En cours au Siège de l'ONU

CNUCED/B/241

LES ETATS ASIATIQUES TIRENT LES LECONS DE LA DERNIERE CRISE FINANCIERE

14 février 2000


Communiqué de Presse
CNUCED/B/241


LES ETATS ASIATIQUES TIRENT LES LECONS DE LA DERNIERE CRISE FINANCIERE

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Bangkok, 12 février -- La Malaisie, l’Indonésie, Singapour et les Philippines, pays touchés par la crise financière en Asie, ont été parmi les Etats qui ont ouvert, ce soir, le débat de fond de la dixième CNUCED qui se tient sous la Présidence de M. Supachai Panitchpakdi (Thaïlande) qui assumera, sans doute, la responsabilité de diriger l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Les délégations de ces pays ont eu l’occasion de commenter le thème principal de cette dixième session; “Les stratégies de développement dans un monde de plus en plus interdépendant : Tirer les leçons du passé pour faire de la mondialisation un instrument au service du développement de tous les pays et de tous les peuples.” Les quatre pays ont dit avoir tiré les leçons de la crise financière qui a ébranlé leurs économies, il y a deux ans. Ils ont explicité ce qui, à leur vue, est nécessaire à la concordance entre les structures commerciales de l’économie mondialisée et les besoins du développement. Le Premier Ministre de la Malaisie, appuyé par le Président de l’Indonésie, a insisté sur la nécessité de réformer les institutions internationales, dont l’ONU, la Banque mondiale et le FMI qui n’ont jamais, selon ses termes, été capables de répondre aux problèmes des pays en développement. A la lumière de la crise financière engendrée par les déséquilibres du système commercial international, il est urgent, a dit le Premier Ministre malaisien, que les pays en développement renforcent leurs capacités de résistance aux menaces de la mondialisation et, notamment, aux risques de monopoles posés par les multinationales qui, profitant des nouvelles techniques de communication et des structures financières actuelles, font main basse sur les économies des pays en développement.

Soulignant que la responsabilité en matière de développement incombe en premier aux pays en développement eux-mêmes, le Président des Philippines, a jugé utile que la transparence et la bonne gouvernance s’imposent dans la conduite des affaires publiques et dans l’action du secteur privé national. Tel est également l’avis du Premier Ministre du Japon qui a insisté sur la nécessité pour les pays en développement de renforcer leur système financier, de gérer, de manière consistante, leur macroéconomie et d’améliorer un environnement qui soit propice au commerce et aux investissements afin d’améliorer leur capacité de tirer parti de la mondialisation.

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Le Premier Ministre de Singapour a déploré les conditions qui ont mené à l’échec des négociations commerciales de l’OMC à Seattle et a souhaité que la communauté internationale trouve les termes d’un nouvel ordre économique mondial équitable, qui ne peut être généré par aucune autorégulation des marchés, à son avis.

Le rôle de la CNUCED, dans le contexte des relations entre la mondialisation, d’une part, et le développement, le commerce, l’investissement et les finances, d’autre part, a été défini par le Président de la dixième CNUCED comme celui de promoteur du développement économique et de forum consensuel sur toutes ces matières. Cette position a été encouragée par le Président de la neuvième CNUCED qui a qualifié d’erreur fondamentale de prétendre à vouloir réduire le rôle de la CNUCED à celui de fournisseur d’assistance technique. La CNUCED, a- t-il dit, est destinée à devenir une institution de savoir qui diffuse ses connaissances non seulement aux pays en développement mais à tous les décideurs politiques. Aujourd’hui, la CNUCED, qui se réunit à Bangkok, devra montrer son utilité dans cette partie dynamique du monde, a observé son Secrétaire général.

La dixième Conférence poursuivra ses travaux demain dimanche 13 février, en organisant un dialogue avec le Directeur général sortant du Fonds monétaire international, M. Michel Camdessus.

