANCE DES INVESTISSEMENTS HANDICAPENT LE DEVELOPPEMENT DE L'AFRIQUE, DECLARE M.BOUTEFLIKA

18 février 2000


Communiqué de Presse
CNUCED/B/252


LA DEGRADATION DES TERMES DE L’ECHANGE, LA DETTE ET L’INSIGNIFIANCE DES INVESTISSEMENTS HANDICAPENT LE DEVELOPPEMENT DE L’AFRIQUE, DECLARE M.BOUTEFLIKA

20000218

Les mesures protectionnistes visent à empêcher l’industrialisation des pays en développement du Sud

Bangkok, 18 février -- La Xe CNUCED a entendu, ce matin, le Président de l’Algérie et Président en exercice de l’Organisation de l’unité africaine (OUA) qui a souligné, entre autres, les distorsions dans les relations économiques internationales, lesquelles s’opposent au développement des pays du Sud en général, et à ceux d’Afrique, en particulier. Ces distorsions, au nombre de trois, portent sur la volatilité des cours des matières premières, l’insignifiance des investissements directs étrangers et sur la dette.

Sur la volatilité des cours des produits de base, M. Boutéflika a indiqué que celle-ci entraîne la dégradation des termes de l’échange qui se traduit par une perte de l’ordre de 2,5% du PNB des pays africains. Concernant l’insignifiance des investissements directs étrangers, le Président a noté que l’Afrique n’a recueilli, en 1998, qu’un peu plus de 1% de ces investissements, et que, ce faisant, le jeu de la concurrence, sans correctif, aboutit à exclure les plus faibles, en particulier l’Afrique. Au sujet de la dette, le Président a constaté que celle-ci obère les capacités d’investissement et maintient le continent dans un contexte de dénuement et d’arriération “indignes” de notre époque. Pour pallier ces obstacles, le Président a jugé que les initiatives actuelles, qui sont trop circonscrites, ne serviraient à rien si elles ne s’attaquaient pas aux problèmes par la racine. La Conférence a poursuivi son débat général et a entendu l’Italie, l’Allemagne, la France, les Pays-Bas et l’Indonésie (au nom de l’ECOSOC). L’Allemagne est favorable à la création d’un mécanisme qui serait dirigé conjointement par l’OMC et l’OIT sur les normes de travail et auquel participeront la CNUCED, le FMI et la Banque mondiale. A ce mécanisme la société civile devrait participer, a dit l’Allemagne, qui rejette catégoriquement toute prise de décisions conjointes avec les ONG.

Les pratiques protectionnistes des pays de l’OCDE, dans le domaine agricole, coûtent, chaque année, 20 milliards de dollars américains en revenus potentiels aux pays en développement, ont noté les Pays-Bas. Le secteur textile leur est bloqué par des mesures protectionnistes. Ces mesures devraient, selon les accords, être levées en 2005. Toutefois, les

Pays-Bas proposent que ce délai soit raccourci. Par surcroît, les tarifs douaniers sur les produits primaires ou de base sont moins élevés que ceux prélevés sur les produits transformés ou manufacturés en provenance des pays en développement. Tout se passe comme si on voulait empêcher les pays en développement de s’industrialiser, ont observé les Pays-Bas, qui soutiennent la création de fonds spéciaux pour pallier les conséquences de la mondialisation. Quant à la France, son représentant a souligné les vertus de la solidarité en déclarant notamment que les partenaires du monde en développement ne doivent pas voir dans des concepts tels que le développement durable ou le développement social intégré une menace ou un risque d’égoïsme. C’est le contraire qui est vrai. Nous sommes tous les enfants d’un même village et c’est pour cela que nous devons être solidaires.

La tâche de la CNUCED sera de suivre les engagements et leur mise en œuvre pris dans le cadre d’un partenariat entre les nations dans les domaines essentiels du commerce et de la finance. Un partenariat qui devra avoir pour base la solidarité, le dialogue, entre autres, a dit M. Wibisono de l’Indonésie au nom de l’ECOSOC.

Les représentants de la Norvège, du Venezuela, de la Commission européenne et de la Barbade sont également intervenus.