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Déclarations

M. ALEC ERWIN (Ministre sud-africain et Président de la neuvième session de la CNUCED) : la CNUCED est souvent perçue comme le bastion des pays en développement qui tirent partie du forum qui leur est ainsi offert pour laisser libre cours à leurs frustrations envers le monde développé. Partant, les pays développés prenant part aux travaux de la CNUCED peuvent être soupçonnés de ne participer que dans le seul but de “limiter les dégâts”. De toute manière, pour les deux groupes de pays, les instances les plus importantes sont celles qu’offrent le Fonds monétaire international (FMI), la Banque mondiale, le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), l’Organisation internationale du Travail (OIT) et, aujourd’hui, l’Organisation internationale du commerce (OMC). Reléguer la CNUCED à un rôle de pourvoyeur de services d’assistance technique serait une erreur fondamentale car, au cours des dernières années, la CNUCED a été à même de fournir une assistance technique tout en contribuant à l’établissement d’un partenariat entre gouvernements et société civile. La CNUCED joue, de surcroît, un rôle constructif dans la formulation d’un programme à l’intention des pays en développement, en prévision de la réunion de l’OMC. La CNUCED a aussi contribué, de manière décisive, à mettre en lumière le besoin urgent de prendre une action décisive en faveur des pays les moins avancés. En matière d’allégement de la dette, le travail de la CNUCED a permis l’ouverture d’un débat pertinent et la reconnaissance du caractère préoccupant des difficultés que rencontrent les pays en développement. Il faut aller plus avant et accepter que le problème du développement n’est pas préjudiciable aux affaires de l’économie mondiale mais qu’il est partie intégrante du cœur même de sa prospérité future.

Dans son essence, la CNUCED est une organisation qui met ses connaissances à la disposition de ses Etats membres, et un tel rôle est plus important que jamais. La valeur de la connaissance sera accrue si elle est accompagnée d’une compréhension et du respect de la complexité et des particularités de toutes les nations. Il est nécessaire de disposer d’un endroit pour écouter puis diffuser le produit de la sagesse commune non seulement aux pays en développement mais à tous les décideurs. Aucune autre organisation multilatérale ne peut remplir ce rôle. La dixième CNUCED a été structurée de manière à apporter une contribution importante à la connaissance commune et, en conséquence, la sagesse nécessaire à la réalisation d’une vie meilleure pour tous les peuples de la planète.

M. SUPACHAI PANITCHPAKDI (Vice-Premier Ministre et Ministre du commerce de la Thaïlande, Président de la dixième CNUCED) : je souhaite vous exprimer notre profonde gratitude et celle du Gouvernement de la Thaïlande pour l’honneur qui est fait à notre pays après mon élection en qualité de Président de la dixième CNUCED. Le monde vient d’entrer dans une ère de relations complexes entre la mondialisation et le développement, le commerce, les investissements et la finance. Le monde a connu, au cours de la dernière décennie, plus

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de changements qu’il n’en avait vus auparavant dans toute l’histoire de l’humanité. Pour faire preuve de la pertinence de son existence et de ses responsabilités, la CNUCED doit renforcer son rôle d’une manière qui lui permette de justifier sa raison d’être, c’est-à-dire qu’elle doit promouvoir le développement économique des pays en développement dans le cadre des changements que nous venons d’évoquer.

Des incertitudes planaient sur la CNUCED avant sa neuvième session. Mais grâce à la direction que lui a donnée l’Afrique du Sud, sous la Présidence de M. Alec Erwin, et grâce aux efforts déployés par M. Rubens Ricupero, la CNUCED a été revitalisée. Elle joue désormais un rôle important en tant que forum d’échanges pour aboutir à un consensus sur le commerce, les investissements et sur les questions relatives au développement. Nous espérons que sa contribution sera encore renforcée dans le cadre de la promotion du développement au niveau mondial. Le défi de la Conférence, qui se tient à partir d’aujourd’hui à Bangkok, est de créer des conditions propices à un dialogue constructif, permettant de jeter les bases d’une meilleure définition de l’agenda du commerce et du développement au XXIe siècle.

M. RUBENS RICUPERO (Secrétaire général de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement - CNUCED) : il faut remercier les membres de la CNUCED pour leurs efforts collectifs tendant à établir une meilleure Conférence. Il faut aussi rendre hommage au Président Nelson Mandela dont le pays a présidé la neuvième CNUCED et ce, pour avoir consolider les nouvelles donnes en Afrique du Sud et pour s’être retiré ensuite du pouvoir comme le fait rarement les hommes politiques. Aujourd’hui, la CNUCED se réunit à Bangkok à un moment où l’ensemble de la région sort d’une grave crise financière. La CNUCED doit saisir l’occasion de sa présence à Bangkok pour se positionner parmi les autres organisations internationales. Comme la neuvième CNUCED, qui s’est réunie à Midrand, était la CNUCED de l’Afrique, la dixième CNUCED sera celle de l’Asie. La Conférence aura donc à faire la preuve de son utilité pour le continent asiatique, connu pour son dynamisme. La CNUCED compte sur l’appui continu de ses membres pour contribuer à un partage équitable des bénéfices de l’économie mondiale. La CNUCED n’est contre personne. Si elle est très proche des pays les moins avancés, de par son mandat même, elle ne perd pas de vue l’interdépendance des pays et la communauté d’intérêts de toutes les nations.