Déclaration du Président de l’Algérie

M. ABDELAZIZ BOUTEFLIKA (Président de l’Algérie et Président en exercice de l’Organisation de l’unité africaine - OUA) : un bilan objectif de la mondialisation, des tendances qui s’y sont dessinées et certaines attitudes qui l’ont accompagnée de la part des pays industrialisés, nous amène à constater la déception des espoirs dans les pays en développement et du peu de considération pour les préoccupations et les angoisses que le nouvel ordre du monde, tel qu’il se présente et se développe aujourd’hui, suscite parmi eux et tout particulièrement en Afrique. La toute puissance reconnue aux marchés s’est traduite par un déclassement des exigences fondamentales du développement humain et a tendu tragiquement à aggraver les inégalités et la précarité sociale dans les pays en développement. Cette dimension nouvelle du rôle joué par les marchés a servi à justifier la diminution de l’action des pays développés tendant à y apporter un correctif et une diminution de l’aide publique au développement, tombée, avec 0,22% du PIB des pays industrialisés, en 1998, à son niveau le plus faible depuis des décennies.

La prééminence absolue de la sphère financière a perturbé les activités productives; elle a même contrecarré leur développement et abouti à privilégier fortement le capital au détriment du travail dans les politiques macroéconomiques. Les institutions financières internationales sont restées fortement orientées et bridées dans leur action par la défense des intérêts à courte vue des créanciers. Les pays en développement, représentant l’écrasante majorité des habitants de la planète, se trouvent pratiquement exclus des processus de concertation et de décision collective. Les plus puissants s’affranchissent par le biais de protections de plus en plus sophistiquées et déguisées, des obligations d’ouverture découlant des principes du nouveau cadre des relations internationales, tout en exigeant des plus faibles le respect scrupuleux de ces mêmes obligations. En fin de compte, une nouvelle carte du monde se redessine où tout un continent, l’Afrique, se trouve purement et simplement effacé.

L’Afrique a pris conscience de la nécessité pour elle d’une action déterminée dans ces domaines. Le Sommet d’Alger de l’OUA, en juillet dernier, a marqué un nouvel élan dans cette volonté de conjuguer les efforts à l’échelle continentale pour dépasser les situations de conflits, élargir et renforcer la base démocratique des institutions et d’assainir la gestion publique, de renforcer les mécanismes visant l’intégration de sous-ensembles régionaux qui faciliteront l’insertion dans l’économie mondiale. Toutefois, dans le fonctionnement du système des relations économiques internationales, trois aspects se conjuguent et se cumulent dans leurs effets pour annihiler les efforts des pays africains et boucher leurs perspectives de développement. Le premier se rapporte aux fluctuations des cours des matières premières vis-à-vis desquelles nombre de pays sont crucialement dépendants. Le second aspect a trait à l’insignifiance des investissements directs étrangers; l’Afrique n’ayant recueilli, en 1998, qu’un peu plus de 1% des investissements directs étrangers dans le monde, et 5% des investissements directs étrangers dirigés vers les pays en développement. Ainsi, le jeu de la concurrence sans correctif, aboutit à exclure les plus faibles, et l’Afrique principalement. Le troisième aspect a trait à la dette. Le jeu des intérêts étroits des créanciers et des visions trop sommaires des institutions financières internationales s’est traduit par des traitements qui ont conduit à reproduire les mêmes contraintes

engendrant inévitablement les mêmes effets. Quant aux pays dits à revenus intermédiaires, le traitement ou le refus de traitement arrive à faire d’eux des exportateurs nets de capitaux et, ainsi, à faire financer, dans un cruel paradoxe, les riches par les pauvres.

Cette attitude restrictive des créanciers, et plus généralement des dispensateurs de financements, à l’égard des pays les moins avancés, est le plus souvent justifiée par la référence à des pratiques malsaines, telles que la corruption, et l’insuffisante promotion de la démocratie et des droits de l’homme, tous facteurs qui affecteraient négativement l’efficacité des financements accordés. Les phénomènes de corruption renvoient pour une large part à un environnement extérieur qui favorise, voire incite leur apparition et leur expansion. Il s’agit donc d’un fléau commun dont le traitement nécessite la collaboration de tous et principalement des plus nantis. Quant à la question de la promotion de la démocratie et des droits de l’homme, ne conviendrait-il pas de garder en mémoire ce qu’il a fallu en Occident de luttes, de conflits, de révolutions même pour asseoir la démocratie ? Ne faudrait-il pas garder en mémoire les traumatismes causés en Afrique par l’entreprise coloniale, les rivalités et les germes de conflits qui en sont les séquelles ? Il faut aussi tenir compte de la dislocation des cadres sociaux traditionnels sous l’effet des mutations dans les modes de vie et que la faiblesse des ressources ne permet ni de contenir ni d’organiser. Peut-on continuer à poser la bonne gouvernance comme préalable à une meilleure prise en charge des problèmes de développement tout en sapant par des politiques d’ajustement structurel le minimum d’harmonie sociale que suppose une bonne gouvernance ?

Les mécanismes des relations internationales doivent être orientés vers la réduction des inégalités, l’élimination des immenses poches de misère et d’arriération, foyers de frustrations et donc de violence potentielle. Des initiatives ont été prises concernant la dette du tiers monde, notamment, au Sommet du G7 et au Sommet de Libreville. Bien que circonscrites, ces initiatives traduisent une évolution certaine dans les attitudes envers les pays les moins avancés. La sagesse consisterait à renforcer ces initiatives et à les appliquer aussi aux pays à revenu intermédiaire, augurant par-là des attitudes plus compréhensives à l’égard des autres questions qui entravent l’essor économique du continent africain. Dans le cas des pays les moins avancés, l’annulation de la dette, outre qu’elle ne fait souvent que prendre acte d’une situation d’insolvabilité manifeste, ne servirait à rien tant que l’on n’agira pas parallèlement sur les facteurs de la reconstitution indéfinie de cette dette. Pour les pays à revenus intermédiaires, le traitement de la dette doit cesser de ne prendre en considération que l’aspect purement financier de la capacité de remboursement de ces pays. Il doit nécessairement prendre en compte les exigences de leur croissance économique; faute de quoi, ils seraient condamnés à rejoindre à plus ou moins longue échéance, les rangs des pays les moins avancés avec des exigences accrues d’allégement de leur dette.

Débat général

Mme SILVIA BARBIERI (Vice-Secrétaire d’Etat au commerce extérieur de l’Italie) : l’objectif final de toute stratégie économique sociale et environnementale doit être celui du développement durable. Mais cet objectif ne peut être atteint que si toutes les parties font de leur mieux pour favoriser la coopération internationale sur les questions sociales, économiques et environnementales. L’Italie se soucie énormément de l’intégration effective des pays en développement au système commercial international. Le Cycle d’Uruguay a favorisé le processus de libéralisation en donnant une allure accélérée à l’internationalisation des marchés. Mais le nouveau contexte économique ainsi créé pose des défis d’un genre nouveau. Les cadres économiques de pays en développement, entre autres, ont besoin que l’on y mette en place des mécanismes qui éviteraient que ne s’y reproduisent des crises qui sont d’abord de nature financière, et qui proviennent aussi parfois de faiblesses structurelles. Il serait indispensable d’assurer une plus grande stabilité et davantage de flexibilité à l’intérieur des systèmes et appareils économiques nationaux des différents pays. L’Italie offre aux partenaires du développement son propre modèle, tout en veillant à ce qu’il soit adapté aux contextes nationaux des différents pays où il pourrait être appliqué. Dans ce cadre, nous avons pris récemment deux initiatives menées dans le cadre de la coopération entre les pays membres de l’Union européenne et un certain nombre de pays d’Asie. La première initiative s’est traduite par une Conférence organisée à Naples en mai 1998 et présidée conjointement par les Ministres de l’Italie et des Philippines. Cette Conférence a permis de constater l’importance qu’ont les petites et moyennes entreprises (PME) dans l’expansion des marchés, à la fois en ce qui concerne l’offre et la demande. La deuxième initiative, quant à elle, s’est concrétisée grâce à l’organisation d’un séminaire sur le thème : “Districts industriels et transferts de technologies comme moyens de promotion du commerce des biens et des services”. Ce séminaire a eu lieu à Bari en octobre 1999 et était coparrainé par la Chine. Ces deux exemples illustrent les actions entreprises par l’Italie pour attirer l’attention des autres grands pays industrialisés sur les problèmes des PME qui sont, à notre avis, l’une des clés du commerce international et de la création de ressources pour le développement et la croissance de l’emploi dans les pays en développement.