M. ABDURRAHMAN WAHID (Président de l’Indonésie) : l’Indonésie partage les propos polémistes de la Malaisie tout en soulignant que la fidélité à l’esprit des Nations Unies, en dépit des opinions divergentes, donne toujours naissance à des choses positives. L’essence de la déclaration de la Malaisie est que les intérêts des pays développés l’emportent trop souvent sur ceux des pays en développement. S’il y a lieu de se rebeller contre cet état de choses,

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il faudra cependant reconnaître que certains pays sont obligés de suivre la cadence, contrairement à la Malaisie. Il faut que les pays développés prennent conscience du fait que lorsque les pays en développement acceptent les règles établies, c’est parce qu’ils aspirent à devenir assez forts afin de faire face aux tendances générale. La faiblesse des pays en développement leur permet d’être flexibles, et peu de pays sont en mesure de suivre la Malaisie. Le moment est venu pour les pays développés de changer les règles et d’assurer un partage plus équitable de la richesse mondiale de manière à faire que les relations entre les nations du monde soient durables. Dans le cas contraire, l’existence même des Nations Unies serait remise en question puisque l’ONU a été créée pour assurer le bien-être du monde. Or si un nombre réduit de pays s’accapare de tout en laissant les autres se contenter du reste, les choses ne pourront que se détériorer. Aujourd’hui, il faut se féliciter qu’une tendance nouvelle point à l’horizon qui montre une volonté manifeste des pays développés à renverser la tendance et à établir une véritable coopération dans le cadre du libre-échange. Mais ce libre-échange peut-il être promu en respectant les intérêts de tous ? Une réponse affirmative exige la promotion d’un juste équilibre entre ceux qui sont impliqués dans le processus. La CNUCED doit tenir compte de cette nécessité.

La question qui se pose également est celle de savoir quelle attitude à adopter face aux milieux d’affaires. Le plus important pour la CNUCED doit consister à rechercher un équilibre entre les multinationales, d’une part, et les besoins de la population, d’autre part. Un échec en la matière conduira à la destruction des structures actuelles. La CNUCED doit avoir son mot à dire en la matière.

M. GOH CHOK TONG (Premier Ministre de Singapour) : la crise qui a frappé l’Asie du Sud-Est est largement perçue comme une crise de la mondialisation. Et parce que cette région et celle de l’Asie de l’Est ont longtemps connu la réussite économique, qui pouvait servir d’exemple à d’autres régions dans le monde, cette crise a eu des conséquences politiques et intellectuelles importantes. Nous sommes cependant convaincus que le manque d’enthousiasme manifesté par les pays en développement à l’égard de nouvelles négociations commerciales plus libérales qui a, en partie, entraîné l’échec du Sommet de Seattle, ne peut que causer, à long terme, du tort à toutes les nations et, notamment, aux pays en développement. Le Gouvernement de Singapour estime que les événements de Seattle ne peuvent être qu’une pause, et non un arrêt final aux efforts visant à mettre en place les conditions d’une prospérité mondiale dans un cadre d’échanges commerciaux plus libres. Durant la période de la Guerre froide, les marchés étaient l’objet de nécessités politiques et stratégiques, mais aujourd’hui, même une Russie dotée d’armes nucléaires peut-être traitée de manière cavalière. Il aurait été plus difficile d’imaginer les Etats-Unis et les autres puissances occidentales rester les bras croisés et l’arme au pied face aux événements qui ont conduit à la rupture de l’ordre et du tissu social et politique en Indonésie. Ce pays aurait une telle valeur stratégique contre le communisme que tous genres d’actions seraient imaginables pour y maintenir un statu quo. Le capitalisme

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triomphant est partout aujourd’hui, mais, face au manque d’alternatives, les conséquences négatives du marché pourraient créer les conditions de leur propre destruction. Que ce soit au plan national ou international, les marchés ouverts et des institutions démocratiques ne peuvent, en eux-mêmes et par eux-mêmes, garantir des solutions à tous les problèmes. Un nouvel ordre mondial ne naîtra pas de façon spontanée. Il doit être pensé et construit, et c’est là un des défis majeurs de notre époque.