M. SIEGMAR MOSDORF (Secrétaire d’Etat à l’économie et à la technologie de l’Allemagne) : il a rappelé la tradition qui veut que l’Allemagne aide la CNUCED à préparer ses conférences ministérielles en organisant un séminaire sur une question-clé. La Fondation allemande pour le développement international a organisé, à Berlin, un dialogue de haut niveau sur les politiques internationales d’investissement et les stratégies que les pays en développement doivent adopter. Ce dialogue a clairement démontré que l’investissement direct étranger contribue, de manière significative, au développement des pays récipiendaires. Il contribue à la création d’emplois, au transfert de technologies, au partage du savoir-faire et à l’accès aux marchés. A titre d’exemple, l’investissement direct étranger garantit en Allemagne quelque 1,7 million d’emplois. Les bénéfices réels que peut apporter l’investissement direct étranger à une économie dépendent de conditions préalables certaines que l’on peut résumer de la manière suivante : l’établissement de règles stables, prévisibles et transparentes garantissant la non-discrimination et qui accorde un traitement national et le traitement de la nation la plus favorisée à tous les investisseurs étrangers; l’existence d’une juridiction indépendante et d’un système judiciaire efficace offrant un accès illimité aux procédures légales nationales et des mécanismes internationaux d’arbitrage et de règlement des différends; la promotion d’une liberté dans les transferts des capitaux, des profits et des gains; et une protection inconditionnelle en ce qui concerne l’expropriation directe ou indirecte. Mais il est nécessaire de développer, au niveau multilatéral, un train de mesures pour l’investissement direct étranger. Le marché de l’investissement direct étranger est un marché d’offres. La demande locale en matière d’investissements directs étrangers, d’expertise et d’emplois est plus importante que le capital disponible et le souhait des sociétés privées d’investir. Il faut reconnaître que l’ouverture à l’investissement direct étranger et le libre-échange vont de pair. Les prochaines négociations commerciales doivent se fixer pour priorité de développer plus avant le système commercial international dans l’intérêt de la croissance et de l’emploi dans l’économie mondiale. Il faut mettre au point un cycle complet dans l’intérêt de tous les Membres de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et il est particulièrement important de s’assurer que les pays en développement sont intégrés au système commercial multilatéral. Il faut, pour ce faire, accorder l’attention requise à la question de leur accès aux marchés en se penchant sur les problèmes spécifiques qu’ils rencontrent dans la mise en œuvre des accords existants : redéfinir les règles relatives aux traitements préférentiels mais différenciés, accorder un accès libre à tous les produits des pays les moins avancés et, si possible, à ceux des pays en développement avancés d’ici l’an 2003.

De plus, il est temps que l’OMC et ses procédures soient plus explicites et moins compliquées. Les priorités doivent viser à assurer une participation égale de tous les partenaires aux négociations commerciales et une plus grande transparence tant aux niveaux interne qu’externe. Les priorités doivent viser, en outre, à renforcer le cadre juridique et le cadre de protection contre les mesures unilatérales, à savoir la création d’une plus grande cohérence entre les politiques commerciales et les autres politiques. Il faut à cet égard des règles multilatérales sur les relations entre le commerce et l’investissement, la concurrence, l’environnement, la santé et la protection du consommateur. L’Allemagne estime qu’il faut créer un forum permanent sur les normes de travail qui serait dirigé par l’OMC et l’OIT et ouvert à la participation de la CNUCED, du FMI et de la Banque mondiale. L’Allemagne est favorable à une plus grande communication avec la société civile mais rejette catégoriquement tout processus conjoint de prises de décision avec les ONG.