Singapour pense que la communauté internationale doit trouver des solutions urgentes aux problèmes mondiaux. Nous devons aller de l’avant et ne pas rester sur l’échec de Seattle, ce Sommet ayant démontré le danger qu’il y a, quand on veut résoudre des problèmes domestiques en essayant de se servir de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) comme d’une plate-forme de politique intérieure. L’OMC devrait rester ce qu’elle est : un organe de promotion du libre commerce, et les pays développés devraient régler leurs propres problèmes et ceux qui les opposent entre eux, trouver la volonté politique de surmonter des intérêts de politique intérieure à courte vue, et traiter les soucis des nations en développement de manière adéquate et équitable. Ensuite, il faudrait que les pays en développement pour leur part, acceptent que la mondialisation n’est pas forcément un problème Nord-Sud, la catégorisation des pays sous ces deux termes compliquant même parfois la recherche de solutions mutuellement satisfaisantes. D’autre part, il serait utile que les pays développés s’abstiennent d’un triomphalisme aveugle et évitent de préconiser et de vouloir imposer aux autres une recette miracle unique en vue de les “aider” à résoudre leurs problèmes. L’Occident est indubitablement à la tête de la mondialisation, qui porte profondément les marques de la volonté politique et du pouvoir économique des Etats-Unis. Cependant, nous ne pensons pas pour autant que l’Occident ou les Etats-Unis ne connaissent pas, eux aussi, des difficultés face à ce phénomène. Le XXIe siècle prouvera que personne n’a individuellement les réponses à toutes les questions qu’il pose. Aussi, devons-nous ensemble essayer de trouver les réponses qui puissent nous conduire à un meilleur nouvel ordre mondial.

M. KEIZO OBUCHI (Premier Ministre du Japon) : une des tâches les plus importantes dans la gestion de l’économie internationale consiste à maintenir et à renforcer le système commercial multilatéral consacré par l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Compte tenu des résultats du dernier Sommet ministériel de Seattle, il convient de rétablir la confiance des pays en développement dans le commerce mondialisé. Pour cela il faudrait, en conséquence et de manière urgente lancer un cycle complet de négociations, se concentrant non seulement sur un meilleur accès au marché mais aussi sur le renforcement des règles de l’OMC tout en répondant, de manière appropriée, aux intérêts et aux préoccupations des pays en développement. Dans ce cadre, le Japon est disposé à fournir des ressources humaines, sur une période de cinq ans, et à déployer ainsi dans les pays en développement quelque 2 500 personnes chargées de

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renforcer les capacités nationales dans les domaines touchant à la mise en œuvre des Accords de l’OMC. Le Japon entend aussi élargir et mettre en œuvre des programmes visant à éliminer les taxes et à accorder un traitement préférentiel sans quota presque tous les produits. Pour tirer parti de la mondialisation, les pays en développement doivent disposer des ressources financières stables indispensables au développement.

Il faut donc leur assurer un flux stable de capitaux du secteur privé sans pour autant augmenter les risques inhérents aux transferts massifs et rapides de ces capitaux. Il revient donc aux pays en développement de procéder prudemment et de manière ordonnée en matière de libéralisation des capitaux. Il est important pour eux de renforcer leur système financier, gérer, de manière rationnelle, la macroéconomie et améliorer l’environnement tant dans le domaine commercial que dans celui des investissements.

Pour éviter les crises financières dont ont été victimes les pays asiatiques, il y a deux ans, il est important d’en rechercher les causes et de poursuivre les efforts pour minimiser les difficultés découlant de la mondialisation. La CNUCED doit poursuivre ses efforts à cet égard. En ce qui concerne la question importante de l’allégement de la dette extérieure, il faut d’abord préciser que les programmes en la matière ne constituent pas un remède à l’élimination de la pauvreté dans les pays en développement. Il faut, au contraire, examiner la question du développement dans son ensemble. Le Japon poursuit ses efforts avec tous les pays en développement, en particulier ceux d’Afrique à l’intention desquels il prépare la troisième Conférence sur le développement en collaboration avec les Nations Unies. Des efforts aussi denses sont déployés en faveur des pays sans littoral et des pays de la région du Pacifique-Sud. Pour le Japon, le but de la dixième CNUCED doit être de rechercher les moyens de faire en sorte que tous les peuples de la planète partagent la prospérité et jouissent d’une paix spirituelle dans la stabilité, et ce, dans un contexte d’accélération de la mondialisation de l’économie et des transactions économiques orientées vers l’information.

M. MAHATIR BIN MOHAMAD (Premier Ministre de Malaisie) : malgré tous les efforts déployés par nos pays en termes d’assainissement économique, nous voyons monter les inégalités entre pays riches et pays en développement. Les niveaux de pauvreté s’accroissent et les inégalités résultant de la mondialisation, dont les avantages sont réservés à certaines régions du monde, s’aggravent. Il y a de plus en plus de divergences de croissance entre les pays les plus riches et les pays les plus pauvres, et le fossé entre les niveaux de revenus s’accroît en conséquence. Les pays développés les plus avancés ont un niveau de revenu par habitant qui s’élève en moyenne à plus de 25 000 dollars américains, alors que dans les nations les plus pauvres, ce revenu n’est que de 100 dollars. Les bénéfices du commerce et des investissements internationaux sont eux aussi inégalement répartis

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entre groupes de pays. L’opinion largement répandue selon laquelle les pays doivent embrasser la libéralisation et adopter des règles économiques globales pour que le développement suive automatiquement ne s’est pas avérée fondée, et il ne semble pas que les dogmes actuels en matière de commerce et d’investissements soient en mesure de répartir équitablement la richesse entre les peuples et les nations.

Les pays affectés par la crise, dont la Malaisie, ont pourtant adopté des réformes économiques et financières importantes afin de pallier les faiblesses inhérentes à leurs politiques macroéconomiques et de redonner confiance dans leurs structures économiques. Si au départ, la Malaisie a cru bon de suivre les recettes du Fonds monétaire international, nous avons dû les abandonner par la suite car elles n’étaient pas en harmonie avec la dégradation rapide de notre économie. Nous avions aussi noté que les prescriptions du FMI visant la mise en place de taux d’intérêts financiers élevés et le resserrement des marchés financiers, loin de redonner confiance, entraînaient, au contraire, une contraction de l’économie réelle et une hausse de la dette. Aussi, avons–nous décidé de mettre en place des politiques et des mesures adaptées à nos réalités et à notre situation. Bien que ces mesures ne soient pas orthodoxes, elles ont cependant mis notre économie dans la voie du redressement. Nous soutenons, bien que l’on nous ait traité d’hérétique, que les économies affectées d’Asie du Sud-Est pratiquaient, avant la crise, de bonnes politiques économiques qui leur permettaient de bénéficier de hauts taux de croissance. Il est regrettable que la communauté internationale ne puisse imaginer d’autre solution à la crise asiatique que celle de lancer des appels à l’amélioration de la transparence et de la gouvernance. Les structures internationales actuelles sont inadaptées à la résolution des questions de développement et de crise. Ces mécanismes, y compris les Nations Unies, la Banque mondiale et le FMI, n’ont jamais été capables de faire face aux questions et aux défis touchant les pays en développement. La crise asiatique a été l’exemple frappant de leur inefficacité. Concernant le commerce, il faudrait reconnaître que l’Organisation mondiale du commerce, personnification du système commercial multilatéral, ne pourra pas et n’a pas pu assurer une répartition équitable de ses bienfaits entre tous les pays. Face à cette réalité, les pays en développement doivent continuer à développer leurs capacités propres de résistance. Nous devons investir dans le développement des ressources humaines et dans l’éducation, avec un accent particulier sur la science et la technologie qui doivent être prioritaires. Dans le domaine intellectuel, si les pays riches peuvent prétendre à la protection des idées et des inventions, la connaissance doit cependant être rendue accessible à tous à un moindre coût. Les technologies de l’information étant devenues cruciales, la CNUCED pourrait lancer une série de programmes pour promouvoir une meilleure compréhension et une meilleure maîtrise de ce secteur vital par les pays en développement. Des situations de monopoles dangereux pointent

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à l’horizon, et nous sommes effrayés par les préparatifs que font de grandes multinationales, souvent plus puissantes que des Etats de taille moyenne, pour tirer à elles seules les avantages de la mondialisation. Les acquisitions et fusions qui rendent les grandes entreprises encore plus puissantes sont dangereuses et se multiplient grâce à Internet. Nos pays doivent donc faire action à tous ces géants résultant des techniques de l’Internet.