Mme EVELINE HERFKENS (Ministre de la coopération pour le développement des Pays-Bas) : l’accès aux marchés des pays développés demeure, de manière totalement inacceptable, extrêmement limité pour les produits des pays en développement. Les pratiques protectionnistes sont plus que jamais présentes. Dans le domaine agricole, les pratiques protectionnistes des pays de l’OCDE coûtent chaque année 20 milliards de dollars en revenus potentiels aux pays en développement. Quant au secteur du textile, il est plus que jamais bloqué par les mesures protectionnistes des pays riches. Selon les Accords de 1994, les restrictions touchant les importations en provenance des pays en développement devraient être levées en 2005. Les Pays-Bas proposent que ce délai soit raccourci. Le protectionnisme existe aussi dans le secteur des produits manufacturés, comme si on voulait à tout prix empêcher les pays en développement de s’industrialiser. Ainsi, les tarifs douaniers sur les graines de café sont bas, alors que ces mêmes tarifs sur le café transformé sont extrêmement élevés. Ceux sur le jute en tant que produit brut sont extrêmement bas. Mais dès qu’un pays fabrique des sacs de jute, ses exportations sont handicapées par des droits douaniers extrêmement élevés. Il en est de même du cacao et du chocolat, ou encore du bois en grumes et des contre-plaqués, et la liste est longue.

Les avantages compétitifs des pays riches membres de l’OMC sont énormes en matière d’expertise, d’information, de technologies et d’infrastructures. Quiconque possède ces ressources peut rapidement répondre aux opportunités de la “nouvelle économie”, alors que celui qui ne les a pas se retrouve complètement marginalisé. Les pays en développement manquent totalement de sources et de capacités de connaissance et de maîtrise technique. La mise en œuvre des Accords signés par les pays en développement pour adopter de nouvelles normes sanitaires dans le domaine commercial leur coûtera, selon des chiffres publiés par la Banque mondiale, plus de 130 millions de dollars par pays. C’est là une somme supérieure au budget d’investissement annuel de certaines nations du Sud. Cette anomalie vient s’ajouter à de nos nombreuses autres. Nous pensons qu’un système commercial multilatéral ouvert et basé sur de justes normes devrait défendre les pays les plus faibles contre les actions unilatérales des pays les plus puissants. Tous les efforts nécessaires devraient être déployés pour limiter les conséquences négatives de la libéralisation et offrir des compensations à tous ceux qui seront inévitablement les perdants de la mondialisation. Car si on peut tirer à long terme des bénéfices de la libéralisation, on en paie par contre le prix immédiatement quand on n’y est pas bien préparé. C’est pourquoi nous soutenons la proposition avancée par M. Joseph Stiglitz, Economiste en Chef de la Banque mondiale, qui a dit qu’il fallait créer des fonds mondiaux spéciaux pour pallier les conséquences sociales négatives de la mondialisation.

M. CHARLES JOSSELIN (Ministre délégué à la coopération et à la francophonie de la France) : aujourd’hui, le lien commerce-développement revient en force, car nous sommes engagés dans un processus majeur d’ouverture et de globalisation économique et ce processus ne réussira pas si, à côté de la libéralisation, il n’y a pas un accord sur les valeurs fondamentales de l’humanité et les moyens de les promouvoir. C’est la leçon de Seattle : sans cet accord de fond, la globalisation est rejetée car elle est alors ressentie comme antinomique de la citoyenneté. Parmi les valeurs à défendre, le développement occupe une place primordiale Il en va de la planète comme de l’organisation interne de chacun de nos pays. Notre capacité à vivre ensemble dans la paix dépend du sort que nous réservons aux plus défavorisés.

Pour promouvoir le développement, nous devons mobiliser plusieurs “cultures” différentes. Il y a d’abord une culture, politique, de contestation de l’ordre établi, je n’hésiterais pas à dire de révolte devant les injustices et les inégalités. Cette culture, elle est celle de beaucoup de responsables politiques, y compris au nord, et je tiens à dire combien, personnellement, je l’éprouve et m’en sens porteur. Sur cette culture, l’Europe et le Sud se rejoignent autour d’un même idéal. Celui de la solidarité. Mis à côté de ce parti pris politique, il y a le désir d’efficacité : une action se juge à ses résultats. On dit parfois “penser globalement, agir localement”. A propos du développement, j’ajouterais “penser politiquement, agir professionnellement”. Parmi les priorités, l’appui aux PMA est un thème qui nous est cher. Sur la longue période, on ne peut que constater leur marginalisation, attestée par leur faible part dans le commerce mondial. Pour l’avenir proche, soyons doublement vigilants : la libéralisation et les nouvelles technologies sont des Janus pour le développement : comme le die antique, elles ont deux faces : une face radieuse de progrès, une face inquiétante de creusement des inégalités (ce que Nelson Mandela a appelé « l'extension des plages de pauvreté ». Cette face inquiétante nous dicte notre responsabilité, c’est à nous (nous puissance publique, nous communauté internationale) de la conjurer.