M. JOSEPH EJERCITO ESTRADA (Président de la République des Philippines) : la délégation des Philippines est venue à cette réunion avec l’espoir que la dixième CNUCED nous rapprochera d’un consensus sur un programme de développement et de survie qui sera bénéfique à tous les peuples et à toutes les nations au cours de cette nouvelle décennie et au-delà. Comme l’ont souligné des observateurs, l’échec des négociations de Seattle a créé de nouveau des désaccords dans le monde : une société civile internationale émergente qui dit “non !”. “Non” à la mondialisation comprise comme une fatalité. “Non” aux décisions prises et imposées par les “règles du marché” sans la participation des élus des peuples. “Non” à la vision d’un monde perçu comme un simple produit. “Non” à l’apathie face aux termes d’une mondialisation imposée.

Nous ferons remarquer qu’au milieu du IXXe siècle, le pays aujourd’hui le plus puissant et le plus dominant de la planète, qui était alors un jeune pays en développement, fut débordé par les termes de la mondialisation de cette époque. Certains de ses Etats n’ayant pas respecté leurs obligations financières, ce pays fut mis en dehors des décisions économiques et sur la liste rouge des investisseurs. En ce qui nous concerne, aujourd’hui, les dirigeants de l’Association des nations d’Asie du Sud-Est (ASEAN) sont venus réaffirmer à Bangkok leur détermination à s’engager, ensemble, dans la mondialisation de l’économie. Au cours des deux dernières décennies, l’Asie du Sud-Est, l’une des régions de grande croissance du monde, est passée du stade des plantations de palmiers et des rizières, à celui des gratte-ciel et des grandes usines de production industrielle, en créant des millions d’emplois.

Mais l’histoire récente nous a malheureusement appris que la croissance, même rapide, n’est pas un bouclier sans faille face aux crises. Aussi, pour y faire face, les nations de l’ASEAN ont-elles décidé en 1997, à Kuala Lumpur, d’une vision commune pour l’avenir. Nous avons lancé, dans la région, un processus et un mécanisme de surveillance de l’économie, et en 1998 à Hanoi, nous avons adopté un plan d’action pour concrétiser cette vision, en prenant notamment des mesures pour améliorer notre schéma de coopération industrielle et accélérer la mise en place de la zone de libre-échange de l’ASEAN, qui devrait voir le jour à l’horizon 2010 au lieu de 2015, et de sa zone des investissements privilégiés. Ces avancées sont un signe favorable pour la paix et la stabilité régionale, les unions commerciales et financières facilitant le règlement des différends politiques et de

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sécurité. En ce qui les concerne, les Philippines ont vu leur produit brut connaître une hausse de 3,2% en 1999, et nous prévoyons que cette hausse sera de 4 à 5% cette année. Nos exportations sont en nette progression, leur croissance annuelle moyenne ayant été de plus de 20% au courant des cinq dernières années, et s’étant maintenues à 17% durant la période de crise de 1998. Seule la mondialisation pouvait permettre de tels taux, mais nous devons travailler encore plus, en nous assurant que la guérison des économies de la région et la relance soient garanties à long terme. Pour cela, le système financier international doit être amélioré, dans la perspective de minimiser la volatilité des marchés et prévenir l’éclatement de nouvelles crises financières. Et concernant notre propre gestion, la transparence et la bonne gouvernance doivent s’imposer dans la conduite de nos affaires publiques et dans l’action de notre secteur privé. Les pratiques protectionnistes, dans lesquelles les Philippines s’étaient réfugiées il y a un certain nombre d’années, sont bel et bien dépassées. C’est en nous joignant à la course et en faisant face à la compétition que nous avons nos meilleures chances. Mais nous voulons, et nous demandons, que les règles de cette course et de cette compétition, du début à l’arrivée, soient justes, supportables et réalistes. La CNUCED, de par son rôle, peut aider, car l’ultime but de l’économie, faut-il le rappeler, doit toujours être le souci du bien-être des populations, et la capacité productive des nations n’est après tout, que le fruit de la somme des connaissances accumulées par les générations passées, d’où qu’elles soient.

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À l’intention des organes d’information. Document non officiel.