L’Union européenne et les groupes des pays ACP sont parvenus à se mettre d’accord sur une vraie rénovation. Cette rénovation, c’est d’abord la promotion de l’intégration régionale dont je voudrais souligner combien elle sera précieuse, demain, pour renforcer le poids des pays en développement dans une économie mondialisée. L’ouverture des marchés est nécessaire mais il faut accompagner les risques qu’elle porte en elle. D’où l’intérêt que les pays ACP ont vu à emprunter le chemin de l’ouverture, non pas tous seuls face aux marchés, mais accompagnés, dans le cadre de leur partenariat avec l’Union européenne qui constitue de très loin – avec ses 15 Etats membres – le principal bailleur de fonds de l’aide au

développement. Pour la France et pour ses partenaires de l’Union européenne, c’est un enjeu de civilisation. Il y va du sens même de la mondialisation. Nous voulons une mondialisation maîtrisée. Cette mondialisation maîtrisée, nous la voulons aussi pour nous-mêmes et nous considérons que c’est dans le rapport au monde en développement que se joue une grande partie de la capacité de notre planète à se réguler. Ce que nous faisons pour le Sud, nous le faisons aussi pour nous. En cela, le rapport Nord-Sud sera de moins en moins un rapport unilatéral entre donateurs et récipiendaires et il reflétera de plus en plus le regard que nous sommes capables de porter sur notre avenir. Dans ce contexte, nos partenaires du monde en développement ne doivent pas voir dans des concepts tels que le développement durable ou le développement social intégré une menace ou un risque d’égoïsme. C’est le contraire qui est vrai. Nous sommes tous les enfants d’un même village et c’est pour cela que nous devons être solidaires.

Mme HILDE F. JOHNSON (Ministre du développement international et des droits de l’homme de la Norvège) : le défi le plus urgent de la mondialisation est de créer un ensemble de stratégies et de politiques qui couvrent et lient à la fois les niveaux d’actions nationaux, régionaux et mondiaux. Cet ensemble de mesures doit être pris de manière cohérente, juste et efficace. Si la communauté internationale a constaté qu’au cours des années 1990 le secteur privé prenait la tête du processus de mondialisation avec un usage accéléré des mouvements de capitaux, des nouveaux systèmes de communication et de télécommunication, et du commerce, on s’est aussi cependant rendu compte que le système de relations intergouvernementales n’avait pas suivi cette évolution. Le système des Nations Unies, les institutions de Bretton Woods et les autres agences multilatérales se sont certes réformées à l’aube du nouveau millénaire en améliorant leurs capacités de coordination et leur gestion interne. Mais ces organisations continuent de disposer de ressources trop modestes par rapport aux besoins qui se font jour sur la scène internationale. Il faut donc se poser la question de savoir si le système multilatéral a la capacité qui lui permettrait de faire face aux défis de la mondialisation.

La Norvège croit dans le système des Nations Unies. Nous avons travaillé d’arrache-pied pour soutenir et renforcer le système des relations internationales et ses différentes agences. Mais malgré les améliorations institutionnelles du cadre multilatéral des échanges commerciaux, des insuffisances majeures continuent de frapper des secteurs comme ceux de la santé, de l’éducation, de l’emploi, de l’environnement et de la stabilité financière dont la contribution est indispensable au bon fonctionnement de la mondialisation. La Norvège regrette que la Conférence ministérielle de l’OMC à Seattle n’ait pas pu se mettre d’accord sur un mandat permettant de lancer un nouveau cycle de négociations commerciales. L’expérience de Seattle montre clairement que la transparence et de bonnes procédures de travail sont des préliminaires à tout bon fonctionnement des institutions internationales, si elles veulent avoir la légitimité qui pourrait faire leur force. Après l’échec de Seattle, il est de notre devoir commun de mieux intégrer les pays les moins développés au système commercial multilatéral sur des termes plus justes et plus transparents.

M. WERNER CORRALES LEAL (Venezuela) : la rencontre de Bangkok doit contribuer à actualiser le mandat de la CNUCED dans le contexte économique mondial et faire en sorte que la communauté internationale reçoive un message quant à la nécessité de redéfinir la gestion de la mondialisation. La communauté internationale a un rôle important à jouer aux côtés des gouvernements nationaux aux fins du développement. Elle doit améliorer les choses en matière d’accès aux

marchés, d’investissements étrangers directs, d’ouverture des marchés des capitaux et d’aide publique au développement. L’échec de Seattle est un signal d’alarme. Pour leur part, les pays en développement doivent faire les efforts requis aux niveaux institutionnel et économique, comme la restructuration des secteurs productifs. L’appui aux pays en développement en la matière est certainement un des défis qui se pose à la CNUCED. S’agissant du programme de la CNUCED, le Venezuela veut une CNUCED dans son triple rôle traditionnel, d’analyse, de recherche et d’assistance technique. Il veut aussi une CNUCED présente dans les pays et capable de faire des apports concrets aux pays en développement en ce qui concerne les difficultés du processus d’intégration dans l’économie mondiale et du processus de négociations commerciales. Il faut aussi une CNUCED qui renforce les capacités matérielles et humaines et qui s’implique et participe aux discussions liées aux thèmes de l’ordre du jour économique international afin de les compléter avec la perspective du développement.

M. MICHAEL KING (Ambassadeur de la Barbade) : la CNUCED s’est toujours posée depuis sa création, comme la championne de la défense des intérêts des pays en développement et du développement durable. Mais aujourd’hui, le monde est très différent de ce qu’il était il y a 20 ans. Nous avons donc besoin de replacer la CNUCED au centre d’un débat dont les termes ont changé. Nous estimons que le rôle et le mandat de la CNUCED restent pertinents en matière d’investissement et de développement, et que sa coopération avec les institutions de Bretton Woods et l’OMC, doit, en conséquence, être renforcée. Concernant le Plan d’action à adopter à la fin de cette Conférence, nous tenons à exprimer la nécessité de mettre l’accent davantage sur la vulnérabilité des petits Etats insulaires en développement. Les écosystèmes fragiles dont sont dotées les petites îles, et le nombre de catastrophes naturelles dont elles ont été victimes ces dernières années, exigent que l’on prête beaucoup plus d’attention à ces Etats. Un domaine d’action immédiate de la CNUCED devrait être celui de l’aide à apporter aux pays en développement pour leur permettre de participer au dialogue sur les accords commerciaux liés à la mise en place d’un système d’échanges plus libéral. La taille de petits Etats comme la Barbade les rend plus vulnérables à la marginalisation. Nous sommes de moins en moins compétitifs, et devrions bénéficier de mesures préférentielles pour pallier à nos faiblesses. Concernant les règles et les politiques fiscales que doivent appliquer des Etats souverains, nous trouvons inacceptable qu’un groupe de pays riches veuille élaborer et nous imposer des normes fiscales tout à fait au-dessus de celles qu’ils appliquent eux-mêmes. C’est là un des exemples les plus évidents des diktats que l’on veut nous imposer sous couvert de mondialisation.

M. MAKARIM WIBISONO (Indonésie, Président du Conseil économique et social des Nations Unies) : il a dit déceler deux défis majeurs dans l’ère de la mondialisation, à savoir l’établissement d’un système commercial international libre et ouvert qui fournit des opportunités égales à tous les pays et la protection des faibles et des vulnérables des risques d’instabilité et des turbulences de l’économie mondiale. En ce qui concerne la promotion du développement et la lutte contre la pauvreté, le commerce international doit jouer un rôle déterminant en tant que moteur de la croissance. Mais si la majorité des populations des pays en développement sont sensées bénéficier du système, leur accès aux marchés doit être assuré. C’est la raison pour laquelle le Conseil économique et social continue de donner son appui au système commercial international. La tâche critique qui se présente devant nous est de jeter les fondations de notre travail collectif dans la prochaine décennie sur la base d’un véritable partenariat, de la solidarité et du dialogue entre les acteurs du

développement. Pour la CNUCED, la tâche essentielle sera de surveiller la mise en œuvre des engagements pris dans les domaines du commerce, des finances, des fonds, de l’investissement, de la technologie et du développement durable. Seul organe des Nations Unies chargé des questions sociales et économiques, le Conseil économique et social peut aussi jouer un rôle, lequel devant être un cadre permettant de traiter efficacement des questions essentielles de l’économie et du social dans le contexte du développement. Nous sommes convaincus que le Conseil économique et social peut injecter au travail de la CNUCED et de l’OMC l’élan politique nécessaire.

Cette année, le Conseil économique et social s’est proposé de traiter d’un défi central de notre temps, à savoir la manière d’intégrer les pays en développement dans une économie fondée sur le savoir. Le Conseil consacrera son segment de haut niveau en juillet prochain, au thème du développement et de la coopération internationale et du rôle de la technologie de l’information dans une économie fondée sur la connaissance. L’expansion rapide des transactions électroniques a multiplié les opportunités du commerce et du développement.

Partant, le non-accès à ces opportunités ne fera qu’accentuer davantage l’inégalité et la marginalisation. La communauté internationale doit donc apporter l’appui requis aux efforts des pays en développement à mieux comprendre et à maîtriser les divers aspects du commerce électronique. De tels aspects ne sont pas seulement techniques, économiques, juridiques ou régulatoires mais également sociaux et culturels. Dans la mise en œuvre des priorités qu’il s’est fixées, le Conseil économique et social aura besoin de l’appui de la CNUCED. Dans le contexte de la mondialisation, en particulier dans le domaine du commerce. Il est clairement nécessaire d’intensifier le dialogue entre le Conseil économique et social, la CNUCED et l’OMC. Un tel dialogue sera essentiel à une meilleure compréhension du commerce et du développement et à la promotion d’une cohérence des politiques dans ces domaines.

M. PAUL NIELSON (Membre, Chargé du développement et de l’aide humanitaire à la Commission européenne) : le Plan d’action de Bangkok servira de direction au travail que doit accomplir la CNUCED au cours des prochaines années. Il permettra de fixer la manière dont la CNUCED pourra être intégrée aux travaux et débats mondiaux sur le développement, et elle pourra examiner tous les thèmes qui sont des défis dans ce monde interdépendant. La mondialisation n’a rien de nouveau, la seule différence, aujourd’hui, est la vitesse à laquelle elle se propage. Si elle enrichit certaines nations, elle en affaiblit et appauvrit d’autres. La Communauté européenne a toujours été pour une économie mondiale intégrée, et nous sommes soucieux de différents obstacles qui se posent à l’évolution des différentes nations. La réduction de la pauvreté est au cœur des politiques européennes, et nous prendrons, pour exemple, les termes que nous avons intégrés aux pourparlers sur les Accords de Lomé. Mais la lutte contre la pauvreté doit d’abord être l’affaire des Etats, des groupes organisés et de la société civile. Un système commercial fondé sur la liberté des échanges permettra seul de générer les ressources dont ont besoin les pays en développement. Afin que le développement soit durable, nous avons besoin d’un cadre qui soit favorable aux échanges et à la protection de l’environnement. Le commerce et non l’aide, a toujours été à la base de la croissance, nous avons donc besoin de favoriser ces activités. S’agissant des pays les moins avancés, (PMA), nous avons demandé en leur faveur des mesures exceptionnelles sur le plan de l’accès aux marchés. Nombreux sont, d’un autre côté, les pays qui ont besoin qu’on les aide à améliorer leurs compétences en matière de commerce et nous avons mis en place en ce sens un programme substantiel de coopération technique. Concernant l’OMC, la réunion de Seattle a montré que le système commercial international devait être préservé. Les débats ne doivent pas rester limités aux besoins de quelques pays, quels qu’ils soient. Il faut donc relancer le nouveau Cycle de négociations commerciales.

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